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site de François Xavier Bibert
Les Hommes du
Groupe de Chasse GC III/6
"Ce n'est
pas parce qu’on y était
qu’on ne s’est
pas trompé…"
En
1965, soit 20 ans après la fin de la guerre, j’avais juste 20 ans lorsque j’ai
découvert les photographies que mon père, simple mécano au III/6, avait
ramenées.
S’il est
mort à 88 ans en 2001 sans avoir toute sa tête, en 1965 il n’avait que la
cinquantaine et il fonctionnait encore plutôt bien !
Aucune
des photos n'avait de légende. J'ai pris un crayon à papier (prudence
prémonitoire ?) et je les ai toutes documentées au dos sous sa dictée. J’ai
aussi classé les négatifs bobines par bobines (encore une précaution
prémonitoire ?) et j’ai remis tout cela dans la traditionnelle boîte à
chaussures familiale.
Je ne
les ai retrouvées qu'en 2008, quand j'ai entrepris d'écrire mes pages "Les
Hommes du GC III/6". Je pense que personne n'avait regardé dans cette
boîte entre temps.
De
bonne foi, j'ai cru que toutes les informations que mon père m'avait données 43
ans plus tôt (les visages représentés, les types d’avions, les dates, les
lieux...) étaient en béton...
...
et patatras, que d'erreurs !!!
Aujourd’hui,
beaucoup font des recherches extrêmement pointues sur tous les événements et
les engins de cette guerre, en s’attachant au moindre détail. C’est absolument
nécessaire. Mais pourquoi certains de ces passionnés ont-ils une intransigeance
exagérée lorsqu’ils constatent des erreurs dans des témoignages, des récits,
des livres et ou des pages web ?
Ce
que l’on peut retenir de l’Homme « Le Gloan » est-il différent parce
qu’il n’a pas volé sur son Dewoitine habituel le 15 juin 1940 ?
Ma
conclusion personnelle est que ceux qui ont vécu le conflit n'ont pas attaché
autant d'importance que nous à tout de ce qui est factuel et que nous
connaissons aujourd'hui beaucoup mieux qu'eux.
Au
début de l’année 1940 mon père n’écrivait pas à mère qui était à
Chartres : « Je suis à Wez-Thuisy… », mais « On
est à 132 km plein est - nord/est de la capitale sous une grande ville »,
censure militaire oblige !
De
cette époque, j'ai retrouvé un jour une carte postale représentant un joli
petit hôtel de campagne des environs sans aucune légende. J'ai fini par
comprendre que le jeune couple débrouillard avait trouvé quand même les moyens
de s'y rencontrer au moins une fois, après s'être mariés en octobre 1939. Mon
père a pris des libertés avec la discipline militaire au risque de se faire
lourdement sanctionner, ma mère a pris des risques en faisant le trajet
interdit de Chartres à Reims avec sa petite Peugeot 201, sans avoir la
certitude de trouver l’essence nécessaire pour le retour !
J'en conclus que les photos conservées dans la boîte oubliée,
représentant des avions sur les terrains de Bouillancy, de Chissey ou de
Coulommiers , avaient beaucoup moins d'importance pour eux que cette carte
postale pieusement conservée dans le tiroir d’une table de chevet.
Sans se prendre pour des héros, sans penser qu’un jour on aurait
envie parler d’eux, les aviateurs ont fait l'Histoire et c’est nous qui
maintenant voulons l’écrire.
Leur véritable histoire est pour eux celle de leurs doutes, leurs
amours, leurs lassitudes, leurs deuils, leurs espoirs, leurs faiblesses, leurs
bonheurs, leurs erreurs... et surtout leur assourdissant silence des années
d'après guerre, quand ils ont compris ce qui leur était arrivé et dans quelle
galère des « Politiques » et des Etats-majors ineptes les avaient
conduits.
C'est plutôt de ce coté que se tournent mes efforts pour parler à
ma façon, avec prudence et tolérance, des aviateurs de 1939/1945. Si je
respecte totalement et profite outrageusement des connaissances livresques de
ceux qui fouillent inlassablement partout pour savoir de quel diamètre était le
5ème rivet situé sur le bord inférieur de… etc…, ce que je recherche
pour ma part in fine ne se trouve pas dans les archives, mais caché au fond de
l’âme de ceux qui ont malheureusement disparus sans la révéler.
Je n’ai aucun souvenir du bureau sur lequel j’ai passé mon
baccalauréat. Etait-il métallique ou on bois, étais-je à droite où à gauche de
la pièce ? Ce dont je me rappelle, c’est que j’avais une frousse bleue de
ne pas être à la hauteur !
Certains
de nos anciens ont écrit leur histoire personnelle dans des buts pas toujours
complètement honorable. Volonté de se glorifier ou volonté de se
dédouaner : Ce n'est pas parce qu’ils y étaient qu’ils ont dit toute la
vérité !
On en
a poussé d’autres à sortir de leur silence et à se raconter : Ce n'est pas
parce qu’ils y étaient qu’ils ne se sont pas trompés !
Il y a bien les archives, mais il faut rester prudent, car elles
peuvent parfois avoir été mal classées ou manipulées.
Qui
est historien ? Celui qui a acquis une telle notoriété médiatique que tous
ses écrits deviennent « La Vérité » ? Celui qui se prévaut d’un
magnifique diplôme mais qui peut avoir avalé sans sourciller les cours d'un
idéologue ? Celui qui a vécu l'événement de près et qui en témoigne
beaucoup plus tard pour des motivations diverses avec un discours
« adapté » puisqu’il connaît la fin du film ? Celui qui n'est
pas du sérail mais qui, s’étant penché avec soin sur des événements pour
lesquels il se sent concerné, relate les faits pour les faits, sans analyser
assez leurs origines et leurs causes, ce qui reste stérile, ou en voulant les
interpréter, ce qui est fatalement subjectif ?
De
tous il faut se méfier ; c’est au lecteur de se forger sa propre
perception des événements en sachant que tout rédacteur ne peut s’empêcher
d’écrire avec sa propre sensibilité !
L’objectivité
de l’histoire est elle directement liée ou non à l’impartialité des historiens ?
La réponse n’est pas aussi tranchée qu’on peut le penser ! (voir Note)
06/2009
Note : « L’objectivité de
l’histoire suppose-t-elle l’impartialité de l’historien ? » fut le
premier sujet de philosophie du baccalauréat 2007, ce que l’auteur ignorait au moment
de cette mise en ligne. Depuis de nombreuses pages web ont été consacrées à
cette interrogation, bachotage oblige...
« ... dans une histoire, il y a
celle :
de
l'acteur qui l'a vécu,
du
témoin qui a vu ce qui s'est passé,
des
archives et rapports retrouvés sur ce sujet précis,
du
souvenir de celui qui a eu le témoignage du témoin original sans rien avoir
jamais vu lui-même,
de
votre histoire telle que vous avez pu la reconstituer
et surtout, de l'Histoire telle qu'elle
s'est précisément déroulée à un moment précis d'une époque donnée ».
Texte d’un philosophe « anonyme » que Saint-Exupéry n’a sans
doute pas eu le temps de faire graver sur sa gourmette...
... les habitués des « Aéroforums » sauront l’identifier !!!