Lieutenant
Clément Jean Marie Pierre CHAZALVIEL
(1919 -1945)
Version imprimable
(PDF) de cette page
Liens :
Clément CHAZALVIEL vers 1944 (ci dessus)
Patrick CHAZALVIEL en
2005 (ci-dessous)
Patrick
CHAZALVIEL, arrivé à l’Ecole des Pupilles
de l’Air en 1955 à l’âge de 10 ans, est un de nos camarades orphelins qui
n’ont pas connu leur père mort glorieusement pour la France pendant ou des
suites de la guerre 1939/1945.
En
1939, ce jeune aviateur, comme beaucoup d’autres, avait moins de 30 ans. Ceux
qui, déjà mariés avant la déclaration de guerre où pendant celle-ci ont eu des
enfants avant de disparaître, victime de leur devoir, n’ont probablement pas eu
la chance de les prendre souvent dans leur bras…
Les
mères de ces enfants trop vite orphelins ne connurent leur époux qu’au cours de
brèves permissions. À l’âge où leurs fils ou filles furent en mesure de vouloir
vraiment savoir qui était leur père, elles n’avaient pas forcément autre chose
en mémoire que des souvenirs intimes dont elles n’avaient pas à parler. La
carrière militaire de l’homme qui avait trop rapidement partagé leur destinée,
quelques dizaines d’années plus tôt, n’était sans doute pour elles que ce
qu’elles avaient pu en lire sur son livret militaire…
Eveline
CHAZALVIEL, a sans doute découvert la vraie histoire militaire de son mari en
1953 quand elle dut avoir entre les mains « l’état des services du lieutenant
CHAZALVIEL Pierre, Clément, décédé le 26 novembre 1945 ». C’est en fait
une assistante sociale de la caserne Vandame à Lille qui le réclama au
ministère de l’air, sans doute pour obtenir de l’administration quelques droits
dont elle et ses deux enfants avaient bien besoin. Les pensions de ces veuves
furent en effet dérisoires face au sacrifice de leur jeune époux et de la dette
que la nation avait envers eux.
« L’Ecole
des Pupilles de l’Air de Grenoble », en donnant à ces veuves la
possibilité de prendre en charge les garçons, et « La Maison des Ailes
d’Echouboulains » les filles, à partir de leur sixième, permirent
heureusement d’aider un peu ces familles.
L’histoire
militaire de Clément CHAZALVIEL racontée ci-dessous est donc la transcription
fidèle de ce document du 17-07-1946, dans toute sa brutale sécheresse.
François
Xavier BIBERT (05/2008)
Lettre d’envoi de l’état général des
services de Clément CHAZALVIEL |
Premier feuillet de l’état général des
services de Clément CHAZALVIEL Cliquez sur l’image pour voir les autres feuillets au
format PDF ou lire la retranscription ci-dessous |
Transcription FXB
2006 (xxx si illisible)
CHAZALVIEL Clément
Né le 10 juin 1919 –Grenoble – Isère
Fils de Pierre et Marie Segers
Domicilié à Avignon – Vaucluse
Marié le 17-7-41 (autorisation du
général commandant l’air au Maroc en date du 14 juin 1941 n°5290/1)
Enfants :
Christiane Marie-Thérèse, née le
22/07/1943 à Tunis (erreur
sur le document : lire Ghislaine
au lieu de Christiane)
Patrick Jean-Pierre, né le 01/02/1945
à Meknès
Désignations des différentes
formations Positions diverses Ecoles Mission ou le militaire a servi 1 |
Grades successivement obtenus 2 |
Dates correspondant à chacune des
inscriptions colonnes 1 et 2 3 |
Observations 4 |
Engagé volontaire pour 8 ans au titre de l’école
spéciale militaire de St-Cyr le 21-9-39 |
2è classe |
21-9-39 |
|
Admis à l’école militaire d’application de l’Armée
de l’Air à Versailles le 4-10-1939 |
|
4-10-39 |
Breveté
observateur le 01/02/1940 Brevet
n°6020 |
Dirigé sur l’école de pilotage n°102 d’Orly le
1-3-40 |
|
1-3-1940 |
|
Promu au grade
se sous-lieutenant (A) le 20-3-40 |
Ss Lieutenant |
20-3-40 |
|
Dirigé sur l’école de pilotage n°102 d’Orly le
1-4-40 |
|
1-4-40 |
|
Se replie avec l’Ecole en A.F.N. Embarqué à Port
Vendre le 17-6-40 |
|
17-6-40 |
|
Débarqué à Oran le 19-6-40 et dirigé sur Mascara où
doit stationner l’école |
|
19-6-40 |
|
Mis en congé renouvelable de 30 jours et administré
à la Base dépôt de Blida a/c du 1_9-40 |
|
1-9-40 |
|
Affecté au groupe de reconnaissance 1/22 à Rabat le 1-12-40 |
|
1-12-40 |
|
Désigné pour suivre le stage d’instruction d’officiers
observateurs qui a lieu à Rabat a/c du 10-3-41 |
|
10-3-1941 |
|
Présent après les cours au GR 1/22 le 15-6-41 |
|
15-6-41 |
|
Promu au grade de Lieutenant à compter du 20-3-42 |
Lieutenant |
20-3-42 |
|
Rayé du contrôle du GR 1/22 a/c du 26-4-42 |
|
|
|
Affecté au Secteur n°11 à Tunis le 27-4-42 |
|
27-4-42 |
|
Affecté au GR 2/33 le 21-2-43 |
|
21-2-43 |
|
Fait mouvement de Laghouat sur Biskra le 17-7-43 |
|
17-7-43 |
|
Fait mouvement de Biskra sur Souma le 18-7-43 |
|
18-7-43 |
Breveté
pilote le
13-08-1943 Brevet
n°13 062 |
Fait mouvement de Souma sur la Murta (Tunisie) le
19-9-43 |
|
19-9-43 |
|
Affecté école de Kasba-Tadla
(réentraînement au pilotage) le 30-9-43 xxxxx |
|
30-9-43 |
|
Affecté au dépôt des pilotes de Meknès le 10-11-43 |
|
10-11-43 |
|
Affecté au dépôt des équipages multimoteurs à
Meknès le 22-10-43 (erreur de
mois ?) |
|
22-10-43 |
|
Détaché à l’école de Kasba-Tadla par TO N° xx 601/DM M2/EMGA du
29/12/43 |
|
29-12-43 |
|
Mis en route sur le C.F.C. de Meknès le 16-4-44 |
|
16-4-44 |
|
Détaché Training P47 – Mis en route le 25-5-44 |
|
25-5-44 |
|
Affecté au GC 2/3 – Mis en route par le Training le
1-7-44 |
|
1-7-44 |
|
Arrivé au GC 2/3 et présent le 8-7-44 |
|
8-7-44 |
|
Fait mouvement avec le 2/3 sur la France Embarqué le 8-9-44 Débarqué le 9-9-44 |
|
8-9-44 9-9-44 |
|
Fait mouvement avec le GC 2/3 sur l’Allemagne Passe la frontière le 20-9-45 |
|
20-9-45 |
|
Décédé au cours d’un vol de patrouille le 26-11-45 |
|
26-11-45 |
|
R.d.c * du GC 2/3 le 27-11-45 (*Rayé des
cadres) |
|
27-11-45 |
|
Sur
un papier découpé et collé après la rédaction de l’état : Promu au grade de Chevalier de la légion d’honneur par
décret en date du 1/4/46 Prise de rang le 20/11/1945 JO
du 18-7-1947 |
Date de la cessation du service
27-11-45
Motif de la cessation du
service : Décédé
Lieu où le militaire se retire :
Pour les décès, genre de mort et
lieu : Décédé en service aérien commandé
L’intéressé bénéficiera de la solde
budgétaire visé à l’article ………. de la loi N°………. du ………….. pendant la période
du ………… au …………. inclus
CERTIFIÉ CONFORME aux pièces et
documents du dossier
A Nancy le 17 juillet 1946
Le colonel Gourillon commandant le CRA
P201
Signature – Tampon
L’intéressé :
………………….
Compléments
Engagé volontaire en 1939
Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr
Ecole militaire d’application de
l’Armée de l’Air à Versailles
Clément
CHAZALVIEL en 1940
Groupe de reconnaissance 1/22 –Rabat -
1943
André
HARTEMANN qui sera Général de corps aérien fut :
du
01/06/40 au 25/07/40, commandant en second du groupe de reconnaissance 1/22.
du
25/07/40-01/03/41 commandant du groupe de reconnaissance 1/22.
Clément CHAZALVIEL fut donc sous des ordres
en 1941 à Rabat
Ce groupe de reconnaissance comprenait
deux escadrilles, la VB 109 et la VB 125 équipées à cette date de Martin 167.
|
|
Insigne
de la VB 109 |
Insigne
de la VB 125 |
|
|
GLEN
MARTIN 167 Dimensions : • Envergure : 18,69m • Longueur : 14,22m • Hauteur : 5,01m Masse : • A vide : 4890kg • Maximale : 7124kg Performances : • Vitesse maximale :
489km/h • Vitesse ascensionnelle :
720m/min • Autonomie : 1800km • Plafond opérationnel :
8830m Motorisation : 2 Pratt
& Whitney R-1830-SC-3G de 1065 ch. Armement : 6 mitrailleuses
de 7.5 mm, 800kg de chargement, (bombes de 10 ou 50kg). |
Les carnets de vols de Clément
CHAZALVIEL ont disparu. Mais on a retrouvé sa trace par hasard dans un des
carnets de vol de l’adjudant-chef Jean JOUQUANT qui fut pilote au GR
1/22 : le 18 août 1941, JOUQUANT, pilote, CHAZALVIEL, observateur, et un dénommé
DESALME firent un « essai avion » de 20 minutes sur le Glen Martin
167 n°57, comme le prouve le document ci-dessous :
Extrait
du carnet de vol de l’a/c Jean JOUQUANT – Pilote au GR 1/22 – 1ère
escadrille
Ecole de pilotage de KASBA-TADLA –
MAROC
texte adapté de http://www.aviation-fr.info/bestof/bestof34.php
Cette localité marocaine était située au
pied du Moyen Atlas, à 200 km de Casablanca, sur l'oued Oum-Er-Rebia. La région
appelée plaine du Tadla, était un lieu aride, froid en hiver, très chaud et sec
en été.
Il y avait là une petite base aérienne
qui avait été créée au cours des années 20 ou 30 pour assurer le stationnement
des avions participant à la pacification du Maroc. Ensuite cette base avait été
cédée à l'armée de terre, puis, en 1943, le régiment qui l'occupait étant parti
en Italie, elle fut rétrocédée à l'armée de l'air.
Kasba-Tadla
pendant la guerre
Celle-ci y avait alors créé une école de
pilotage dans le but de ré entraîner et de breveter les pilotes qui n'avaient
pu terminer leurs cours, à Istres, en 1940, par suite de l'armistice conclu
avec l'Allemagne.
Les événements du 8 novembre 1942
allaient permettre à ces pilotes de reprendre le combat avec des matériels
fournis par les alliés.
La base comprenait des casernements en
dur et, côté technique, quelques hangars et baraquements. La piste était
constituée par une vaste surface dépourvue de végétation. En plus de cette
piste, nommée "piste centrale", il avait, à quelques distances de
Kasba-Tadla, une autre piste appelée "piste sud" comportant quelques
hangars en toile.
En piste centrale étaient stationnés les
avions utilisés pour la reprise en main des pilotes. Ces avions étaient les
suivants :
- des Morane 315 et 230 ramenés de
France en 1940 ; les 315 étaient utilisés pour les tous débuts de
l'entraînement alors que les 230 étaient utilisés pour la voltige
- des Stamp ; biplan permettant
l'accoutumance au vol sur le dos car leur système de carburation permettait un
vol prolongé dans cette position
- quelques De Havilland Tiger Moth,
appelés familièrement "tigres mous".
- des Cessna AT17 utilisés pour
l'entraînement au vol sur bimoteurs.
En piste sud on trouvait :
- des Valiant Vultee BT13, avions US utilisés
dans les écoles américaines et dont la silhouette rappelait un peu celle du T6.
- des Douglas A24, une version
entraînement d'avions utilisés par la marine américaine sous le nom de SBD
Dauntless.
EXCEPTIONNEL ! Cliquez sur le lien ci-dessous : document PDF Cours de
bombardement en piqué
de 1944 Retranscription des notes manuscrites de Clément CHAZALVIEL |
Les
divers avions utilisés à l’école de pilotage de Kasba Tadla pendant
la guerre de 1939/1940 |
||
|
|
|
MORANE SAULNIER 315 |
MORANE SAULNIER 230 |
STAMP |
|
|
|
DE HAVILLAND Tiger Moth |
CESSNA AT17 |
VALIANT Vultee BT13 |
|
|
|
|
DOUGLAS A24 |
|
Le Groupe de chasse GC II/3
« Dauphiné »
Texte adapté d
ehttp://pagesperso-orange.fr/joel.blanc/jallier/gc2_3.html
Le 8 juin 1944 le GC II/3, équipé de 24
P-47 atterri sur le terrain d’Atto en corse où il rejoint le GC II/5 "LA
FAYETTE" arrivé un mois auparavant, avec qui il forme la 4ème
Escadre de Chasse. Le Groupe commence aussitôt à exécuter des missions de
bombardement en piqué et de mitraillage en l’Italie, puis sur la France avant
de participer à l’appuie du débarquement des alliés sur les côtes sud de la
France.
Le 7 septembre, le Groupe s’installe à AMBÉRIEU
d’où il commence à travailler sur les VOSGES et sur l’ALSACE. C’est la que
Clément CHAZALVIEL le rejoint le 9 septembre.
Clément
CHAZALVIEL et son REPUBLIC P-47 THUNDERBOLT
|
REPUBLIC P-47 THUNDERBOLT Envergure : 12.43m Longueur : 11.07 m Hauteur : 4.50 m Poids : 4 728
kg Poids maximum
: 7.031 kg Surface :
28.61 m2 Altitude maximum : NC Autonomie : 900 km Vitesse maximum : 760km/h Vitesse ascensionnelle 7m/min soit 9900 m en13 minutes 14’’
Plafond pratique : 12500m Vitesse de croisière : 480km/h Motorisation : 1 Prat&Whitney en R-2800-57 Double Wasp
à 18 cylindres en étoile de 2800ch Armements : 8 mitrailleuses de 12.7mm |
Pendant quelques temps, les avions
décollent de LYON BRON, le terrain d’AMBÉRIEU étant impraticable. C’est à cette
époque que le Groupe effectue ses premières missions d’appui d’approche des
troupes terrestres.
En janvier 1945, le Groupe se déplace à
LUXEUIL, où les avions sont longtemps bloqués par la neige. C’est la bataille
d’ALSACE, avec une flak redoutable pour les pilotes.
Mi février le groupe se déplace pour un
mois à DÔLE, puis revient à LUXEUIL.
En Avril, il s’installe à COLMAR HOUSSEN
et effectue toutes ses missions sur l’Allemagne et l’appui rapproché prend une
place de plus en plus grande.
Sur ce terrain se trouvent à cette
époque les groupes de chasse 3/3 Ardennes, le 2/5 La Fayette, le 2/3 Dauphiné
tous équipés de REPUBLIC P-47 Thunderbolt dernier modèle, avec verrière de type
goutte d'eau.
Il y a également deux groupes de
reconnaissance, le 1/33 Belfort et le 2/33 Savoie équipés de P-51 Mustang et de
P-38 F5B Lighting.
Jusqu’à la fin, le Groupe appuya les
troupes à terre, chaque pilote exécutant jusqu’à trois sorties par jour.
Après la capitulation le groupe reste à
COLMAR où il reprend l'instruction aérienne et la vie du temps de Paix, puis se
déplace en septembre sur COBLENCE, où il reste en occupation jusqu'au 12 août
1947 avant de faire mouvement sur l'extrême orient. Mais le Lieutenant Clément
CHAZALVIEL est déjà tombé, le 26 novembre 1945, six mois après la fin de la
guerre…
Registre
des accidents aériens de l’Armée de l’Air
Collision
des deux P-47 44 33749 et 44.20365
Citations du Groupe de
Chasse II/3 période 1943-1945 |
Citation
à l'ordre de l'Armée Aérienne "Groupe
de Chasse de grande classe qui, brillamment conduit au feu tout d'abord par le
Commandant BARBIER, puis par le Capitaine MENU, a obtenu des succès
remarquables grâce à l'efficacité de ses bombardements et de ses
mitraillages, tant sur les arrières de l'ennemi qu'en appui direct des
troupes au sol Au
cours de six mois de combat, a pris une part active à la bataille pour l'île
d'ELBE et au débarquement allié dans le sud de la France, a par la suite
efficacement appuyé, malgré des pertes sévères, l'attaque de la 1ère Armée
Française, qui devait ouvrir par la trouée de BELFORT, la route de l'ALSACE
et du RHIN. |
Citation
à l'ordre de l'Armée Aérienne: "Groupe
de Chasse qui a magnifiquement terminé la campagne. Sous le commandement du
Commandant MENU, puis du Capitaine FABRE dit GARRUS a causé de lourdes pertes
à l'ennemi battant en retraite. Par l'efficacité de ses pilotes, a
magnifiquement appuyé l'offensive de la 1ère Armée Française pour la
libération de l'ALSACE et au cours de son avance prodigieuse en ALLEMAGNE,
brisant les voies ferrées de l'ennemi, harcelant sans cesses ses communications,
bombardant ses dépôts et ses cantonnements au mépris d'une D.C.A. très
meurtrière. A exécuté en 5 mois 2000 sorties, totalisant plus de 4000 heures
de vol de guerre. |
Ces
citations comportent l'attribution de la Croix de Guerre avec palmes. |
Cliquez sur le lien ci-dessous
: document PDF Journal
de marche de la 4ème Escadre de chasse 13 juin 1944 – 8 Mai 1945 |
Documents personnels de la famille
CHAZALVIEL
|
|
Diplôme du Brevet militaire d’aptitude
aux fonctions de pilote d’avion |
Extrait des notes du cours de
bombardement en piqué de 1944 |
|
|
L’accident de Clément CHAZALVIEL sur
son REPUBLIC P47 THUNDERBOLD 26 novembre 1945 – NIEDERMENDING –
Allemagne |
|
|
|
Avis de décès |
Ghislaine et Pupilles de la nation |
Mémoire de proposition pour la Légion
d’Honneur |
Citation à l’ordre de l’Armée aérienne |
Citation à l’ordre de l’aviation de
chasse |
Citation à l’ordre de l’aviation de
chasse |
NOTA : les quatre documents ci-dessus sont signés du
capitaine Emmanuel PORODO (Ecole de
l’Air 1937), commandant la 1ère escadrille du Groupe de Chasse
« Dauphiné »,
dont il est fait état dans ce site sur la page consacré au C.I.C. de Chartres en
1939
Eveline CHAZALVIEL, la maman de
Ghislaine, née en 1943 et de Patrick, né en 1945, à l’Ecole des Pupilles de
l’Air de Grenoble en mai 1956 (communion solennelle de Patrick) |
||
|
|
|
Le CD regroupant tous les documents
concernant Clément CHAZALVIEL |
Le
REPUBLIC P-47 THUNDERBOLT
exposé
au Musée de l’AIR et de l’ESPACE du Bourget
Photo François-Xavier Bibert - 2006
Mise en page et compléments iconographiques : François
Xavier BIBERT – Mai 2008
TÉMOIGNAGE
QUATRE PETITES HISTOIRES de KASBA-TADLA par un ANCIEN
MÉCANICIEN de l’ÉCOLE de PILOTAGE
Une vieille bécane : Le Morane
Saulnier 230.
En octobre 1943 l'unité à
laquelle j'appartenais fut dissoute. Un matin, un LeO 45 nous emmena, des
camarades et moi, à la base de Marrakech, puis, de là, après quelques jours, à
Kasba-Tadla. Cette localité marocaine était située au pied du Moyen Atlas, à
200 km de Casablanca, sur l'oued Oum-ErRebia. La région appelée plaine du
Tadla, était un lieu aride, froid en hiver, très chaud et sec en été.
Il y avait là une petite
base aérienne qui avait été créée au cours des années 20 ou 30 pour assurer le
stationnement des avions participant à la pacification du Maroc. Ensuite cette
base avait été cédée à l'armée de terre, puis, en 1943, le régiment qui
l'occupait étant parti en Italie, elle fut rétrocédée à l'armée de l'air.
Celle-ci y avait alors créé une école de pilotage dans le but de réentrainer et
de breveter les pilotes qui n'avaient pu terminer leurs cours, à Istres, en
1940, par suite de l'armistice conclu avec l'Allemagne. Les événements du 8
novembre 1942 allaient permettre à ces pilotes de reprendre le combat avec des
matériels fournis par les alliés.
La base comprenait des
casernements en dur et, côté technique, quelques hangars et baraquements. La
piste était constituée par une vaste surface dépourvue de végétation. En plus
de cette piste, nommée "piste centrale", il avait, à quelques
distances de Kasba-Tadla, une autre piste appelée "piste sud"
comportant quelques hangars en toile.
En piste centrale, où je fus
affecté, étaient stationnés les avions utilisés pour la reprise en main des
pilotes. Ces avions étaient des Morane 315 et 230 ramenés de France en 1940.
Les 315 étaient utilisés pour les tous débuts de l'entraînement alors que les
230 étaient utilisés pour la voltige.
Lors de mon arrivée on
avait sorti du fond d'un hangar un 230 à bout de souffle et je m'étais vu
confier la tâche de redonner vie à cet appareil. On ne le destinait pas à faire
de la voltige mais simplement à être utilisé comme un 315.
Après avoir fait des
réparations sur la cellule je m'attelai à la remise en état du moteur. Celui-ci
tournait encore mais aurait, en d'autres temps, été ferraillé depuis longtemps.
Comme il n'y avait pas de pièces de rechange, puisque l'AFN était coupée de la
métropole, je dus aller fouiller dans les recoins oubliés du magasin.
Un jour, alors que je
faisais tourner le moteur au point fixe, un adjudant, connu pour son langage
haut en couleurs, tomba en arrêt devant "mon" avion. Puis il me cria
: " Ton bourrin tourne comme une patate chaude dans la gueule d'un flic !
". Puis il ajouta : " Ca c'est marrant ! J'ai déjà connu ce piège
(avion) à Istres en 1937 !".
Sur le moteur en étoile du
230, les culbuteurs, ainsi que leurs ressorts et leurs tiges de commande,
travaillaient à l'air libre. Ils devaient être lubrifiés, lors des révisions,
avec une pompe à graisse. Ayant constaté que ces culbuteurs avaient pris un jeu
excessif sur leurs axes je me suis employé à en remplacer les bagues. Il y en
avait encore quelques-unes au magasin. Après avoir fait maints travaux et
plusieurs points fixes je considérai que l'avion était enfin disponible.
Cependant, selon l'usage,
un vol d'essai était prévu, avec ma participation. Donc, le lendemain matin, un
moniteur fut désigné pour ce vol.
Le 230 était, bien
entendu, un avion à double commande. Le pilote occupait la place arrière tandis
que le stagiaire-pilote, ou le mécano, s'installait à la place avant.
Sur tous ces avions il y
avait bien longtemps que le dispositif de démarrage pneumatique du moteur était
hors service. Par suite, pour la mise en route, nous utilisions la procédure
manuelle :
1- Après s'être assuré auprès du
pilote que le contact était coupé, le mécano faisait un brassage moteur,
2- Puis il se plaçait sur le côté de
l'hélice, à environ 3 mètres d'elle et légèrement décalé vers l'avant par
rapport à son plan de rotation,
3- Ensuite il interrogeait le pilote :
"prêt ?", celui-ci répondait en écho : "prêt !",
4- Alors le mécano s'élançait et, tout
en courant, saisissant une pale de l'hélice, passait une compression et criait
"contact !",
5- Le pilote répondait "contact !
" puis, joignant le geste à la parole, mettait le contact et actionnait la
magnéto de départ (à l'aide d'une manivelle). Le moteur hésitait deux ou trois
secondes puis démarrait dans un nuage de fumée d'huile.
Revenons maintenant à
notre vol d'essai.
Le moniteur avait prit sa
place à bord du 230. Après la mise en route je pris la mienne. Un camarade
retira les cales de roues. Le pilote s'éloigna des hangars, pris de la vitesse
et poussant la manette à fond décolla après quelques deux cent mètres. Ensuite
il mit le cap sur les montagnes avoisinantes.
Après avoir navigué plein sud
et pris de l'altitude l'avion se trouva au-dessus d'un vallon verdoyant,
contrastant avec la plaine aride du Tadla, et enclavé entre deux chaînes de
montagnes. Le 230 survola quelques villages berbères et une vieille forteresse
abandonnée. Une rivière aux reflets argentés, l'oued Moulouya, serpentait au
fond du vallon. Après vingt minutes de vol le pilote fit demi-tour et suivi le
même chemin en sens inverse.
A mi-parcours quelque
chose vint heurter mon pare brise. C'était une tige de culbuteur qui venait de
reprendre sa liberté. Des projections d'huile vinrent obscurcir le pare-brise.
Le moteur se mit à vibrer et accusa une perte de puissance. Le pilote compensa
immédiatement celle-ci en ouvrant plus largement les gaz, puis il repris de
l'altitude et, franchissant la montagne, mis le cap sur Kasba-Tadla ou il
atterrit sans encombre.
En examinant le moteur je
m'aperçut que l'un des cylindres s'était décollé du carter en raison de la
rupture de ses goujons de fixation.
Sur ordre de l'officier
mécanicien l'avion fut remisé définitivement au fond du hangar. Peut-être s'y
trouve-t-il encore aujourd'hui ?
02/2008 - SOSTENE21
La vie quotidienne d'un mécanicien à
l'école de pilotage de Kasba-Tadla
La population civile de
Kasba Tadla s'élevait à plusieurs milliers d'habitants avec, parmi eux,
quelques dizaines de familles européennes. Les activités principales étaient
l'agriculture et l'élevage.
L'entrée de la base
donnait directement sur la rue principale de ce que l'on aurait pu appeler
"le bourg". De part et d'autre de cette rue il y avait une dizaine de
cafés, ou de cafés-restaurants, fréquentés surtout par le personnel de la base.
La rue débouchait sur une grande place à l'extrémité de laquelle se trouvait
une ancienne forteresse qui, par sa façade opposée, dominait l'Oum-er-Rebia.
L'effectif de la base se
montait à 800 militaires : personnel du commandement et de l'administration,
moniteurs-pilotes, stagiaires-pilotes, mécaniciens, auxquels venaient s'ajouter
les tirailleurs marocains chargés du service de garde.
L'unité de l'armée de
terre qui avait occupé les lieux, avant le retour de l'aviation, était partie
combattre en Italie. Certaines des familles des officiers et sous-officiers de
cette unité étaient restées dans des logements situés à l'intérieur de la base.
Je m'étais installé dans
une chambre avec quatre autres collègues. L'un d'eux, mécanicien, était
originaire de Barcelonnette. Un autre, lui aussi mécanicien, était de Tanger.
Les deux autres étaient des stagiaires-pilotes qui venaient du Groupe de Chasse
1/3. L'un était d'Oran et l'autre de Paris.
Chaque jour le travail
commençait à 8h et se terminait à 12h. Ensuite reprise à 13h. Fin du travail à
19h. En juillet/août les horaires étaient modifiés en raison de la chaleur
estivale. Le matin, à 8h30, tous les avions devaient être en vol, sauf ceux
indisponibles pour révision. Aux commandes des Morane 315 les stagiaires
devaient se réaccoutumer aux diverses phases du pilotage et, parmi elles, à la
P.T.S. (Prises de Terrain en S). Il s'agissait d'approcher la piste en faisant
une série de lacets comportant des virages relativement serrés. A la sortie du
dernier virage l'avion devait se trouver à l'altitude et dans l'axe corrects
pour l'atterrissage. Après le 315 c'était le 230 et la voltige.
Les stagiaires passaient
d'un type d'avion à un autre au fur et à mesure de l'avancement de leur
instruction. A la fin du stage, suivant les résultats obtenus, ils allaient
continuer leurs cours à Meknès (chasse) ou à Marrakech (bombardement).
Dans ma fonction de
mécanicien j'avais affaire, comme mes collègues, au manque de pièces de
rechange. Cette pénurie concernait, en premier lieu, les bougies d'allumage.
Chacun d'entre nous disposait de deux jeux de bougies. L'un de ceux-ci équipait
le moteur au départ du matin tandis que l'autre était gardé en réserve.
Vers 10h, après cinq ou
six décollages, le moteur usé par l'âge ayant encrassé ses bougies, l'avion
revenait au hangar. Je remplaçais rapidement les "vieilles" bougies
par le jeu de réserve. L'avion repartait tandis que je me mettais en devoir de
nettoyer les bougies démontées. Le même scénario se répétant en fin de matinée
et dans l'après-midi nous passions une grande partie de notre temps à nettoyer
des bougies ou, éventuellement, à en régler les électrodes.
Quelques temps après mon
arrivée, mon 230 ayant effectué le nombre d'heures de vol prévu entre révisions
je dus procéder aux vérifications d'usage, sur la cellule, le moteur, etc.
Avant sa remise en service l'avion devait être essayé en vol par un moniteur
pilote. Cette opération, baptisée "essai de voilure", consistait à
exécuter avec l'appareil un certain nombre de figures de voltige. A cette
occasion le mécano pouvait, s'il le désirait, occuper la place disponible.
Personne ne reculait devant ce qui était parfois une épreuve difficile pour les
estomacs délicats. D'ailleurs pour parer à toute éventualité il nous était
recommandé d'emporter une musette destinée à recevoir les rejets éventuels.
Je fis donc comme tout le
monde.
Le pilote, un adjudant-chef,
mit les gaz, décolla et prit rapidement de l'altitude. Arrivé à environ 2000m
il réduisit complètement le moteur et attendit le décrochage de
l'appareil…Celui-ci fit une abattée sur le côté et s'engagea en piqué. Le
pilote remit les gaz et fit une remontée rapide. Ensuite il enchaîna avec une
série de tonneaux suivie de plusieurs boucles et immelmanns. Je commençais à
avoir l'estomac en perdition.
Durant ces évolutions le
moniteur vit un oiseau de grande taille qui volait au-dessous de nous. Je compris
les intentions de l'adjudant-chef mais que pouvais-je faire en faveur de cet
oiseau ? Le pilote dépassa celui-ci, puis, poussant sur le manche, exécuta ce
que l'on pourrait appeler un immelmann à l'envers. Il fit une demi boucle vers
le bas et comme, suite à cette manœuvre, nous étions sur le dos, il fit un
demi-tonneau pour se rétablir. Avant que je puisse reprendre mes esprits, il y
eut un choc et le pare-brise se couvrit de sang et de plumes. C’en était trop,
je dus, à mon grand regret, faire usage de ma musette…
L'adjudant-chef mis,
enfin, un terme a mon calvaire et ramena l'appareil au terrain. A sa descente
d'avion il me dit que tout allait bien. C'était un brin réconfortant mais je
dus, en plus du nettoyage du pare-brise, extraire un à un les débris et plumes
qui étaient venus s'encastrer entre les ailettes des cylindres…
02/2008 - SOSTENE21
Nos conversations à l'école de pilotage
de Kasba-Tadla
Les distractions étaient
rares à Kasba-Tadla. De temps à autres les repas de fin de stages apportaient
quelque animation. Le reste du temps j'allais, après le dîner, m'asseoir dans
un café avec les copains de chambre. La conversation allait bon train. Chacun
rapportait et commentait les incidents de la journée. L'aviation était bien
entendu au centre de la discussion, mais il y avait aussi les potins qui, de
bouche à oreille, se propageaient à travers la base. Ceux-ci pouvaient
concerner les événements internationaux mais aussi les problèmes internes à la
base et, bien souvent, les commérages visant des habitants de la localité,
militaires ou civils.
Ainsi, par exemple,
certains prétendaient avoir vu, au travers des volets d'une chambre du
rez-de-chaussée de l'hôtel-restaurant, un adjudant se livrer à certains ébats
avec la serveuse de l'établissement. D'après les dires il était nu comme un
ver, ce qui était dans l'ordre des choses, mais, curieusement, il avait gardé
sa casquette d'adjudant. Et chacun de se poser la question : était-ce pour
affirmer son autorité auprès de la dame, ou bien pour assouvir un fantasme
cultivé par l'un ou l’autre des participants, ou tout simplement pour cacher
une calvitie naissante ? La question reste posée !
D'ailleurs les rapporteurs
étaient-ils des témoins dignes de foi ? Personne ne pouvait affirmer quoi que
ce soit, mais on en parlait quand même.
Il faut dire qu'il y avait
800 hommes à la base et quasiment pas de femmes. Il y avait les épouses des
militaires de l'armée de terre mais celles-ci restaient, en général, fidèles à
leurs maris partis combattre en Italie. Quelques-unes unes, cependant,
faisaient exception à cette règle. Une fois leur réputation établie il y avait
beaucoup d'amateurs mais peu d'élus.
En désespoir de cause il
restait deux alternatives : le "quartier réservé" ou bien
l'établissement tenu par une femme dénommée "la Mère Blanche". Mais
peu se hasardaient en ces lieux pour autre chose que boire un thé ou une
limonade. Ceux qui cédaient à la tentation étaient souvent vus, quelques temps
après, rasant les murs du côté de l'infirmerie.
Tard dans la soirée nous
regagnions notre chambre. La conversation reprenait mais, cette fois, il était
questions d'événements du passé, souvent plaisants.
Périodiquement revenait sur
le tapis une histoire dont personne ne pouvait garantir l'authenticité ;
sur le Morane 230 les manches à balais des places avant et arrière pouvaient se
retirer facilement par simple traction manuelle sur un axe. On racontait qu'un
moniteur de l'école d'Istres, avant guerre, avait pour habitude, lorsqu'il
jugeait son élève apte à être lâché en solo, de retirer son propre manche et de
le jeter par-dessus bord, laissant ainsi à l'élève le soin de poser l'avion. Un
jour, un garçon facétieux emporta un deuxième manche avec lui. Lorsque le
moniteur jeta son manche l'élève jeta aussi le sien qui n'était, en fait, que
le manche supplémentaire. Ce que voyant le moniteur aurait, disait-on, utilisé
son parachute pour regagner la terre ferme, tandis que l'élève ramenait l'avion
au terrain.
Inutile de dire que la
véracité de cette histoire n'a jamais été confirmée.
Les anciens du groupe de
chasse 1/3 évoquaient des souvenirs communs ; la tempête du 3 janvier 41,
les virées sur la plage d'Ain-el-Turk, la " marche sur Misserghin ".
L'année 42, avec l'arrivée des Américains, n'était pas oubliée.
Misserghin était une
petite localité située à une dizaine de kilomètres de la base d'Oran-La Sénia.
Le commandement avait décrété, durant l'année 1941, que le personnel devait entretenir
sa forme physique et, pour cela, il serait dorénavant astreint à faire de la
marche, comme dans l'infanterie. Un premier exercice fut organisé. Il
s'agissait de faire, avec armes et bagages, le trajet aller et retour La
Sénia-Misserghin. Dans cette dernière localité un repas serait servi dans le
réfectoire d'un régiment cantonné sur place. Le détachement de l'armée de l'air
était commandé par un capitaine du service administratif (celui-ci était, à
l'origine, un pilote mais il avait été versé dans un service au sol à cause de
son intempérance). A l'aller tout se passa comme prévu mais, à Misserghin, le
régiment chargé d'organiser le repas avait mis les petits plats dans les
grands. Ce qui devait n'être qu'un repas frugal devint plutôt un "gueuleton"
avec vin à discrétion. Le retour à la base fut très problématique. On aurait pu
croire que le détachement était perdu, corps et biens. Cependant les
participants commencèrent à arriver, d'un pas incertain, individuellement ou
par petits groupes. Les retours s'échelonnèrent sur, peut être, deux heures. Il
y eut des sanctions ; salle de police ou arrêts de rigueur. L'expérience
ne fut pas renouvelée…
Outre ces anecdotes se
rapportant à la vie militaire, nous évoquions nos vies d'avant guerre, dans nos
quartiers ou nos banlieues. Nous pensions à nos parents de qui nous étions sans
nouvelles depuis longtemps.
Au début de 1944, une
note, provenant du commandement de l'armée de l'air en A.F.N., fut affichée au
service administratif de la base. Le commandement recherchait des mécaniciens
volontaires pour une affectation, comme mécaniciens navigants mitrailleurs,
dans des groupes français de bombardiers lourds opérant en Angleterre. Nous
fûmes tous volontaires. Nous attendions cela depuis longtemps. . Cependant en
raison du manque d'effectifs à la base aucun d'entre nous ne fut agréé.
Nos espoirs de participer
à la libération de la France s'envolaient.
Plus tard, en octobre
1945, ce fut le retour en métropole et à la vie civile...
02/2008 - SOSTENE21
Du bromure dans le pinard
En avril 39 je me suis
engagé à l’école des apprentis mécaniciens de l’armée de l’air.
A cette époque là, dans
toute l'armée française chacun rapportait que du bromure était versé dans le
"quart de vin" qui, traditionnellement, accompagnait le repas des
militaires. Une chanson s'intitulant Les "bromurés" avait d'ailleurs
été composée. Pour des hommes éloignés de leur foyer cette médication aurait eu
pour effet, disait-on, de calmer leurs ardeurs érotiques Fallait il accorder un
crédit à ces assertions ? La question reste posée !
Pour nous, les arpètes, un
souci supplémentaire nous minait le corps et l'esprit. Chez tous ces jeunes qui
sortaient, pour la plupart, de leur milieu familial, se manifestait une
certaine paresse intestinale Pour parer à cette difficulté les autorités
médicales faisaient verser un laxatif dans notre nourriture, c'est du moins ce
qu'on disait. Quoi qu'il en soit, chaque nuit, notre sommeil était perturbé par
des cavalcades incessantes dans les escaliers de l'école et des courses
éperdues vers les lieux d'aisance. Les élèves étant pourvus de sabots de bois,
le tapage nocturne était insupportable. Détail cocasse, par le plus malheureux
des hasards les coureurs ensabotés qui arrivaient au rez-de-chaussée devaient,
pour accéder aux WC, pantalon déjà sur les genoux, passer devant l'exaltante
devise de Guynemer, inscrite en gros caractères sur le mur ;"FAIRE
FACE" !
Le dimanche suivant mon
arrivée à l'école j'assistais, avec les copains, dans l'amphithéâtre de la base,
à la projection d'un film particulièrement captivant qui s'intitulait, je
crois, "Le Tigre du Bengale". C'était un classique qui, peut être, de
nos jours, termine sa vie, au fond d'un placard, dans les archives de la
nouvelle école… J'étais là, à admirer les rondeurs de l'héroïne du film,
lorsque je ressentis les premières atteintes du mal qui répandait la déroute
dans le camp des apprentis. Je quittai alors précipitamment la salle.
Comme il me semblait très
aléatoire de chercher des lieux d'aisance sur place je tentai d'atteindre, dans
un galop d'enfer, les latrines des casernements situés à environ 500 m de là.
Chemin faisant je rencontrais, tout en courant, quelques anciens arpètes qui
m'abreuvèrent de sarcasmes. Pas un bosquet, pas une frondaison pour
m'arrêter ! Cependant je progressais, mais, au fur et à mesure que
j'approchais du but, mon abdomen se faisait de plus en plus pressant…
En arrivant sur les lieux
de ma supposée délivrance je constatai avec angoisse que toutes les cabines
étaient déjà occupées. Une file d'attente s'était formée. Certains ex constipés
tambourinaient sans succès sur les portes derrière lesquelles nous entendions
des bruits d'apocalypse. Vaincu par l'adversité je fus contraint, à mon corps
défendant, comme beaucoup d'autres, à l'abdication de ma dignité et à la
débâcle qui s’en suivit.
Voilà ce que furent mes
piètres débuts dans l'armée de l'air. Tout cela n'a rien de très
aéronautique !
02/2008 - SOSTENE21