LES CHANTIERS DU FER
De Gérard DALSTEIN
Par Guy FELLER
Supplément du
Républicain Lorrain du 19 mars 1995
Né à Nancy il y a un peu moins d'un demi siècle, Gérard Dalstein
est un enfant de la mine. Paradoxe. Il aura suffi d'un oncle (le Mimile appelé familièrement
pépère) vivant avec sa petite famille dans une cité ouvrière (celle des
Vauziers à Saulnes près de Longwy) pour filer le virus à ce petit bonhomme
élevé au gaz de ville, aux trains à vapeur et aux études de longue haleine. La
maladie de la mine gagnera du terrain au point de mûrir une réflexion de plus
de trente ans avec au bout un pavé de 300 pages qui vient de paraître aux
Éditions Serpenoise.
« Un rêve a pris corps » écrit Gérard Dalstein à la première ligne
de cet ouvrage exceptionnel qui fait et fera référence par l'ampleur du
travail, l'étendue de la recherche technique et l'originalité de la composition
et du traitement de l'information. Le rêve de toute une vie...
C'est une histoire singulière que nous raconte Gérard Dalstein ;
l'histoire de ces hommes déracinés venus des quatre coins de l'Europe et qui
ont croisé leur chemin et leur destin dans les cages de descente vers les
entrailles de cette terre lorraine si ingrate et pourtant si nourricière. « Des
hommes qui chantaient leur pays, ensemble, en oscillant comme les vagues de la
mer et qui m'ont fait pleurer et regarder le ciel où brillait d'un éclat
fugitif une carcasse de gros insecte argent comme un avion s'en allant vers
l'endroit où leur nostalgie voulait m'emmener, comme vers un rêve de bonheur...
»
LE VILLAGE DE MAINVILLE EN
1987
Histoire d'un coup de foudre aussi que cette rencontre
exceptionnelle entre un gamin aux yeux émerveillés et ces héros qui allaient,
harnachés, fouiller le filon de la terre, chercheur d'un or rouge comme le
sang, radieux comme le soleil. De cela, il sortira une émotion vive et
partagée, bien sûr, mais aussi plus que cela, une somme considérable sur la
technique de la mine. Gérard Dalstein a manié tout à la fois le scalpel du
chirurgien pour nous ouvrir les boyaux conduisant au cœur de la mine sur le
front de l'abattage et la craie du pédagogue.
C'est du reste le pari fou de ce livre pas comme les autres. De
mêler avec art et une sorte de gourmandise intellectuelle les genres : les
superbes dessins à la craie grasse, à la gouache ou à l'encre de chine, l'étude
technique très pointue, le commentaire très réfléchi et la narration à la
première personne. Car ici, le moi n'est pas haïssable. Il est le bienvenu. Il
est gage de sincérité ; il correspond à l'engagement d'un homme qui n'oublie
rien et ne renie rien de son enfance.
QUAI
DE CHARGEMENT A LA MINE DE MAIRY
Les mineurs, comme Claude Lucas et Jean-Marc Thor, tout deux de
l'association de l'AMOMFERLOR (1), ne s'y sont pas trompés qui veulent voir
dans l'utilisation du "Je" dans un livre aussi encyclopédique la
volonté d'affirmer une grande complicité entre l'auteur et les acteurs du
livre. « La subjectivité est une manière d'établir une relation personnalisée
avec le lecteur, de cheminer ensemble en sympathie... » Car n'en doutons pas,
ce rêve de toute une vie est aussi devenu celui de toute une génération mise au
repos après la fermeture du dernier puits, à Moyeuvre.
Pourtant Gérard Dalstein veut démystifier. Il se refuse à faire
dans le misérabilisme. Rien à voir avec Germinal. Le Pépère nous apparaît comme
une figure emblématique brûlant d'une flamme intérieure, si caractéristique de
cette population du Nord de la Lorraine qui pour avoir la peau dure, n'en a pas
moins le cœur tendre. Mais Gérard Dalstein tente aussi de répondre sur le
comment. L'homme fouillant le sol est une image inscrite dans la mémoire
collective de l'humanité. A la recherche de sa propre subsistance. Le maître de
forges fut d'abord un paysan, un homme de la terre.
Par contre, il lui faudra acquérir l'intelligence pour affiner sa
recherche et pour traiter en surface les pépites du métal rouge. Ce sont les
moyens mis en œuvre pour assurer cette conquête du fond qu'évoque avec beaucoup
de dessins techniques Gérard Dalstein. On y apprend comment foncer un puits,
comment exploiter le front de taille, comment étayer les galeries, comment
transporter les richesses arrachées à la terre vers le carreau, comment pomper
les eaux, comment assurer la sécurité... C'est la partie la plus épaisse du
livre, la plus documentée, puisque l'auteur s'est rendu souvent sur place pour
mesurer les machines et les reproduire au centimètre, la plus étonnante...
Mais aussi la plus fabuleuse. On ouvre ce livre comme on .fonce un
puits. On y pénètre comme dans une galerie, avec une certaine appréciation. On
peut être inquiet devant le côté savant du livre. Et puis tout à coup, on est
bien... comme si la terre offrait un cocon chaud et soyeux et éteigne nos
peurs.
« La mine était pour eux comme un sous-marin » Le petit Gérard y a
vu lui comme le bathyscaphe du professeur Nemo... Vous avez dit aventures ?
(1)
AMOMFERLOR : association mémoire
ouvrière des mines de fer de Lorraine à Neufchef (Moselle) à l'origine de la
création du musée des mines de fer.
TRACTEUR DIESEL A LA MINE D’HOIL A RODANGE
GARE DE NANCY – DEPART DU TRAIN DU SOIR VERS LONGWY
Depuis 1995, Gérard
DALSTEIN a publié les tomes II et III des Chantiers du Fer
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Autres liens INTERNET
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« Fontes » -
Numéro consacré au site de Dommartin-le-Franc et ses deux usines.
Le
numéro 64-65 sort du commun : entièrement en couleurs, il fait le point sur le
projet de restauration du haut-fourneau de Dommartin-le-Franc tel que l'ASPM le
conduit dans le cadre du pôle d'excellence rurale avec le conseil de Gérard
Dalstein, spécialiste de la métallurgie et sidérurgie ancienne.
Livre d’or de François Xavier BIBERT