Mes adieux à

JACQUES CHIRAC

Paris – Champs-Élysées

8 mai 2007

 

par François-Xavier BIBERT

texte du 30 septembre 2019, journée de Deuil National

 

  

Jacques et Bernadette CHIRAC – Carte de vœux pour 1989

 

Le 7 octobre 1960, j’avais 15 ans ½ et j’étais élève en classe de première à l’Ecole des Pupilles de l’Air de Grenoble, une remarquable école militaire réservée aux enfants d’aviateurs décédés en service ou admis sur concours pour les places disponibles.

 

Insigne textile de l’Ecole des Pupilles de l’Air de Grenoble

 

Ce jour-là, le long du Boulevard Joseph Vallier, à l’extérieur de l’enceinte de l’école, sur un vaste trottoir, les quelques 20 classes, de la 6ème à la terminale (les « Pipins »), ainsi que les deux classes préparatoires à l’École de l’Air de Salon de Provence (les « Poussins ») avait été alignées aux ordres des sous-officiers qui encadraient chacune d’elle. Tous les nombreux militaires de carrière de l’Armée de l’Air, du colonel commandant l’établissement aux caporaux en passant par notre aumônier, comme les appelés du contingent, qui étaient affectés à l’Ecole pour son bon fonctionnement, étaient également présents, en grande tenue, ainsi que notre directeur des études et la plupart de nos professeurs, des civils triés sur le volet !

Le cortège du Général de Gaulle qui visitait la région était attendu !

L’image de la silhouette impressionnante du Général debout dans sa magnifique Simca « Chambord » présidentielle, passant trop rapidement, est restée depuis cette minute gravée dans ma mémoire, tout comme l’émotion ressentie, les poils qui se hérissent, la chair de poule qui chatouille, les yeux qui se mouillent...

 

Simca « Chambord » V-8 présidentielle du Général de Gaulle

 

Exactement 10 ans plus tard, diplôme d’Ingénieur des Mines en poche, après un service militaire de 12 mois réussi, j’ai pris courant octobre 1970 mes fonctions à Mairy‑Mainville, une Mine de Fer de Meurthe et Moselle, à la tête d’une vingtaine de porions, des Agents de Maîtrise chevronnés qui avaient tout à m’apprendre et de 200 « gueules jaunes », des solides mineurs, tous adhérents à la puissante C.G.T, peu perturbés par mon arrivée ! Un peu comme celle d’un jeune sous-lieutenant, issu de Saint-Cyr, prenant le commandement d’une compagnie de vieux guerriers !

De 13h 00 à 13h 30, avait lieu tous les jours le « rapport », entre les porions du poste du matin qui remontaient tout poussiéreux et ceux qui descendaient pour le poste de l’après-midi. L’Ingénieur, en costume cravate bien évidemment, face à ces hommes en tenues de travail maculées de graisse, se devait d’être présent pour s’informer, et prendre éventuellement quelques dispositions particulières...

Le mardi 10 novembre, je me suis présenté au rapport avec un costume sombre et une cravate noire... Le Général de Gaulle était mort la veille ! Accueil étonné, glacial !

Le jeudi 12 novembre, à la stupéfaction de mon Directeur, j’ai pris mon premier jour de congé, un mois seulement après mon arrivée, et je suis parti pour Colombey-les-Deux-Églises avec une antique Renault R8 bringuebalante, à 220 km de là... pour arriver finalement tellement tard et tellement loin du centre du village que je n’ai pu apercevoir le clocher que de loin, mais j’y étais !

Pendant les 10 ans que j’ai passés ensuite dans cette Mine, mes rapports avec le « Délégué Mineur » et le syndicat ont été d’une simplicité déroutante, car tout avait été mis sur la table ce jour-là ; chacun savait à quoi s’en tenir, et plus le temps passait, et plus ce qui était apparu comme une certaine provocation en 1970, se transforma en une certaine forme de respect pour nos convictions réciproques, au fur et à mesure que la stature du Général imposa peu à peu dans le pays un respect grandissant pour sa Personne et son action et qu’un jeune ingénieur fougueux comprit peu à peu que les luttes des ouvriers mineurs n’étaient pas toute inutiles ou injustifiées, et qu’il devait les anticiper !

 

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Cependant, en 1978, pour les élections législatives, il y avait ceux qui soutenaient maintenant le « Bulldozer » CHIRAC ; « oui à la France qui gagne, oui à la France qui invente », et ceux qui préparaient la victoire de l’Union de la Gauche qui n’arriva que trois ans plus tard ; « La Victoire en votant » !

Je n’étais pas encarté, mais avec en main son petit bouquin « Discours pour la France à l'heure du choix » dans l’espoir de me le faire dédicacer, je me suis déplacé un soir, pendant la campagne que Jacques CHIRAC menait tambour battant, dans une obscure petite salle de Longwy pour le voir et l’entendre... Il y avait moins de quarante personnes devant une petite estrade juste surmontée d’une méchante table en bois et de quelques chaises... J’étais resté seul debout à l’arrière, contre une colonne métallique. Sur le côté de la salle, à ma droite une porte s’est ouverte brusquement, quelques personnes entrent, CHIRAC les suit au pas de charge !

Je tends ma main... il me la serre au vol en me regardant droit dans les yeux avec une chaleur irradiante, me contourne, s’engouffre dans la courte allée centrale et saute sur l’estrade : la silhouette impressionnante du Maire de Paris et du Président du R.P.R. est restée depuis cette minute gravé dans ma mémoire, tout comme l’émotion ressentie, les poils qui se hérissent, la chair de poule qui chatouille, les yeux qui se mouillent... Magnétique !

Une heure plus tard, applaudissements nourris ; il sort en trombe en serrant les mains qui se tendent et en portant un regard inoubliable pour chacun. Vers une autre salle, dans une autre bourgade... Quarante voix supplémentaires gagnées pour longtemps !

Constant, j’ai toujours fait mon devoir ensuite en ne ratant je crois aucune élection, mais je n’ai jamais voté pour quelqu’un d’autre que lui ou un de ses fidèles, sans aller cependant vers cette gauche française idéologue qui l’a tant méprisé injustement, ou vers ceux qui ont eu tant de plaisir à le trahir sans états d’âme, privilégiant leur ambition avant l’intérêt national ! Il en a résulté que j’ai regretté de plus en plus fréquemment que les votes blancs ne soient pas comptabilisés !

 

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Je suis sûr aujourd’hui que « mes mineurs », de là où ils se trouvent, s’ils pouvaient me faire un signe, pourraient sans doute me laisser entendre que je ne me suis pas trop trompé et que, s’ils avaient pu mieux comprendre à l’époque, ils auraient pu et dû sans doute être plus proches du Grand CHARLES ou du Grand JACQUES ! Ils n’étaient pas vraiment des hommes de droite ! C’était des êtres d’une grande culture, sincères et visionnaires, mais pragmatiques et désintéressés, donc efficaces : des hommes à l’écoute et au seul service du peuple, et même des peuples vivants au-delà des frontières de notre France qu’ils ont tant protégée. Des grands serviteurs : les plus grands, sans doute les derniers !

La suite de l’histoire est accablante... Quelle tristesse ! Quelle médiocrité ! Finalement, l’avenir appartient à ces deux géants, même si l’un deux est sans doute un peu plus grand que l’autre ! Honte à ceux qu’une idéologie malsaine et pervertie masque la réalité des choses et qui restent inconscients des mérites de leur action et de leurs résultats, faute d’un minimum de culture historique ou qui les minimisent, les caricaturent, les ridiculisent par dépit de savoir qu’ils se sont toujours trompés, restant incapables d’en tirer les conséquences et de modifier leur discours !

 

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Après l’élection présidentielle du 6 mai de 2007 et avant le départ définitif de Jacques CHIRAC de l’Elysée le 16mai, il y eu le 8 mai 2007 et la célébration de l’armistice de 1945. Comme tous les ans, le Président, toujours en exercice, assura sa célébration à l’Arc de Triomphe, suivie d’un défilé militaire sur les Champs-Élysées. Ce fut sa dernière apparition publique. Son vrai départ !

Beaucoup de ses fidèles ont voulu ce jour-là lui témoigner, par leur présence, leur affection et leur reconnaissance pour qui il était et pour le travail immense accompli au cours de ses 40 ans de vie publique et politique, sachant que plus tard ce ne pourrait être que par un hommage à sa dépouille, avec ce jour-là un mélange insaisissable de sincérité et d’hypocrisie qui ne pourrait les satisfaire. Ce fut bien ce que nous réservèrent les tristes journées suivant sa mort, le 26 septembre 2019. Une émotion publique sur commande et éphémère n’est pas la plus noble ! Que de faux-culs avons-nous vus et entendus ! Par contre, le 8 mai 2007 elle était incroyablement vivante et puissante ! Que ceux qui croient tout savoir et qui se sont trompés toute leur vie, pour finalement apparaître tels les Résistants de la dernière heure, se taisent maintenant et le laissent en paix ! C’est dans les campagnes, à l’ombre des clochers de la France profonde, et chez les oubliés des périphéries des grandes métropoles que sa mémoire et la mémoire de son œuvre seront vraiment entretenues comme elles le méritent.

 

Le 8 mai 2007, j’y étais ! Mais au contraire du 12 novembre 1970 à Colombey, j’ai pris mes précautions pour être au plus près, comme les photographies que j’ai prises le montrent !

 

Merci Monsieur le PRÉSIDENT !

Merci Monsieur Jacques CHIRAC !

 

François-Xavier BIBERT

30 septembre 2019

 

 

 

  

Jean Louis DEBRÉ – Président de l’Assemblée Nationale

Philippe DOUSTE BLAZY – Ministre des affaires  étrangères

Christian PONCELET – Président du Sénat

 

La Garde Républicaine à cheval

 

Le command-car ACMAT TPK du Président de la République.

 

L’arrivée du Président Jacques CHIRAC dans sa CITROËN C8

 

Dominique de VILLEPIN, Premier Ministre et Jacques CHIRAC, Président de la République

 

La Garde Républicaine à cheval

 

Escadron motocycliste de la Garde Républicaine

 

Le Président Jacques CHIRAC descend une dernière fois les Champs-Élysées

 

 

 

LE DÉFILÉ MILITAIRE

du 8 mai 2007

sur les Champs-Élysées

 

Photographie et infographie : François-Xavier BIBERT – Droits réservés

 

L’Ecole Militaire Spéciale de Saint-Cyr

 

L’étendard de L’Ecole Polytechnique

 

Ecole des officiers de la Gendarmerie Nationale

 

Élèves de l’École de l’Air de Salon de Provence

 

Armée de l’Air

 

 

 

 

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