« Les
Hommes du GC III//6 » – Troisième partie
Album n°I (1913 – 1939/04) – Album n°II (1939/04 – 1939/09) – Album n°III (1939/09 – 1939/11) – Album
n°IV (1939/10/05 - Mariage) - Album
n°V (1939/11 – 1940/06) - Album
n°VI (1940/06 – 1941/08)
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d’accueil du site de François-Xavier BIBERT
Album
photographique n°VII de Joseph Adolphe BIBERT Second
semestre 1941 à décembre 1944 en A.F.N. |
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Photographies et documents
personnels de Joseph et Julienne BIBERT
Mise en page :
François-Xavier BIBERT (02/2022)
Reproduction interdite
Second semestre 1941
Naissance de Marie
Thérèse BIBERT – Clinique des orangers - Alger
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24 août 1941 – Clinique des Orangers à Alger – Naissance de Marie-Thérèse BIBERT |
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Septembre
1941 - Fort-de-l’Eau – 71, avenue Guérouard - Joseph, Julienne et Marie
Thérèse BIBERT avec le chien « Taffy » |
Dans une
des premières lettres envoyées de Fort-de-l’Eau à sa famille en août 1940,
Julienne BIBERT avait tracé un croquis (orienté nord vers le bas) plaçant le Cap Matifou, Maison
Blanche (terrain
d’aviation du GC III/6),
Fort-de-l’Eau, Maison-Carrée et Alger autour de la baie d’Alger « Fort-de-l’Eau », est
maintenant « Bordj El-Kiffan » |
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Première
carte inter zone de Marie-Thérèse LAGRANGE envoyée à son gendre et à sa
fille, après avoir appris sa naissance de sa petite-fille Marie-Thérèse
BIBERT |
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12 octobre
1941 - Baptême de Marie Thérèse BIBERT en l’église de Fort-de-l’Eau Le parrain
est Xavier BIBERT, cousin germain de Joseph ; il est en formation en
A.F.N. et deviendra officier de l’Armée de l’Air La
marraine, alors à Chartres, est Lucie LAGRANGE, la ½ sœur de Julienne, qui
est représentée par Raymonde KUNTZEL (ici avec son fils Daniel) ;
Auguste KUNTEL absent est adj/c pilote au GC III/6 (5ème) Sophie et
Omer BORREYE, sous-officier mécanicien à la 5ème escadrille du GC
III/6, sont également présents avec leur fils Jean |
1942
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Le 31-12-41 - Très chers L’année qui verra la fin de nos tourments,
verra aussi notre réunion... Dimanche il ne manqait que vous trois à la table
familiale et nous avons bien pensé à vous. C’est la première fois depuis près
de 3 ans que nous revoyions Raymond. Je n’avais pas revu Denise depuis le 14
janvier 40 et dans quelles conditions ! Heureuse époque... ?... Papa et Maman
reprennent des joues : pas trop tôt ! Paulo est un grand Coudryon calme...
seul Raymond est fatigué ; excés de nourriture sans doute . Ah ! Misère
! Et il faudrait dire “Amen”.... |
Cette carte interzone a été envoyée
par Georges CHÉDEVILLE (1910), le frère aîné de Julienne, commerçant, qui a pu
venir de Rambouillet à Chartres avec son épouse et ses deux petites filles
Bernadette (6 ans) et Elisabeth (4 ans) passer le dimanche suivant Noël chez sa
mère Marie Thérèse et son beau-père Henri LAGRANGE, dans la maison familiale de
Saint-Chéron. Elle présente un intérêt particulier car en cette fin d’année
1941 les Français vivant en zone occupée n’ont pas une vie facile et certains
commencent à se poser des questions sur la voie choisie par le Maréchal. Le
courrier interzone qui ne peut se faire que sur des cartes règlementaires, sans
enveloppe, est soumis à la censure, et les messages que l’on veut faire passer
ne peuvent pas être trop clairement exprimés ! Denise (1912), leur
quasi-sœur est mariée à Raymond VALLÉ et ils vivent difficultueusement à Paris,
sans travail ; « fatigué, excès de nourriture » ! On comprend ! Paulo (14 ans) est le fils d’Andrée (1907),
leur autre quasi-sœur, mariée à un agriculteur du Coudray (« coudryon »), commune limitrophe au sud de Chartres. « tourments »,
« dans quelles conditions ! » « Heureuse
époque ? », « Misère », « Et il faudrait dire
Amen ! » : si Joseph et Julienne vivent assez mal leur éloignement, s’il est
difficile pour eux de se ravitailler suffisamment et correctement en nourriture
et biens usuels, ils ont, malgré tout, la chance d’avoir pour le moment une vie
sans doute plus facile que bien d’autres dans l’hexagone, ce qu’ils ne
comprennent peut-être pas, et c’est sans doute pourquoi on leur fait passer
quelques messages non subliminaux ! (1). Mais, fin 1942, après le
débarquement des Alliés en A.F.N, la guerre reprendra pour Joseph et même la
présence de la grande bleue à ses portes ne sera plus d’aucun réconfort pour Julienne
qui se retrouvera quasiment seule à Fort-de-l’Eau pour se dépatouiller avec sa
petite fille jusqu’en février 1945 ! Et aussi sans nouvelle de sa famille
puisque plus aucun courrier ne traverse maintenant la Méditerranée !
(1) Tout au long de l’année 1942, Georges CHÉDEVILLE écrira
régulièrement à sa sœur et à son beau-frère sur de telles cartes interzones (56 retrouvées, du 13 janvier au 16 octobre). Les « messages non subliminaux » qu’on y trouve,
démontrent qu’il faisait partie de ces Français bâillonnés qui n’étaient pas en
phase avec la politique officielle de « collaboration » avec
l’occupant, et qui se préparaient d’une manière ou d’une autre à
« résister » ; ils deviennent d’ailleurs de plus en plus précis
et transparents au fur et à mesure que la vigilance épistolaire diminue !
On peut en découvrir un florilège dans le document accessible par le lien
ci-dessous : encore une poussière d’histoires qui contribue à faire la
« Grande Histoire ! »
Extraits
des cartes-interzones de Georges CHÉDEVILLE de 1942
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Février
1942 : - Fort-de-l’Eau – 71, avenue Guérouard - Marie Thérèse BIBERT
dans son youpala trotteur – Et fin mars 1941, sur… |
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25 mars et
6 avril 1942 (lundi de Pâques) – Avec les bicyclettes qui,
depuis le début de la guerre à Chartres, ont toujours suivi Joseph et
Julienne dans leurs périples. Le chien
« Taffy » étant malheureusement passé sous une voiture, c’est
maintenant « Youky » qui fait partie de la famille depuis quelques
mois. |
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Dimanche
19 avril 1942 – Promenade dominicale au bord de la Méditerranée Rencontre
d’Auguste, Raymonde et Daniel KUNTZEL – Les deux couples resteront des amis
très proches jusqu’à la fin de leur vie l |
Les sorties
« Reconnaissance » et « Camping » du Groupe de Chasse GC
III/6
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Les
sorties « Reconnaissance » ou « Camping » de la 6ème escadrille
du GC III/6 ont été organisées par le capitaine RICHARD, alors que l’activité
aérienne étai fortement réduite, dans le but de garder ses hommes
en forme avec un minimum d’entraînement sportif et pour faire en sorte leur
moral de s’effondre pas - Celle-ci a eu lieu en mai 1942 sur la plage ouest
du Cap Matifou |
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On reconnaît en bas à gauche les lieutenants
Marie Henri SATGÉ, André CAPDEVIOLLE et l’adj Toussaint LOÏ (2ème, 4ème et 5ème de g. à
d.), des pilotes – Le sauteur
reste inconnu ! Photo de groupe : le cne RICHARD au
centre à côté du sgt MICHAUX
(pilote) ; le
lieutenant SATGÉ tête nue ; etc… ; le sgt/c BIBERT tenant la
sacoche de son « Voigtlander Bessamatic » est tout à gauche |
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Autre
sortie du GC III/6 au mois d’août 1942 – Celle-ci à Jean Bart (maintenant
El Marsa), sur le cap Matifou à l’est d'Alger |
Les jours heureux en
famille à Alger du second semestre 1942
Joseph BIBERT a 31 ans quand
il reçoit ses galons d’adjudant. Même, si l’activité aérienne est extrêmement
réduite et si ses responsabilités font qu’il n’est plus directement avec des
outils en main tous les jours à bichonner les Dewoitine 520, il exprime sur
cette photo toute la fierté qu’il a à arborer ses nouveaux galons et surtout
l’insigne du « Masque rieur » de la 6ème Escadrille du GC
III/6, en posant devant un de SES appareils ; appareils dont ils se sent
en effet totalement responsable, en étant d’une forte exigence avec ses
camarades mécaniciens ; il n’était pas Alsacien pour rien ! Ceux de
ses amis qu’il reverra régulièrement après la guerre ne manqueront jamais de le
taquiner à ce sujet ! J’en ai des souvenirs de jeunesse précis !
J’ai vu un jour l’insigne du
« masque rieur » dans les affaires de mon père : il le
conservait par devers lui très précautionneusement. Mais nous ne l’avons pas
retrouvé. Cependant, je suis heureux que celui qui figure en surimpression sur
le document ci-dessus appartienne à la fille d’un de ses camarades mécaniciens
qui m’en a transmis des photographies ! Il n’a jamais été question pour moi
d’acquérir un tel objet anonyme ; reliques rarement mises en vente
d’ailleurs, et pour des montants astronomiques ! La seconde petite photo
en médaillon a resurgi au décès de ma mère en 2015 ; très abimée, coupée
en cercle (2,5 cm), elle était cachée, collée au dos d’une autre, dans son
portefeuille, preuve qu’elle ne l’avait pas quittée depuis plus de 70
ans ! ; nous ne la connaissions pas et je l’ai restaurée comme j’ai
pu… souvenirs ! souvenirs !
Recto – Verso
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Jours
heureux de l’été 1942 à Fort-de-l’Eau – Marie Thérèse fait ses premiers pas à
moins de 10 mois ! |
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Dernières
photographies qui ont pu être envoyées à la famille avant le débarquement des
Alliés – Au centre, un superbe mouchoir brodé offert par l’épouse d’un
aviateur à Marie Thérèse |
« Stage
montagne » dans le massif du Djurjura
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GC III/6 -
Stage montagne à Tikjda – Tizi n’Kouilal : massif de Djurjura - Joseph BIBERT
(du 31/08/1942 au 23/09/1942 : information relevée dans le cahier d'ordre du
Groupe) |
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Joseph BIBERT a ramené les
photographies ci-dessus du stage « montagne » à Tizi n’Kouilal
(12 km de la station de ski de Tikjda, dans le massif du Djurjura) qu’il a
pu faire en septembre 1942. Dans le texte de la troisième partie principale de « L’histoire
des Hommes du GC III/6 » ; j’ai écrit : « Il gardera
de ces trois semaines un intérêt immense pour la montagne et l’alpinisme et,
sans le pratiquer, il dévorera au cours de sa vie des dizaines de livres sur le
sujet. Il n’y avait pas de « fête des pères » sans livre de montagne
offert ! Il a transmis cette passion, seulement livresque ! à son
fils qui a bien complété la collection depuis, et qui connaît par cœur des
dizaines de « voies », sans jamais avoir fait la moindre
ascension ! »
Débarquement des Alliés
en A.F.N. – Opération « Torch » – 8 novembre 1942 à l’aube
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Noël 1942
– Malgré les restrictions, on peut constater que Julienne et Joseph ont tous
deux à cœur de se présenter dans des tenues vestimentaires impeccables ! Julienne
fait des miracles avec peu de neuf, mais beaucoup de récupération, grâce à la
machine à coudre qu’elle a pu se procurer |
Toutes les escadrilles françaises, qui passent alors de fait sous
contrôle américain, sont rapidement dispersées à l’intérieur du pays, sur des
terrains perdus dans le « bled », et la guerre va reprendre pour les
« Aviateurs Français de l’Armistice ». La confiance entre les Alliés
et les français d’A.F.N. n’est pas encore au rendez-vous : les combats qui
ont eu lieu entre eux les 8 et 9 novembre ont fait de nombreuses victimes, et
il faudra du temps pour cicatriser les blessures et accepter de changer les
« logiciels ». Ils ont été cités et décorés : en 1940 pour leur
lutte en France contre la Luftwaffe, en 1941 pour leur vaillante résistance au
Levant (Syrie
et Liban) à la R.A.F., face à ce qui était pour eux une agression anglaise
contre les intérêts de la France ; étrillés par les Américains à Oran et
au Maroc lors de l’opération « Torch » à laquelle ils se sont opposés
conformément aux ordres, et ils doivent maintenant reprendre de nouveau la
lutte contre les Allemands sur le nouveau front méditerranéen !
N’oublions surtout pas qu’en décembre 1942 les Alliés ont laissé en
place l’Amiral DARLAN, fidèle du Maréchal, pour le « politique » et
ont installé le général GIRAUD pour le « militaire », et que surtout,
ils vont tout faire pour écarter la « France Libre » de de GAULLE. On
connaît la suite : Le narcissique DARLAN sera assassiné et le falot GIRAUD
se laissera totalement manipuler sans avoir les moindres visions politique et stratégique,
et ce n’est finalement qu’en septembre 1943 que le Général de GAULLE pourra
prendre le dessus à Alger et tenter seulement alors de fusionner les rares qui
l’avaient déjà rejoint avec ceux de « l’Armée d’Afrique », et plus
tard avec ceux qui dans l’hexagone occupé constituaient encore l’insignifiante
« Armée de l’Armistice ». Ces militaires, sans se poser trop de
questions, étaient restés dans leur cœur et dans leurs actes fidèles ou soumis
aux ordres des dirigeants « légaux » de la France occupée,
c’est-à-dire de « Vichy ». Cette fusion ne sera pas facile, preuve en
est que 16 ans plus tard, lors son retour au pouvoir, certaines cicatrices
étaient toujours grandes ouvertes dans l’Armée Française ; j’avais13 ans,
élève en 4ème dans un internat de l’Armée de l’Air, et j’en ai un
souvenir particulièrement précis ! D’ailleurs, dans certains ouvrages
publiés au 21ème siècle, dont quelques-uns écrits par des officiers
en retraite encore nostalgiques de 1962, les auteurs, refusant
l’historiographie traditionnelle, tentent de réécrire l’histoire insidieusement
en présentant le « Général » comme un ambitieux en politique et un
« surfait » pour le militaire ! C’est un sujet difficile que les
jeunes générations ont beaucoup de mal à appréhender, car leurs connaissances
sur ce sujet restent très partielles et surtout binaires ; pour eux, comme
dans leurs jeux vidéo, il y a « les bons » d’un côté, et « les
mauvais » de l’autre ! Mais la vie n’est pas si simple ! Tout
mérite nuance !
La nouvelle Chasse Française va donc être occupée maintenant à de
fastidieuses missions de « coastal command » (surveillance des côtes) sur des appareils américains
compliqués avec lesquels pilotes et mécaniciens auront beaucoup de mal à se
familiariser.
Joseph quitte alors Fort-de-l’Eau fin janvier 1942 où il laisse
seules son épouse et sa fille, pour vivre jusqu’au printemps 1944 dans des
camps de tentes, d’abord à Aïn Sefra, puis à Port-Say et enfin à Lapasset, en
ne profitant que de deux courtes permissions pour pouvoir les rejoindre.
Comme tous ceux qui ont vécu cette période agitée, Joseph n’en a
jamais beaucoup parlé par la suite, et si l’on sait quelles ont été ses
activités et ses conditions d’existence, on ignore ce que pouvaient être alors
ses pensées profondes et ses états d’âme. Seules quelques lettres (retourner à la 3ème partie de « L’histoire des Hommes du GC
III/6 » ) permettent éventuellement de
les imaginer ; je pense que comme beaucoup de militaires, c’était bien
pour lui d’obéir aux ordres et de ne pas trop se poser de questions.
Mais on sait qu’il a dû pester de ne plus trouver de bobine de
pellicules photo, à part deux ou trois de très mauvaise qualité. Il n’existe
donc plus que quelques mauvais clichés de fin 1942 à avril 1945 et
ils ont été réservés évidemment à la famille. On ne trouvera donc pas ici
d’autres photos des avions du GC III/6, ou de ceux de la 1ère
Escadre de chasse où Joseph a été affecté en octobre 1944 comme interprète.
Cette Escadre prestigieuse a combattu à partir de la Corse, vers
l’Alsace-Lorraine puis en Allemagne jusqu’à la fin de la guerre !
Cette lettre a été envoyée par Joseph BIBERT à son épouse alors
qu’il était perdu dans le son bled algérien, loin d’Alger, six mois après le
débarquement des Alliés. Elle permet de comprendre toute l’ambiguïté de la
situation politique de l’époque dont il est fait état plus haut. Fin juin, le
Général GIRAUD est toujours « Commandant en chef civil et militaire »
de l’A.F.N., même si le Général De GAULLE est arrivé à Alger le 30 mai 1943.
Bien que GIRAUD se soit flatté dans ses mémoires d’avoir alors déclaré : « je
n’ai qu’un seul but, la victoire… », il agit toujours au nom de
« l’Etat Français », fidèle au Maréchal, cautionnant et poursuivant
encore les efforts effectués précédemment par Darlan pour maintenir en Afrique
du Nord les principes de la « révolution nationale » ; le statut des juifs est toujours d’actualité ! Le tampon du
vaguemestre du Groupe GC III/6 en témoigne : il porte toujours « La
Francisque » en son centre ! Ceci dit, j’ai connu dans ma jeunesse
les pièces de petite monnaie en aluminium avec la
« Francisque » ; elles ne furent retirées de la circulation que
fin 1959 !
1943
En mai 1943, Julienne a cassé
sa tirelire pour faire faire cette prise de vue en studio par un photographe
d’Alger et la faire parvenir à son mari, parti depuis 4 mois à Aïn Sefra dans
le bled algérien
Juillet 1943 – « L’expédition de Port-Say »
Joseph et Julienne BIBERT ont finalement passé les deux années 1941
et 1942 d’une manière assez paisible, même si l’on manque de beaucoup, même si
la longue séparation avec leurs familles depuis le premier semestre 1940 est
une souffrance. Le nouveau départ de Joseph pour « la guerre »,
puisque c’est bien comme cela qu’est compris l’installation des terrains de
l’Armée de l’Air française sous contrôle américain dans le bled algérien, est
une séparation que Julienne va mal vivre, se retrouvant seule avec sa petite-fille
de 18 mois à Fort-de-l’Eau, d’autant plus qu’elle est sans nouvelle de sa
famille, puisque la circulation du courrier entre l’Algérie et la France
occupée est maintenant totalement interrompue depuis novembre 1942.
Si une bonne partie des lettres que Joseph a écrites au cours de
l’année 1943 a pu être sauvée, malheureusement, Julienne a brûlé les siennes à
la fin de sa vie !
Ce qui est appelé ici « L’expédition de Port-Say », n’est
certes qu’une petite anecdote : inutile d’en « raconter » tous
les tenants et aboutissements pour comprendre, il suffit de prendre
connaissance des deux télégrammes ci-dessous et des quelques extraits de trois
lettres et d’un message que Joseph lui a fait parvenir à Alger au début du mois
de juillet ! A Julienne de se débrouiller avec si peu pour partir à
l’aventure à plus de 600 km d’Alger, mais l’amour peut faire faire des miracles
après plus de 5 mois de séparation !
Samedi 2 juillet : (grande lettre par porteur vers Alger, donc pas de censure)
Page 2 :
… venir ici, ce serait peut-être faisable ? mais ici, c. à d.
dire Port-Say où on loge, il n’y a ni hôtel, ni restaurant qui
fonctionne ? De toute façon le jour tu recevras un télégramme qui t’invite
à venir fais le sans crainte. Alger – Oran – Marnia. De Marnia à Port-Say, il y
a 70 km, il y a une liaison par véhicules – C’est moins risqué, car Oujda -
Martimprey– Berkane - Saïdia – c’est le Maroc. Donc en principe si tu viens
descends à Marnia. Emmène le nécessaire question vestimentaire pour une
dizaine de jours. Pour la nourriture ce sera facile ; il s’agit pour le
moment de trouver de quoi te loger, ce qui est plus délicat vu que ce qui était
disponible a été occupé par les officiers. Je crois d’ailleurs que Godefroy a
l’intention de faire venir sa femme, ce sera ainsi plus facile pour toi si on
arriverait à s’entendre. Vimontois d’ailleurs également parle de faire venir sa
femme. Donc en principe dans ce cas tu ne seras pas seule à voyager ce qui
m’encourage dans ma décision. Pour le moment ne bouge pas mais prépare ou
demande les papiers nécessaires…
Page 7 : (suite de la lettre)
… j’apprends que les officiers doivent déménager à Saïdia. Ceci
faciliterait beaucoup ta venue ici. Godefroy est parti à la recherche d’une
chambre. Donc si jamais tu viens, ne t’embarrasse pas inutilement, et tu peux
amener ton caleçon de bain. Donc prépare ce voyage.
22heures…
Cette fois tout est prévu. Tu trouveras à manger et à loger en
toute sécurité. Arrange-toi avec Mme. Godefroy et Vimontois, elles sont de la partie.
En principe du dois avoir besoin d’aucun papier. Tu prends un billet pour
Marnia, à une ou deux stations après Tlemcen. Pour le train renseigne toi. En
principe vous passez une nuit à Oran. Retenez une chambre par téléphone (Hôtel
Jeanne d’Arc). Arrivée à Marnia, il y a une liaison par le car pour Port-Say.
Le car est actuellement en panne, mais il doit remarcher pour votre arrivée que
je présume dans 10 jours. A Marnia tu téléphone à la poste de Port-Say qui
prend la commission à mon nom et me préviendra de votre arrivée. Vous serez
attendu sur la route. S’il n’y a personne, ne prenez pas la grande route,
faites-vous arrêter à l’entrée du village et par derrière et sous-bois en
longeant la colline vous vous dirigez vers le restaurant du Parc où vous attendez,
c’est facile à trouver. Evitez les renseignements aux militaires. Comme
communication tu diras : « Prévenez l’adjudant Bibert que son cousin
Xavier (voir plus bas) est à Marnia et qu’il prend le car à telle heure
pour Port-Say…
… ne te charge pas trop, mais prend quand même assez d’affaires, on
ne sait jamais, si ton séjour se prolongerait. Vous mangerez en principe chez
une dame très bien qui paraît-il est une comtesse. Je ne vois pas d’autre
détails. Tu t’es toujours bien débrouillée pendant les voyages de 39-40 et j’ai
confiance. L’eau est très mauvaise ici. Emmène des « léticines » (lire :
lécithines) du Dr. Justin pour Kiki. Tu peux emmener short et saroual. Pour
le train, prévoyez un casse-croûte. Emmène également du sucre…
Dimanche 4 juillet : (lettre remise à un « voyageur » qui a pu être postée
à Oran le 5 juillet)
… je pense… que tu es en pleine préparation de l’expédition. Tout
se présente bien et je pense que tu n’auras aucun ennui. C’est Vimoutiers qui a
expédié les papiers. Si tu peux, il faudrait les récupérer, c. à d. les
présenter seulement et ne pas les laisser aux autorités. Il s’agit surtout
d’avoir beaucoup de culot et de diplomatie. Tu vas chez une dame très
respectable qui en plus est ta tante… il n’y a toujours pas de lumière ici, et
si tu peux emmener des bougies, elles seront les bienvenues…
Lundi 5 juillet : midi (message écrit au crayon à papier sur une page arrachée à
un carnet et transmis par porteur)
J’ai l’occasion par un A/c dont je ne connais pas le nom de te
faire parvenir ce petit mot…. Je t’attends avec impatience, tout se présente
bien, les papiers, certificat de présence au corps expédié par Vimontois sont
faux, évite de les employer. D’autre part Port-Say est en zone interdite, dons
méfiance de dévoiler ta vraie destination qui est Marnia. Confiance et courage,
tout ira bien…
Mercredi 7 juillet : :
(courrier soumis à la censure)
… j’attends Xavier le mercredi 13 (code pour Julienne +
Marie-Thérèse - Xavier BIBERT, cousin germain de Joseph est aspirant dans une
école d’aviation en A.F.N.). Je pense pouvoir être en gare pour le
recevoir. Le train doit arriver à M. aux environs de 15h 00. Si je ne peux
me déplacer moi-même ; il y aura peut-être un camarade de sa promotion
pour l’attendre. De toute façon, il est assez grand pour se débrouiller tout
seul – il y aura soit la voiture de la poste, soit le stop pour venir. S’il n’y
a rien des deux, je pense avoir une voiture dans la soirée pour venir le
prendre. Il m’attendra dans le plus grand bistro du bled que d’ailleurs je ne
connais pas…
PS : Il est inutile pour Xavier de s’encombrer de sa
bicyclette et je pourrais lui prêter mon matelas pneumatique. S’il n’est pas
seul, il peut également prendre un taxi à M.
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L’expédition tout à fait illégale
de Julienne et Marie Thérèse BIBERT (23 mois) pour retrouver quelques jours
leur époux et père basé à Port-Say ; ils ne s’étaient pas vus depuis
plus de cinq mois ! En haut à droite le poste de
Douane de Port-Say et sans doute M. VALLIER (douanier dont l’épouse peut-être
institutrice ?) - Au centre, les deux télégrammes de Joseph à Julienne
BIBERT ; 5 et 10 juillet 1943 En bas un méchoui à Port-Say –
Julienne, Joseph et Marie-Thérèse BIBERT, qui ne figurent pas sur ces deux
mauvaises photographies, y ont peut-être invités par leurs hôtes, M. et Mme
VALLIER ? |
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Septembre
1943 – Joseph BIBERT a pu enfin obtenir une permission d’une semaine qu’il a
pu passer en famille dans la petite maison de Fort-de- L’eau Avec les
trois photos de Port-Say de juillet, ce sont les seules photographies qui ont
été faites au cours de l’année 1943 |
1944
Octobre / novembre
1944 – Les dernières photographies d’Algérie
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Trois
uniques photographies pour toute l’année 1944 - A gauche : Jeanne
PERAZZI, épouse de Roger PERAZZI, mécanicien du GC III/6, et ses deux jumelles
Jeanine et Monique Souffrant
d’une grave carence alimentaire en 1942, elles furent sauvées toutes les deux
par Julienne BIBERT qui les allaita pendant plusieurs semaines – Ce sont donc
deux « sœurs de lait » de Marie-Thérèse La famille
PERAZZI, installée à Châtillon-en-Michaille dans l’Ain et la famille BIBERT
restèrent toujours en relations très amicales après la guerre Au centre,
Jeanine PERAZZI, Marie-Thérèse BIBERT (26 mois) et Monique PERAZZI A droite,
4 épouses d’aviateurs solitaires ; les hommes sont partis avec leurs
escadrilles en octobre bouter les Allemands hors de France ; elles
attendent impatiemment leur rapatriement en métropole De gauche
à droite : Sans-doute Jeanne PERAZZI , Julienne BIBERT, sans-doute
Valentine ROUSSET et Raymonde KUNTZEL (qui vient de perdre son fils Dany
d’une méningite foudroyante) |
Document
officiel, « sésame » obtenu par Julienne BIBERT en septembre 1944
pour obtenir son rapatriement, mais celui-ci n’aura finalement lieu qu’en
février 1945 !
Sur cette page, photographies et
documents personnels de Joseph et Julienne BIBERT – Reproduction interdite
Mise en page et mise en
ligne : François-Xavier BIBERT (03/2022)
PAGE FINALE de « L’HISTOIRE des
HOMMES du GC III/6 »
qui a été écrite et mise en ligne entre 2008 et 2022
Sincères
remerciements à tous ceux qui m’ont aidé dans cette folle entreprise et
particulièrement
à tous ceux qui ont contribué à son illustration par la mise à disposition de
leurs archives familiales.
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