²Mise
en ligne 2020
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Les HOMMES du GROUPE de CHASSE
GC III/6 (3/6) La guerre
de Joseph Adolphe BIBERT 1939-1944 Troisième
partie III. En A.F.N. |
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Lien : DEWOITINE D.520 |
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Lien : BELL P-39
« Airacobra » |
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Retour vers la
première partie : I. de CHARTRES à BOUILLANCY Retour
vers la seconde partie : II de WEZ TUISY au LUC EN PROVENCE |
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SOMMAIRE de la
TROISIÈME PARTIE Cliquez sur les liens ci-dessous |
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Traversée de la
Méditerranée - Constantine 20/06/1940 –
11/07/194 |
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11/07/1940 – 15/01/1943 |
16/01/1943 – 19/06/1943 |
19/06/1943 – 03/08/1943 |
03/08/1943 – 25//04/1944 |
Après l’A.F.N : Première
Escadre Aérienne |
L’histoire
du GC III/6 rédigée ici, fruit de plusieurs années de travail, ne se lit pas comme un livre !
Si elle est présentée en trois parties, sur trois pages Internet principales
constituant simplement le squelette de ce récit, de multiples pages complémentaires (une centaine) s’ouvrent en
cascade à partir des liens soulignés (de couleur bleu-vif) : album de
photographies, biographies, articles de presses, etc. etc. À chacun d’ouvrir
ces pages comme un dictionnaire,
dont on n’a jamais fait complètement le tour, d’où le besoin et l’envie d’y revenir pour compléter son information
et, je j’espère, son plaisir... |
Ces trois
pages principales, pour ne pas les surcharger, ne contiennent qu’une partie
des photographies mises en ligne. La plupart de celles prises par Joseph
Bibert, plus personnelles, se trouvent dans les pages annexes « Album de Joseph Bibert »
ou dans les pages de biographies de
pilotes accessibles par différents liens posés chapitre par chapitre. De
même, si le récit est chronologique, ce n’est pas un « journal »
puisque l’historique du Groupe et
les livres de marche de ses deux
Escadrilles, documents officiels au jour le jour, ont été retranscrits et
mis en ligne dans trois pages annexes accessibles par les liens
suivants : |
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MOUVEMENT vers L’ALGÉRIE
LA TRAVERSÉE DE LA MEDITERANNÉE
du LUC en PROVENCE à CONSTANTINE, via PERPIGNAN et ALGER
20/06/1940 – 11/07/1940
PERPIGNAN - LA SALANQUE |
18/06/1940 |
Personnel navigant |
ALGER MAISON - BLANCHE |
20/06/1940 |
Personnel navigant |
MARSEILLE |
20/06/1940 |
Personnel au sol |
MORSOTT |
23/06/1940 |
Une partie des pilotes |
CONSTANTINE |
23/06/1940 |
Capitaine STEHLIN + les autres pilotes |
CONSTANTINE |
27/06/1940 |
Regroupement du personnel navigant |
CONSTANTINE |
30/06/1940 |
Regroupement de tout le Groupe |
ALGER |
11/07/1940 |
Tout le Groupe |
PERPIGNAN LA
SALANQUE - ALGER |
L’Échelon volant
Dans la seconde partie de « L’Histoire des Hommes du
GC III/6 » on a vu que le Groupe a quitté le Luc le 18 juin, et
non le 19 comme le dit le Général STEHLIN dans ses mémoires, pour se regrouper
à Perpignan La Salanque avant de rejoindre l’Algérie, conformément à l’ordre
donné le 16 juin par le Chef d’Etat Major, le général VUILLEMIN, de replier en
AFN les dernières unités aériennes françaises. Le 20 juin en début d’après-midi
un peu plus de trente Dewoitine 520, ceux du GC III/6 (27) mais aussi ceux
de quelques instructeurs qui ont demandé à se joindre au groupe ayant pour cela
« récupéré » un avion tout neuf à l’usine DEWOITINE de Toulouse
accompagnés de quelques pilotes isolés des groupes partis la veille se sont
posés à Alger.
Les journaux et livres de
marches des deux Escadrilles n’ont pas pu être tenus au jour le jour et ils ne
fournissent malheureusement que peu d’indications depuis la « journée
mémorable » du 15 juin (le quintuple de LE GLOAN), sur la période agitée
du transfert vers l’Algérie, sur les armistices avec l’Allemagne puis l’Italie,
sur les conditions précises du regroupement de l’ensemble du Groupe,
« navigants » et « rampants » à Constantine et sur la
tragédie de Mers el-Kébir. On peut seulement penser que le trouble devait être
profond dans les esprits.
Paul STEHLIN devenu Général
d’Armée Aérienne puis Chef d’Etat Major de l’Armée de l’Air a publié en 1964 « Témoignages pour l’Histoire »
et donne sa vision toute personnelle des conditions de cette évacuation ;
il se met beaucoup plus en avant qu’il ne l’a réellement été. Certains
historiens de l’aviation, malheureusement, ont souvent considéré que l’histoire
du GC III/6 avait été écrite définitivement à travers les quelques pages dans
lesquelles il narre son action à la tête du Groupe de mai à octobre 1940 ;
mais ce n’est pas « l’Histoire » du Groupe.
Il commence par dire qu’il a
reçu au Luc le 19 après-midi un message par avion de liaison lui indiquant que
son Groupe est attendu depuis la veille à Perpignan, puis raconte comment il a
reçu quelques heures plus tard à Perpignan dans des conditions rocambolesques
l’Ordre Particulier n°55 du 17 juin à 0h 00 (près de 48 heures plus
tard ?), signé du Général BERGERET, un des adjoints de VUILLEMIN, lui
demandant de préparer le III/6 à participer à une concentration de toutes les
forces aériennes en Algérie en vue « d’une opération brutale et puissante contre l’Italie du
Sud les îles et la Libye » en se rendant « sur le terrain
régulateur d’Oran. »
La thèse que le Général
STEHLIN veut développer est qu’aucune opération de ce genre n’a réellement été
envisagée et que cet ordre n’était qu’une mesure de précaution pour éviter que
des commandants d’escadrille ne veuillent rejoindre directement Gibraltar. « J’ai toujours
amèrement regretté de m’être laissé tromper aussi grossièrement » dit-il avant de parler de la manière dont les autorités militaires
auraient tout fait ensuite pour clouer les avions au sol en les privant de
carburant et de son projet de conduire son Groupe à Malte, avorté par l’attaque
anglaise sur Mers el-Kébir du 3 juillet. « Dans mon groupe c’est la consternation, l’un parle de
trahison des Anglais, l’autre assure que les Anglais ont été toujours nos pires
ennemis. Notre plan s’évanouit très peu de temps avant qu’il ne soit prêt. Nous
n’avons eu connaissance de l’appel du Général de Gaulle que plus tard et la
propagande de Vichy a la tâche facile de refaire de l’Angleterre l’ennemi
héréditaire. »
Rien n’est cohérent dans ses
mémoires et aucun Ancien de son Groupe n’a évoqué un quelconque plan de
départ concerté vers une terre anglaise dans les leurs !
Pourquoi cette
« erreur » de date sur le départ de l’échelon volant du III/6 à
Perpignan ? Pourquoi ces « confusions » dans les ordres
reçus ?
« Le 18 juin j’ai le sentiment d’un isolement complet […] Le
19 juin, dans l’après-midi je reçois enfin un message transmis par un avion de
liaison qui m’informe que depuis la veille mon groupe est attendu sur le
terrain de Perpignan-La Salanque… »
Commencer en 1964 un
paragraphe de ses mémoires par « Le 18 juin… » n’est peut-être pas innocent quand on veut magnifier ses états
d’âme de ce fameux jour de 1940, alors qu’on a eu connaissance de l’appel
historique du Général de Gaulle que bien plus tard ! Voilà sans
doute les bonnes réponses aux questions qui se posent.
Bien des livres ou des
chroniques ont été écrits après la guerre par ceux qui ont été aspirés dans
cette grande tourmente, et bon nombre de lignes de ces ouvrages présentent les
faits d’une manière permettant à leur auteur de donner à penser qu’ils avaient
apprécié le « sens de l’histoire » plus tôt qu’ils ne l’ont fait
réellement. Le commandant Paul STEHLIN sera finalement appelé à Vichy à
l’État-major de l’Amiral Darlan fin octobre où il occupera des fonctions plus
politiques que militaires auxquelles il a été habitué et on ne sait rien
d’autre de « sa tentative de ralliement » dont il parle en quelques lignes confuses dans ses mémoires. Encore
Chef d’Etat Major de l’Armée de l’Air en 1963, il avait tous les moyens de se
faire préparer une chronologie sans erreur de son activité au III/6 pour
rédiger ses mémoires publiés en 1964 avant de se présenter à la députation.
Dans le livre de marche de la
sixième Escadrille, son rédacteur anonyme écrit d’ailleurs le 8 juillet
1940 : « Le 11 juillet, à la suite du bombardement de Mers el-Kébir
par nos ex-amis Anglais, le groupe retourne sur le terrain d’Alger
Maison-Blanche […]. L’armistice fut signé les 23 (erreur :
c’est le 22)
et 24 juin à l’avantage de nos ennemis, dont les longues dents s’useront
espérons le contre l’Angleterre qui continue la lutte plus que jamais. » L’expression « ex amis anglais » semble plus
ironique que méchante, sans doute entendue dans la bouche de certains
chefs… ! Mais l’espoir que les Anglais gagnent la guerre est clairement
exprimé sous la plume de ce pilote du GC III/6 qui tient le livre de
marche. On est bien donc loin de la « consternation » et des mots « trahison » et « pires ennemis » attribués par
Paul STEHLIN à ses pilotes parlant des Anglais…
Entre l’ordre salutaire du 16
juin de transférer la plupart des groupes aériens vers l’A.F.N. et l’armistice
du 22, il n’y a pas eu que les bons d’un côté qui voulaient immédiatement
poursuivre la lutte coûte que coûte et les mauvais de l’autre qui avaient déjà
décidé de collaborer avec les futurs vainqueurs de la guerre que tout le monde
savait perdue dans l’hexagone. C’était la débâcle. Du Chef d’État-major, le
général VUILLEMIN, au dernier des petits mécaniciens, la préoccupation initiale
et naturelle de sauver tout ce qui pouvait l’être et de se sauver soi-même a
donc été initialement la même.
Mais tout va beaucoup trop
vite, et l’armistice devenant inéluctable, pourquoi ne pas croire le Général
VUILLEMIN sincère et réaliste quand il écrit le 20 « La rupture, du fait
de l’Armée de l’Air, des clauses d’un armistice entraînerait inévitablement la
reprise des hostilités, l’occupation totale du territoire français, la
disparition de l’armature gouvernementale et, finalement, de la nation française… » C’est certainement dans cet état d’esprit, que la crainte de
départs vers Gibraltar d’unités entières ou de pilotes à titre individuel a
conduit à donner un peu plus tard des ordres visant à priver certaines unités
des moyens de le faire, en les orientant vers des aérodromes reculés, sans
possibilité de ravitaillement en carburant et en munitions. Et il n’y a rien
non plus à redire quand le 23, le Chef d’Etat Major donne cette fois-ci l’ordre
de cesser tout transfert et de ne plus détruire aucun matériel. Ce n’est pas un
revirement, c’est un enchaînement logique.
Si la France est restée la
France grâce au Général de Gaulle, le Rebelle, et à sa vision unique de
l’histoire, sachons aussi respecter ceux, qui confrontés à l’énormité des
événements et les mains dans le cambouis, ont, à leur manière et dans le
respect de la discipline militaire, pris les décisions qu’ils croyaient être
les meilleures dans l’instant présent et dans leur sphère d’autorité. On peut
par contre être beaucoup plus critique envers les politiques qui avaient depuis
longtemps mis le pays en situation de ne pas pouvoir faire face à la menace
Hitlérienne.
Confirmation
de cette thèse Dans un texte de Patrice Facon
republié en 2020 dans « AIRPOWER IN 20 TH CENTURY - DOCTRINES AND EMPLOYMENT
- NATIONAL EXPERIENCES » l’auteur fait strictement la même analyse que
celle que nous avons exposée dans les lignes ci-dessous, sans d’ailleurs
avoir pu en prendre connaissance préalablement. Ce texte peut être lu en
ouvrant le lien ci-dessous : Les
dernières décisions du Général VUILLEMIN avant les armistices |
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
18 JUIN 1940 : Revenons plus
simplement au GC III/6. Il n’est pas discutable que ce fût bien le mardi
18 juin après-midi, entre 16 et 17h 00 que, trois par trois, les Dewoitine
quittèrent Le Luc pour Perpignan – La Salanque atteint au bout de 1h 20.
Le sgt GABARD retardé par des ennuis mécaniques auquel son fidèle
mécanicien va pouvoir remédier, n’a quitté le Luc que quelques heures plus
tard. Le s/lt SATGÉ doit laisser son D.520 n°357 codé « 27 » au lt
MARTIN de la 5ème, dont l’appareil en panné sera abandonné au Luc et
transféré plus tard, et le pilote de la 6ème gagnera Toulouse le
lendemain par ses propres moyens pour en récupérer un nouveau, ce sera le
n°346. À La Salanque, c’est le grand bazar ! Outre le GC III/6, le
II/3, le III/3, le II/4, le II/5 et le II/7 sont présents. Heureusement, dans
la journée, les Groupes III/2, I/3 et I/4 ont fait la traversée et on attend
encore le GC I/5 qui n’arrivera que le 20 juin et repartira immédiatement.
|
Dewoitine
D.520 sur le terrain d’aviation de Perpignan La Salanque le 19 juin 1940 Un fût d’essence
est déposé devant chaque appareil - Les pleins sont faits à la main à l’aide
d’une pompe Japy (à droite) D’après le marquage il doit s’agir de la
première Escadrille du GC III/3 Collection Louis
Bassères – Résidant à La Salanque |
Faute de distributeurs en
nombre suffisant, le ravitaillement en essence est extrêmement lent. Les
pilotes doivent faire les pleins de leurs appareils eux-mêmes, opération
fatigante qui se poursuit tard dans la nuit à la lumière de la lune pour
certains.
Les plus chanceux sont
emmenés dans un restaurant de bord de mer pour tenter de dîner, mais il y a
tant de monde qu’ils doivent attendre leur tour. Pour leur trouver un
hébergement, un car les emmène dans un village où le maire essaye de leur
trouver des places chez l’habitant. Une femme, derrière des volets clos,
exprime bruyamment son refus en catalan, ce qui met fort en colère le capitaine
STEHLIN, peu habitué à ce qu’on lui résiste ; il sort son pistolet et
menace de tirer dans la persienne ! Le Maire peut le calmer et lui trouver
un gîte digne de lui !
19 juin 1940 : Le lendemain mercredi
19 juin, les préparatifs se poursuivent.
Au dernier moment la
destination finale a changé, c’est maintenant Alger. Mais le vol de Perpignan
jusqu’à cette ville en 1940 n’est pas une chose si simple qu’on pourrait le
croire pour une escadrille de chasse et des pilotes qui n’ont sans doute jamais
survolé la mer si longtemps. Pour ces 2h 1/2 de vol, les réservoirs
supplémentaires de bord d’attaque des Dewoitine doivent être utilisés, mais ils
n’ont jamais été branchés en usine ; du fait qu’ils n’étaient pas
protégés, on craignait une explosion s’ils étaient touchés par une balle
incendiaire ! Pour procéder aux branchements, les mécaniciens du Groupe
n’étant pas là, les pilotes doivent prêter la main aux trois spécialistes de la
maison Dewoitine mis à leur disposition. Pour dévisser les tôles couvrant les
accès aux tuyauteries, ils doivent se passer de main en main les deux seuls
tournevis cruciformes qu’ils ont trouvés ! Il faudra prendre en compte que
le poids supplémentaire des appareils dû aux réservoirs auxiliaires réduira un
temps leur vitesse.
20 juin 1940 : Dans la matinée du
jeudi 20 juin, le Groupe décolle. Au dernier moment le s/lt SATGÉ est arrivé de
Toulouse avec un nouvel avion qui a pu lui être affecté et partir ainsi avec
ses camarades. Par contre le cne GUERRIER a au décollage un problème avec son
train d’atterrissage : il perd du temps avant de pouvoir le fermer grâce à
quelques évolutions autour du terrain et il va faire le trajet loin derrière,
en compagnie du sgt Michal CWYNAR qui l’a attendu, tous deux seuls et pris à
partie par des tirs d’artillerie espagnols à proximité des baléares. Ce n’est
qu’un hasard, mais ils avaient tous les deux installé une précieuse cargaison
derrière la plaque de blindage du siège de leur avion : CWYNAR, sa
guitare, et GUERRIER son matériel de pêche !
Les pilotes doivent faire
leur navigation sans carte, sans connaître la côte algérienne, et avec les
seules indications de vitesse et de cap données par leurs instruments, alors
que beaucoup des montres des tableaux de bord des Dewoitine ont été volées dans
la nuit ! Des pages prélevées dans les atlas des écoliers de Saint-Laurent
La Salanque, des cartes du « Calendrier des Postes » ou des
« Chemins de fer » ont été emportées par les pilotes sur lesquelles
ils ont préparés leur vol : cap 160 pendant 20 minutes, puis cap 190
pendant 55 minutes pour éviter les Baléares, puis cap 200 pour tomber un peu à
l’est d’Alger et apercevoir la « Grande Ville Blanche » à sa droite
avant de descendre sur Maison-Blanche. Un pilote a pu décalquer sur un bout de papier
sulfurisé, récupéré dans une cuisine, les contours des côtes espagnole et
africaine sur lequel il a tracé son plan de vol pour Oran, sa destination
initialement prévue ; il n’a eu le temps ensuite que de tracer une droite
pointillée entre Perpignan et Alger lorsque la destination finale fut connue et
de garder en tête les indications de cap et de temps indiquées.
Reproduction de la carte tracée par le sergent
GOUZI du GC III/3 pour son vol de Perpignan à Alger
Heureusement le capitaine
ASSOLLANT, le premier Français à avoir traversé l’Atlantique d’ouest en est en
1929 à bord de « l’Oiseau Canari », et qui, les 10 années suivantes,
a sillonné l’Afrique en tous sens comme chef pilote de l’aviation civile à
Madagascar, est un navigateur hors pair. De plus, le survol des Baléares peut
permettre de corriger éventuellement le cap s’il le faut. C’est donc lui qui
mène les avions pour cette traversée (*). La plupart des
pilotes ont le « trouillomètre » à zéro de peur d’être isolé de leur
guide !
(*)
Mémoires du lieutenant MENNEGLIER : « …Enfin le matin du 20
juin tout le Groupe décolla en direction d'Alger sous la conduite du capitaine
Assolant qui avait l'habitude de la navigation au compas… »
Mémoires
du capitaine STEHLIN : « ... Le III/6 est rassemblé au complet
au-dessus de La Salanque quand JE mets le cap sur les Baléares... ». Sans
commentaire...
Les Dewoitine passent en vue
des Iles Baléares sans rencontrer les avions ennemis que des renseignements
malveillants avaient annoncés. À proximité des côtes algériennes, un Bloch 174
vient à la rencontre des arrivants pour les guider jusqu’à Maison-Blanche où
ils atterrissent après 2h 40 ; c’est aussi la grande pagaille sur ce
terrain complètement désorganisé par l’arrivée massive en quelques heures de
tout ce qui vole encore après la campagne de France.
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Alger la « La blanche » telle que
les pilotes du GC III/6 purent l’apercevoir de loin avant de se poser sur le
terrain de Maison Blanche le 20 juin 1940 |
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A gauche,
carte « Michelin » de la région d’Alger de cette époque où figure le
terrain d’aviation de Maison Blanche, 10 km à l’est du centre-ville A droite, sur un extrait de la carte
d’état-major de la région, l’implantation plus détaillée de ce terrain vers
1935– Noter à gauche « Smar » (voir plus loin) |
Les archives du III/6, n’en parlent
pas beaucoup, mais tout ne s’est pas passé aussi bien que généralement
rapporté. Outre le cne GUERRIER et le sgt CWYNAR, le s/lt KAWNICK, parti avec
le Groupe, avait dû retourner à La Salanque, son hélice restant obstinément au
petit pas. On put le dépanner et il repartit seul vers l’Afrique du Nord.
Concernant le s/lt polonais
KAWNICK on a la chance de posséder deux témoignages d’origine totalement
différente, mais heureusement concordants, au moins pour l’essentiel :
Le premier est celui du
lieutenant mécanicien du III/6,
Témoignage du lieutenant
« …Nous passâmes tout l’après-midi à l’attendre... Il
arriva à Maison-Blanche en taxi vers 18h trempé mais souriant, et raconta son
aventure. Il était parti vers 13h de La Salanque avec une hélice qui
n’avait plus de caprice. Il n’avait pas de carte mais il avait reproduit sur
un carnet le profil de la côte algérienne entre Oran et Bougie avec au milieu
une grande ville blanche qu’on voyait de loin : Alger. Il savait qu’il
devait passer au-dessus des Îles Baléares et continuer tout droit pour
arriver à Alger. Fâché avec le compas il avait préféré simplifier le problème
et « aller droit soleil ». Il passa effectivement au-dessus des
îles Baléares mais en vue de la côte algérienne, il ne vit pas la grande
ville blanche et la chercha en suivant la côte vers l’est. En ne la voyant
toujours pas et s’apercevant qu’il s’était trompé et qu’il fallait la
chercher vers l’ouest, il fit demi-tour. Mais quand vint enfin la grande
ville blanche, il n’avait plus d’essence et il posa son avion sur l’eau,
hélice arrêtée et train rentré à 200 m de la plage de Maison-Blanche. Avant
que son avion coule, il prit sa petite valise derrière le pare-balles du
cockpit et nagea vers la plage. Il mit longtemps à trouver un taxi qui le
conduise à l’aérodrome de Maison-Blanche et se présenta au capitaine Stehlin
vers 18h, penaud, honteux de son aventure, mais heureux d’avoir retrouvé ses
amis… » |
Le second, totalement
indépendamment du III/6, est celui du général Albert PESTRE, né en Algérie en
1924, ancien élève de l’École de l’Air (promotion AFN 1943). Il faisait partie
de la génération d’officiers de l’Armée de l’Air, qui ont partagé leur formation
entre Marrakech et les États-Unis mais qui n’ont pas participé aux opérations
aériennes en Europe. Au Groupe de Bombardement 2/20 « Bretagne » fin
1945, en Indochine, en Algérie, et commandant de la BA.105 d’Evreux en 1970,
décédé en 2009.
Page
consacrée au général Albert PESTRE
Témoignage du général
Albert PESTRE - Alors lycéen à Alger, il avait 16 ans « … En Algérie, nous étions bien loin des zones de
combat. Néanmoins un jour, c'était le 20 juin, nous fûmes les témoins directs
de la réalité de notre effondrement militaire. Entendant un bruit de moteurs
lointain ne cessant de s'amplifier, nous vîmes arriver sur nous les premiers avions de chasse qui avaient fui la Métropole, en
s'élançant au-dessus de la Méditerranée, pour trouver refuge sur le sol
africain. C'étaient des « Curtiss P-36 » et des « Dewoitine
520 ». Leur axe d'arrivée sur la base de Maison-Blanche les faisait
passer pour la plupart dans un vrombissement de tonnerre juste au-dessus de
la propriété, à très basse altitude, seuls ou en patrouilles de deux ou trois
appareils. Chaque fois que nous entendions un ronronnement lointain qui
s'approchait, ma cousine, mon cousin, mon frère et moi, nous nous
précipitions hors de la maison pour assister au spectacle. Puis nous suivions
des yeux leurs silhouettes noires se découpant sur le fond bleu du ciel,
jusqu'à les voir à l'horizon amorcer un large virage, avant de s'engager dans
la descente vers la piste d'atterrissage. Parmi les pilotes qui quittèrent la France, l'un d'entre eux
put tout juste atteindre le rivage de l'Algérie. Amerrissant à quelques
centaines de mètres de la côte, il réussit à s'extraire avec beaucoup de
peine de sa carlingue… Puis il s'effondra évanoui sur la plage, le front
ouvert, sa tête ayant buté sur le collimateur. » « A quoi tient
la vie… » Société des Écrivains – 2005 |
Mémoires de Jean
MENNEGLIER – 6ième Escadrille du GC III/6 « ...A Maison-Blanche nous faisons connaissance avec l'Afrique
et avec sa population de musulmans et de pieds-noirs. Il y avait sur le
terrain un excellent mess. Au bar on servait dans de grands verres le
moscatel des Pères Blancs qui, bien frais, descendait tout seul. On en
prenait et on en reprenait. À table il y avait rosé et blanc frappé à
discrétion. Rien d'étonnant à ce que l'après-midi on ait envie de faire la
sieste. Il me fallut un ou deux jours pour me rendre compte qu'il fallait se
modérer sur la boisson. Nous ne restâmes pas longtemps à Alger car on nous envoya sur un terrain de campagne
à Morsott au sud de Constantine.... » |
A Alger, les valeureux pilote
Polonais sont envoyés dans un centre de regroupement avant de gagner la
Grande-Bretagne où ils seront intégrés dans la R.A.F. Quatre pilotes de D.520
qui ont fait la traversée avec de III/6 sont intégrés dans ses effectifs :
le cne Hugues
BOULARD de POUQUEVILLE, affecté temporairement à l’État-major ; le cne
(*) Mémoires du lieutenant MENNEGLIER : « L'un
d'eux était le capitaine Sautier, un polytechnicien qui avait appartenu au Centre
d'essai en vol (C.E.V.). C'était un charmant camarade qui resta quelque temps
avec nous puis rejoignit la France où il avait laissé sa famille. »
L’Échelon roulant
18 juin 1940 : Le transfert vers
l’A.F.N. du reste de l’effectif du Groupe, dont les mécaniciens et leur chef le
lieutenant BRAUDEAU, fut plus difficile ; faute d’avion pour leur
transport, tous sont restés au Luc le mardi 18 juin après le départ des Dewoitine
en attente des ordres. À partir de là, il y a télescopage entre les
« Mémoires » du Général STEHLIN de 1964 et de celle de
Pour tenter de remettre les
choses dans l’ordre : L’adj. GOUJON, qui est arrivé à La Salanque avec
tout le Groupe le 18 juin vers 18h 30 aurait été immédiatement renvoyé au
Luc par le cne STEHLIN vers le lt BRAUDEAU pour lui porter l’ordre de
mettre en route l’échelon roulant le lendemain. Le général STEHLIN qui situe
son arrivée au Luc tard dans la soirée le 19 écrit : « ...Dès que je sais
ce qui va se passer, je renvoie GOUJON au Luc pour donner à l’échelon roulant
l’ordre de s’embarquer à Marseille pour Alger… » et il ajoute « …je suis dans l’autocar qui doit nous conduire dans un village
proche de Perpignan pour y passer la nuit quand un planton me remet une note
qui m’est destinée. C’est un ordre qui émane du Commandant en Chef des Forces
Aériennes. Il m’est ordonné, tel quel, sans pli cacheté, comme une carte
postale que tout le monde peut lire :
« Exemplaire n°27 G.Q.G.A. le 17 juin 1940, 0 heure « ORDRE PARTICULIER N° 55 POUR LE GROUPE DE CHASSE III/6 1) J’ai décidé d’entreprendre une opération brutale et puissante. Cette opération sera précédée d’une concentration rapide contre l'Italie du Sud, les îles et la Libye. Cette opération sera précédée d'une concentration rapide de toutes les forces de bombardement disponibles en Afrique du Nord, où elles seront maintenues jusqu'à obtention du résultat recherché. La couverture du déploiement de ces moyens et du territoire nord-africain contre les ripostes du bombardement italien sera assurée par l'ensemble des moyens de chasse actuellement basés dans la métropole. 2) En conséquence, dès réception du présent ordre, le Groupe de Chasse III/6 se dirigera sur l’Afrique du Nord la totalité de ses échelons volants disponibles (appareils montés par équipages de guerre). 3) Terrain de départ : La Salanque Terrain régulateur : Oran où vous trouverez des instructions concernant les terrains d'opérations où vous devrez vous rendre. Le mouvement des échelons roulant fait l’objet d’instructions particulières. Pour le Général-Commandant en chef des Forces aériennes, Pour le Major général, l'Aide-Major général chargé des opérations : Signé : BERGERET » |
Il affirme que ces ordres
verbaux étaient accompagnés d’une copie de la note du Général BERGERET. À noter
que l’adj GOUJON qui s’est posé à La Salanque en fin d’après-midi le 18 juin,
tenant compte des pleins à faire, ne pouvait qu’être de retour au Luc que tard
dans la nuit !
Tout cela semble bien
abracadabrantesque ! Même si le Général STEHLIN, qui décale tout d’une
journée, s’était trompé de bonne foi, il écrit qu’il reçoit la note du Général
BERGERET à Perpignan dans la nuit, alors qu’il écrit un paragraphe plus haut que
GOUJON est déjà reparti au Luc porter ses ordres ! Ce n’est donc pas
qu’une erreur de date ! L’aller-retour de l’adj GOUJON au Luc est vraiment
incompréhensible, à moins que M. BRAUDEAU ait voulu faire coïncider en
1989 une partie de son témoignage avec les Mémoires du Général STEHLIN, sans se
rendre compte que celui-ci avait eu 25 ans plus tôt des souvenirs plus
qu’incohérents ! De plus le cahier d’ordres de la 5ème
Escadrille ne porte aucune trace de cet aller-retour Perpignan - Le Luc –
Perpignan de l’adj GOUJON.
Quoi qu’il en soit, les
ordres de mouvement vers Marseille ont été forcément donnés avant que le
commandant du Groupe ne s’envole du Luc, puisque l’échelon roulant a eu le
temps de se préparer et de partir dans la nuit du 18 au 19 pour effectuer les
100 kilomètres qui les séparaient de Marseille et y arriver à l’aube. Les
Hommes sont regroupés au camp Sainte-Marthe ; outre ceux du III/6, s’y
trouvent sans doute aussi ceux du II/4 et du GAO 553 qui s’embarqueront avec
eux sur le même navire.
19 juin 1940 : Racontant en 1989 le
passage de l’échelon roulant à Marseille,
20 juin 1940 : Il continue ce récit
épique dans le même esprit : « J’avais gardé avec moi, outre l’a/c AUGST 14 mécaniciens
« triés sur le volet ». Nous sommes partis à Marignane dans quatre
taxis vers 18h 00 où je fus reçu par un jeune capitaine auquel j’exposai
notre cas. Il y avait deux hydravions en cours de chargement de matériel civil
pour l’Algérie. Il fit décharger ces matériels, nous offrit à manger et à boire
et quand les hydravions furent prêts au départ nous y accompagna. Nous
décollâmes à 4h 00 le 20 juin et à 9h 00 nous amerrissions à l’entrée
du port d’Alger. Quatre nouveaux taxis nous conduisirent à l’aérodrome de
Maison-Blanche où nous arrivâmes à 11 h. À midi le III/6 se posa et gagna
le hangar n°6 où les mécaniciens attendaient ». Tout ceci est trop beau : quand les avions du III/6 sont
arrivés à Alger la plupart des témoignages parlent d’une pagaille complète. Il
y avait des appareils dans tous les sens sur le terrain et sur son périmètre et
il est impossible qu’une escadrille complète ait pu se frayer un chemin jusqu’à
un hangar qui ne lui avait certainement pas été encore attribué !
Dans ses mémoires en cinémascope,
Paul STEHLIN, n’hésite pas à écrire : « ...(le terrain de) Maison Blanche est encombré d’avions. Il
n'est pas facile de trouver une place sans risquer une collision. Pourtant, en
dix minutes, les trente-neuf Dewoitine du groupe sont alignés au bord du
terrain, les masques blancs à gauche de mon avion, les masques noirs à droite,
en une rangée impressionnante... »
On a ici un bel exemple de
ces témoignages tardifs, sans support d’archives, où la volonté de parler de
soi passe avant celle de raconter l’Histoire !
Le sgt mécanicien Robert
UMBERT, n’a pas dit clairement s’il faisait partie de ce groupe de 15
privilégiés « triés sur le volet » conformément aux ordres du cne
STEHLIN, mais il a témoigné : « …une partie des mécaniciens fût embarquée sur un hydravion
Latécoère qui décolla de l’étang de Berre au lever du jour pour se poser 5
heures plus tard dans l’arrière port de l’Agha à Alger. Le reste des
mécaniciens arriva par bateau le 27 dans la matinée »...
L’adjudant mécanicien René
COLIN, raconte pour sa part : « ...les pilotes partent pour Perpignan et les mécaniciens
avec l’échelon roulant se rendent à Marseille. Les pilotes rejoignent ensuite
Maison-Blanche sans aucun incident pour notre groupe (il oublie manifestement l’amerrissage du s/lt KAWNIK, et
l’arrivée en solitaires des sgt CWYNAR et cne GUERRIER, suite à un ennui
mécanique au décollage sur le D. 520 de ce dernier !). Quelques mécanos gagnent
Alger sur deux hydros d’Air France, des Lioré et Olivier LeO 242. Celui où
je suis est piloté par Givon (*). Le reste du personnel
arrive par la mer. Nous restons plusieurs jours à Maison-Blanche, avant de
partir pour Constantine où nous apprenons l’armistice... »
(*) Célèbre compagnon
de Mermoz à « l’Aéropostale ». Précédemment, le 2 septembre 1927, il
avait décollé du Bourget en direction de New York avec
Pas d’allusion au Hangar
n°6 ! Pas d’allusion aux 38 Dewoitine bien alignés derrière celui du
Commandant du Groupe... Finalement, quelle importance ? Un ou deux
hydravions, Latécoère ou Lioré & Olivier (*), 15 mécaniciens, un peu plus ou un peu moins ! Quelle
importance de savoir si le cne STEHLIN a pu faire une arrivée digne de lui,
attendu devant le hangar n°6 par des « mécaniciens
triés sur le volet », peut-être au garde à vous ? Il nous manque le
film !
(*) Vérification faite,
ce sont bien deux Lioré et Olivier LeO 242 qui ont fait le voyage, mais il n’y
avait pas que le III/6 à leur bord !
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Hydravion
Lioré et Olivier H.242 employé sur la ligne Marseille/Alger – Photographie
faite devant les hangars de l'hydrobase Air France à Marignane en 1937 Envergure :
28 m – Longueur : 18m 450 – Hauteur : 5 m 995 - Poids à
vide : 4 750 Kg. - Poids enlevé : 4 250 Kg - Vitesse à 100 m
(sol) : 232 km/h - Temps de montée : 13'10" à 2 000 m –
Plafond : 4.400 m. en 63’ Les passagers et le fret prenaient place à bord
au sec et les H.242 étaient mis à l'eau ensuite via une rampe. Collection René
ZUBER via Jean-Louis BLÉNEAU |
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Hydravion Lioré et Olivier H.242 employé sur
la ligne Marseille/Alger – Photographie aérienne de l'hydrobase Air France de
l’Agha d’Alger vers 1937 |
En fait, le lieutenant BRAUDEAU
a un peu oublié 45 ans plus tard que c’était le lieutenant MIRAND, le vrai
patron du personnel non navigant, en charge de l’équipe administrative du
Groupe ; si celui-ci n’a pas raconté plus tard par modestie le transfert
du III/6, de Marseille à Alger, des sous-officiers se rappellerons bien que
c’est lui qui a réglé la plupart des problèmes. Il fit la traversée à bord du
« Commandant Dorise », avec ses hommes, dans des conditions
épouvantables et fit de son mieux pour leur trouver un minimum de rations
alimentaires, soutenir le moral des plus faibles et éviter des affrontements
dus à la promiscuité avec les autres passagers...
Comme cette histoire est
bâtie autour de celle de l’a/c Joseph BIBERT, notons pour sourire qu’il n’a pas
eu la chance d’être « trié sur le volet » puisque son livret
militaire prouve qu’il n’a été « débarqué » que le 27. Il n’y avait au
III/6 que 4 sous-officiers mécaniciens qui avaient fait un stage de 8 jours
chez Dewoitine à Toulouse du 7 au 16 juin pour être spécialisés sur le
D.520 ; adj. COLIN, (chef de hangar) et sgt DESFOSSEZ pour la 5ème,
s/c BIBERT (chef de hangar) et ROBERT pour la 6ème. On peut penser
malgré tout que la présence sur le port de Marseille d’un des deux chefs de
hangars, sous-officier confirmé, pour veiller au bon chargement des matériels
du Groupe, avait été jugé utile puisqu’on sait par ailleurs que les trois
autres ont bénéficié d’un voyage confortable en avion pour accueillir dignement
leur commandant de Groupe à son arrivée en terre d’Afrique !
Extrait du livret militaire de Joseph BIBERT –
Débarquement en Algérie
21 juin 1940 : Pour revenir sur les
problèmes d’intendance, ceux du GC III/6 qui font la traversée maritime
ont touché à leur départ du Luc des rations individuelles pour se nourrir les
19 et 20 juin... Après cela c’est la grande débrouille ! Ils embarquent
donc le 21 juin sur les deux antiques cargos, le « Commandant
Dorise » pour le personnel et une partie du matériel et le
« Sainte-Marguerite II » pour le reste du matériel. Ces deux
navires doivent avec une trentaine d’autres partir en convoi (*) Les échelons roulants de plusieurs autres groupes ont également
été embarqués, certains sur les mêmes navires que ceux du III/6 (GC II/4
et de GAO 553 comme dit plus haut).
(*) Les navires du convoi P8 : AMPERE,
CALEDONIEN, CAMPINA, CHATEAU LAROSE, CHELMA, COMMANDANT DORISE, CYDONIA
(britannique), ESTRID (danois), FIRUZ, FORMIGNY (britannique),
GINETTE LE BORGNE, GOUVERNEUR GENERAL CAMBON, GOUVERNEUR GENERAL GREVY,
GOUVERNEUR GENERAL TIRMAN, IMERETHIE II, JOHN KNUNDSEN
(norvégien), KROUMIR, LANGANGER, MAYAN, MAYENNE, MEDIE II,
MONT SAINT CLAIR, NICOLO ODERO, OASIS, P.L.M.20, PALLAS, PLATON,
SAGITTAIRE, SAINTE MARGUERITE II, TANAIS, TELL et TIBERIADE.
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A gauche, le cargo « Commandant
DORISE » et à droite le « Sainte-Marguerite II » |
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Chargement d’un camion de l’échelon roulant du
GC III/6 le 20 juin 1940 sur le « Commandant DORISE » et un aperçu
des conditions de la traversée qui dura 4 jours Photographies Robert
ROHR du GC III/6 – Droits réservés |
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Toujours à bord du « Commandant
DORISE » des personnels du GAO 553, Groupe qui a aussi embarqué sur le
cargo et le départ de celui-ci dans le port de Marseille Collection de GRIVEL
via Mathieu COMAS – Droits réservés |
En savoir plus sur : Les
cargos « Commandant DORISE » et « SAINTE-MARGUERITE II »
Dans la nuit du 21 au 22
juin, alors que les navires sont encore en rade 6 à 10 bombardiers
Savoia-Marchetti SM.79 du 104ème Gruppo (46ème Stormo)
attaquent la ville en deux vagues successives. Ce qui reste de la chasse
française n’a pas pu intervenir, et la D.C.A française réagit sans succès, y
compris les jumelages anti-aériens se trouvant sur certains navires et servis
par des marins de la « Royale ». Un peu plus de 4 tonnes de bombes
tombent sur Marseille et l’Estaque, faisant près de 140 victimes civiles.
Quelques-unes atteignent la rade, mais loin des bateaux, créant cependant une
grosse panique et une course vaine aux ceintures de sauvetage.
22 au 17juin 1940 (en mer) : Ceux-ci
lèvent l’ancre le 22 juin à 17h 00 à destination d’Oran, escortés par des
unités de la Marine Nationale. Il y a 1 200 personnes à bord du
« Commandant Dorise », l’installation manque de confort et
d’hygiène, la nourriture peu abondante est médiocre. C’est pire sur le
« Sainte-Marguerite II ». Le convoi change très souvent de cap pour
dérouter les sous-marins ennemis. Le 23 le convoi est encore en face de la côte
française à Port-Vendres et il arrive en vue des Baléares à une vitesse de 9
nœuds dans la journée du 24, et à Oran le 26 à 17 heures mais des ordres
nouveaux ont été donnés pour certains bateaux de poursuivre leur route vers
Alger. Les deux vieux cargos repartent à 21 heures et tout le monde débarque à
Alger le 27 juin entre 18 et 19 heures ; les hommes sont totalement
épuisés et affamés. Tout le Groupe GC III/6, encore dispersé puisque
l’échelon volant a quitté Maison-Blanche depuis 3 jours, se trouve à ce moment
en terre africaine, en attente d’instructions.
Cantonnés au « Dépôt des
isolés métropolitains » au 25ème régiment du train-auto, ce qui
ne résout que partiellement leurs précédents problèmes d’intendance, il faudra
trois jours aux « rampants » à Alger pour regrouper le matériel et se
remettre en ordre de marche, avant de pouvoir enfin quitter la ville en
effervescence le 30 juin pour Constantine. Quelques photographies permettent de
penser que certains ont quand même eu le temps de visiter rapidement la grande
ville blanche...
MORSOTT -
CONSTANTINE |
Mémoires de Jean
MENNEGLIER « ...Le 24 juin nous partîmes en deux formations vers
Morsott, notre nouveau lieu de stationnement. Aux environs de Constantine
nous butâmes sur un ciel très noir. Un vent de sable soufflait au sud. Le cne
Stehlin fit demi-tour et décida d'aller se poser sur le terrain de
Constantine. Le cne Chainat qui commandait l'autre formation, sans doute plus
familier du vent de sable à cause de son séjour au Maroc alla jusqu'à
Morsott.... ». |
Retour à L’Échelon volant
24 juin 1940 : Le Groupe reçoit l’ordre
de se rendre à Morsott, bled perdu dans les sables et la rocaille situé entre
Tébessa et Souk-Ahras à la frontière tunisienne, à 400 km est/sud-est
d’Alger, plus loin que Constantine. On est le 24 juin. Ce qui est indiscutable :
la 5ème Escadrille décolle à partir de 15h 00 (Cahier d’Ordres)
; LE GLOAN – MARTIN – TRINEL (seconde patrouille), suivis de GOUJON –
CHARDONNET – MERTZISEN et HARDOUIN (troisième), vont arriver sans encombre à
Morsott ; par contre la patrouille JACOBI – de ROUFFIGNAC – BRONDEL,
partie la première 5 minutes avant celle de LE GLOAN, va atterrir à
Constantine ! Le livre de marche de la 6ème Escadrille dit
seulement « Un providentiel (SIC) vent de sable oblige la moitié du Groupe,
conduite par le Capitaine Stehlin, à se poser sur le terrain de
Constantine » et le Cahier d’Ordres de
l’Escadrille cite seulement les 12 pilotes ayant fait le trajet Alger –
Constantine en 4 patrouilles de 3 sans préciser l’heure de décollage. On sait
par ailleurs qu’à l’atterrissage, les avions du capitaine BOULARD de
POUQUEVILLE et du sgt GAUTHIER (6ème Escadrille) se percutent, sans
dommage pour les pilotes. Belle pagaille !
En 1964, Paul STEHLIN, qui
situe d’ailleurs bizarrement cet épisode le 23 (avant l’annonce de l’armistice
avec l’Italie) au lieu du 24, raconte dans ses mémoires cet épisode en
multipliant invraisemblances et contrevérités : « L’Escadrille des masques blancs
(c’est la 5ème qui se pose effectivement à Morsott, mais sous la
conduite de CHAINAT d’après jean Menneglier) part avec Assollant en tête, celle des
masques noirs (c’est la 6ème, celle qu’il dit conduire et
qui va se poser effectivement à Constantine avec lui) suivra à une demi-heure (5
minutes d’après le cahier d’ordres), sous ma conduite. Est-ce parce que je ne connais pas
l'Afrique ou est-ce l'influence d'une grande fatigue, j'ai l'impression que la
visibilité diminue rapidement et que devant nous le ciel s'assombrit. Le fait
est que la formation s’est resserrée, ce qui est bien le signe que personne ne
veut risquer de me perdre de vue. J’ai vingt pilotes (12 tout au
plus !)
qui me suivent, la moitié d’entre eux n’a qu’une courte expérience du vol (Ils
ont tous plus de 20 missions de guerre à leur actif et de nombreuses
citations !). Je regarde la carte, nous ne sommes pas loin de Constantine. Il est
peut-être plus prudent de faire une escale pour obtenir des informations sur le
temps (il n’y a que 20 minutes de vol environ entre Constantine et
Morsott !) ». Il sous-entend à contrario
plus loin en se contredisant qu’il a fait le choix volontaire de se poser à
Constantine pour pouvoir quitter l’Algérie au plus tôt avec ses pilotes, à
destination de Malte, afin d’y poursuivre la lutte à côté des Anglais. Pour
lui, comme dit plus haut, il y avait en effet volonté de toute la hiérarchie de
réduire les escadrilles à l’immobilité en les positionnant loin de tout et sans
possibilité de ravitaillement en essence, voire de remettre les avions aux
italiens.
Plus raisonnablement et plus
simplement, on peut aussi penser que vu le grand encombrement de
Maison-Blanche, la nécessité d’y faire de la place a conduit à répartir dans
l’urgence les escadrilles au mieux sur des terrains pouvant les accueillir,
conformément aux ordres du 17 juin du Général VUILLEMIN, sous la signature du
Général BERGERET, visant à concentrer les forces face à l’Italie. Ce n’est en
effet que le 24 au soir que l’armistice avec l’Italie de Mussolini a été signé,
avec une cessation des hostilités à 0h 35 le 25 au matin. À cette
heure-là, si la cinquième Escadrille est bien à Morsott, sans doute avec CHAINAT
et/ou ASSOLLANT ?, conformément aux ordres de
l’État-major, le Commandant du Groupe et une patrouille de la 5ème
(dont son commandant d’escadrille) se sont posés prudemment à Constantine, en y
entraînant toute la 6ème Escadrille.
A propos de
Constantine : « … à la place du bel aérodrome auquel je m’attends en
raison de l’importance de la ville j’aperçois une sorte de petit terrain
d’aéro-club… » écrit Paul STEHLIN dans ses
mémoires en poursuivant : « …à Morsott il n’y a ni logement, ni nourriture, ni rien pour
faire vivre un Groupe, c’est le désert… à Constantine l’hôtel
« Transatlantique » est confortable… ». On comprend mieux ! Il dit alors vouloir faire revenir
immédiatement la 6ème Escadrille à Constantine, mais qu’on lui
intime l’ordre de ne pas le faire, toujours avec cette volonté générale et
organisée d’empêcher les aviateurs de se rallier aux Anglais. Mais avec la
signature de l’armistice dans la nuit, qu’aucun avion ne soit autorisé à voler
à partir du 25 au matin n’a pourtant rien d’étonnant (*) ! Tout cela est bien embrouillé et n’a finalement que peu
d’importance, hormis peut-être celle de présenter l’auteur de ces lignes sous
un jour favorable, plus de vingt ans après les faits, au moment où le Général
de Gaulle est au pouvoir et qu’on aspire à une carrière politique…
(*) Pourtant dans la matinée du 25 juin, le
capitaine JACOBI, commandant de la 5ème Escadrille, qui s’est
détourné la veille de leur destination prévue avec le cne STEHLIN, qui a
préféré le « confort » de Constantine plutôt que les
« sables » de Morsott, fait un aller-retour Constantine-Morsott avec
son Dewoitine 520 codé « 1 », sans doute pour donner quelques ordres
aux pilotes et mécaniciens se trouvant à Morsott (Cahier d’Ordres de la 5ème).
Dans les jours qui vont
suivre, conformément aux ordres donnés aux commandant des deux escadrilles par
leur commandant de Groupe, aussi bien à Morsott qu’à Constantine, les capots
des Dewoitine sont ouverts et les magnétos sont démontés pour interdire tout
départ intempestif (voir photographie plus bas). Il n’est donc vraiment pas
question d’un départ à Malte...!
29 juin 1940 : Morsott était bien la
destination prévue du III/6. Deux photographies prises par le sgt Jules
PIESVAUX de la 5ème le 29 juin y montrent en effet des D.520 du
III/6 et ses camarades mécaniciens ; COLIN et DESFOSSEZ (du stage de
Toulouse) et LE MAT. Au moins ces quatre-là faisaient-ils donc partie de ceux
qui avaient traversé la Méditerranée par avion et qui avaient été dépêchés en
avant-garde sur leur nouveau terrain d’affectation. Par contre les pilotes
posés à Morsott, privés de vol, ont laissé leurs avions sous la garde d'une
unité territoriale et de quelques mécaniciens… pour rejoindre leurs camarades à
Constantine où la vie est bien plus agréable !
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Rares
photographies témoignant de la présence d’avions du GC III/6 à Morsott entre
le 25 et le 30 juin 1940 Photographies Jules
Piesvaux – Droits réservés |
30 juin 1940 : L’échelon roulant qui
a pu récupérer péniblement à Alger ses matériels arrive finalement dans la
soirée du 30 juin à Constantine où les avions sont totalement immobilisés. Les
mécaniciens ne chôment pas ; les machines n’ont pas beaucoup profité de
leurs soins depuis de départ du Luc-en- Provence...
3 juillet 1940 : C’est Mers
el-Kébir ! On remet précipitamment les appareils en état de vol et les
pilotes de la 5ème dont l’appareil est à Morsott y retournent pour
le ramener à Constantine en vue d’une éventuelle opération de protection contre
l’agresseur britannique.
Témoignage oral (2011)
de Mme. Jane ROBERT, veuve du sgt mécanicien Lucien ROBERT du III/6 -5ème
Escadrille « ...J’étais donc à Oran en 1940 au moment de la tragédie
de Mers el-Kébir. L’Amiral Gensoul a refusé à Churchill de prendre le
contrôle de la flotte et les Anglais l’ont immédiatement bombardée : ce
fut une faute. Mais il faut dire que l’Amiral français avait fait d’abord
fait tirer sur la vedette des parlementaires anglais qui venaient à sa
rencontre, sans vouloir engager une négociation, ce que beaucoup lui ont
reproché. Un des bateaux dont tout l’équipage était à bord a immédiatement
été détruit et tous les marins se sont retrouvés au fond de l’eau, les
pauvres, complètement mazoutés : ils sont presque tous morts. Après le
désastre mon père m’a dit : on va aller voir ce que c’est. C’était
terrible, tous les bateaux étaient complètement tordus, à moitié noyés…
c’était affreux, affreux ! J’avais une amie qui était infirmière à
l’hôpital Gaudens, elle m’a dit que les marins qui arrivaient complètement
mazoutés étaient en fait asphyxiés et mourraient comme des mouches… Seul le
cuirassé « Strasbourg » avait pu s’échapper... » |
C’est donc dans des
conditions un peu rocambolesques que tous les personnels, les avions et le
matériel du III/6 éparpillés entre Morsott, Constantine et Alger se retrouvent
finalement regroupés sur le petit aérodrome de Constantine à Kroubs à la fin de
ce triste jour de juillet 1940 qui a vu une partie de la Flotte Française être
détruite par la Royal Navy à Mers el-Kébir ; 1 300 morts ! Pour
fixer cette destination finale, il y a bien dû y avoir des ordres supérieurs
au-delà du choix de son cantonnement qu’aurait fait un simple capitaine,
Commandant d’un Groupe aérien parmi d’autres ! Peut-être que ses anciennes
fonctions politiques à l’ambassade de France en Allemagne, bien que modestes,
rendaient prudents ses supérieurs ce qui lui permettait de s’autoriser quelques
libertés... Une fois tout le monde arrivé tant bien que mal à Constantine,
certains continueront à profiter des « bienfaits » de l’intendance
militaire car pris en subsistance par la 25ème compagnie du train
automobile, tandis que d’autres s’installeront confortablement à l’hôtel
Transatlantique.
Mémoires de Jean
MENNEGLIER « ...Le terrain de Constantine, le Kroubs, était tout
petit. Il avait la forme d'une culotte de petit garçon et était à une
altitude de plus de 1 000 mètres. Le vent soufflait dans la direction où
il était le plus court. Les premiers avions se
posèrent dans ce sens. Je fis moi-même un atterrissage de précaution en
m'amenant au moteur à faible vitesse. Mais d'autres pilotes voulurent se
poser dans le plus grand sens avec vent de travers. À un moment deux avions
qui se posaient avec des axes d'atterrissage différents se tamponnèrent sans
autre mal que de la tôle froissée (*)... » « …on ne pouvait pas reprocher aux Anglais de vouloir
protéger leurs côtes que les Allemands menaçaient directement alors que notre
propre résistance s'était effondrée. Mais Mers el-Kébir nous paraissait comme
un affront, un manque de confiance dans la volonté de notre Marine de
respecter les clauses de l'armistice et de ne pas laisser notre flotte tomber
sous le contrôle allemand. Évidemment plus tard, avec la présence de Darlan
au gouvernement, nous aurions pensé autrement. Bref nous étions prêts à
répondre coup pour coup aux Anglais. Le Groupe III/6 aura l'occasion de le
faire en Syrie mais je l'aurai quitté avant... » |
(*) comme dit plus haut, le cne Hugues BOULARD
de POUQUEVILLE à bord du n°386, percute le n°364 « Mektoub !
III » du sgt Gauthier et lui découpe le plan droit. Ce dernier D.520 est
bon pour la réforme, tandis que le n°386 pourra être réparé… lorsque les
réparations seront de nouveau autorisées en atelier, soit près d’un an plus
tard ! Ce n’est que le début d’une longue série. Le sgt Gauthier restera
sans avion jusqu’au 24 juin et ne pourra récupérer un autre appareil que le 21
août seulement ; ce sera le D.520 n°145 qui sera codé
« 32 » et baptisé « Mektoub ! IV ». Voir photographie plus bas.
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Joseph BIBERT est
certainement heureux de se retrouver une seconde fois en poste sur le sol
africain, après son premier
séjour à Djibouti de 1937-1939, qui fut pour lui si agréable et dont il
conserva la nostalgie sa vie durant.
Il n’aimait pas parler de
lui, et nous n’avons malheureusement pas connaissance de l’activité réelle et
de son état d’esprit pendant la période très agitée entre son départ de
Coulommiers, ses quelques jours passés au Luc, son stage à Toulouse, sa traversée
de la Méditerranée et son arrivée à Constantine. Il n’a pris aucune
photographie pendant cette période. Les trois dernières faites à Coulommiers et
les premières faites à Constantine font partie d’un même rouleau de 8 négatifs.
Pas de trace de correspondance ; aurait-il eu le temps d’écrire
d’ailleurs ? Et à quelle adresse ? Il n’avait plus aucune nouvelle de
son épouse sans doute partie en exode quelque part en France, de sa mère et de
sa sœur en Alsace, si près de l’Allemagne. L’incapacité dans laquelle il était
de leur signaler sa position et le manque de perspectives pour sa vie à venir
ont certainement été des sujets d’inquiétude permanents. Mais comme beaucoup
d’autres, il a tiré par la suite un voile pudique sur tout cela et nous n’avons
pas pu réellement aborder le problème sur le fond avec lui avant sa
disparition.
Une petite anecdote mérite
cependant d’être racontée : au Luc, avant sa mission à Toulouse, il
logeait chez un facteur dont la maison était rose. Dans la précipitation de
l’évacuation de l’hexagone il s’est retrouvé en Algérie sans une partie de ses
effets personnels qui étaient restés dans une valise chez son logeur, dont il
ne se rappelait plus, ni le nom, ni l’adresse. Il a donc écrit d’Algérie à tout
hasard une lettre à « Monsieur le Facteur, Habitant une maison rose, Le
Luc » et il y eut trois miracles consécutifs : son courrier est
parvenu à la bonne destination, ce facteur était honnête et la valise est
finalement arrivée de l’autre côté de la Méditerranée quelques semaines plus
tard, intacte et complète !
Que pensait-il de ce qui
venait d’arriver à la France ? Avait-il entendu parler du Général DE
GAULLE ? Faisait-il totalement confiance comme 95% des français de
l’époque au vieux Maréchal pour sortir le Pays de l’ornière dans laquelle ses
dirigeants l’avaient conduit. Avec le temps et connaissant la fin du film on
voudrait savoir et on imagine. Mais la réalité est sans doute assez simple.
Joseph était un modeste militaire de carrière, il faisait partie du
GC III/6 et il avait confiance en sa hiérarchie. Il a accepté les ordres
donnés et il s’est sans doute adapté à la situation, en faisant simplement au
mieux pour que celle-ci soit la moins mauvaise possible eu égard aux
circonstances, et il a attendu la suite… Le s/lt MENNEGLIER dans ses mémoires,
ne dit pas autre chose (voir première partie)...
Finalement, il n’y aura pas
de vraies représailles contre l’Angleterre après Mers el-Kébir ; le
Gouvernement du Maréchal rompt seulement ses relations diplomatiques et envoie
quelques avions bombarder Gibraltar le 5 juillet sans grands dommages pour le
« Rocher ». Le III/6 se retrouve alors en quasi léthargie. Officiers,
sous-officiers, hommes de Troupe, tous en profitent pour visiter longuement la
ville et ses ponts, dont le célèbre Sidi M’Cid suspendu au-dessus des gorges du
Rhummel. Après les épreuves de la campagne de France, c’est un délassement
apprécié et le soulagement se lit sur les visages. Tous ceux qui ont un
appareil photo en profitent car ils ont la chance de trouver encore à acheter
quelques rouleaux de pellicules, denrées rares à cette époque...
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Constantine
– Début juillet 1940 – Les Dewoitine D.520 de la 6ème Escadrille –
Capots ouverts – Magnétos démonté pour les clouer au sol Photographie Joseph
Bibert – Droits réservés |
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Constantine :
Le Dewoitine D.520 n°364 « Mektoub ! III » du sgt Georges
GAUTHIER (6ème), plan droit arraché lors de l’atterrissage du n°386 du cne
Hugues BOULARD de POUQUEVILLE (E.M.) - Appareil au second plan Photographie |
C’est donc à Constantine que
Joseph termine le rouleau de pellicules photo, commencé lors du bombardement de
Coulommiers, un peu plus d’un mois plus tôt. Il peut recharger son Voigtlander
grâce aux ressources locales et on peut ainsi découvrir les seules
photographies connues d’un si bel alignement de Dewoitine 520, ceux de la 6ème
Escadrille du GC III/6, clichés historiques de grande qualité qu’il a faits du
terrain de Constantine, dont certains à bord d’un Lioré & Olivier
LeO 20 avec lequel il a eu l’occasion de survoler la ville.
Début juillet à Constantine : photographies de l’album n°6 de
Joseph BIBERT
Cliquez sur le bandeau des
miniatures ci-dessus pour ouvrir la page contenant ces photos
Les photographies de
Jules PIESVAUX, Jean MENNEGLIER et Georges GAUTHIER – Droits réservés
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Constantine – Dans les gorges du Rhummel –
Jules PIESVAUX de la 5ème – La passerelle Sidi M’Cid – Le monument
aux morts - Groupe de mécaniciens de la 6ème |
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Constantine – Dans les gorges du Rhummel (à
gauche) et autres vues (au centre et à droite) |
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Constantine – En haut des gorges du Rhummel
(à gauche) – Groupe de mécaniciens de la 6ème(au centre) - Sur le
pont d’El-Kantara (construit entre 1860 et 1863), vers la passerelle Sidi
M’Cid (à droite) |
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|
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Les bains de Sidi M’Cid – GABARD – SATGÉ – X
– PIMONT de la 6ème Escadrille |
Mémoires de Jean
MENNEGLIER « ...A Constantine nous logions à l'hôtel de la Brèche
qui avait pris ce nom probablement parce que c'était à son emplacement que
les murailles de la ville avaient été percées lors de sa prise au siècle
précédent. Sous la fenêtre de ma chambre il y avait un caravansérail où on
chargeait des chameaux qui devaient partir ensuite vers le sud. Le premier
matin, ouvrant l'œil, j'entendis un bruit bizarre qui ressemblait à celui
fait par quelqu'un en train de vomir. Regardant dehors je vis les chameaux
baraqués qui blatéraient à qui mieux mieux pendant qu'on les chargeait de
grands sacs réunis par des cordes nouées au-dessus du bât. Nous établîmes notre popote au restaurant de la piscine de
Sidi M'Cid qui se trouve juste au pied des falaises qui bordent la ville au
nord. Pour y aller on pouvait prendre soit la route qui suit les gorges du
Rhummel et descend ensuite en lacets vers la piscine, soit en faisant un
grand tour pour arriver en bas de la falaise et traverser la rivière par un
pont juste à la sortie des gorges. La piscine était alimentée par une source chaude sortant de la
falaise. Il y avait un ciel bleu et un soleil chaud. Nous faisions souvent
les lézards sur ses gradins après nous être baignés. Ne pouvant plus voler
nous n'avions plus grand chose d'autre à faire… Pour passer le temps nous
nous promenions pour visiter la ville. Capdeviolle avait une carabine 22 long rifle démontable. Un
jour nous allâmes tirer des pigeons dans les gorges du Rhummel qui étaient
accessibles par un sentier escarpé avec de nombreux escaliers. Il y avait au
fond une sorte de piscine remplie d'une eau d'un bleu vert d'une couleur
extraordinaire. Nous descendîmes quelques pigeons qui furent récupérés par de
petits arabes qui traînaient au fond des gorges. Elles sont très pittoresques
à cause de leur profondeur et en deux ou trois endroits le Rhummel qui les a
creusées passe dans un tunnel ou sous des arches de rocher notamment à la
sortie où il tombe en cascade à mi-hauteur de la falaise... » |
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Chez Sidi M’Cid : HARDOUIN, GAUTHIER, LE
GLOAN, PIMONT, GOUJON etc... |
Chez Sidi M’Cid : LE GUENNEC, GUERRIER,
BRIÈRE, ROUSSILLON, PIESVAUX, PÉRALÈS |
Pilotes
du GC III/6 fin juin 1940 |
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État-major |
5ème Escadrille |
6ème Escadrille |
Cne Paul Stehlin Cne André Chainat Cne Jean Bernache-Assollant Cne Hugues
Boulard de Pouqueville |
Cne Roger Jacobi Cne Lt Robert Martin Lt Daniel de Rouffignac S/Lt S/Lt Adj Charles Goujon S/C Gabriel Mertzisen S/C Maurice Chardonnet Sgt Napoléon Trinel Sgt Roger Hardouin |
Cne Lt Georges Legrand S/Lt S/Lt Marcel Steunou S/Lt Marie-Henri Satgé S/Lt Adj Jean Diaz Adj Guy Japiot S/C S/C Paul de Haut de Sigy Sgt Sgt Roger Pimont Sgt Raymond Gabard |
Le général VUILLEMIN, sur le
départ, se fait présenter à Sétif le 6 juillet au cours d’une prise d’armes une
importante délégation des pilotes de l’aviation de chasse en mesure d’y être
présents. Au GC III/6 nombreux sont ceux qui sont mis à l’honneur et qui
reçoivent de ses mains des distinctions :
·
Cravate de commandeur de la
Légion d’Honneur au capitaine CHAINAT,
·
Croix de Chevalier de la
Légion d’Honneur au lieutenant LEGRAND et au sous-lieutenant LE GLOAN,
·
Médaille militaire aux
adjudants JAPIOT et GOUJON,
·
Croix de guerre au capitaine
GUERRIER, sous-lieutenants STENOU, SATGÉ, MENNEGLIER, CAPDEVIOLLE, au
sergent-chef LE GUENNEC et aux sergents GAUTHIER, GABARD, PIMONT et BOUIN.
Mémoires de Jean
MENNEGLIER « ...Un jour le groupe alla par la route à Sétif pour
assister à une prise d'armes pour une remise de décorations. J'avais eu droit
à une citation à l'ordre de la Brigade aérienne pour la mission pendant
laquelle nous avions été tirés par la D.C.A. sur la Somme, ce qui ne
représentait pas une performance remarquable. Je la pris comme une
compensation pour n'avoir fait qu'apercevoir un Dornier pendant toute la
durée de « ma guerre ». Il est vrai qu'on distribuait, paraît-il,
des croix de guerre aux soldats qui se présentaient à Toulouse ou à Périgueux
porteurs de leur arme après avoir fait la retraite. Le gouvernement de Vichy
fit d'ailleurs procéder à une révision générale de toutes les décorations et
en profita pour changer la couleur du ruban qui était rouge et noir par du
vert et noir en signe de deuil... » |
Un état daté du 10 juillet
donne la liste des 27 Dewoitine D.520 affectés au GC III/6 incluant les
deux appareils accidentés le 24 juin (HS), mais sans le préciser :
·
- quatre à
l’État-major : n°331 (A), 302 (S), 314 et 386 (HS)
·
- onze à la 5ème
Escadrille : n°229 (1), 301 (2), 362 (3), 349 (4),
277 (6), 340 (7), 284 (8), 360 (10), 367 (11),
368 (12) et 369 (X)
·
- douze à la 6ème
Escadrille : n°313 (21), 357 (22), 330 (24), 356 (25),
358 (26), 346 (27), 174 (28), 138 (29), 295 (30),
321 (31), 364 (32) (HS) et 197 (33).
Un état daté du 15 juillet à
Maison Blanche concernant les mêmes appareils précise que les n°364 et 386 « gravement accidentés à l’atterrissage
à Constantine ont été laissé sur place et vont être versé au parc d’Hussein-Dey
, sur ces avions les moteurs sont récupérables ». Mais comme indiqué
plus haut, devant la pénurie d’appareils, le n°386 sera finalement réparé et
reversé au Groupe un an plus tard.
ALGER
11/07/1940 – 15/01/1943
Tout change militairement
après Mers el-Kébir. L’État-major du gouvernement du Maréchal doit maintenant
défendre ses colonies contre des éventuelles agressions britanniques, et c’est
dans ce cadre que le Groupe II/6 est rappelé à Alger Maison Blanche le 11
juillet 1940 pour être au plus près de la côte algérienne.
Le cne STEHLIN, fidèle à
lui-même, veut impressionner. Il organise un défilé aérien qui survolera à 500
mètres d’altitude Constantine au départ et Alger à l’arrivée, avant
l’atterrissage du Groupe à Maison-Blanche. Lui en tête, suivi de 10 patrouilles
légères, 5 de la 5ème et 5 de la 6ème comme le montre le
cahier d’ordres de la 5ème Escadrille de cette journée.
|
Terrain
de Maison Blanche vers 1935 – Les installations militaires – Plus loin, le
village et la baie d‘Alger au nord-ouest A droite,
les installations initiales civiles le long de la route « GC 16 »
qui reliait le village de M.B. à Fondouk au sud-est Cette zone est actuellement au centre de
l’aérodrome international Houari Boumédiène Collection |
L’échelon roulant,
c’est-à-dire l’unité administrative du Groupe, les sous-officiers non pilotes
et la troupe vont dorénavant cantonner au camp d’Oued-Smar, situé à moins de
deux kilomètres à l’ouest de Maison-Blanche le long de la voie ferrée, avec une
gare et quelques anciens bâtiments militaires rudimentaires (voir carte plus
haut).
|
Juillet
1940 - Installation de l’échelon du GC III/6 au cantonnement d’Oued-Smar (2km
à l’ouest de Maison Blanche) On
reconnaît des mécaniciens des deux escadrilles L’adj
COLIN au centre présente ce qui pourrait être un morceau de métal déformé où
on semble lire « RSAG » ? A gauche, s/c Joseph BIBERT (6ème)
avec son béret – A droite, sgt Jules PIESVAUX (5ème) une main dans
le dos Photographie Jules
Piesvaux – Droits réservés |
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Oued-Smar – Le service administratif du III/6
autour du lieutenant MIRAND qui le commande Collection |
|
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Oued-Smar
– Jules PIESVAUX et Yves LE MAT (5ème) inséparables amis... Photographie Jules
Piesvaux – Droits réservés |
Les amis
de Joseph BIBERT : Omer BORREYE (5ème) Lucien ROBERT dit « Bob » et Jean
EMERY (6ème) Photographie Jules
Piesvaux – Droits réservés |
Les
lieutenants MIRAND (service administratif) et BRAUDEAU (mécaniciens) en visite dans les
environs Collection |
Inventaire du matériel roulant du GC III/6 Alger le 13
juillet 1940 |
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Type de
véhicules |
Marque |
Nombre |
Voiture de liaison |
Simca |
1 |
|
Renault
Vivasport |
2 |
|
Peugeot
402 B |
1 |
Camion 2 tonnes |
Matford |
4 |
|
Matford En réparation au Parc d’Artillerie de Constantine |
1 |
|
Matford En instance de réforme au Parc de la Base de Sétif |
|
|
Renault Réquisitionné |
1 |
Camion 2,5 tonnes |
Renault Réquisitionné |
1 |
Camion |
Hotchkiss Réquisitionné |
1 |
Camion 3 tonnes |
Latil |
1 |
Camion 5 tonnes |
Matford |
1 |
|
Renault |
4 |
Camion + équipement Aérazur Entretien des radios |
Latil |
1 |
|
Hotchkiss |
1 |
Autobus |
Rochet -
Schneider |
1 |
Camion insuflateur air chaud |
Citroën
+ Técalemit |
3 |
Remorque magasin |
Coder |
1 |
Remorque armurerie |
Coder |
2 |
Cuisine roulante |
|
1 |
Voiture de liaison |
Simca |
1 |
Les choses se calment un peu
ensuite avec les anglais même si la presse algéroise, en quelques jours, fait
allégeance complète au régime du Maréchal. Le Groupe est en partie
démantelé ; c’est une vraie période d’hibernation d’environ 10 mois qui
commence. Comme à Constantine ceux du III/6 peuvent aussi prendre le temps de
visiter Alger et de profiter de la mer Méditerranée.
Mémoires de Jean
MENNEGLIER « ...Lorsque nous ne volions pas, nous nous promenions
dans Alger où nous allions prendre des bains de mer dans une petite crique
rocheuse à l'est de la ville vers Fort-de-l’Eau. On y retrouvait la jeunesse
pied noir. Les jours de tempête les vagues déferlaient sur les rochers jetant
des gerbes d'écume jusque sur la route du bord de mer. Je ne me lassais pas
de la contempler. Il y avait dans les rues ou sur les places des petits kiosques
où on pouvait prendre un café crème le matin. En consommant dans celui qui
était en face de la poste j'aperçus sur une étagère des gâteaux qui
ressemblaient à des chaussons aux pommes. J'en demandai un et eus du mal à
avaler la première bouchée. C'était un chausson au poivron vert. Quand on
n'est pas habitué à ce genre de friandise, ça passe difficilement. Le reste
du chausson fut balancé subrepticement dans une bouche d'égout. On prenait l'apéritif à des terrasses en plein air,
généralement devant l'opéra. À peine assis il fallait se défendre contre les
petits « yaouleds » qui voulaient à toute force vous cirer les
chaussures même quand elles étaient propres et vous mettaient d'autorité le
pied sur leur boîte. De temps en temps on les laissait faire. Il y en avait
d'autres qui vendaient des journaux. C'était drôle de les entendre crier : « L'icou
d'Algi » (l'Echo d'Alger) ou « La Dipiche » ». |
Juillet 1940 à
Alger : photographies Jules PIESVAUX – Jean MENNEGLIER
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Alger – Sur le port |
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La baie d’Alger d’ouest en est : Notre
Dame d’Alger et Bab-el-Oued (à gauche)– La jetée du nord (au centre) –
Fort-de-l’Eau et le Cap Matifou (à droite) |
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La Méditerranée |
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|
Dans la Kasbah d’Alger (à droite) |
Des départs et arrivées de
pilotes sont enregistrés, mais certains nouveaux ne peuvent être maintenus pour
respecter les exigences de la commission d’armistice (*) italienne dont le contrôle s’exerce dans tous les domaines :
(*)
« Commission d’armistice : organisme qui en trois mois, doit faire
d’un aviateur invaincu, un civil plein d’amertume » peut-on lire dans un
livre de marche…
Départs |
Arrivées |
Noms |
Observations |
29/07/40 |
|
Sgt
TRINEL |
démobilisation |
17/08/40 |
|
Cne
CHAINAT |
démobilisation |
17/08/40 |
|
Cne
ASSOLLANT |
démobilisation |
17/08/40 |
|
S/c DE
HAUT |
libération |
|
25/08/40 |
Sgt LINARD (5ème) |
du III/2 |
|
25/08/40 |
Sgt
MONRIBOT (5ème) |
du III/2 |
|
03/09/40 |
S/lt SAUVAGE (5ème) |
du III/9 |
|
03/09/40 |
Adj KUNTZEL(5ème) |
du III/9 - |
|
04/09/40 |
Sgt
MEQUET (5ème) |
du I/9 |
|
04/09/40 |
Sgt
MARGERIT (5ème) |
du I/9 |
|
09/09/40 |
Sgt
GHESQUIÈRE (6ème) |
du III/3 |
|
09/09/40 |
Sgt
MICHAUX (6ème) |
du I/9 |
|
10/09/40 |
Sgt
COISNEAU (5ème) |
du II/4 |
|
18/09/40 |
S/lt
GUILLOU (6ème) |
du II/4 |
21/09/40 |
|
Sgt LINARD (5ème) |
Jeunesse
et Montagne |
04/10/40 |
|
S/lt SAUVAGE (5ème) |
congés d’armistice |
15/10/40 |
|
Cdt
STEHLIN |
État-major
DARLAN à Vichy |
18/10/40 |
|
Adj
GOUJON |
S.C.L.A. |
22/10/40 |
|
Adj DIAZ |
Indochine |
23/10/40 |
|
Lt
LEGRAND |
congés
d’armistice |
25/10/40 |
|
Adj KUNTZEL(5ème) |
démobilisation |
??/09/40 |
|
Lt
BOIRIES (6ème) |
du
III/10 |
22/11/40 |
|
Cne
RICHARD (État-major) |
du I/9 |
01/12/40 |
|
Lt de
ROUFFIGNAC |
Jeunesse
et Montagne |
01/12/40 |
|
S/lt
MENNEGLIER |
Jeunesse
et Montagne |
01/12/40 |
|
Sgt GAUTHIER |
Jeunesse et Montagne |
|
27/12/40 |
S/lt
RIVORY (6ème) |
du I/55 |
01/04/41 |
|
Sgt
GROSDEMANCHE |
retour
III/6 - grièvement blessé le 20/09/1939 |
21/04/41 |
|
Sgt
GABARD |
libération |
22/04/41 |
|
Sgt
HARDOUIN |
libération |
23/04/41 |
|
S/c LE
GUENNEC |
vers centre
de Chasse de Blida |
23/04/41 |
|
S/c CHAMBON |
vers centre de Chasse de Blida |
23/04/41 |
|
S/c
MARGERIE |
vers
II/3 |
24/01/41 |
|
Lt LEGRAND |
retour III/6 |
|
24/04/41 |
Adj
BRODEAUX |
?? |
|
28/04/41 |
Sgt GAUTHIER |
retour III/6 |
03/05/41 |
|
Cne
GUERRIER |
État-major
Air A.F.N. |
|
06/05/41 |
S/c CHAMBON |
retour III/6 |
|
22/05/41 |
S/c
RAVILY |
du
III/23 via le I/3 |
|
22/05/41 |
S/c
ELMLINGER |
du III/2
via le I/3 |
|
23/05/41 |
Sgt
SAVINEL |
du I/9 |
|
23/05/41 |
Sgt
MORALES |
du I/9 |
Concernant le marquage des
avions, il faut savoir que dès le 9 juillet la note 3456/3-S stipule que tous
les avions doivent porter sur leurs flancs une bande blanche d’une largeur de
10 cm avec un liseré de 5 cm autour de la cocarde ; sa longueur n’est pas
précisée. Cette bande blanche a une origine tragique : le 21 juin 1940, le
s/lt Robert d’HARCOURT du GC II/3, fils du général Bernard d’HARCOURT,
inspecteur Général de la Chasse, pilotant le D.520 n°112, a confondu le Potez
631 de l'ECN 4/13 détaché à la 1/13 avec un Messerschmitt 110 et est passé à
l’attaque, criblant d’obus l’aile du Potez. Le mitrailleur arrière de l’avion
de reconnaissance français, à la 3ème passe, s’estimant en légitime
défense, a riposté et le D.520 et son pilote se sont écrasés à coté de Senlis.
En toute urgence le Général PINSARD, par sa circulaire n°2379/Gr.21/ES du 26
mai 1940, a demandé alors à ce qu’une bande blanche soit peinte sur tous les
Potez 63. Par extension, après Mers el-Kébir, la note du 9 juillet généralise
cette marque à tous les avions d’A.F.N. au
Par exemple : sur la
photographie non datée de droite ci-dessous on reconnaît de gauche à
droite ; adj Guy JAPIOT, adj Auguste KUNTZEL, sgt Raymond GABARD, adj Jean DIAZ,
devant le D.520 n°197 « Le Sachem » de GABARD qui ne porte pas encore
la bande blanche alors qu’elle est visible sur les photographies faites le 22
juillet 1940 lors de sa destruction (voir plus bas). Or l’adj KUNTZEL n’a été affecté
au III/6 que début septembre venant du GC III/3, et on sait par son petit
carnet de guerre personnel qu’avant cela il n’a été présent à Maison Blanche
que du 23 au 25 juin 1940 (le GC III/3 a
traversé la Méditerranée le 20 juin, pour se poser à Bône, puis partir pour
Relizane via Alger le 22 - sans doute y a-t-il eu quelques retardataires dont
l’adj KUNTZEL ? - et s’installer finalement le 12 juillet à Fès au Maroc
avant d’être dissous en août). D’autre part nous possédons une photo faite au
CIC de Montpellier au printemps 1940 alors que l’adj KUNTZEL était de moniteur
du sgt GABARD. En conclusion cette photo a sans doute été faite le 24 juin à
Maison Blanche, peut-être au moment du départ de la 6ème Escadrille
du III/6 pour Morsott, quand l’ancien moniteur est venu saluer son ancien élève
pendant que l’adj JAPIOT étudiait la carte d’Algérie pour localiser cette
localité et préparer son vol...
|
|
C.I.C. de
Montpellier - Printemps 1940 : X, adj KUNTZEL et MILLET, moniteurs, sgt
GABARD en formation devant le MS.406 n°1027 Alger
Maison Blanche – 24 juin 1940 (par déduction) : adj JAPIOT, adj KUNTZEL,
sgt GABARD, adj DIAZ, devant le D.520 n°197 « Le Sachem » de GABARD Photographies
Auguste Kuntzel – Droits réservés – Merci à |
Autre exemple : cette photographie
de la collection de Raymond PIMONT, alors sgt à la 6ème Escadrille
du III/6 sans légende. On peut identifier un Potez 63-11, un Dewoitine 520 sans
bande blanche, mais ses marques montrent qu’il appartient à la 5ème
Escadrille du GC III/3, le trimoteur Marcel Bloch MB 120 F-AMSZ qui assurait en
juin 1940 la ligne régulière pour Air Afrique et le Savoia Marchetti SM-83
« OO-AUE » de la SABENA n°20.07.38 446, appareil initialement
réquisitionné par Vichy à Alger, remis à l’École de Pilotage Militaire Belge
réfugiée en A.F.N., mais finalement remis aux italiens le 30 août 1940. Cette
photo pourrait donc avoir été prise début juillet 1940.
|
Alger maison
blanche – Sans doute le 24 juin 1940 – Potez 63-11, D.520 du GC III/3, MB
120, Savoia Marchetti SM-83 Collection Raymond
Pimont via Rémy Denizot |
Juillet 1940 : L'activité aérienne
est officiellement réduite à 4 heures de vol par mois et par pilote. Seule, une
fraude bien organisée, permet à certains de voler un peu plus.
Un accident qui aurait pu
avoir des conséquences terribles a lieu sur l’aérodrome de Maison-Blanche le 22
juillet 1940, sans doute dû au manque d’heures de vol d’entraînement. À
14h 10 le s/c Paul DE HAUT prend le départ sur le D.520 n°199 en vue de
convoyer cet avion à Constantine sans savoir que le D.520 n°197 du sgt Raymond
GABARD, de la 6ème Escadrille comme lui, avait dû atterrir
2h 00 plus tôt en vol plané, hélice calée suite à une panne de moteur à
2 000 mètres d’altitude au-dessus de la mer, qu’il n’avait pas été déplacé
et qu’il se trouvait encore sur le terrain dont les bords étaient d’ailleurs
toujours encombrés par de nombreux appareils convoyés à Alger avant
l’armistice. Aveuglé par l’immense capot moteur du D.520, il n’aperçoit
l’obstacle que trop tard et étant déjà à grande vitesse, il tente de décoller
mais ne peut éviter une collision brutale. Le pilote s’en sort miraculeusement
avec trois semaines d’hôpital mais les deux avions dont détruits.
|
|
|
Alger
Maison Blanche – 22 juillet 1940 - Les débris des Dewoitine 520 n°199 du s/c
DE HAUT et n°197 « Le Sachem » du sgt GABARD, tous deux de la 6ème
Escadrille, après l’atterrissage mal maîtrisé du premier cité Sur la photographie de gauche on aperçoit entre
les deux carcasses un trimoteur MB.120 en phase d’atterrissage Collection Raymond
Gabard via |
Le s/c de HAUT avait été
affecté d’office au III/6 parce qu’il avait demandé à effectuer la traversée de
la Méditerranée avec ce Groupe le 20 juin. Cela n’avait sans doute pas plu à
son Commandant qui, après une enquête rapide, estime dans son rapport au
Commandant de la B.A. de Maison-Blanche (n°443/G.C.3/6) que le pilote aurait dû
passer soit à droite, soit à gauche !!! … et qu’il porte donc l’entière
responsabilité de l’accident. En conséquence et comme à son habitude, il veut
une sanction et demande sa radiation immédiate du personnel navigant ;
rien de moins ! Paul Louis Marie JACOBÉ de HAUT de SIGY (1906-1995), un
des 5 enfants de
C’est seulement le 16
septembre qu’un nouvel appareil, le n°311 (33), pourra être affecté au sgt
GABARD.
Le GC III/6 à Alger – Maison -Blanche en
juillet / août 1940
|
|
|
Dewoitine D.520 du GC III/6 à Maison Blanche
– Au centre le n°368 « 12 » et le fameux n°277 « 6 » du
s/t LE GLOAN (5ème Escadrille) et dehors les n°346 (27), n° 174
(28) et 138 (29) (6ème Escadrille) |
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D.520 n°358 « 26 - Quo Vadis » du s/lt
MENNEGLIER (6ème) |
Avion école Caproni Ca 164 acheté à l’Italie
- D.520 n°48 « II » du GC I/3 (*) |
Breguet 693 – Groupe indéterminé |
Photographies
Jean Menneglier – Droits réservés
(*) Le Dewoitine 520
n°48 est un des trois avions utilisés pour les essais d'endurance en avril 1940
(n°47 à 49) qui étaient codés de la sorte de I à III. Affecté ensuite au GC
I/3, il est resté à Alger le 10 juin 1940 lors du transfert de ce Groupe de Perpignan
à Kalaa–Djerda en Tunisie via Oran, Alger, Tunis et Oudna entre les 17 et 21
juin 1940. Récupéré par la 5ème Escadrille du III/6, il porte encore
ici les marques du GC I/3. Il sera codé « 5 » et fera le déplacement
de Casablanca, voir une photographie plus bas. Accidenté le 24 janvier 1940 à
Oran où il restera indisponible une bonne partie du début de l'année 1941, il
rejoindra Alger avant le départ du III/6 pour le Levant en mai 1941, mais il
sera échangé avec le n°146 du II/7 au passage du Groupe à Tunis le24 mai 1941.
C’est en janvier 1940 que
la France a commandé en Italie 100 Caproni Ca.164 pour ses écoles d’aviation
pensant ainsi montrer à Mussolini sa bonne volonté politique et calmer ses
ardeurs belliqueuses. La production s’est poursuivait jusqu'en lai et environ
70 avions ont été livrés en France. L’Italie a ensuite récupéré 16 avions après
son occupation du sud de la France en 1943.
Profil des
Dewoitine n°277 « 6 » de la 5ème (LE GLOAN) et n°358
« 26 Quo Vadis » de la 6ème Escadrille (MENNEGLIER) -
Avant et après le marquage des avions de l’armistice
|
|
|
D.520
n°48 « 5 », n°284 « 8 », n°329 « 9 » de la 5ème
Escadrille, n°331 « A » (STEHLIN) et n°314
« S » (CHAINAT) |
S/lt SATGÉ et adj DIAZ de la 6ème
Escadrille |
Cne STEHLIN et sgt PMONT de la 6ème
Escadrille |
Photographies
Jean Menneglier et Collection Raymond Pimont via Rémy Denizot – Droits réservés
Dewoitine
n°331 « A » du cne STEHLIN, commandant du Groupe III/6
Photographie
à gauche Auguste Kuntzel – Droits réservés
Profil du
Dewoitine n°313 « 21 » du capitaine GUERRIER, commandant la 6ème
Escadrille et du capitaine SAUTIER n° 369 codé « X » affecté à
l’État-major du III/6
Août 1940 : La nouvelle
organisation des Forces Aériennes de l’armistice en A.F.N. est définie le 9
août 1940. Le Groupe de Chasse GC III/6 à Maison-Blanche (D.520), le
GC I/3 à Oran (D.520), le GC II/3 à Maison-Blanche (D.520) sont
rattachés au « Groupement de Chasse 26 » de Maison-Blanche qui doit
opérer en coopération avec le « Groupement 3 » constitué des GB
I/11 à Oran (LeO 451), I/19 à Sétif (DB-7) et II/61 à Blida (DB-7)
(Bombardement), ainsi qu’avec les GR I/52 (?) et II/52 à Oran (Bloch 175) et
I/36 à Sétif (Potez 63.11) (Reconnaissance).
Trois pilotes sont
démobilisés et un piloté libéré.
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L’État-major
du III/6 : lt BRAUDEAU (officier mécanicien), cne CHAINAT, cne STEHLIN, cne ASSOLLANT, cne de RIVALS-MAZÈRES, s/lt
Armand LOTTI (renfort services administratifs) |
LOTTI, de
RIVALS-MAZÈRES, BRAUDEAU, CHAINAT, STEHLIN et ASSOLLANT Dewoitine 520 n°314 du capitaine CHAINAT orné
de la bande des « As » et de la cigogne de la SPA 3 |
16 août 1940 –
Avant le départ des capitaines
Collection et photographies Georges GAUTHIER – Droits
réservés
La page du capitaine Chainat La page du capitaine Assollant
Après le
départ du capitaine Chainat, la bande des « As » et la cigogne de la
SPA 3 ont été masquées par un camouflage provisoire sur le Dewoitine n°314
Cet avion sera utilisé principalement par le
capitaine SAUTIER et il recevra finalement le code « 12 » ; voir
la photographie à Casablanca plus bas
L’arrivée de Julienne BIBERT à Alger
19 août 1940
Joseph BIBERT obtient enfin
une information sur le sort de son épouse Julienne le 20 juillet via Edmond
CHÉDEVILLE, un cousin de celle-ci qui est facteur à Philippeville et à qui elle
a écrit.
Celle-ci a été évacuée le 12
juin de Chartres sur Bordeaux avec le personnel militaire et civil du Parc
1/122 où elle travaillait comme secrétaire comptable. Lors de l’armistice les
personnels civils sont licenciés et laissés totalement en plan. Ils doivent se
débrouiller tout seuls, tandis que les militaires se déplacent d’une manière
anarchique de la Gironde au Périgord en convoi en attendant d’être fixés sur
leur sort. Julienne s’est décidée avec obstination et courage à les suivre à
distance avec sa bicyclette qu’elle avait réussi à placer dans un des camions
du convoi, jusqu’à ce que le 6 juillet 1940, elle obtienne enfin le
renseignement précieux qu’elle attendait. Elle écrit dans son carnet :
Samedi 6 juillet 1940 : « Départ de Melle Saintif à la Réole pour Mautauban. Je vais
au château du Mirail (**) pour essayer d’avoir des nouvelles de Dolph (*). Sans
résultat.
Vu lieutenant Sautheron
dans la soirée : le 3/6 est en Afrique.
Cafard et désespoir. »
(*)
« Dolph » diminutif de Adolphe, second prénom de Joseph, usuel en
Alsace,
(**) à
10 km de Bazas en Gironde où elle avait trouvé un gîte, château où
s’étaient installés les militaires du parc 1/22
Rien de plus comme
information : à partir de là, sa décision est prise, elle partira au plus
vite en Algérie le rejoindre. Elle écrit immédiatement à son cousin Edmond pour
obtenir plus de renseignements. Celui-ci reçoit son courrier 10 jours plus tard
et finit par trouver un moyen, malgré la censure, de localiser le III/6 et de
faire transmettre par un officier qu’il peut joindre au téléphone le 20 juillet
l’adresse que Julienne lui a donnée : « Parc 1/122 - Savignac - Gironde » et il lui écrit une lettre pour lui fournir des recommandations
afin de pouvoir s’embarquer à Marseille, mais la missive n’arrivera pas à
destination et lui sera retournée (enveloppe ci-dessous). Elle reçoit seulement
un télégramme le lendemain 21 juillet : le
Enveloppe de
la lettre d’Edmond CHEDEVILLE à Julienne CHEDEVILLE du 20 juillet, non
parvenue, retournée à l’envoyeur
Elle apprend dans le même
temps que sa mère et d’autres membres de sa famille partis en exode, ont échoué
à Vodable, petit village perdu dans le Puy-de-Dôme à 50 km au sud de
Clermont-Ferrand, à près de 400 km de Savignac où elle se trouve... Qu’à
cela ne tienne !
Sur sa bicyclette, elle fera donc
par étapes la route pour rejoindre Vodable à travers les monts du Massif
Central ; elle y embrassera sa mère le 31 juillet. Il lui faudra deux
semaines pour préparer son voyage vers l’Algérie et obtenir les papiers
nécessaires pour cela. Elle prend le train le 16 juillet à 16h 00 à
Issoire, emmenant avec elle sa précieuse bicyclette, arrive à Marseille le
lendemain matin, samedi 17 août à 8h10.... Dans son carnet :
Samedi 17 août 1940 : « Cie Transatlantique.
Bagages.
Départ de France à 11h (*).
Marseille disparaît dans la brume et dans la fumée. Je vais vers toi Dolph
chéri et je suis heureuse. La mer est belle. Je t’aime.
Après le dîner je rêve
longuement sur le pont.
Le clair de lune fait sur
la mer une coulée d’or vivant. Nous apercevons au loin les côtes d’Espagne. Je
rentre à regret dans la cabine à 23h30. Deux nuits seulement me séparent de toi
que j’aime mon mari chéri et cela fait battre mon cœur délicieusement.
(*)
Paquebot Gouverneur Général GUEYDON
Dimanche 18 août 1940 : « Levée tôt je
m’installe sur le pont où il fait frais et bon et je t’adresse Dolph chéri mes
pensées les plus tendres.
La terre d’Afrique
apparaît.
Après déjeuner et la sieste sur le pont, visite des machines du
bateau et de la cale. Apéritif avec le Commandant Jourdain et l’Officier
Mécanicien.
Lundi 19 août 1940 : « Journée d’impatience
et de fièvre. Une angoisse m’étreint quand je découvre Alger. Dolph sera-t-il
là ? Alger la blanche se précise, belle imposante. Sera-t-il là ?
Le jeune couple va donc
pouvoir profiter un temps d’une vie calme, même si les conditions matérielles
sont précaires, sans connaître les grandes difficultés de celles et ceux eux de
leurs familles qui essayent tant bien que mal de retrouver un sens à leur
existence incertaine, à Chartres malgré l’occupant, où en Alsace de nouveau
allemande car immédiatement annexée par le Grand Reich.
Après un séjour de jeunes
mariés à l’Hôtel de l’Oasis, ils peuvent emménager à Fort-de-l’Eau au n°71 de
l’avenue Gueirouard, dans une petite mais agréable maisonnette située à
quelques centaines de mètre de la mer, louée... à un facteur !
Fort de l’eau
avant-guerre – L’avenue GUEIROUARD est la troisième à partir du bord de mer
dans « La Station » construite à la fin du XIXème siècle
Lire : L’incroyable
vie de Gabriel GUEIROUARD
NOUVEAU En
2023, après de patientes recherches, j’ai pu retrouver la trace et prendre
contact avec un habitant de Fort-de-l’Eau, M. Jean Pierre LIVI, né en 1934 et
ayant habité avenue Gueirouard jusqu’en 1954. Après des études supérieures en
métropole et son diplôme d’ingénieur à « sup-aéro », il a fait une
brillante carrière dans la propulsion des fusées des programmes français et
européens. Je le remercie de m’avoir permis de publier ses quelques lignes de
souvenirs de sa jeunesse en Algérie : Témoignage de
Jean-Pierre LIVI, de Fort-de-l’Eau « C'est avec grand intérêt que j'ai lu vos documents en
particulier celui sur le sieur Gueirouard D'après le plan de situation
d'époque notre domicile était situé sur la ligne jouxtant les exploitations
maraichères et pas loin de celle de vos parents (n°71), puisque notre maison
était au n°84. Certaines villas avaient dû être modifiée depuis leur
construction car on y trouvait des salles de bain, des véranda vitrées, des
garages, aménagements non présents dans les plans initiaux. J'ai noté les remarques concernant les villas du bord de mer
« de style anglo-normand » que confirme cette carte postale datant
vraisemblablement de 1910. Les souvenirs que j'en ai sont différents :
seules quelques-unes avaient conservé ce style mais pour l'essentiel elles
avaient été « modernisées » pour satisfaire aux exigences des
propriétaires dans les années 30 . Ceux-ci, pour l'essentiel, étaient des
colons de la Mitidja (région de Blida).
J'ai aussi dévoré l'histoire du groupe de chasse GC III/6 où
était basé votre père pendant la guerre. Lorsqu’il a été affecté
temporairement au SCLA et qu’il travaillait dans les ateliers de l’A.I.A. à
Maison-Blanche, il a très probablement rencontré mon père qui était alors
responsable de l'atelier de révision des moteurs. Autre aspect intéressant de votre texte, l'arrivée des
anglo-américains le 8 novembre 1942 et les états d'âme de certains
que l'on peut comprendre au début, compte tenu des coups tordus de nos
« alliés (1) » anglais, à Mers-el-Kébir par exemple. (1) Alliés car la France n'était plus
belligérante mais n'avait pas à ma connaissance dénoncé les traités avec la
GB. L'évocation des montagnes de matériel US me rappelle
l'étonnement de mon père qui galérait pour avoir du matériel de rechange (en
« caviardant » l'absent sur des moteurs hors-d'usage) alors que son
homologue américain ne cherchait même pas à réparer la défaillance, allant
chercher un ensemble neuf en magasin ! Il s'en suivait une
poubellisation démente de composants, en particulier des roulements à billes
dont nous gamins étions friands pour fabriquer des « chariots » (à
l'époque nous fabriquions nos jouets pour l'essentiel). Avec mes copains plus âgés nous allions de Fort de l'Eau à
Maison Blanche à vélos où les gardes nous laissaient nous servir et parfois,
en plus, nous donnaient « chocolate, chewing‑gum". Ma fréquentation de l'aérodrome avait commencé bien plus tôt, en 1936, date de mon baptême de l'air à l'âge de 2 ans sur un Caudron (différent de celui de la photographie ci-dessus) pour me soulager d'un problème médical à la gorge (amygdales ou végétations ?) : il se disait alors que la décompression par l'altitude était bénéfique pour soigner rapidement ces inflammations ! Je ne me souviens plus si cette petite excursion dans les airs eut un résultat positif sur le plan médical, mais peut-être contribua-t-il à ma passion pour les choses de l'air et puis plus tard de l'espace… » |
Cependant les communications avec
leur famille sont provisoirement impossibles. Quelques lettres pourront passer
grâce à l’intermédiaire d’un « porteur » occasionnel ; à partir
de septembre, il ne reste plus officiellement que les invraisemblables
« cartes interzones » à 13 lignes « à biffer ou à
compléter » avec seulement deux lignes libres. Il faudra attendre juin
1941 pour pouvoir correspondre un peu plus facilement sur des cartes non
illustrées avec un recto vierge, mais censure oblige, il faut rester
prudent ! Après le débarquement des Alliés du 8 novembre 1942 en A.F.N. le
lien sera coupé jusqu’à septembre 1944, après le débarquement de Provence.
Joseph apprendra malgré tout
que son village natal de Marckolsheim en Alsace a été détruit en juin 1940 et
de que la maison de sa famille, heureusement saine et sauve, est trop
endommagée pour être habitable.
Cliquez sur le bandeau des
miniatures ci-dessus ou ci- dessus pour ouvrir la page contenant ces photos
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Alger
Maison Blanche – Août 1940 – Le capitaine STEHLIN et son Dewoitine n°321 codé
« A » - Masque sévère (5ème) et rieur (6ème) Collection Jean Emery-
Droits réservés |
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Le sous-lieutenant LE GLOAN est devenu la gloire du Groupe le 15 mai 1940 et même s’il n’a
pas volé ce jour-là sur cet appareil mythique, le n°277 codé « 6 »,
son Dewoitine habituel, ses mécaniciens l’ont fièrement décoré de la bande
des « As » et ont posé avec le pilote pour cette photographie
restée célèbre car souvent publiée sous diverses formes dont des cartes de
collection en diverses langues... Mais eux, sont restés les grands anonymes
de l’Histoire ! Profitons de cette page pour leur rendre l’hommage
qu’ils méritent ! De gauche à droite : · l’adj René COLIN, chef de
Hangar de la 5ème Escadrille, dit « le père Co» originaire de
Châteauroux, · le 2ème classe GUILLUMETTE · Le sgt COLIN, dit
« le fils Co » originaire de Pont à Mousson. Collection Joseph
Bibert – Droits réservés |
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20 août 1940 : Un Potez 650 dans le
« bled » :
Mémoires de Jean
MENNEGLIER « ...Je logeai avec plusieurs officiers dans un hôtel
réquisitionné, le Family Hôtel, situé dans une rue parallèle à la rue
Bab-Azoun, à deux pas du Square Bresson et du port. La popote fut établie
dans un hôtel qui donnait sur la place du Gouvernement près de la Poste
principale. Et le traintrain d'une vie qui n'était pas tout à fait celle
d'une garnison commença. On montait au terrain tous les matins avec un car et
on en redescendait le soir. Il devait y avoir un service d'alerte pour lequel
quelques pilotes et mécaniciens montaient au terrain avant le lever du jour.
Il y avait quelques vols d'entraînement. On nous utilisa même pour convoyer
des avions. J'allai à Oran avec un Potez 25 TOE, modèle spécial pour les vols
outre-mer, qui devait être passablement déréglé car je n'arrivais pas à tenir
un cap correct avec... ... Un jour je partis avec quelques pilotes pour aller
rechercher des Dewoitine laissés à Constantine. Nous partîmes avec un Potez
650 qui était une version transport de passagers du bombardier Potez 540. Un
des moteurs se mit à cafouiller. Le pilote se posa dans un grand champ à
Bouïra (Kabylie). Pendant que le mécanicien recherchait et réparait la panne
nous fumes entourés par une foule d'autochtones venus voir de près l'avion et
ses passagers... » |
On en sait un peu plus grâce
aux 3 photographies que Jean MENNEGLIER a faites ce jour-là et à son carnet de
vol. JAPIOT, LE GLOAN et MARTIN, au moins, sont de l’expédition ; voir JAPIOT
et LE GLOAN dans le Potez, MARTIN et LE GLOAN à l’ombre sous son aile. Jean
MENNEGLIER, revient le lendemain à Alger avec le D.520 n°383 (notation dans son
carnet de vol, mais rien sur le L.O. de la 6ème). On sait par
ailleurs par le LO de la 5ème que 9 D.520 ont été convoyés à
Constantine les 22 et 23 juillet : les n°48, 57, 195, 200, 310, 329, 344, 382
et justement le 383. Reste encore à déterminer les raisons de ces déplacements
d’avions de provenance diverse dont aucun n’est affecté au III/6 à cette
date...
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Le Potez
650 transportant des pilotes du GC II/6 à Constantine en panne dans le
« Bled » à Bouïra (50 km sud-est d’Alger) le lt MARTIN et le s/lt
LE GLOAN de la 5ème Escadrille Photographies Jean
Menneglier- Droits réservés |
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Alger Maison
Blanche – 28 août 1940 – Le Dewoitine n°365 du s/lt STEUNOU (*) dont le train d’atterrissage a cédé Sur le
carnet de vol du pilote sont seulement indiqués ce jour-là 2 vols
d’entraînement de 30 et 35 minutes sans mention de l’accident Photographies Jean
Menneglier- Droits réservés |
(*) Carnet de vol du
s/lt STEUNOU : 4 vols sur le n°370 et 1 vol sur le n°138 en septembre,
7 vols sur le n°370 en octobre jusqu’au 18, puis il utilise les n°358 (appareil
de Jean MENNEGLIER qui a quitté le Groupe) et 357 (3 vols) mais il part à
Casablanca sur le n°326 qui était un des avions de la patrouille polonaise. Au
Maroc il vole sur les n°330 ; n°358 et n°145 avant de reprendre le manche
du n°370 le 28 novembre qu’il ramènera à Alger le 20 janvier 1941. Par contre,
après une intervention des mécaniciens sur l’appareil, il fait les essais du
n°358 les 14 et 15 décembre qui se termine par un nouvel accident. Cet appareil
ne volera plus au III/6 après cela.
D’août à octobre 1940 à Alger – Maison Blanche : la longue
liste des « incidents »
Le rédacteur du journal de la
6ème Escadrille écrit : « Les vols de routine continuent au
ralenti ; s’ils entretiennent les pilotes, ils ne font pas de même
avec les avions, qui ont de plus en plus un grand Amour pour le plat-ventre … A
quand la quintonine (**) pour les trains Messier ? »
(**)
La quintonine élixir à base de quinquina, réputé pour ses prétendues vertus
contre le traitement de la fatigue et de l'asthénie était l’arme suprême des
Armées françaises en 1940 !
·
Le 17 août au décollage le
train d’atterrissage du D.520 n°295 (30) le s/c Le GUENNEC (6ème)
se replie sans raison apparente au cours du roulage. Le pilote récupère le 16
septembre l’ancien appareil du cne Assollant, le n°302, qui sera codé
« 30 »,
·
Le 19 août à l’atterrissage,
le lt MARTIN (5ème) ne peut maîtriser son D.520 n°301 (2) qui
part en cheval de bois. La contrainte imposée au train est telle qu’il se casse
net, l’avion termine sa course sur le ventre,
·
Les dégâts sur les deux
appareils sont trop importants pour être pris en charge par les mécaniciens du
groupe. Ils sont tous deux reversés à l’ARAA d’Alger,
·
Le 28 août le train du
n°356 (25) du s/lt STEUNOU (*) cède à l’atterrissage, l’appareil part
également à l’ARAA d’Alger. Il est remplacé le 2 septembre par le n°370 (futur
« 25 »),
·
Le 2 septembre, c’est celui
du n°360 (10) piloté par le sgt HARDOIN qui se plie ; appareil
réformé,
·
Le 4 septembre, c’est au tour
du Sgt LINARD à bord du n°195 (4) de subir la même mésaventure ;
dégâts mineurs,
·
Le 6 septembre, celui du cne
JACOBI, le n°229 (1) ; dégâts mineurs,
·
Le 7 octobre, celui du cne
SAUTIER, le n°369 (X) ; train cassé,
·
Le 7 octobre, celui du s/c
MERTZISEN, le n°368 (12). Il pourra être réparé au sein de l’A.I.A. « où le Groupe a
désormais un abonnement ! »,
Plus de trace de rapports
tonitruants du Commandant du Groupe et de demandes de sanctions. Il y en aurait
peut-être trop, ce qui ferait désordre, et peut-être sait-il déjà qu’il va être
appelé à de plus hautes fonctions à Vichy le 15 octobre ?
·
Le 18 octobre, le s/lt
STEUNOU (*) endommage son tout nouveau n°370 (25) en lui faisant faire un
demi-tour se terminant par un arrêt brutal ; un mois d’indisponibilité
pour l’avion,
·
Le 22 octobre, l’adj JAPIOT
effectue un désormais traditionnel atterrissage sur le ventre à bord du n°138
(29) de l’adj DIAZ qui n’est pas encore parti pour l’Indochine, sa nouvelle
affectation.
Le SERVICE CIVIL DES LIAISONS AERIENNES – S.C.L.A.
L’affectation de Joseph
BIBERT change le 31 août 1940 comme le montre une mention sur le Journal de
Marche de la 6ème Escadrille :
« Le s/c
Bibert est affecté au MGT »
Rien de pareil n’apparaît sur
son livret militaire ; en fait il fait partie de ceux qui n’apparaîtront
plus dans les effectifs du Groupe pour répondre à la volonté de la commission
d’armistice de les réduire. Certains rejoignent donc le S.C.L.A., « Service
Civil des Liaisons Aériennes », placé sous la tutelle officielle
« d’Air France », permettant ainsi à de nombreux appareils militaires
d’être soustraits aux inventaires officiels et de pouvoir circuler à travers
l’Empire, moyen rudimentaire de contourner les clauses de l’armistice. Joseph
n’est plus « Chef de hangar » de la 6ème Escadrille, mais
« Employé aux Moyens Généraux » du S.C.L.A.F.N. (F.N. pour Afrique du nord) avec un
travail quasi-identique, s’occupant d’avions différents, mais travaillant en
civil dans un hangar peu éloigné de celui du III/6 ! Quand nous avons
essayé de faire parler sa veuve de cette époque, elle disait : « Quand votre père
travaillait à « Air France » : elle
n’en savait pas plus ! Dans l’année 1941, sans mention particulière dans
les livres de son « retour », Joseph sera de nouveau en
escadrille !
Deux appareils du S.C.L.A. à Alger à l’automne 1940
Lockheed 18
F-ARTZ utilisé par Air France sur son réseau africain et Caudron 445 Goéland du
S.C.L.A.F.N.
Merci à
Bernard Palmieri pour cette illustration
Le
Service Civil des Liaisons Aériennes L'armée de l'air de Vichy fut autorisée
par les Commissions d'armistice à transformer la 15ème Escadre de
bombardement en groupement de transport 15 avec deux groupes basés en A.F.N.,
le GT 1/15 et le GT 2/15, auxquels viendront ultérieurement s'ajouter les GT 3/15
et 4/15. Ces groupes, équipés de Farman 221, 223, 224 et de Potez 540 et 650,
effectueront de nombreuses missions de liaisons et de transport vers la
métropole (par exemple, en 1941 le « rapatriement » de l'or belge
qui sera saisi par les Allemands) ou vers nos colonies en Afrique, au Levant
(campagne de 1941), dans l'Océan indien et en Indochine. Le S.C.L.A. est créé par le
gouvernement de Vichy parallèlement à ce GT 15, (note EMAA 3754-1/1 du
16 août 1940) pour assurer officiellement les liaisons intérieures
indispensables, probablement aussi pour camoufler une partie du matériel
et fournir un entraînement aérien aux équipages militaires dont la
démobilisation a été exigée par l'occupant. Les tâches dévolues aux
S.C.L.A. sont précisés ultérieurement comme suit : 1) Les S.C.L.A. et d'aviation sanitaire
ont pour objet d'effectuer, sur la demande des autorités accréditées à cet
effet, dans les conditions qui seront précisées ci-après, des voyages entre
leurs bases de stationnement et des aérodromes ou terrains désignés dans les
instructions particulières de ces services. 2) La gestion des S.C.L.A pour
l’administration des personnels, la gestion et l’entretien, du matériel, le
fonctionnement des lignes sont confiés à Air France. Le personnel est recruté
parmi le personnel d'Air France complété par du personnel (pilotes, radio-navigants,
mécaniciens), théoriquement « volontaire » pour faire partie du
S.C.L.A. à titre civil. Le service est organisé par région
suivant les besoins de liaisons : ·
Territoire de la France non occupée : S.C.L.A.M. avec quatre groupes à
Vichy/Clermont-Ferrand (groupe I), Lyon (groupe II), Toulouse (groupe III) et
Marseille (groupe IV). Le groupe de Vichy ou section d'avions ministériels
(S.A.M.) a pour mission officielle d'effectuer quotidiennement la liaison
Vichy-Bourges de la délégation française auprès de la commission allemande
d'armistice. À Marseille Marignane, la section de liaisons lointaines
(S.L.L.) est chargée avec cinq Amiot 354, 356 et 370 d'assurer les liaisons
avec le Levant, Djibouti et Madagascar. ·
Afrique du Nord - Algérie. Tunisie, Maroc : S.C.L.A.F.N., également à quatre
groupes à Alger (groupe XI), Oran (groupe XII), Rabat (groupe XIII) et Tunis
(groupe XIV). Le groupe de liaisons aériennes d'Alger Maison Blanche,
essentiellement équipé de Goéland, donnera plus tard naissance au GLAM. ·
Afrique Occidentale Française : S.C.L.A.O.F., créé en mars 1941, n’a
pas de groupes organisés, les personnels sont détachés aux points de
stationnement des appareils; il est chargé d'effectuer les liaisons internes
à la colonie, les liaisons avec l'A.F.N. étant à la charge du groupement 15
ou du S.C.L.A.F.N. L'effort principal porte sur ta
métropole, dotée de 50 avions, l'Afrique du Nord (50 avions), la Syrie (10
avions). L'aviation sanitaire perçoit 25 avions à répartir en divers
territoires. L'État-major de l'Armée de l'Air (EMAA) a prévu pour l'AOF 12
avions de liaison de type Goéland et Simoun et 10 appareils sanitaires allant
du bimoteur Potez 540 aux monomoteurs Potez 29 et Caudron 510. S.C.L.A.F.N. (M. Gonin (*)) – 30 septembre 1941
D’après Vital Ferry et Bernard Thévenet |
(*) Claude GONIN avait été l’équipier de Georges PELLETIER d’OISY,
avec Henri CAROL, en mail 1928 lors d’un un raid Parais-Tokyo sur Potez 28,
raid interrompu en Birmanie quand l’avion s’était brisé lors d’un atterrissage
de fortune dans une rizière en Birmanie. Gonin et Carol avaient étaient
légèrement blessés.
Le capitaine STEHLIN est
nommé commandant le 3 septembre 1940 et un « pot » est organisé.
Joseph, bien qu’affecté au S.C.L.A., y participe, tout comme ses camarades
mécaniciens Jean EMERY, qui était élève mécanicien avec lui à Bordeaux en 1933,
et Jules PIESVAUX qui ont fait quelques photographies de ce moment de détente
dans le hangar du III/6 à proximité de quelques Dewoitine.
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3 septembre 1940 - Le Commandant STEHLIN |
Cdt STEHLIN, s/lt BRONDEL, cne RICHARD |
Hangar du GC III/6 |
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Debout :
MIRAND, GOUJON, BORREYE, X, LE GLOAN, Y, STEHLIN, SAUTIER, RICHARD,
BOIRIES, GUERRIER, STEUNOU, BRONDEL, SATGÉ Accroupis : PIMONT, LE GUENNEC,
MERTZISEN, Z |
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Photographies
Jean Emery et Jules Piesvaux – Droits réservés
Le 9 octobre 1940 une prise d’Armes
a lieu à Maison-Blanche à l’issue de l’arrivée à Alger du Général WEYGAND qui a
été nommé le 5 septembre « Délégué Général en Afrique Française ».
Celui-ci inspectera quelques semaines plus tard l’escadrille de reconnaissance
GR 1/36 du commandant VEYSSIÈRE à Aïn Arnat (Sétif).
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Octobre
1940 - Sétif – Aérodrome de Aïn Arnat – Le général WEYGAND inspecte le GR
1/36 équipé de Potez 63.11, qui doit agir en coopération avec le GC III/6 et
d’autres unités basées tout autour d’Alger Collection |
Le 15 octobre le commandant STEHLIN
est appelé auprès de l’Amiral DARLAN à Vichy. Il va y reprendre des activités
plus politiques, comme celles qu’il avait déjà exercées avant la guerre à
Berlin, du fait qu’il parle parfaitement l’allemand. Portant la grande tenue
blanche d’Afrique, il pose à cette occasion pour des photographies avec des
pilotes du Groupe.
Le capitaine Guillaume de
RIVALS-MAZÈRES (*) qui est rentré de convalescence en septembre lui succède
provisoirement.
(*) Le comte Guillaume
Élie Marie Bertrand DE RIVALS-MAZÈRES (1908/2001), est issu d’une vieille
famille aristocrate de Fiac dans le Tarn. Sa mère est une Toulouse-Lautrec,
cousine éloignée du célèbre peintre Henri. Diplômé de l'École Spéciale
Militaire de Saint-Cyr (1928-30), il s’est marié en premières noces en 1937
avec Geneviève PELLEY du MANOIR, descendante d’une famille noble famille
d’armateurs et de corsaires de Granville. Il sera Général de corps aérien et
Commandant de l'École de l'Air, Grand-Officier de la Légion d'honneur. Son
épouse est décédée à Toulouse en septembre 1940 quelques jours après la
naissance de son second fils (il aura trois autres enfants issus d’un second
mariage en 1945). Il est donc compréhensible que dans les archives du III/6 on
parle d’un « retour de convalescence » plutôt que des évènements
familiaux qui l’ont conduit à se rendre à Toulouse en septembre.
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Le commandant STEHLIN devant son D.520 n°331
codé « A » et à droite avec les sgt PIMONT, lt BOIRIES et lt LE
GLOAN |
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Alger-Maison Blanche – 15 octobre 1940 -
Départ pour Vichy du commandant STEHLIN De gauche
à droite : Sgt PIMONT, s/lt SATGÉ, lt LEGRAND, cne SAUTIER, cne JACOBI,
s/lt BRONDEL, cdt STEHLIN, lt BOIRIES, s/lt LE GLOAN, s/c MERTZISEN, s/c CHARDONNET, s/c LE
GUENNEC, adj GOUJON |
Du 30 octobre 1940 au 2 janvier 1941 à Casablanca
Le GC III/6 reçoit
l’ordre le 28 octobre de quitter Maison-Blanche (Algérie) pour Casablanca –
Camp Cazes (Maroc) afin de prendre la place du GC II/5 envoyé avec ses
Curtiss à Dakar (A.O.F.) dont la défense du port doit être renforcée. La 6ème
Escadrille accomplit le déplacement d’une seule traite le 29 octobre. Ceux de
la 5ème Escadrille font deux étapes, la première de 1h 15, ce qui
leur permet de passer une la soirée avec les pilotes du GC I/3 à La Sénia
(Oran). Ils arrivent à Casablanca le lendemain après 2h 00 de vol.
Joseph BIBERT, toujours au
S.C.A.C. ne participe pas à ce déplacement à Casablanca, tout comme l’adjudant
GOUJON qui l’a rejoint le 18 octobre.
Dans les semaines qui vont
suivre, des photographies des appareils du GC III/6 en vol ont été faites au-
dessus de Casablanca. Quelques-unes sont rassemblées ci-dessous, sans doute
avec d’autres qui peuvent être avoir été prises dans l’Algérois avant ou après
Casablanca, mais en tout cas avant la campagne du levant de mai 1941.
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D.520 n°48 codé « 5 » - Ancien
appareil « II » du GC I/3 – Robert MARTIN |
D.520 n°277 codé « 6 » - |
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D.520 n°284 codé « 8 » - Maurice
CHARDONNET |
D.520 n°329 codé « 9 » - |
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D.520
n°367 codé « 11» - Roger HARDOUIN Appareil ramené d’Alger le 23/11/1940 par le
cne JACOBI après réparation (aile brisée) |
D.520
n°314 codé « 12 »- Ancien appareil du cne CHAINAT – Cne SAUTIER Voir la photographie plus haut dans cette
page quand le code n’était pas encore peint |
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D.520 n°370 codé « 25» - Marcel STEUNOU |
D.520
n°302 (1) – Le code « 30 » effacé par un carré
de peinture sombre a remplacé le code « S » |
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D.520 n°321 codé « 31 » - Roger
PIMONT |
L’aile du D.520 du n°358 de Jean MENNEGLIER
et deux appareils de la 6ème Escadrille |
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(1) Le D.520 n°302 aura un destin
particulier. Pendant la campagne du Levant, le 7 juillet 1941, le capitaine
de RIVALS MAZÈRES est contraint de poser cet appareil dans le désert. Voir son
profil un peu plus bas - Récupéré par les Français Libres, il est remis en
état à Rayack pour le Groupe « Normandie » et piloté par Albert
LITTOLF |
Le Groupe est affecté
temporairement au Groupement de Chasse 23, qui comprend également de
GC I/5 de Rabat. Comme signalé dans le tableau plus haut quelques
mouvements de personnels auront lieu à Casablanca avec le départ de trois
pilotes ; lt de ROUFFIGNAC (5ème), lt MENNEGLIER (6ème)
et sgt GAUTHIER (6ème) vers des camps de Jeunesse et Montagne en
France, compensé par l’arrivée du Commandant GEILLE et du capitaine RICHARD à
l’État-major et d’un nouveau pilote à la 6ème, le lt RIVORY ancien
du GC I/55 dissous lors de l’armistice.
Nouvelles
têtes au GC III/6 : commandant GEILLE le 20/12/1940 (E.M.) - sgt
GHESQUIÈRE dit « Achille » le 9/09/1940 et lt RIVORY le 27/12/1940 (6ème)
Le Maroc échappe encore aux
investigations de la commission d’armistice et en partie aux restrictions
d’essence. Les pilotes essayent de rattraper le temps d’entraînement perdu et
ils volent beaucoup plus qu’à Alger.
Le 6 novembre 1940, avant que
les Curtiss H-75A du GC II/5 ne soient partis pour l’A.O.F., le s/lt LE
GLOAN et le s/c Gabriel MARGERIT (5ème), le cne GUERRIER et le sgt
MICHAUX (6ème) veulent confronter l’appareil américain avec le
Dewoitine D.520 (voir extrait du carnet de vol de MICHAUX ci-dessous). En
conclusion, il faut aux deux appareils un temps équivalent pour
atteindre2 000 mètres, mais avec un angle supérieur pour le chasseur
américain, et à cette altitude les vitesses sont identiques, même en piqué.
Mais une fois parvenu à 4 000 m. le D.520 prend l’avantage. En combat
tournoyant le Curtiss vire très sec, beaucoup plus que le Dewoitine, ce que les
pilotes allemands ont d’ailleurs appris à leur détriment pendant la Campagne de
France.
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13 novembre 1940 – Après deux semaines de
cohabitation sur l’aérodrome de Casablanca avec les Dewoitine du GC III/6, les Curtiss H-75A du GC II/5 se préparent à partir
pour le Sénégal (Dakar-Ouakam) aux ordres du commandant ARCHAIMBAULT Photographie Jean
Emery – Droit réservés |
On avait beaucoup parlé
pendant la « drôle de guerre » et la « campagne de France »
du Groupe II/5, dès le 7
septembre 1939 dans « Paris Match », et encore dans le numéro du
23 novembre 1939 du même hebdomadaire, suite au légendaire « Combat des
neuf contre 27 » du 6 novembre. Ce groupe « vedette » fit donc
l’objet dans
le journal local « La Vigie Marocaine » d’un article en deux parties
(5 et 9 octobre 1940). Cet article est intéressant, car il permet de se
rendre compte que le presse d’A.F.N. pouvait encore à cette époque, après la
défaite, « malgré » ou « pour » le régime en place, écrire
quelques lignes à la gloire de l’Aviation française de 1939/1940 !
Beaucoup de pilotes et de mécaniciens
ne connaissent pas encore le Maroc et ils ont le loisir de découvrir la ville
et la côte de l’Atlantique. Ils en ont ramené quelques photographies :
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Casablanca fin 1940 – La place Lyautey, maintenant
place Mohamed V, avec la statue du Maréchal aujourd’hui déplacée, le Palais
de Justice (en bas au centre) et la Résidence devenue consulat de France (en
bas à droite) |
Photographies Jean Emery – Droits réservés
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Jean EMERY et |
Le bus
assurant la liaison de « L’Oasis » à « L’Aviation » Avec les casquettes : PIESVAUX – MEYER -
ROBERT – DANET - BRIÈRE |
MEISSONNIER et Jules PIESVAUX |
Photographies Jean Emery et Jules Piesvaux – Droits
réservés
Le 28 novembre le lt BOIRIES tord
l’hélice du n°357 (22) sur la pompe à eau du terrain. L’appareil pourra être
réparé par les mécaniciens du Groupe.
Le 30 novembre le sgt MICHAUX
subit une panne moteur et se voit contraint de poser sans incident le D.520
n°313 (21) de son commandant d’escadrille à Bouskoura, à une dizaine de
kilomètres au Sud de Casablanca (voir extrait de son carnet de vol ci-dessous) ;
une équipe de trois mécaniciens dont fait partie le sergent Lucien ROBERT sera
dépêchée sur place avec des aides marocains pour changer le moteur.
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1er décembre 1940 – Bouskoura – Le
sgt ROBERT, casquette, avec deux autres mécaniciens de la 6ème et trois aides marocains changent le moteur du
D.520 n°313 Photographies Lucien
Robert – Droits réservés |
Le 2 décembre une délégation du
III/6 participe à une prise d’armes à Port-Lyautey en l’honneur du Général
WEYGAND, Délégué général en Afrique française depuis septembre, à l’issue de sa
tournée d’inspection au Maroc.
Le 20 décembre 1940 le
Commandant Frédéric GEILLE arrive à Casablanca pour prendre le commandement du
Groupe :
Incorporé en 1914 au 41ème Régiment d'Infanterie comme
soldat il est sous-lieutenant en 1917 quand il intègre l'aéronautique
militaire. À la fin de la guerre, il continue sa carrière dans l'aviation en se
passionnant pour le développement du parachute. Il est capitaine en 1927 et
commandant en 1937. Il obtient le premier brevet français de « moniteur
parachutiste » en février 1939 après un stage en Union Soviétique. À la
déclaration de guerre il est depuis quelques mois Commandant du GC III/2
sur la BA 122 de Chartres. D’abord à Cambrai, le III/2 se déplace ensuite
sur de nombreux terrains de campagne différents au fur et à mesure de l’avance
allemande. Il obtient 2 victoires, mais il est abattu en flammes le 13 juin.
Grièvement brûlé, il sauve sa vie en sautant en parachute in extremis. Il ne
reprend du service à peine rétabli qu’en décembre 1940 au III/6.
Une prise d’Armes a lieu le 23 suivit d’un « pot » ; de
nombreuses photographies sont faites à cette occasion. Joseph BIBERT, qui n’est
pas présent puisqu’à Alger, en a cependant récupéré une série retrouvée par la
suite dans la collection familiale.
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Cne RICHARD, cdt GEILLE, cne de RIVALS
MAZÈRES (à ½ caché), lt BOIRIES |
Sgt GHESQUIÉRE dit « Achille », cne
RICHARD, cdt GEILLE, cne de RIVALS MAZÈRES |
Collection
Joseph Bibert – Droits réservés
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Commandant GEILLE |
Lieutenant LEGRAND et sous-lieutenant STAGÉ |
Capitaine RICHARD |
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Sur le
terrain de Casablanca - Camp Cazes, l’avion, du commandant de la 6ème
Escadrille Le mécanicien Lucien ROBERT dans le poste de
pilotage du D.520 n°313 codé « 21 » |
Toujours
à Casablanca, le nouvel appareil du sergent GABARD suite à la destruction de
son n°197 le 22 juillet C’est le D.520 n°311 qui lui a été affecté le
16 septembre et qu’il a baptisé comme le premier « Le Sachem » |
Photographies
Lucien Robert et Raymond Gabard – Droits réservés
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GHESQUIÈRE
et GABARD au retour d'un vol d'entraînement LE GUENNEC, STEUNOU, GABARD et JAPIOT |
Pilotes
et mécaniciens de la 6ème : ÉMERY (mécanicien), LE GUENNEC
(pilote), PIMONT (pilote) et 1 mécano, DIAZ et GABARD (pilotes), CAPDEVIOLLE (pilote)
et JAPIOT (pilote) en combinaison de vol, et 1 mécanicien – Janvier 1941 à
Casablanca Visite de Jean DIAZ qui a quitté le groupe à
Alger fin octobre, de passage à Casablanca avant son prochain départ pour
l’Indochine |
Photographies
Raymond Gabard – Droits réservés
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Groupe de
mécaniciens à Casablanca LE GUENNEC, STEUNOU, GABARD et JAPIOT |
6ème
Escadrille du GC III/6 - 9 pilotes et 9 mécaniciens : de gauche à droite
et de haut en bas SATGÉ,
CAPDEVIOLLE, GUERRIER, STEUNOU, PESIN, RIVORY, HOULÈS, GODEFROY, BERTHIER,
POUGEAUD GABARD,
LEVÊQUE, ROBERT, GHESQUIÈRE, PIMONT, LE GUENNEC, GUILLAUMIN, UMBERT Devant LE GUENNEC, la timbale offerte par
l’Escadrille à l’occasion de la naissance de son fils... |
De novembre 1940 à mai
1941 à Alger en famille : photographies de l’album n° 6 de Joseph
BIBERT
Lockheed 18
Lodestar du général Vuillemin – Le chien « Taffy » - Cartes Interzone
- Julienne Bibert tricote une layette – Dewoitine 520, Potez 650 et Farman 222
vers le Levant
Cliquez sur le bandeau des
miniatures ci-dessus pour ouvrir la page contenant ces photos
Début 1941 à Alger avant la campagne du Levant
A droite, calendrier publicitaire de la droguerie Georges
CHÉDEVILLE à Rambouillet, le frère de Julienne BIBERT
Le Groupe retrouve
Maison-Blanche le 21 janvier 1941 après une escale et une nuit à Oran ;
cet aérodrome a été dévasté par une violente tempête du 3 janvier 1941 ;
des photographies de l’impressionnant empilement des avions détruits sont
prises. Pour on ne sait quelles raisons, l’une d’entre elle sera retrouvée dans
le portefeuille de Joseph à sa mort en 2001 ! Quelques pilotes
retardataires sont encore à Casablanca, et deux autres sont en panne à Oran où
le D.520 n°48 codé « 5 » a été accidenté à l’atterrissage. Ces
pilotes et leurs machines rejoindront Alger dans les jours qui suivent, sauf le
n°48 qui sera réparé sur place et ne retrouvera sa place au III/6 que trois
mois plus tard.
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Passage du GC III/6 à Oran le 20 janvier –
1941 – L’amoncellement des appareils détruis par la tempête qui a frappé la
région le 3 janvier 1941 Collection Joseph
Bibert via un de ses camarades du III/6 |
A Maison-Blanche, le train-train
du troisième trimestre de 1940 reprend. Avec 4 heures de vol autorisées par
pilote et par mois, seulement quelques de tirs sur manche sont organisés et de
rares exercices assez symboliques avec les DB-7 du GB II/61 de Blida. La
commission d’Armistice a même interdit tous les vols pendant 3 semaines à
partir de la mi-février, mais de toute façon, il n’y a plus d’essence dans les
soutes...
Le 2 mars 1941 le s/c BIBERT
reprend du service à la 6ème Escadrille après 7 mois passés au
S.C.L.A. ; information dans le J.D.M. (Journal de Marche) de la 6ème
Escadrille, confirmée par une très longue lettre datée du 1er avril
que Julienne a pu faire passer à sa famille à Chartes : « Pour notre situation
il y a du nouveau, nous devons rester ici. Nous en sommes bien heureux mais
nous n’osons pas trop nous réjouir, cela change souvent. Dolph a repris la
tenue bleue depuis le 3 mars. Il se plait beaucoup mieux à son
travail ». Le même jour l’adj
mécanicien Charles ILTIS, un ancien de la BA.122, est affecté au Groupe. Son
épouse qui n’avait pas pu quitter Chartres avant janvier 1941 pour passer en
A.F.N. avait trouvé auparavant aide et réconfort auprès de la famille de Julienne.
C’est un Alsacien comme Joseph, qui a 12 ans de plus que lui : il a déjà 3
enfants et une solide amitié va naître entre les deux familles BIBERT et ILTIS
à Alger. Elles se retrouveront régulièrement tout au long de leur vie jusqu’au
décès de Catherine et de Charles en 1992, tous deux âgés de 90 ans. C’est le
beau-père de leur fils Georges, Marius BINDREIFF, directeur d’une des usines de
la T.R.T. en banlieue rouennaise, qui procurera un emploi à Joseph quand il
prendra sa retraite militaire en 1956. La T.R.T. était alors une importante filiale
de Philips, travaillant surtout pour l’Armée, qui fabriquait entre en-autres
des postes émetteurs-récepteurs.
Il existe une photographie du
S.H.A.A., mainte fois publiée, d’un groupe du III/6 faisant de l’exercice où
l’on reconnaît parfaitement le capitaine GUERRIER et le s/c BIBERT ; elle
a donc été prise avant le départ du cne GUERRIER à une époque où le s/c BIBERT
était toujours « caché » au S.C.L.A ; cela prouve bien que la
perméabilité entre les escadrilles et le S.C.L.A. était grande !
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Culture physique devant les hangars de Maison
Blanche - On reconnaît : 1. Le cne GUERRIER et 2. le s/c BIBERT S.H.A.A. |
Le 3 mars, le capitaine RICHARD,
adjoint du commandant GEILLE depuis 3 mois, remplace à la tête de la sixième
Escadrille le capitaine GUERRIER muté à l’État-major du général Lucien GIRIER,
Commandant Supérieur de l’Air en Afrique du Nord.
Le lendemain le GC II/6
est inspecté par le Général ODIC, commandant de la 5ème Région
Aérienne.
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Alger
Maison Blanche – Le Dewoitine 520 n°357 codé « 22 » du lt LEGRAND
de la 6ème Escadrille – Appareil perdu pendant la campagne du
Levant Photo de gauche : groupe de mécaniciens,
lt LEGRAND, peut-être les pilotes LE GUENNEC et MICHAUX en tenue bleue -
Photo de droite : le sgt mécanicien Lucien ROBERT et le lt LEGRAND Photographies Lucien
Robert – Droits réservés |
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Sgt MICHAUX, s/c LE GUENNEC, lt STEUNOU, lt
BOIRIES, s/lt LE GLOAN |
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Avril
1941 - Pilotes de la 6ème Escadrille du GC III/6 devant la tour du
terrain d’Alger Maison Blanche De gauche à droite : sgt MICHAUX, cne
RICHARD, s/lt RIVORY, sgt GHESQUIÈRE, s/c LE GUENNEC, lt CAPDEVIOLLE Photographie Georges
Rivory – Droits réservés. |
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Printemps
1941 - Alger Maison Blanche - Dewoitine du GC III/6 à gauche Caudron C 445 Goéland - Dewoitine 338 - Potez
65 du S.C.L.A (Air France) Collection |
Le 1er avril 1941,
le sergent GROSDEMANCHE, premier pilote du III/6 en guerre grièvement blessé,
accidenté le 30 septembre à Bouillancy (voir les photographies de son
Morane faites par Joseph Bibert) est de retour au Groupe après 18 mois
d’une douloureuse convalescence, mais il ne reprendra pas les commandes d’un
Dewoitine.
Le 21 avril, pour leur
passage du brevet de Chef de Patrouille, deux pilotes endommagent sérieusement
leur appareil. Les Dewoitine n°340 codé « 7 » et n°195 codé
« 4 » (à vérifier) partent à l’A.I.A. d’Alger...
Le 28 avril le général
GIRIER, Commandant Supérieur de l’Air en Afrique du Nord, visite le Groupe.
Ce même jour le sgt GAUTHIER
est de retour à la 6ème après son séjour de 5 mois à « Jeunesse et
Montagne ». Le reprise de l’entraînement doit être un peu difficile,
puisque de 5 mai 1941 il endommage à Blida le train du D.520 n°311 codé « 33 »
lors d’un atterrissage à trop faible vitesse se terminent par un décrochage et
un cheval de bois. Cet appareil part également à l’A.I.A. d’Alger et, comme les
deux autres, il ne volera plus au III/6...
La campagne du Levant : 24 mai 1941 au 15 juillet 1941
Le 20 mai 1941 le Groupe
III/6 reçoit l’ordre de se préparer à faire mouvement vers le Levant où les
Britanniques, avec le soutien de la France Libre, sont sur le point de s’en
prendre à la Syrie et au Liban, sous protectorat français. Le général GIRIER remet
solennellement le 21 mai, au cours d’une prise d’armes, le drapeau de la 3ème
Escadre au GC III/6, seule unité survivante depuis le démantèlement du
GC I/6 et GC II/6. Le général ODIC passe l’inspection du Groupe le 23
mai et prononce une allocution pour expliquer à ceux qui vont partir en
campagne les motifs de leur mission. Ceux-ci s’envolent vers l’Orient le 24 mai
1941. Ils portent la robe spécifique qui a été décidée par la note
20532/EM : « En raison des ressemblances entre les cocardes anglaises et
françaises, afin d'éviter tout accrochage entre les avions allemands et
français et suivant le désir personnel exprimé par le Maréchal du Reich
Goering, il est demandé que les avions français engagés en Syrie aient
l'empennage et le moteur jusqu'à l'aplomb du bord d'attaque peints en jaune. » En fait, il s'agit de mettre les avions français en transit pour la
Syrie en conformité avec les dispositions adoptées par la Luftwaffe lors de
l'opération « Marita » (l'invasion des Balkans), déclenchée le 6 avril 1941.
Marquage spécifique des avions de la campagne
du Levant – Ici le D.520 n°302 codé « 30 » de la 6ème
Escadrille
C’est cet appareil qui sera récupéré par les F.A.F.L. (voir plus
haut)
Joseph BIBERT ne part pas en
campagne : nous avons toujours entendu dire qu’il avait été très déçu de
rester à Alger parce que son Commandant d’Escadrille, le capitaine RICHARD,
sachant son épouse enceinte l’avait dissuadé de faire partie de l’équipe
réduite de mécaniciens désignés pour le Levant.
La campagne du Levant n’est
pas traitée ici car une page spécifique lui
est consacrée avec de nombreuses annexes par ailleurs. On peut aussi consulter
les livres de marche des deux Escadrilles et certaines biographies de pilotes.
Cliquez sur le bandeau des
miniatures ci-dessus pour ouvrir la page contenant ces photos
Rappelons simplement qu’au
mois de mai 1941, le Groupe III/6 part renforcer les forces aériennes de SYRIE.
Les 26 DEWOITINE remis à neuf, accompagnés de 6 avions de transport, font route
vers RAYACK sous les ordres du Commandant GEILLE. Stationné tour à tour à
RAYACK, ALEP et MOUSLIMIYÉ, le III/6 prend une part des plus actives aux
opérations des Forces aériennes de l'Armée du Levant contre les Anglais et les
Français Libres, remportant 24 victoires dont 21 sûres, mais perdant 8 pilotes
: 5 tués, 3 prisonniers. Il quitte la SYRIE le 9 juillet, complètement défait.
Ce qui reste de l'échelon volant rentre à ALGER le 15 après des escales comme à
l’aller à ATHÈNES, BRINDISI (accueilli et ravitaillé par les Allemands puis les
Italiens...) et TUNIS, en ordre assez dispersé. De nombreux mécaniciens sont
faits prisonniers.
Après la libération de la
France, l’Armée tira un voile pudique sur l’année 1941 et la campagne du Levant
(*), la campagne de Madagascar
de l’été 1942 (Ironclad) et les tristes et cruels combats contre les
Anglo-Américains lors de leur débarquement en A.F.N du 8 novembre 1942
« Torch ». Ce sont ces épisodes qui ont rendu difficile par la suite
la reconstruction de l’Armée de l’Air française, car refaire travailler
ensemble ceux de la « France de Vichy » et ceux de la « France
du Général de Gaulle » ne fut pas une partie de plaisir ; les
cicatrices dues à leur méfiance réciproque et aux rancunes induites par des
progressions de carrière non parallèles ne se refermèrent que très
progressivement, certaines seulement à a la mort des protagonistes un demi-siècle
plus tard (**) ! Les archives concernant ces
épisodes méconnus de notre Histoire ne furent plus accessibles pendant
longtemps. Des pages de certains documents (livres de marche) ont d’ailleurs
été arrachées puis réécrites.
(*) Dans les archives du III/6 au Service Historique
de la Défense (S.H.D.) on peut encore trouver cette note, même si elle et
devenue aujourd’hui sans objet :
Campagne de Syrie Cette partie sera momentanément séparée de l’historique du groupe jusqu'à ce que les renseignements qui s'y trouvent ne puissent plus être exploités à des fins que purement historiques. La décision d’utiliser le groupe en Syrie, les conditions dans lesquelles il a exécuté ses missions, les noms de ceux qui ont participé aux opérations risqueraient en effet, actuellement encore (avril 1952), d'être utilisé contre certains des anciens exécutants et contre les divers échelons du commandement de cette époque. Cette partie de l’historique est donc considérée jusqu’à nouvel ordre comme confidentielle et ne devra pas être diffusée. |
(**) Témoignage de Jane
ROBERT « ...mon mari a été envoyé faire la guerre en Syrie en
1941 contre les anglais avec son escadrille et une fois la partie perdue,
quand les Gaullistes ont demandé à tous ceux qui avaient été faits
prisonniers de les rallier, une toute petite poignée l’a fait, car il faut
bien comprendre que beaucoup avaient des femmes, des enfants et une vie
modeste, ce qui ne pouvait pas les inciter à l’aventure. Une fois intégrés
aux forces de la France Combattante sous contrôle américain après le
débarquement de novembre 1942 en AFN, ils ont été assez mal vus par ceux qui
avaient rallié la France Libre plus tôt... » |
C’est la publication du remarquable
ouvrage de référence en deux tomes, « L’Aviation de Vichy au combat »
de Christian
La campagne du Levant
du GC III/6 - 24 mai au 16 juillet 1941
Livre
de Marche de la 5ème Escadrille
Livre
de Marche de la 6ème Escadrille – Partie Campagne du Levant
La page de Pierre Le
Gloan La page de Léon Richard La page de Gabriel Mertzisen
Juillet 1941 à Alger en
famille : photographies de l’album n° 6 Joseph BIBERT
Communion
solennelle de Georges ILTIS – Julienne et Joseph BIBERT, rue Gueirouard à
Fort-de-l’Eau – Avec la famille KUNTZEL – Mécaniciens de la 6ème
Escadrille – STEPHAN, GOUJON, LE GLOAN
Cliquez sur le bandeau des
miniatures ci-dessus pour ouvrir la page contenant ces photos
Août et octobre 1941 à Alger en famille : photographies de
l’album n°7 de Joseph BIBERT
Naissance
Marie-Thérèse BIBERT – Carte interzone de sa Grand-mère de Chartres – Baptême
avec Xavier BIBERT, cousin germain de Joseph
Cliquez sur le bandeau des
miniatures ci-dessus pour ouvrir la page contenant ces photos
D’août 1941 à novembre 1942 à Alger :
avant le débarquement des Alliés en A.F.N.
La campagne du Levant a été
un vrai traumatisme pour le GC III/6, comme pour toutes les forces
engagées, quel que soit le côté dans lequel elles se sont battues. Les pertes
cruelles (5 pilotes tués (*) pour le III/6) ont
été causées par un conflit fratricide entre des compagnons d’armes de la
Campagne de France, juste un an plus tôt. Pour la 5ème Escadrille,
aucun des appareils ayant quitté Alger en mai n’est revenu à Alger en
juillet ! La prise d’armes du 27 juillet à Alger avec le Général WEYGAND,
des médailles et des citations sont distribués aux pilotes dont certains vont
être promus dans les semaines qui suivent ce qui conduit à une certaine
amertume pour les mécaniciens, qui comme d’habitude ont beaucoup donné dans
l’ombre, et doivent accepter avec stoïcisme de n’être pas mis dans la lumière.
Trois pilotes et de nombreux mécaniciens sont encore prisonniers.
(*) Dans l’ordre chronologique : s/c
RAVILY, cne JACOBI, lt BOIRIES, sgt SAVINEL, lt STEUNOU.
La 5ème Escadrille
qui a perdu le 12 juin 1941 son Commandant, le capitaine JACOBI lors d’une
attaque au sol d’une colonne anglaise est commandé depuis cette date par le
capitaine
Le personnel et les quelques
machines dont dispose le groupe ont besoin d’un grand repos et de beaucoup
d’attention. Ceux qui n’étaient pas du déplacement au Levant ne vont pas
compter leurs heures de travail pour réviser à fond les machines revenus et les
autres auront droit à des permissions de longue durée.
Le 30 juillet 1941, une
cérémonie toute particulière et personnelle a lieu à Maison-Blanche dans le
hangar de la 6ème Escadrille du GCIII/6. On a poussé les avions et
fait un peu de ménage pour faire de la place pour un autel de fortune et
quelques chaises afin que l’aumônier du Groupe, Bernard HOUDOYER (1902) puisse
célébrer le mariage du sergent pilote Allain Gaston Louis MICHAUX (1909/2016),
juste de retour du Levant, et de Marie Louise ROTTIERS. - Nota :
Allain MICHAUX est prénommé parfois par erreur Alain ou Gabriel dans des
documents officiels.
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Maison-Blanche - Hangar de la 6ème
Escadrille du GC III/6 - Mariage du sergent Allain MICHAUX et de de Marie
Louise ROTTIERS Collection Naudy via Matthieu Comas |
Le 24 août 1941 Joseph BIBERT
est père pour la première fois : une petite Marie-Thérèse est née ce
jour-là à la clinique des orangers à d’Alger. Il est en permission une dizaine
de jours à partir du 30 août (voir les photographies plus haut à
partir du bandeau ci-dessus).
Mi-septembre, une mission est
organisée pour aller récupérer des Dewoitine neufs à Toulouse. Cinq pilotes et
quelques mécaniciens s’y rendent par bateau et chemin de fer ; au retour
un gros Farman 224 chargé de pièces de rechange, escorté par les D.520 n°45,
n°148, n°153, n°469 et n°472, ramène les mécaniciens et son précieux chargement
à Alger, via Istres, Ajaccio, Sidi Ahmed. Le sgt Lucien ROBERT a conservé
quelques rares photographies de ce transfert sur l’aérodrome d’Ajaccio.
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20
septembre 1941 – Terrain d’aviation d’Ajaccio – Le Farman F.222 (et non 224)
du GT 1/15 qui transporte les mécaniciens et le matériel et l’alignement des
Dewoitine 520 récupérés à l’usine de Toulouse Lucien ROBERT au centre sur les deux
photographies Photographies Lucien
Robert – Droits réservés |
Détail des vols du sgt mécanicien Lucien ROBERT au retour de la
mission de septembre 1941 à Toulouse pour récupérer des D.520 neufs
A Ajaccio
devant la statue de l’empereur Napoléon et de ses frères
Comme on peut le voir les
Dewoitine portent maintenant la robe imposée par l'instruction n° 418-C/DAT du
24 juin 1941 :
·
cocardes de voilure : 80 cm de diamètre
·
cocardes de fuselage : 60 cm de diamètre
·
liseré blanc aux cocardes de fuselage : 5 cm
·
bande blanche latérale de 10 cm de large et
s'étendant au minimum de 150 cm de part et d'autre de la cocarde de flanc
·
bandes alternées rouges et jaunes de 20 à 25
cm de large sur l'empennage entier (sauf le gouvernail de direction conservé tricolore)
et sur la partie avant des fuseaux-moteur et, éventuellement, sur la partie
comprise entre l'arrière du moteur et l'aplomb du bord d'attaque, suivant le
type d'aéronef.
Malheureusement les
photographies des appareils du III/6 à cette époque sont rares.
Nouveau marquage des avions de Vichy après
juillet 1941 – Ici le D.520 n°300 codé « 5 » de la 5ème
Escadrille
C’est le nouvel appareil du lt
Le s/lt Pierre LE GLOAN est
promu lieutenant le 9 septembre 1941. Le commandant GEILLE est nommé lieutenant-colonel,
le 15 septembre et quitte alors Alger pour aller commander la base de Ouakam (*) en A.O.F. De ce fait, le
capitaine de RIVALS-MAZÉRES assure le commandement du Groupe pour quelques
semaines à titre provisoire avant d’être affecté en France.
(*) De nos jour la base
aérienne 160 de l'Armée de l'Air à Dakar-Ouakam porte le nom de « Base
Colonel Frédéric Geille »
Le 16 septembre, le D.520
n°398 codé « 7 » du lieutenant GUILLOU capote au décollage suite à
l’éclatement d’un pneu. L’appareil ne sera remis sur pied qu’en février 1942,
pour terminer un vol le 19 mai 1942 par un... cheval de bois aux mains du s/c
SCHENK (voir plus bas).
Le 27 septembre le lt MARTIN,
le s/lt RIVORY et le sgt PIMONT, les 3 pilotes prisonniers au Levant, qui ont
été libérés après une captivité assez douce, sont de retour au Groupe, comme
petit à petit une partie les mécaniciens ; personne au III/6 n’a voulu se
rallier aux Forces Françaises Libres, le traumatisme des pertes étant trop
grand. Le rapatriement des prisonniers s’est fait, conformément à l’armistice
de Saint-Jean d’Acre, sur des bateaux français, dont les paquebots
« Maréchal Lyautey », « Florida » et
« Providence » qui atteignent Marseille à partir du 31 août 1941. Les
aviateurs sont regroupés d’abord à Nîmes « Courbessac » avant d’être
redirigés vers leurs unités d’origine.
Le lieutenant Jean SAUVAGE
qui a déjà passé le mois de septembre 1940 au III/6 avant d’être placé en congé
d’armistice, y est affecté de nouveau
(ne pas confondre Jean SAUVAGE (1917/2014),
avec Roger SAUVAGE (1917/1977), tous deux au Normandie-Niemen par la suite,
mais c’est Roger SAUVAGE qui est l’auteur de « Un du Normandie
Niémen »)
Le 9 octobre 1941 le sergent
PIMONT est victime d’un grave accident. Il a mis par erreur son hélice au grand
pas au moment du décollage et a capoté en fin de piste. Le Dewoitine D520 n°423
codé « 22 » baptisé « Ouah-Ouah » est détruit et le pilote,
mâchoire brisée, ne reprendra son service que 2 mois plus tard.
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9 octobre 1941 – Alger Maison Blanche – Accident
du sgt Roger PIMONT - Dewoitine D520 n°423 codé « 22 » baptisé
« Ouah-Ouah 1er décembre 1940 Collection Roger
Pimont via Rémy Denizot – Droits réservés |
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D.520 du GC III/6 en vol au-dessus de Maison
Blanche |
Le
Dewoitine 520 n°210 de l’a/c BALMER qui a repris le code « 25 » du
lt STENOU (+) Sans doute
sgt GHESQUIÉRE et un lieutenant non identifié Il semble que les bandes rouges ne soient pas
encore peintes sur le nez de l’appareil |
Dewoitine
520 n°153 codé « Y » du Capitaine NAUDY Commandant en second du Groupe |
Le 15 novembre 1941 le
commandement du Groupe est confié au Capitaine
(*) Arrivés en renfort
pendant la campagne du Levant.
D’après un document officiel
au SHAA, écrit après la guerre, le 27 novembre 1941, l’a/c BALMER aurait ramené
de Meknès un Messerschmitt 108, appareil de commandement multiplace (plus
tard, sa version francisée sera produite en France occupée par l’usine SNCAN
des Mureaux sous le nom de « Nord 1000 Pingouin »). C’est une erreur, en fait c’est le 6 novembre que l’a/c BALMER et
le sgt mécanicien UMBERT reviennent de Meknès avec un North American NAA
57, biplace d'entraînement qui sera utilisé à partir de cette date comme
appareil de liaison par le Groupe. Entre « NORD » et
« NORTH », les historiens officiels de l’.AA se sont trompés, comme
quoi il faut toujours rester vigilent et critique avec les archives, quelles
qu’elles soient...
Messerschmitt 108 (Nord 1000
« Pingouin ») et North American NAA-57
En décembre, nouvelle arrivée
de deux anciens pilotes du III/6 : le s/lt SALAÜN, disparu le 21 mai 1940,
gravement blessé aux jambes, fait prisonnier et évadé d’Allemagne avec de faux
papiers, affecté à la 5ème et le s/lt CAVAROZ blessé le même jour en
combat aérien, affecté à l’État-major du Groupe.
Dans les archives familiales, la collection des calendriers de la
poste commencée en 1939 est complète (jusqu’en 2015 !)
Celui de 1942 porte deux notes au crayon de Joseph BIBERT : 20/5 départ de la 5 – 1 au 20/09 CHM
Effectivement, le 20 mai 1941 la 5ème Escadrille a été
détachée à SFAX (voir plus bas) et du 1er au 20 septembre 1942 il a
participé à un stage « Montagne » dans le massif du Djurjura
Dans le cadre d’une nouvelle
organisation plus régionale de l’Armée de l’Air d’A.F.N. en date du 1er
janvier 1942, le Groupement de Chasse 26 devient « Groupement mixte
n°26 », englobant maintenant les Groupes de Bombardement et de
Reconnaissance qui constituaient le Groupement 3 cité plus haut, ainsi que le
Centre d’Instruction d’Aviation n°1 à Maison-Blanche.
Le commandant Raymond
DESTAILLAC (1905/1972), ancien commandant de la SPA 124
« Lafayette » avant-guerre, 1ère Escadrille du
GC II/5, et adjoint du Commandant de ce Groupe pendant la campagne de
France avec 2 victoires homologuées, prend le commandement du III/6 le même
jour avec pour mission la défense aérienne d'Alger. Il était affecté jusque-là
à l’État-major de l’Air Algérie et il vient de se marier le 14 novembre à Alger
avec Marie CAFFIN (1903/1995), la veuve du commandant CASTANIER. Une prise
d’armes a lieu le 14 janvier.
Pilotes
du GC III/6 au 1er janvier 1942 |
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État-major |
5ème escadrille |
6ème escadrille |
Cdt Raymond Destaillac Cne Lt Jean Cavaroz Section administrative Lt Marc Boyer (*) Compagnie de base Lt Lt Rabusson |
Cne Lt Robert Martin Lt Lt Jean Sauvage Lt Jean Salaün Adj Maurice Chardonnet Adj Adj Gabriel Mertzisen S:C Sgt Honorat (**) S/c Schenk Sgt Louis Coisneau Sgt Jean Mequet |
Cne Léon Richard Lt Marie-Henri Satgé Lt Georges Rivory Lt Georges Legrand Lt Adj Albert Balmer S/c Jean Macia S/c Toussaint Loï S/c Marcel Farriol S/C Henri Ghesquière S/c Roger Pimont Sgt Allain Michaux |
Raymond DESTAILLAC alors capitaine – La dérive de son D.520 n°301
en 1942
(*) Il quittera le III/6
pour la base de Maison-Blanche, juste avant le débarquement anglo-américain du
8 novembre 1942. Entre 1951 et 1955 le commandant Marc BOYER sera en poste à
Lahr (Allemagne) en même temps que l’adj/c Joseph BIBERT, et les familles se
fréquenteront puis correspondront plus tard régulièrement. En prévision de sa
retraite, le commandant Boyer fit construire en 1965 une villa sur la côte
d’azur à La Nartelle, près de Sainte-Maxime, dans laquelle la famille BIBERT
fut accueillie pour ses vacances d’été à plusieurs reprises.
(**) Affecté au III/6
en Syrie le 23 mai 1941
Peu de faits marquants en
1942 : le lt SATGÉ et l’adj MERZISEN convoient à Thiès (A.O.F) deux D.520 le
27 janvier, deux pilotes sous-officiers de chaque escadrille sont envoyés en
février en stage au centre de perfectionnement de Fès (Maroc), une bonne
expérience qui perdurera pendant quelques mois, un premier échange de pilotes
en février entre le lt RIVORY du III/6 et le lieutenant de vaisseau DU MERLE de
l’aéronautique navale (1AC et 2AC) à Tafaraoui (plus tard BAN de Lartigue à
Oran) pour comparer les méthodes d’entraînement sur D.520 ; ces échanges
continueront jusqu’en avril.
Par les courriers familiaux
ou apprend qu’au cours du mois de mars 1942 M. et Mme. Omer BORREYE, (lui est
mécanicien au III/6 depuis 1939), ont pu partir en permission à Chartres, où
ils habitaient avant la guerre, avec leur fils Jean (3 ans). Ils ont
apporté des photographies récentes de la petite Marie-Thérèse BIBERT à la
famille de Julienne. Celle-ci a fait des pieds et des mains, heureusement sans
résultat, pour pouvoir faire le même voyage, malgré le coût exorbitant d’un tel
périple et le risque de franchir la ligne de démarcation pour un sous-officier
alsacien (*) ! Omer BORREYE est rentré seul en A.F.N., mais devant les
difficultés de la vie à Chartres, son épouse est repartie le rejoindre 3 mois
plus tard !
(*) Le Général d’Armée
PRIOUX, Major Général des forces terrestres et aériennes d’Afrique du Nord
signera d’ailleurs le 3/1/1943 la note n°7/E.M.G. 1/0 concernant les
Alsaciens-Lorrains : « Des renseignements reçus il ressort que le
commandement allemand considère les Alsaciens-Lorrains prisonniers comme des
déserteurs de l’armée allemande. En conséquence, les Alsaciens-Lorrains
actuellement sous les drapeaux seront prévenus à ce sujet, et seuls les
volontaires seront maintenus ou envoyé aux armées… ». Cette note sera
amplifiée par le Général de Corps Aérien MENDIGAL commandant l’Aviation
Française d’Afrique le 18/4/1943.
Concernant ces aviateurs
d’A.F.N. qui peuvent avoir des permissions, Georges CHÉDEVILLE, le frère de
Julienne, qui ne cache pas beaucoup son hostilité au régime de Vichy, écrit à
sa sœur au verso d’une « carte », dont le timbre imprimé est d’ailleurs
un portrait du Maréchal ! : « … j’ai vu ici un sous-officier d’Oran (aviateur), son
état d’esprit a bien changé au cours de son congé, nous avons pu juger de
quelle immonde propagande vous êtes abreuvée. Courage et patience, mes chers,
vous n’avez pas la plus mauvaise part, sachez l’estimer… »
Le III/6 enregistre toujours
quelques mouvements de personnels ; départ de l’adj CHARDONNET de la 5ème
le 18 février pour l’État-major de l’Air Algérie, arrivée de l’adj VEYRUNES, un
ancien du GC II/8 avec 1 victoire homologuée pendant la campagne de
France, départ du sgt COISNEAU de la 5ème pour Blida et en
compensation le sgt GAUTHIER de la 6ème passe à la 5ème.
Plus tard, ce dernier réussira les E.O.A. et quittera définitivement le Groupe
en mars 1943.
En avril le Général JANNEKEYN
(1892/1971), alors secrétaire d’état à l’aviation, qui fût le Commandant de
l’Air au Levant en 1941, de passage à Alger vient passer sans protocole
quelques moments avec les pilotes qui ont combattu en Syrie sous ses ordres 10
mois plus tôt.
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Alger Maison Blanche – Pilotes et mécaniciens
du GC III/6 – A gauche : sgt GHESQUIÉRE ? et a/c BALMER – A
Droite : avion du Commandant , sgt ROBERT et s/c BIBERT tout à droite Collection Balmer
via Lionel Brunet à gauche et photographie Joseph Bibert à droite – Droits
réservés |
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Avril
1942 – Alger Maison Blanche Escadrille – L’adjudant Ancien du
GC III/2 blessé et fait prisonnier le 13/06/1940 Arrivé au III/6 en avril 1941, via le centre
de Chasse de Blida, il n’a pas participé à la campagne du Levant Photographies
communiquées par M. le Général Gilles Lemoine – Epreuves jamais récupérées,
trouvées à Nice chez un photographe en 1997 |
Printemps 1942 à Alger en famille : photographies de l’album
n°7 de Joseph BIBERT
Fort-de-l’Eau -
Le chien Youky – Promenade à bicyclette – Famille Kuntzel
Cliquez sur le bandeau des miniatures
ci-dessus pour ouvrir la page contenant ces photos
Les mois d’avril à mai 1942
sont un vrai tournant de la guerre 1939/1945. Sur le sol d’Afrique, rendu
possible par sa maîtrise de l’air, l’Afrika-Korps du Général ROMMEL a bousculé
à partir de la Cyrénaïque les forces britanniques du Général AUCHINLECK et
menace l’Egypte à moins de 100 kilomètres du canal de Suez ; heureusement
arrêté à El-Alamein et manquant de carburant Rommel doit rester sur cette
position ; les Britanniques en profitent pour reconstituer leurs forces et
l’Afrika-Korps sera victime de la contre-offensive du Général Montgomery lors
de la seconde grande batille d’El-Alamein d’octobre/novembre 1942 qui
entraînera le reflux définitif des Allemands vers la Tunisie d’où ils seront
définitivement chassés en mai 1943 après le débarquement allié en A.F.N. du 8
novembre 1942.
Dans leurs traques des
navires et des avions de ravitaillement allemands, la Royal-Navy et la R.A.F.
pénètrent souvent dans les eaux territoriales de la France et les ordres de
Vichy sont de s’y opposer. La faible aviation française de Vichy en A.F.N. essaye
de faire face, mais les quelques décollages sur alerte des D.520 du III/6 sont
pour le moment totalement infructueux.
Dans les premiers jours de
mai c’est l’attaque britannique contre Madagascar. La presse algéroise se
déchaîne contre les Anglais ; la une de « L’écho d’Alger » du 6
mai » titre « Toute la France, tout l’empire sont de cœur avec
vous ». Bientôt, ceux du III/6
apprennent que le 10 mai le capitaine Jean ASSOLLANT a été porté disparu ;
le « Père Jean », leur vieux compagnon de la campagne de France,
premier français à avoir traversé l’Atlantique, directeur de l’aviation civile
à Madagascar, qui s’est remis courageusement aux commandes d’un Morane 406 pour
faire face à l’envahisseur ! Le 12 mai, le quotidien algérois place cette
triste nouvelle en première page et en gros titre :
Jean
ASSOLANT doit être un exemple pour nos jeunes « Vichy — Les journaux de la Métropole publient la
photographie et la nouvelle de la disparition glorieuse d'Assolant dans le
ciel de Madagascar. Certains les accompagnent de longs commentaires, en
général sous la plume d'anciens camarades du vaillant disparu. Jean Assolant doit être un exemple pour nos jeunes », écrit
notamment M. Peyronnet de Terres. Il ajoute : Assolant devait se conduire en
héros, en grand héros dans le ciel de Madagascar qu'il avait conquis,
asservi, oserai-je dire, pour établir une liaison intérieure entre Tananarive
et les villes les plus importantes. A Madagascar, Assolant était civil, ainsi que tous les autres
coloniaux. Il pouvait continuer sa tâche de pilote de ligne ou demeurer prés
de sa femme et au milieu de ses chevaux et de ses chiens. Assolant abandonne
son « Goéland » sur lequel il survolait la mer de Madagascar à la Réunion,
endosse son uniforme de capitaine de l'armée de l'air et s'élance dans le
ciel, dans son ciel, dans son domaine envahi par l'assaillant. En protégeant
la terre et les hommes qu'il aimait avec passion » |
Après Mers el-Kébir, la
campagne du Levant, la conquête de Madagascar et la mort d’ASSOLLANT, le régime
de Vichy va maintenant se déchaîner contre les Anglais via une presse
totalement contrôlée et il faut comprendre, sans jugement trop hâtif, que dans
leur très grande majorité, ceux du III/6, les autres militaires, les
fonctionnaires et les pieds-noirs soient prêts à « défendre
l’Empire » coûte que coûte ! L’éventualité d’une action militaire
contre l’Afrique du Nord commence à être un sujet de discussion ; mais s’y
prépare-t-on vraiment ?
Pour faire en sorte que le
moral de s’effondre pas, et pour garder les hommes en forme avec un minimum
d’entraînement sportif avec si peu d’activité aérienne, le capitaine RICHARD
met du cœur à innover : ce sont les sorties baptisées « Reconnaissance »,
sortes de sorties « camping » (voir
plus bas un extrait des mémoires du Général André Hartemann) où toute son escadrille part entre « hommes » et en
groupe, à pied, à plusieurs kilomètres de Maison-Blanche, passer deux jours
sous la tente. Signalées dans quelques archives du Groupe, elles sont
confirmées par au moins deux séries de photographies rares que Joseph BIBERT en
a faites, une sur la plage ouest du Cap Matifou, et une autre dans les rochers
de la localité un peu plus au nord nommée « Jean Bart » à l’époque,
maintenant El-Marsa
Cliquez sur le bandeau des
miniatures ci-dessus pour ouvrir la page contenant ces photos
Photographies Joseph
Bibert – Reproduction interdite
Il faut parler aussi du
« C.P.S.O » (Centre de Perfectionnement des Sous-Officiers) de Fès.
Le sergent Jules PIESVAUX, mécanicien à la 5ème Escadrille, qui a
fait partie de ceux du III/6 qui ont été désignés pour y effectuer un stage, en
a heureusement ramené deux rares photographies d’avril 1942 (voir
ci-dessous) ; mais ce n’est que par quelques rares témoignages que les
objectifs de ce centre sont connus. Une curieuse idée circulait en effet dans
les hautes sphères : la « débâcle » de 1940 et les
« mauvais résultats » de la campagne du Levant ne seraient-ils pas
imputables aux carences des « petits » personnels, pilotes et
mécaniciens de l’Armée de l’Air ? Le but du C.P.S.O. a donc été de
redonner du tonus à tous les militaires. On leur faisait mener une activité
genre « commando » : lever de nuit, creusement de piscine,
départ sac au dos, arme à la bretelle, pour des marches de parfois 30
kilomètres, traversées d'oueds à la nage, sauts par-dessus une tranchée, pas
très large certes, mais garnie en son centre de baïonnettes pointées vers le
haut... Ce pénible entraînement pouvait se concevoir pour des personnes jeunes
mais les stagiaires n'étaient pas tous des sportifs. Les mécaniciens, comme
Jules PIESVAUX par exemple, n’avaient pas trop de temps pour courir en
espadrilles autour des avions car il fallait bien les entretenir pour qu’ils
puissent voler ! De plus, c’était l’époque où tout était bon pour diminuer
les effectifs et les « stagiaires » avaient grand peur d'être mis
d’office en congé d'armistice en fin de stage. Les patrons de ce centre ont été
:
·
Commandant :
commandant MURTIN (1904/1966) (ancien
commandant du GC I/5, Groupe de Chasse prestigieux, qui termina sa carrière
comme Général de Corps Aérien)
·
Adjoints :
capitaine Jules ROY (1907/2000) (aviateur,
écrivain et pétainiste convaincu à cette époque…) et capitaine Emmanuel
BRIHAYE (1913/2004) (centralien, engagé
par la suite au « Normandie-Niemen » puis pilote d’essai à la SNECMA
après la guerre)
·
Première
compagnie : lieutenant Guy DAUBRESSE (1914/1987) (au GC II/2 en 1940, blessé par accident le 4 mai)
·
Seconde
compagnie : lieutenant Urbain MONTAGNE
On doit à M. Philippe FINCK
d’avoir mis en ligne, outre la biographie
de Guy Finck, sergent-chef mécanicien mort en Service Aérien Commandé au
Groupe 1/25 en 1943, son cahier
de stage au C.P.S.O. et sa transcription
numérique au mot à mot. Ce stage a été effectué par son grand-père fin 1942 au
moment du débarquement anglo-américain en A.F.N. (voir les liens en bleu vif soulignés)
Guillaume de FONTANGES
dans « Les Ailes te portent » (1981) « ...après étude approfondie, l'état-major de l'Armée de
l'Air cherche les causes de la défaite. On en arrive à la conclusion que les
sous-officiers ont perdu la guerre. Il importe donc de nous reprendre en
main, de nous redresser ; d'où la création des fameux C.P.S.O., les Stages de
Perfectionnement des Sous-Officiers. Celui d'Afrique du Nord est installé à
Fès.... ... on pourrait dire beaucoup de choses sur ce C.P.S.O. Ce
n'est pas à proprement parler un stage, plutôt une série de brimades
physiques et morales ; nous sommes obligés de les accepter en silence sous
peine d'être fichus à la porte de cette nouvelle armée qui se veut dure et
pure. Tout pourrait se passer à peu près normalement pendant ces
trois mois de reprise en main si nous n'avions affaire à deux chefs
surprenants : le grand patron, le commandant Murtin, paix à sa petite âme !
Ensuite, son brillant second, le capitaine Jules Roy. Sacré Jules ! on
rigolera plus tard en feuilletant ses bouquins, mais à Fès, le capitaine Roy
ne nous fera jamais rire. Je préfère glisser ; je respecte l'Armée : une
brebis galeuse, voire deux, ne font pas le troupeau... » |
|
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15 avril 1942 – Sidi Arazem – Sources chaudes
à 15 km de Fès MONTIGNIER (?) – LORILLON – JOURDAN – PÉTREMONT - RUFFIO (?) – FOGIAROLLI – LE MARELLEC CAROLLA (?) – GUIGUE – PIESVAUX – Lt DELEUZE (?) Transcription
incertaine |
15 avril 1942 – Avant le retour à Fès PRÉVOST –
CALOU – MARTIGNONI – GUIGUE – PÉTREMONT – FRIOCOURT (?) - LE MARELLEC LAILLIER (?) – Lt TRAMORY – JOURDAN – PIESVAUX – CASAMAYER - FOGIAROLLI -
RUFFIO (?) CAROLLA (?) -- ROIG |
Avril 1942
– Fès – C.P.S.O. -Centre de Perfectionnement des Sous-Officiers Photographies Jules
Piesvaux – Droits réservés |
Mémoires du Général
André HARTEMANN alors Commandant au 3ème bureau
de l’État-major à Alger SKI – MONTAGNE – CAMPING
– C.P.S.O... et moral du personnel ! ... Pendant cette période d'activité réduite, j'ai pensé
nécessaire de maintenir et même de remonter le moral du personnel ;
j'estimais qu'on pourrait avoir bientôt besoin de cadres solides et décidés,
au caractère bien trempé. Un excellent moyen d'y arriver me parut être la pratique de la montagne et j’ai lancé
fin 1941 un Centre de ski dans le
Djurdjura. Je ne le considérais pas comme destiné à la simple pratique d'un
sport, et je me rapprochais là de la conception qu'en avait le Club Alpin
Français. Je pensais trouver dans les organisations de jeunesse un esprit
nouveau, une flamme qui pourrait se communiquer à notre personnel, des
méthodes inédites de raidissement moral et d'éducation du caractère... ... j'ai eu heureusement l'appui du Club alpin français grâce
à mon ami ... de janvier à mai 1942, se sont succédé des stages d'une
cinquantaine d'officiers et sous-officiers, dirigés par le lieutenant Cuffaut
(du Groupe de Chasse II/3), assisté d'excellents moniteurs comme j’adjudant
Chaix. La finalité de ce Centre de montagne était finalement la même que
celle du Centre de Perfectionnement des Sous-officiers(C.P.S.O), d'abord
installé à Relizane, puis à Fès, où on cherchait aussi à élever le moral de
nos cadres en durcissant les corps. D'autre part, dans les unités on commençait
à sortir les gens de leur moule bourgeois en leur imposant des « sorties –camping »... ...beaucoup de gens ne suivaient pas, ne voyant partout que
des difficultés en ne cherchant en fait qu'une vie facile dans un chemin tout
tracé, et les esprits et les opinions s'étaient divisés ; quelques-uns
penchaient vers la France Libre, d’autres prônaient une collaboration très
poussée avec l'Axe. On parlait beaucoup de « Révolution
Nationale », mais on ne voyait aucune révolution : bien des gens
restaient en place qui avaient pris une large part dans notre défaite de
1940... ... on se sentait dans un tunnel très sombre dont on ne voyait
pas le bout, nous n'avions plus de lumière vers laquelle marcher et pas de
chefs capables de nous montrer le chemin à suivre. Tout flottait, chacun
essayant dans son coin de se fabriquer un idéal, plus ou moins haut !
Nous, nous avions au moins un but à poursuivre, cette préparation de la
défense africaine... |
Le 18 mai une patrouille
double du III/6 fait un exercice en début de matinée quand elle est informée
qu’un hydravion anglais survole la mer à l’ouest d’Alger. Effectivement le
Consolidated PBY « Catalina » AJ 158 du sqn 202 qui a déjà été
pris à partie par des avions du GC II/3 a dû amerrir. Selon la version
officielle de l’Armée de l’Air, le cne RICHARD donne l’ordre au sgt MICHAUX dit
« Papichou » (6ème) de patrouiller autour de l’hydravion en
attendant l’arrivée d’un torpilleur qui doit venir l’arraisonner ;
celui-ci est relevé au bout de 1 ½ h. par le s/c SCHENK (5ème) (*) ; lui-même par le lt
SALAÜN (5ème) (**). D’après les archives britanniques, via Christian
En fin de journée, deux D.520
attaquent un Short Sunderland australien mais il peut s’échapper. Mauvaise
journée pour le III/6. Comme on ignore tout de son sort, le lt SALAÜN est
simplement porté disparu.
(*) Le lendemain 19
mai, ce pilote fait un cheval de bois à l’atterrissage et brise son Dewoitine
n°398. Poursuivant sur sa lancée il casse un second appareil le 4 juin à
Sfax ; D.520 n 403 (Photographie)
(**) Jean Nicolas
SALAÜN, abattu sur MS.406 en mai 1940, prisonnier, évadé, de retour au Groupe
depuis 4 mois a en fait très peu volé sur D.520 ; la raison de sa présence
dans cet épisode assez confus reste un peu mystérieuse…
Carnet du sergent Robert
ROHR – Mécanicien à la 5ème Escadrille ... À 9h, 2 avions D.520 du GC II/3 décollent de Maison
Blanche, sur alerte, un hydravion anglais « Consolidated Catalina »
étant signalé au large d'Alger. Ils le rencontrent et après plusieurs passes
l'obligent à amerrir à 30 km au large de Guyotville. L'équipage composé de 3
hommes évacue l'avion à bord d'une bouée de caoutchouc. Une protection est
assurée par le GC III/6. À 12h15 le lt Salaün (5ème) part. On
attend vainement son retour. Sans doute a-t-il été mouché par des bateaux de
guerre ou alors cravaté par un avion arrivant d'un porte-avions. À
14h 15 une patrouille composée du cpt Richard, lt Satgé et s/c Farriol,
décolle. Ils tombent sur un « Fairay Fulmar », avion anglais qu'ils
descendent. Ils sont de retour à 15h 30. Peu d'espoir de retrouver le
lt Salaün... |
CITATION du lieutenant Jean Nicolas SALAÜN « SALAUN (Jean), lieutenant, groupe de
chasse 3/6: jeune officier ayant toujours manifesté une ardeur inébranlable
dans l'accomplissement de son devoir et sa foi profonde dans les destinées de
la patrie. Magnifique officier dont le courage et l'abnégation doivent servir
d'exemple aux promotions futures, engagé dès le début des hostilités, a été
abattu en combat aérien, le 21 mai 1940. Blessé et fait prisonnier, s'est
évadé à la septième tentative après dix-huit mois de captivité. Le 18 mai
1942, chargé d'assurer le contact d'un hydravion adverse abattu au large
d'Alger, a disparu en mer au cours de cette action. » Déjà cité en 1940 après sa victoire du mai. |
A partir de cette date la
protection des convois français ravitaillant l’A.F.N. doit être renforcée et
les incidents deviennent plus fréquents.
Dans ce cadre, du 20 mai au
25 juin la 5ème Escadrille du III/6 est détachée à Sfax, terrain
d’El Maou, avec le Commandant du Groupe, pour relever une escadrille du
GC II/3, mise en alerte précédemment le long des côtes tunisiennes.
4 juin 1942 – Sfax El Maou - Le s/c SCHENK de la 5ème,
décollant trop rapidement, va s'avachir en bout de piste
Son Dewoitine n°403 codé « 11 » « Le Piège »
est hors d'usage mais le pilote s'en tire avec le nez coupé et une forte
douleur au bras
Juin 1942 – A Sfax El Maou, un seul merlon semi enterré de
protection semble exister : les D..520 du III/6 de la 5ème y
passent à tour de rôle !
A gauche le
D.520 n°148 codé « 1 » du Capitaine SAUTIER et à droite de n°365 codé
« 8 » du sgt GAUTHIER qu’il a baptisé bien entendu
« Mektoub ! V »
Photographies Robert ROHR – Droits réservés
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Juin 1942 – La 5ème Escadrille à
Sfax El Maou en Tunisie – Jules PIESVAUX Photographies Jules
Piesvaux – Droits réservées |
Du 6 juin au 22 juin 1942, Joseph
BIBERT est en Permission de Longue Durée (P.L.D) ; pour lui, son épouse et
sa petite fille, la guerre est très loin, la mer est belle, la plage est
chaude…
Second semestre 1942 à Alger en famille : photographies de
l’album n°7 de Joseph BIBERT
Joseph Bibert nommé
adjudant - Plage de Fort-de-l’Eau – Avenue Gueirouard
Cliquez sur le bandeau des
miniatures ci-dessus pour ouvrir la page contenant ces photos
… et le premier juillet 1942,
Joseph BIBERT, engagé depuis 11 ans dans l’Armée de l’Air française, est nommé
adjudant.
Polémique autour d’une
photographie !
Une photographie commercialisée par le SHAA (Service Historique de l’Armée de l’Air) mainte fois publiée dans la presse
aéronautique, datée de 1943, représenterait (généralement sans cornes !!!)
le capitaine
Gabriel GAUTHIER, commandant la 4ème Escadrille du GC II/7 alors en
Tunisie, dit « Gégé », qui finira sa carrière « Chef
d’État-major particulier du Président de la République » (Général de
Gaulle), puis à la plus haute marche « Chef d’État-major de l’Armée
de l’Air » ! On voit ci‑dessous cette photo dans une
publication consacrée au Général Gabriel GAUTHIER et les recto et verso de
la photographie originale de la collection personnelle de Joseph BIBERT,
parfaitement légendée de sa main, représentant un groupe de pilotes et de
mécaniciens de la 6ème Escadrille du GC III/6 au début de 1942 à
Maison Blanche, entourant leur camarade, le sergent Georges GAUTHIER (qui passe en mars de la 6ème à la 5ème
Escadrille) !!! Cette photographie fait partie d’une série, présentée plus
bas, dont beaucoup d’Anciens du III/6 possèdent des tirages, où figure en outre
le s/c Georges KILLY du GC II/3 (le père de Jean Claude, le célèbre champion de
ski des années 1960). Nous avons eu beau avertir de cette coquille, et le SHAA,
et certains rédacteurs, cette image circule toujours avec une légende erronée,
ce qui confirme qu’il faut rester critique sur la provenance des documents et
multiplier les contrôles et les recoupements !
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SATGÉ – LOÏ – GAUTHIER – LIMEUIIL – GODEFROY
– BIBERT - BALMER - MACIA |
A/c Albert BALMER |
Sgt GAUTHIER – s/c LOÏ - s/c Georges KILLY du
GC II/3 – a/c BALMER – s/c MACIA |
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A/c Albert BALMER et sgt Georges GAUTHIER |
Sgt Georges GAUTHIER |
SATGÉ (pipe) – BALMER - GAUTHIER |
Début 1942 – Alger Maison Blanche – Une série
de photographies de la sixième Escadrille – Remarquer en haut à droite le nez
d’un D.520 à bandes rouge et jaune Photographies
provenant de plusieurs collections d’Anciens du GC III/6 |
Eté 1942 – Dans un hangar d’Alger Maison-Blanche
Au fond, un Farman 222 du GT I/15 et devant, quatre D.520 du GC
II/3 dont le n°471 codé « 28 » jaune de l’adj Marcel JEANNAUD »
En août 1942, deux prises
d’armes ont lieu pour les visites du Colonel BEAUNE, commandant de « l’Air
Algérie » (le 1er) et du Général JANNEKEYN, secrétaire d’état à
l’Aviation (le 8).
Le 31 août le lt CAPDEVIOLLE
endommage le Dewoitine n°469 codé « 30 ».
Du 31 août au 23 septembre
1942 le « nouvel » adjudant Joseph BIBERT a le grand plaisir de
participer à un stage « montagne » à Tiz n’Kouilal (à 12 km de
la station de ski de Tikjda) dans le massif du Djurjura (*), où il remplace le
s/c Farriol qui a inauguré cette nouvelle activité pour la 6ème
escadrille. Il en a ramené de nombreuses photographies ! Dans ce centre du
Club Alpin Français, pendant l’hiver, certains pilotes du III/6 avaient déjà
participé deux par deux à des séjours de ski (voir
plus haut un extrait des mémoires du Général André Hartemann).
Septembre 1942 - Stage montagne dans le massif du Djurjura :
photographies de l’album n°7 de Joseph BIBERT
Cliquez sur le bandeau des
miniatures ci-dessus pour ouvrir la page contenant ces photos
(*) Joseph
BIBET gardera de ces trois semaines un intérêt immense pour la montagne et
l’alpinisme et, sans le pratiquer, il dévorera au cours de sa vie des dizaines
de livres sur le sujet. Il n’y avait pas de « fête des pères » sans
livre de montagne offert ! Il transmit cette passion seulement livresque à
son fils qui a bien complété la collection depuis, et qui connaît par cœur des
dizaines de « voies » sans jamais avoir fait la moindre
ascension !
L’activité à Maison-Blanche
ne doit pas être élevée, puisqu’à peine de retour de ses « vacances »
à la montagne il bénéficie d’une nouvelle P.L.D. le 26 septembre 1942 ;
durée non connue
Mi-septembre le lt LEGRAND
est promu capitaine et le lt LABUSSIÈRE, dit « Tatave » arrive à la 5ème.
Le 29 septembre 1942, celui-ci fête son arrivée par un magnifique cheval de
bois à l’atterrissage et endommage le D.520 n°399.
Le cne NAUDY quitte le Groupe
et l’A.F.N. ce même jour. Il part commander à Aulnat (Clermont-Ferrand) le
GC II/9 qui fait partie des Groupes maintenus dans l'Armée de l'Air de
Vichy sur Bloch MB.152, mais cette unité sera dissoute le 28 novembre
1942. Il s’illustrera par la suite dans la résistance, sera nommé
lieutenant-colonel en 1944 à l’État-major de l’Air, mais il disparaîtra
prématurément le 18 avril 1946 alors qu’il accomplissait un vol en service
commandé sur P-47 « Thunderbolt ». La promotion 1968 de l’École de
l’Air porte son nom.
Le 19 septembre 1942, le
général ORTHLIEB, contrôleur général de l’aviation, le général BEAUNE,
commandant de l’Air en Algérie, une délégation du GC III/6, anciens
compagnons de Jean ASSOLLANT participent à Alger à un solennel hommage qui lui
est rendu à l’initiative de la L.F.C. (Ligue Française des Combattants). Un
compte-rendu dithyrambique en est fait dans l’Écho d’Alger : « M. l'aumônier
Houdayer, de l'armée de l'air, officiait et dans son sermon a magnifié les
qualités de courage, de sacrifice, de dynamisme de ces hommes qui vont à la
mort, tombant face au ciel sous la magnifique poussée d'un idéal patriotique
issu du glorieux passé de tous ceux qui ont marqué de leur sang les plus belles
pages de notre histoire ».
Pour la petite histoire, il
faut citer la permission que Jules PIESVAUX obtient pour aller se marier à
Roubaix le 22 septembre 1942. Rappelons - ce que beaucoup ont du mal à
comprendre - que la France de Vichy, armistice oblige, n’était plus en guerre
contre l’Allemagne depuis fin juin 1940 et que la « Zone Occupée »
par les Allemands qui la contrôlaient, la « Zone Libre », l’A.F.N. et
les autres parties de son Empire non ralliées à De Gaulle restaient
théoriquement sous sa souveraineté. De ce fait, la traversée de la Méditerranée
et l’accès en zone occupée pour un militaire Français lors d’une permission
restaient du domaine du possible, du moment que les autorisations avaient été
données, que tous ses papiers étaient en règle et qu’il avait pu économiser
beaucoup pour payer son voyage ! Mais bien évidemment il ne fallait pas
être alsaciens, juifs, etc. ! Ce n’est qu’après le débarquement
anglo-américain en A.F.N. du 8 novembre 1942 que la France entière fut occupée,
et qu’on parla de Zone Nord et de Zone Sud, tandis que la totalité des colonies
françaises se sont retrouvées de facto en guerre. À la même époque, Jules
PIESVAUX, comme tous les autres participants, à la campagne du Levant, en
reçoit la médaille commémorative.
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Septembre
1942 – Permission de Jules PIESVAUX, mécanicien à la 5ème
Escadrille à Roubaix en « Zone Occupée » Sa mère et son épouse – Mariage le 22
septembre 1942 Photographies Jules
Piesvaux – Droits réservées |
Médaille commémorative de la campagne du
Levant |
Jules PIESVAUX peut revenir
en Algérie avant le débarquement anglo-américain du 8 novembre 1942 et ainsi
continuer sa carrière militaire au III/6. Par contre le lt SATGÉ a moins de
chance. Avec d’autres camarades du III/6, il vivait en colocation à Aïn-Taya,
petit village au bord de la mer, pas très éloigné du terrain d’aviation de
Maison-Blanche, dans une maison baptisée «
la villa des célibataires ». Dans ce cadre balnéaire, sous le chaud soleil
méditerranéen, Henri a fait la connaissance d’une jeune fille qui est tombée
folle amoureuse de ce beau pilote en uniforme blanc, et même si sa famille et
ses amies ont essayé de lui faire comprendre que « les pilotes, c’est comme les oiseaux, ça se posent à un endroit
et ça repart », rien n’y fait ; le 9 septembre 1942, Magdeleine
Villalonga épouse le lieutenant d’aviation Henri SATGÉ en l’église d’Aïn-Taya.
Ils partent un peu plus tard en France pour leur voyage de noces mais s’y
retrouvent ainsi bloqués le 7 novembre, 2 jours avant la date prévue pour
leur retour à Alger. Ne pouvant retrouver son affectation au GC III/6, le lt
SATGÉ est placé en attente à Montpellier au Groupe de Sécurité Aérienne
Publique SAP 3/71 avant d’être affecté à la compagnie de guet 32/71 à un poste
sans aucun intérêt. Cette péripétie et le fait que son père militaire avait été
président de la « légion » à Meknès sonnera le glas de sa carrière
dans l’Armée de l’Air ; dans le cadre de la loi sur le dégagement des
cadres il sera rayé des contrôles de l’activité le 1er septembre
1946 et, très affecté par ce limogeage, aura du mal à se stabiliser ensuite
dans sa nouvelle vie civile...
Pour l’arrivée de l’Amiral
DARLAN à Alger, le 28 octobre 1942, ce sont des patrouilles du III/6 qui
assurent l’escorte du cortège de ses voitures entre Maison-Blanche et Alger où
il passe les troupes en revue. Le lieutenant LE GLOAN, rendu célèbre par son
« quintuple » du 15 juin 1940 au-dessus de Saint-Tropez, puis par ses
victoires de 1941 au Levant sur l’aviation anglaise, est le
porte-drapeau de le 6ème Escadre aérienne. L’Etat Français du
Maréchal a toujours besoin de ses « héros » pour servir sa
propagande !
Au 1er novembre
1942 le GC III/6 dispose de 24 Dewoitine D.520, mais 3 sont indisponibles
et 1 à réformer. Le capitaine RICHARD retourne à l’État-major du Groupe et
laisse le commandement de la 6ème Escadrille au lt Émile THIERRY
(1915/2000) qui pendant la campagne de France a obtenu 4 (ou 5 ?)
victoires homologuées avec la 1ère Escadrille du GC I/3.
Le « pot » d’accueil se fait le 7 novembre au soir ; on perçoit
au loin des bruits de canonnade…
Le 2 novembre 1942, Lucie
LAGRANGE, la ½ sœur de Julienne BIBERT lui expédie de Chartres comme chaque
semaine une « carte ». Celle-ci lui reviendra, on comprend pourquoi
plus bas, avec deux tampons : « Retour à l’envoyeur - Acheminement impossible » et « Complément de taxe perçu » !
Pour récupérer un courrier non distribué par la force des évènements, il faut
payer ! Imperturbablement et sans nuance, l’administration française
fonctionne, quoi qu’il arrive !
Le 8 novembre 1942 au matin,
c’est l’opération « Torch » ; les Anglo-Américains débarquent en
A.F.N. Des ordres d’intervention ont été donnés, mais les avions du III/6 à
Maison-Blanche, contrairement à ceux d’Oran où des pertes seront à déplorer,
restent au sol car un épais brouillard couvre le terrain. C’est ensuite un
joyeux bazar et les souvenirs de chacun et les archives ne concordent pas
vraiment ; toujours est-il que ce sont ceux qui n’étaient pas d’alerte et
qui arrivent à la base pour prendre leur service à pied, à bicyclette ou en
voiture, qui annoncent la présence d’Américains pas trop belliqueux à proximité
du terrain. La plateforme de Maison-Blanche est rapidement occupée avant
8 heures. Personne n’a osé résister ! Le brouillard se lève vers
9h 30 et les Spitfire britanniques arrivant de Gibraltar viennent s’y
poser. Quand le général JUIN commandant la Région d’Alger donne l’ordre du
cesser toute résistance, ils sont déjà une bonne centaine !
Extrait
d’un texte de Christian publié dans « Aéro-Journal » n°13 en 1975 « Au début, les débarquements dans la zone d'Alger se
passèrent très bien, les troupes américaines et anglaises ne rencontrant
aucune résistance au Cap Sidi Ferruch, à Cap Matifou et à Castiglione ;
en effet les forces françaises stationnées sur la côte avaient reçu de leur
chef, le Général Mast, l'ordre de ne pas résister… … Deux destroyers britanniques transportant des soldats
américains essayèrent de pénétrer en force dans le port d'Alger mais,
accueillis par un feu nourri qui endommagea l'un d'eux, ils durent se
replier ; les éléments qu'ils avaient pu débarquer furent sérieusement
pris à partie et, après avoir résisté jusqu'à midi, se rendirent. Pour sa part, le gros des assaillants progressait sans perdre
de temps et atteignait Maison-Blanche vers 06h 00. Sur cette base les
D.520 des GC II/3 et III/6, ainsi que les Potez 63.11 de l'Esc. 4 BR
étaient prêts à décoller depuis quelque temps déjà, mais en avaient été
empêchés par un épais brouillard. Les troupes américaines neutralisèrent
immédiatement le personnel et les appareils de l'Aéronavale puis s'emparèrent
du reste des installations, obtenant le contrôle total de la base avant 9h 00.
Le brouillard sauva Maison-Blanche d'une attaque aérienne, mais par la même
occasion permit à la Fleet Air Arm d'éviter une confrontation sans merci, car
on peut se demander ce qui serait arrivé si les pilotes aguerris des D.520
étaient « tombés » sur les « Bleus » de l'aviation
embarquée anglaise… … les premiers appareils de la R.A.F. qui décolèrent de
Gibraltar furent dix-huit Hurricane 2C du Squadron 43, commandés par le
Wg. Cdr. Pedley et le Sqn. Ldr. M. Rook, qui effectuèrent la
traversée en une heure et se posèrent à Maison-Blanche à 09h 00. Au
moment de l'approche finale, une grosse pièce de D.C.A. ouvrit le feu, mais
ce fut le seul acte de résistance. Les chasseurs refirent le plein le plus
vite possible et restèrent en alerte pour repousser toute attaque aérienne… …A 11h00 c'était au tour des Spitfire des Squadrons 81 et 242
de quitter Gibraltar, emmenés par le Gp. Capt. Traill et le
Wg. Cdr. P.H. Hugo, et ils arrivèrent à Maison-Blanche vers midi. Le
terrain commençait à être plutôt encombré car il s'y trouvait également plus
de cinquante D.520 des GC II/3 et III/6, soigneusement alignés, et des
soldats français armés empêchaient quiconque de s'en approcher ; aussi
jugea-t-on préférable pour le moment de ne pas les déranger... Les pilotes
des Spitfire découvrirent qu'il n'y avait que très peu d'essence disponible
et il leur fallut pour la plupart passer le reste de la journée au sol. Il
n'y avait ni nourriture ni possibilité de couchage, et c'est ainsi que
commença pour eux une période de difficultés et d'inconfort. Le soir toute résistance avait cessé, mais au coucher du soleil
quinze Ju 88 allemands attaquèrent la Force « H » et sur le pont
d'un porte-avions un Seafire eut l'empennage arraché et deux autres furent
endommagés par l'explosion d'une bombe. Plusieurs chasseurs britanniques des
Squadrons 43 et 81 décollèrent de Maison-Blanche mais seul le Wg. Cdr.
Pedley réussit une interception, déclarant avoir endommagé un Ju 88 avant
l'enrayage des canons de son Hurricane. Le Ill./KG 26 reconnut la perte de
trois Ju 88, dont l'un certainement abattu par la D.C.A., et de son équipage
fait prisonnier. L'unité de reconnaissance 2./(F) 122 signala également la
perte d'un Ju 88. Le lendemain le personnel des unités de chasse françaises
quitta Maison-Blanche pour Oued-Smar, tandis que celui des GB I/19 et II/61
faisait mouvement de Blida sur Rovigo. » |
L’Opération « Torch » –
L’invasion de l’Afrique du Nord – 8 novembre 1942 (*)
(*) par Michael D. Hull : vétéran de l'armée britannique, historien militaire de grand renom qui largement contribué à la rédaction du guide de la Seconde Guerre mondiale du Centre « 'Eisenhower ».
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8 novembre 1942 – Opération
« Torch » - Quelques images du débarquement des Anglo-Américains en
Afrique du Nord |
ALGER : de
l’opération « TORCH » au 21 janvier 1943
Autre document exceptionnel : le 11 novembre 1942, Joseph
BIBERT écrit sur deux petits feuillets d’un carnet à spirales un message qu’il
peut faire sortir de Maison-Blanche où il est consigné pour être transmis à son
épouse à Alger qui va les conserver. Leur transcription ci-dessous se passe de
tout commentaire :
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Message de Joseph BIBERT
à son épouse - 11 novembre 1942 – 14h 00 Ma tant
chérie, En rentrant hier avec ma camionnette je trouve ma bicyclette
crevée à l’arrière. C’est le bon Dieu qui me sauve car il y a appel. Chambon, qui est aux arrêts, a vendu
ses copains parce que, comme lui, ils rentraient chez eux. On est surveillé
très sérieusement. J’ai vu Auguste ce matin (Auguste Kuntzel (*)). Il peut rentrer assez facilement. Je lui donne
donc ma musette avec du linge sale et affaires inutiles. J’ai réussi à avoir
une combinaison P.N. (Personnel Navigant) donc je te rends les autres.
Prépare-lui la musette avec lacet pour souliers noirs + lacets cuir pour gros
souliers que j’ai ici, 1 chemisette kaki, la petite trousse couture avec
nécessaire, 2 ou 3 petites boîtes de sardines, 1 boîte de lait condensé,
dentifrice, chaussettes en laine bleu courtes pour les gros souliers, vieux
pieds-nus c’est à dite tes vieilles savates, du papier et quelques
enveloppes. A part ça, du calme, chérie. Je pense quand même venir
officiellement te voir. Fais attention aux bombardements. Tu as du
sang-froid. Fais coucher Mme Coutou chez toi. Ici on est bien. Surtout aucune inquiétude pour nous.
Certainement les nazis vont venir ce soir pour faire une sérénade. Y a-t-il
encore beaucoup de bateaux au large de Fort-de-l’Eau ? Maintenant, si tu
veux monter, viens entre 13h 00 et 14h 00, je serais en
surveillance sur la route. Mais sois surtout prudente. Si tu ne me trouves
pas adresse toi carrément au premier type que tu rencontres, de préférence un
sous-off. Economise l’essence je serais sans doute longtemps avant d’en
avoir. On n’est toujours pas fixé sur notre sort. Fait tuer un lapin par Mme Majelar et mange correctement pour
tenir le choc Donc, à un ce ces jours ma tendre Chérie. Embrasse bien fort
ma « Kiki » (leur fille Marie-Thérèse qui a 14 ½ mois). Je suis à toi et je t’aime. Adolphe. Si tu as du pain en rab, ajoute un pain. Mr. Coutou et Vidal (un sgt mécanicien,
au Groupe III/6 depuis Chartres) : bien des choses à leurs épouses. |
(*) Déjà cité plus
haut : pilote alsacien, affecté au III/6 en septembre 1940, mis en congés
d’armistice en octobre ; congés annulés en juin 1941 et affecté d’abord au
GC I/3 à Blida, il est en poste à la C.I.A n°1 (Compagnie d’Infanterie de
l’Air à Maison-Blanche) au moment de « Torch ». Les deux familles
resteront très liées jusqu’à la fin de leur vie.
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Dans les heures qui suivent le débarquement,
des dizaines de Spitfire anglais arrivent de Gibraltar et prennent possession
de Maison Blanche |
Après le débarquement, les Algérois peuvent assister au départ des
Italiens de la commission d’armistice qui ont été fait prisonniers par les
Américains
A partir du 10 novembre 1942, les personnels du III/6 se retrouvent
donc « parqués » petit à petit au camp d’Oued-Smar, déjà connu de
certains puisque l’échelon roulant y avait été mis en cantonnement à son
arrivée à Alger en juillet 1940. Rappelons ce qui est écrit plus haut : « Oued-Smar est un vieux camp militaire
situé à moins de deux kilomètres à l’ouest de Maison-Blanche le long de la voie
ferrée, avec une gare et quelques bâtiments rudimentaires »
L’adj BIBERT est encore consigné à Maison-Blanche comme d’autres le
11 novembre. En fait, le GC III/6 n’a pas été « déplacé » à
Oued-Smar du 10/11/1942 au 16/01/1943 comme écrit dans tous les historiques
connus. Ceux qui de plus parlent de « l’aérodrome
d’Oued-Smar » n’ont pas bien regardé une carte en recopiant l’erreur
d’un autre ! Les D.520 sont bien entendu restés stationnés à
Maison-Blanche sous contrôle des forces alliées, et seuls les pilotes privés de
vol et de leurs installations ont été passés leurs journées à Oued-Smar,
cantonnement de l’échelon roulant, en attendant des jours meilleurs !
C’est là qu’ils apprennent l’invasion de la zone Libre par les
forces allemandes et italiennes et le révoltant sabordage de la flotte
française à Toulon le 27 novembre.
Une des conséquences immédiates pour tous les résidents d’Afrique
du Nord est l’arrêt total des communications avec la métropole qui va priver
les familles de tout
Il n’est donc pas nécessaire de raconter ici ce qui s’est passé au
III/6 entre l’arrivée des Anglo-Américains et son installation à Aïn Sefra 10
semaines plus tard. D’une part les archives du Groupe sont quasiment vides
d’informations, d’autre part ceux qui ont voulu en donner des détails par la
suite ont sans doute voulu démontrer que, dès le lendemain de l’arrivée des
Alliés, tout le monde en A.F.N. était de cœur avec eux pour reprendre la lutte
contre l’Allemagne. En matière de retournements de veste, ce sera d’ailleurs
bien pire 20 mois plus tard pour la libération de la France ! En fait, les
choses ont été beaucoup plus compliquées ; les blessures ont été longues à
cicatriser, des trop-pleins d’amertume ont dû être évacués, des analyses douloureuses
de leurs convictions stratégiques et politiques ont dû être conduites par des
officiers qui auraient pu entraîner plus tôt leurs hommes sur le chemin de
l’honneur. Certains se sentent encore tenus par le serment de fidélité qu’ils
ont fait au Maréchal et vont avoir du mal à trouver leur place dans le contexte
politique de l’A.F.N., et l’affrontement féroce qui s’annonce entre les
généraux GIRAUD et DE GAULLE ne va rien arranger !
Disons seulement qu’en décembre 1942, faute d’activité, beaucoup de
permissions sont délivrées. Le cne SAUTIER (5ème) et le lt SATGÉ (6ème)
quittent le Groupe ainsi que 7 sous-officiers. Le lt MARTIN prend le
commandement de la 5ème Escadrille.
Cependant le général MENDIGAL (note 1), faisant la tournée des
groupes de chasse d'Afrique du Nord, a rapidement laissé entendre aux pilotes
que l’Armée de l’Air va reprendre la lutte auprès des Alliés, sur du matériel
américain ou anglais ; dans les esprits, l’idée que le Groupe va être
transformé bientôt sur des avions modernes commence donc à faire sens. Mais
personne ne sait exactement de quoi l’avenir sera fait, et l’inquiétude prend
le pas sur la notion de « Libération ».
Pour illustrer ce que fut pour ceux d’un Groupe tel que le III/6 la
transition brutale de la « France de Vichy » à la « France
d’A.F.N. », placée de facto sous la tutelle des Anglo-Américains, certains
témoignages tardifs sont édifiants ; celui qui suit est une
retranscription condensée d’un enregistrement du Général de RIVALS MAZÉRES en
1980, alors qu’il était âgé de 74 ans. Comme la plupart de ceux qui ont écrit
ou parlé après la guerre, le souci de se présenter comme quelqu’un ayant
compris très tôt ce que serait « l’Histoire » et donc sans tache...
transparaît dans ce texte comme dans l’ouvrage de son ancien Commandant de
Groupe, le Général STEHLIN. Il concerne son retour en février 1943 en tant que
Commandant en second du III/6 ; il était alors capitaine (voir plus bas).
Rappelons qu’il avait quitté le Groupe 15 mois plus tôt, après la campagne de
Syrie, pour exercer un commandement en métropole, alors qu’il était devenu veuf
et que deux très jeunes enfants y vivaient loin de leur père...
Témoignage du Général
Guillaume de RIVALS MAZÈRES enregistré en 1980 (transcription condensée) ... en janvier 1943 j’ai été de nouveau affecté au III/6, qui
était alors à Aïn Sefra, commandé par Destaillac. J’ai retrouvé là, perdus au
fond du désert, tous mes vieux camarades avec qui j’avais fait la Syrie et
qui volaient toujours sur leurs vieux Dewoitine 520. Ils n’avaient absolument pas changé de
mentalité depuis la Syrie.... J’en ai été estomaqué et j’ai été reçu comme un
chien comme dans un jeu de quilles… Je ne cite pas de nom parce que ce serait
gênant... J’ai commencé par leur dire : « Ecoutez, vous vous foutez
le doigt dans l’œil, vous avez une optique absolument fausse ! ».
Je crois que la totalité du Groupe était resté… je me rappelle même qu’un
sous-officier a dit : « Si c’est comme ça, je préfère aller chez
les Pointus ! ». Certains n’était pas du tout d’accord pour aller
travailler main dans la main avec les Anglais et étaient restés terriblement
remontés contre tout ce qui était anglais ! Pour ma part, j’avais complètement changé ma façon de voir les
choses. C’est pour cela d’ailleurs qu’on m’avait affecté au III/6, pour
essayer de remettre en place le moral de ce Groupe qui tout de même était
assez flageolant à cette époque-là (je l’ai su après !). Au début il y
eu pas mal de heurts mais ça a fini par aller mieux. Il y a eu encore
quelques accrochages quand nous sommes passés sur matériel américain, mais
les tensions étaient moins fortes, car de fait, personne n’en voulait
vraiment aux Américains et les choses se sont calmées... |
Triste Noël finalement en cette fin d’année 1942 ; souper
suivi d’une messe de minuit célébrée par le père GLASSON à Oued-Smar dans
l’angoisse des bombardements Allemands qui ont déjà détruit plusieurs avions
anglais et américains et endommagé par ricochet les hangars.
Fin 1942 à Alger en famille – Julienne et Marie-Thérèse seules à
Alger en 1943 : photographies de l’album n°7 de Joseph BIBERT
Cliquez sur le bandeau des
miniatures ci-dessus pour ouvrir la page contenant ces photos
Pour 1943, pénurie oblige, le traditionnel calendrier des postes à
Alger est réduit à sa plus simple expression
Il est vrai que les choses vont assez vite ailleurs avec les
Américains, par exemple au Maroc (Casablanca) pour le Groupe II/5 et ses
Curtiss H-75 ; c’est l’Escadrille des « Sioux », où des
aviateurs américains ont combattu en 1918. On est pressé d’envoyer des pilotes
français aguerris en Tunisie pour chasser définitivement les Allemands
d’Afrique, ce qui est le seul objectif de l’opération « Torch ». Le
commandant ROZANOFF, qui a donné avant leur débarquement des gages aux Américains
de sa détermination à se battre avec eux, en a pris le commandement. Le Groupe
rebaptisé « La Fayette » est quasiment opérationnel sur des Curtiss
P-40 F fin décembre.
Il est déplacé à Alger le 8 janvier 1943 où une importante
cérémonie de prise en compte et de bénédiction des appareils est faite au cours
d’une prise d’armes, en présence du général BERGERET (note 2). Le III/6 y
participe, puisque c’est ... Pierre LE GLOAN qui
est le porte-drapeau américain. La magnifique série de photographies officielles
de cette cérémonie, dont beaucoup en couleurs, est bien connue ; l’une
d’entre elles montre ROZANOFF, LE GLOAN, TREMOLET, DESTAILLAC et MARTIN
(GC II/5 et GC III/6).
Note 1 et 2 : Les Généraux MENDIGAL et
BERGERET furent écartés plus tard de toutes les responsabilités qui leur avait
été confiées après « Torch » par le Général GIRAUD eu égard à leur
trop grande « proximité » en 1941 et 1942 avec le régime de Vichy et
l’occupant ; ils seront arrêtés et jugés par la Haute Cour de justice.
AÏN SEFRA
16/01/1943 – 19/06/1943
Janvier – Février 1943
Le 14 janvier 1943 est une date décisive pour la nouvelle Armée de
l’Air française ; c’est le début de la célèbre conférence
« d’Anfa » se tenant dans l’hôtel du même nom à Casablanca,
conférence décidée par le président des États-Unis,
En fait, tout ce processus a déjà été engagé mais les choses vont
aller doucement pour le III/6. Les premiers Dewoitine en état quittent
Maison-Blanche le 15 janvier et dans la foulée les personnels laissent derrière
eux le sinistre camp d’Oued-Smar pour s’installer à Aïn Sefra avec tout le
Groupement mixte 26 (voir plus haut). Mais la localisation de cette nouvelle
base, loin dans l’Atlas algérien à la frontière marocaine, à 520 km à vol
d’oiseau d’Alger et à 1 000 km de la Tunisie peut laisser à penser que
les Américains n’ont pas encore une confiance absolue en ce Groupement français
qui a participé avec fougue à la Campagne du Levant en 1941 !
Peut-être aussi que les premiers contacts avec les lt LE GLOAN et
RIVORY, adj MERTZISEN, s/c FARRIOL et de plusieurs sous-officiers spécialistes
invités à un stage de 15 jours en décembre 1942 pour faire connaissance avec le
matériel américain sur le terrain de Nouvion (80 km à l’ouest d’Oran)
n’ont pas été assez constructifs ! Le temps là-bas a été détestable, la
piste détrempée et seul le lt LE GLOAN a pu être lâché et voler une fois sur le
magnifique bimoteur monoplace Lockheed P-38 « Lightning », le plus
coûteux des appareils américains pour la chasse d’accompagnement à grand rayon
d’action, tandis que le lt RIVORY a écrasé le sien au décollage.
L’historique du Groupe dit que la première partie de l’échelon
roulant a commencé son déplacement dès le 14, conduite par le lt NICOLAS,
officier mécanicien, suivie par la seconde le 15 aux ordres du lt KLEIN,
officier des transmissions. Mais les Dewoitine n’arriveront que peu à peu,
après les travaux d’entretien nécessaires pour qu’ils redeviennent « Bons
de vol », et ce n’est que le 12 mars que le dernier arrivé a permis au
Groupe d’avoir sa dotation, enfin presque sa dotation, puisque le n°219 codé
« 32 » a été « cassé » par le s/c PIMONT en l’essayant à
Alger le 11 mars 1943 avant son départ pour Aïn Sefra.
Joseph BIBERT pour sa part n’aurait fait mouvement que le 27
janvier d’après son livret militaire. Il quitte Alger et son domicile de
Fort-de-l’Eau au grand désespoir de son épouse qui se retrouve seule avec sa
petite fille. Elle en gardera toute sa vie un sentiment
« d’abandon », ayant toujours pensé que son mari, comme pour son
stage de montagne en septembre, avait été « volontaire » pour ce
départ !
Extrait du livret militaire de Joseph BIBERT
Mouvements dans le sud-ouest algérien en 1943 – Aïn Sefra – Port
Say - Lapasset
Ce léger retard de Joseph est sans doute dû au fait que certains
des D.520, immobilisés depuis de longues semaines et dispersés à l’extérieur
des hangars, n’étaient pas en très bon état et que des pannes diverses ont
retardé quelques départs vers Aïn Sefra. Les mécaniciens ont dû faire beaucoup
d’efforts pour les faire décoller peu à peu en toute sécurité pour ce vol d’une
heure et demie. Le cne LEGRAND de la 6ème, par exemple, ne se posera
à Aïn Sefra que le 18 janvier 1943.
Deux hautes montagnes, le Djebel Mekter (2 020 m.) au
sud-ouest et le Djebel Aïssa (2 336 m.) au nord-ouest entourent la
belle plateforme un peu pierreuse située à 9 km du village qui sert de
terrain d’aviation ; ces reliefs sont néanmoins sans danger pour les
pilotes, mais il s’agit de ne pas « rater » le terrain car les
environs sont absolument impropres à tout atterrissage en campagne. On verra
que cela aura de fâcheuses conséquences. L’ensemble du personnel s’installe
dans les imposantes casernes de la Légion étrangère construites à l’extérieur
du village. Celui-ci n’offre aucune autre ressource qu’une gare. Un train s’y
arrête deux fois par semaine ; c’est la seule distraction…
Il était quasiment impossible de trouver encore des pellicules
photographiques en A.F.N., on privilégiait d’abord les évènements familiaux et
de ce fait il n’existe que peu d’images du GC III/6 à partir de 1943.
Aïn Sefra - Les casernes de la Légion étrangère – La gare (cartes
postales anciennes)
|
Peut-être
l’unique photographie d’un Dewoitine 520 du GC III/6 en vol en 1943 à Aïn
Sefra C’est le
n°190 codé « 24 » affecté à la 6ème Escadrille du III/6
à son retour de la campagne du Levant pour remplacer le n°330 Il a
perdu fin 1942 son marquage de « Vichy », ce qui permet de dater la
photographie avec certitude Les carnets de l’adj BALMER montrent qu’il
vole alors sur le n°210 codé « 25 » - Ce n’est donc pas lui qui
tient le manche... |
Collection Albert Balmer, via Lionel Brunet – Droits
réservés
Il faut noter que le Groupe de Chasse GC II/3, stationné à Alger
Maison Blanche comme le GC III/6 depuis l’armistice et qui a également
participé à la campagne du Levant en 1941, a fait également mouvement sur Aïn
Sefra en janvier 1943. Il est commandé par le commandant DARTOIS et ses deux
Escadrilles ont pour commandant les capitaines JACQUIN et MENU. Il restera à
Aïn Sefra jusqu’au 20 juin 1943 avant d’être envoyé sur le terrain d’Amour
el-Aïn. Il deviendra le GC II/3 « Dauphiné » et sera équipé
de Hurricane IIC. Il sera le premier Groupe français à recevoir en 1944 des
P-47 « Thunderbolt ».
Pour revenir au III/6, le capitaine de RIVALS-MAZÈRES, alors en
poste en France, a réussi à s’échapper après l’envahissement de la Zone Libre
et peut reprendre son poste à État-major du Groupe début février 1943.
Le 16 janvier le Groupe, pourtant incomplet, est inspecté par le
Général BEAUNE, commandant de l’Air Algérie.
Mention dans le Livre de Marche de la 6ème le 22
février : « adj. BIBERT arrive
d’Alger en voiture », mais pas de mention précédente d’un
départ ; première arrivée, mission, permission ? et le 12
février ; « Le cne LEGRAND
quitte » ; pour où ? On ne retrouve pas son nom dans
l’organigramme du Groupe du 1er mars.
L’activité aérienne du Groupe a été quasi-nulle en janvier, mois
consacré à l’approvisionnement de la base et à des révisions approfondies des
machines. Ceci fait et les citernes pouvant être remplies régulièrement,
l’essence ne manquant plus en A.F.N., les vols peuvent reprendre à une cadence
de plus en plus élevée avec les 18 D.520 disponibles en février ; les
pilotes du III/6, un peu rouillés, vont progressivement retrouver un niveau
d’entraînement acceptable.
Mars – Avril – Mai 1943
Le 1er mars 1943 l’organisation de tous les Groupes
d’A.F.N. est alignée sur celle de l’U.S.A.A.F. avec suppression de l’échelon
roulant ; de ce fait les principales tâches administrative et techniques
sont transférées à des « Compagnies
de l’Air » et à des « Sections
de dépannages ». Cela a quelques conséquences pour le III/6.
Dans le « Journal de Marche » de la 6ème
Escadrille à la date du 1er mars : « Dissolution du GC 3/6, puis formation nouvelle sous le même
numéro : la 6ème passe 2ème
esca. du GC 3/6 ». Bien entendu la 5ème
Escadrille devient la 1ère.
On lit aussi à la même date : « l’adj. BIBERT passe à l’E.M. du Groupe. Sont affectés ce jour à
l’escadrille… » ; suit la liste de 12 nouveaux sous-officiers.
Nous n’avons pas eu accès au Livre de Marche de la 5ème
à cette date, mais il existe un organigramme complet au 1er mars
1943 des 91 officiers, sous-officiers et soldats du GC III/6, document très
intéressant car jusque-là n’étaient cités que les pilotes ! Le
« petit » personnel a maintenant le droit d’exister ! A noter
que cet état indique que le cne RICHARD occupe maintenant la fonction
« Renseignements et chiffre » à l’E.M puisque le cne RIVALS MAZÈRES a
repris sa place de Commandant en second et que le lt THIERRY est toujours à la
tête de la 2ème Escadrille ; mais on peut se demander si
« de fait » le cne RICHARD ne commandait pas aussi la 2ème
Escadrille puisque, après sa mort le 26 mai, on lit par ailleurs : « Le lt THIERRY prend à la date du 27
mai le commandement de la 2ème Escadrille » !
|
ÉTAT-MAJOR |
|
1ère ESCADRILLE |
2ème ESCADRILLE |
Commandant du Groupe |
Cdt DESTAILLAC |
Commandant de l’Escadrille |
Lt MARTIN |
Lt THIERRY |
Commandant en second |
Cne DE RIVALS |
Officiers pilotes |
Lt SAUVAGE |
Lt RIVORY |
Renseignements et chiffre |
Cne RICHARD |
|
Lt LABUSSIÈRE |
Lt CAPDEVIOLLE |
Service technique |
Lt NICOLAS |
|
Lt LE GLOAN |
|
Service de santé |
Cne FAVIER |
Sous-officiers pilotes |
Adj MONRIBOT |
A/c BALMER |
Mécaniciens avions |
Adj BIBERT |
|
Adj MERTZISEN |
Adj MACIA |
|
Sgt UMBERT |
|
S/c SCHENK |
Adj LOÏ |
|
Sgt DOMENECH |
|
S/c HONORAT |
S/c GHESQUIÉRE |
Section de transmission |
Adj STAUB |
|
S/c GAUTHIER |
S/c PIMONT |
|
S/c ROUSSET |
|
S/c MEQUET |
S/c FARRIOL |
|
Sgt TESQUET |
|
|
S/c MICHAUX |
|
Sgt LEVITTE |
Mécaniciens avions |
S/c ROUSSET |
S/c GODEFROY |
|
2èmecl LEROUX |
|
S/c VIGUIÉ |
S/c ROBERT |
Service général |
Sgt SAFFROY |
|
S/c PIESVAUX |
S/c STEPHAN |
|
Sgt DEBAT |
|
S/c LE MAT |
S/c BEAUBOIS |
Hommes de troupe |
Cpl BARDOT |
|
Sgt ROHR |
Sgt MEISSONNIER |
|
2ème cl GARRIGUES |
|
Sgt SICHEZ |
Sgt GUILLAUMIN |
|
2ème cl RENAULT |
|
Sgt DE VANSSAY |
Sgt COUTOU |
|
2ème cl SERET |
|
Sgt COLIN |
Sgt MORINEAU |
|
2ème cl SANIOL |
|
Sgt GOYARD |
Sgt BRIÈRE |
|
2ème cl MASCARO |
|
Sgt LAHAYE |
Sgt LÉVÊQUE |
|
2ème cl SURJUS |
|
Sgt ROSSO |
Sgt VIMONTOIS |
|
2ème cl LEFRANC |
|
Sgt SOCQUET |
Sgt ANGELI |
|
|
|
Sgt POUJAUD |
Cpl ARNAUD |
|
|
|
|
Cpl PENNACHI |
|
|
Mécaniciens électriciens |
Sgt DANET |
Sgt BORDAS |
|
|
|
Sgt COURTY |
|
|
|
Mécaniciens radio |
Sgt LENTZ |
S/c ALBERT |
|
|
|
Sgt BRIGAND |
Sgt WELTER |
|
|
Mécanicien équipement |
Sgt VIOLEAU |
Sgt LOMBARD |
|
|
Mécaniciens armement |
Adj BOEDOZ |
A/c ROCHER |
|
|
|
S/c GIOVANELLI |
S/c POISSON |
|
|
|
Sgt BOUDAUD |
S/c BLESIUS |
|
|
|
Sgt LOUSTEAU |
Sgt MASSINI |
|
|
|
Sgt ROBERT |
Sgt ERNEST |
|
|
|
|
Sgt LAGUERRE |
|
|
Service général |
2èmecl VEGEHAN |
2èmecl DALLOZ |
Total : 91 dont |
23 |
|
33 |
35 |
Au cours de ce mois de mars l’activité est forte. Comme dans
d’autres Groupes, on commence à parler de la création d’une troisième
escadrille et de la nomination du lt LE GLOAN à sa tête ; elle hériterait
des traditions « SPA 84 » (tête de renard au monocle) de l’ex
GC III/1. Des exercices de combat avec les Douglas DB-7 du 1/19 (SAL29 et
SPA 78 à Colomb-Béchar, 200 km au sud-ouest) et les LeO 45 du 1/11 (BR29
et BR123 à Béni-Ounif, 100 km au sud-ouest) sont organisés Chasse contre
Bombardement.
|
|
10 mars 1943
- Colomb Bechar – Trois pilotes et trois mécaniciens de la 2me –
D.520 n°243 codé « 29 » (*) S/c
MICHAUX, lt RIVORY et a/c BALMER – S/c BEAUBOIS, sgt MEISSONNIER et sgt
COUTOU On voit que le marquage « Vichy » -
capot et dérive rouge et jaune, bande blanche latérale - a disparu |
10
pilotes de la deuxième Escadrille du III/6 Debout :
PIMONT – MICHAUX – ?? – THIERRY ? - GHESQUIÈRE – RIVORY - ?? Assis :
MACIA ?- BALMER – LOÏ ? Sans doute à la même époque (plus de marquage
« Vichy » |
Collection Albert Balmer, via Lionel Brunet – Droits
réservés
(*) Cet appareil a eu un
destin particulier, lire : Le Dewoitine D.520 DC n°243 (Double Commande)
du capitaine Gisclon à Tours en 1945
Deux souvenirs de l’époque conservés par la famille d’Albert
BALMER
Sacoche US pour larguer le courrier aux troupes et fiches des
silhouettes des appareils, amis ou ennemis, permettant de pouvoir
(normalement !) les identifier d’un simple coup d’œil
Un incident le 12 mars est à signaler : l’adj LOÏ qui revient
à Aïn Sefra sur son D.520 suit la mauvaise voie ferrée… et il se retrouve à
Oujda au Maroc, à 250 km au nord-est de Aïn Sefra ! Suite à de
nombreux problèmes mécaniques nécessitant quelques allers-retours sur des
appareils de liaison son appareil ne pourra être récupéré que 12 jours plus
tard !
Ce même jour, le lieutenant BRONDEL qui était parti mi-janvier
comme moniteur à l’école de Kasba-Tadla (Maroc) est de retour au III/6, mais il
change d’escadrille puisqu’il est affecté à la 2ème et le 23 mars,
un nouveau pilote, le lieutenant DURAND, rejoint lui la 1ère
Escadrille.
L’annonce du prochain remplacement des Dewoitine D.520 par des Bell
P-39 « Airacobra » réjouit initialement les pilotes et entraîne le
départ d’un premier détachement de pilotes et de mécaniciens, la deuxième
quinzaine de mars, pour des formations dans deux des nombreuses bases
américaines qui se sont créées avec une rapidité stupéfiante en A.F.N. depuis
le début de l’année : Biskra à 400 km au sud-est d’Alger et Berrechid
à 20 km au sud de Casablanca (*). De nouveaux
détachements suivent en avril, mais petit à petit l’enthousiasme décroît ;
les premières impressions sur ces appareils sont en effet mitigées. Plusieurs
pilotes se demandent « si le P‑39
est vraiment un avion de chasse » ! Mais tout va vite ; une
équipe de mécaniciens part à Alger le 17 avril pour monter les 30 P-39 qui
viennent d’y être débarqués en caisses arrivant directement des U.S.A., mais ce
sont encore des appareils de la première génération, type « N »,
alors que les Américains utilisent des types « M » plus modernes.
(*) Pour éviter des confusions trop fréquentes : Le premier
terrain d’aviation civil et militaire de Casablanca, le « Camp
Cazes », était situé quasiment au bord de l’océan à 1 km du
centre-ville, dans la banlieue d’Anfa. Les Américains l’appelèrent « Anfa
Airfield » au moment de la conférence du même nom. « Berrechid
Airfield », à 20 km au sud de Casablanca et 7 km au nord de la ville
qui lui a donné son nom (Berrechid, Bir-Rachid etc..
et Berrchid de nos jours) est une création américaine de 1943 entièrement
nouvelle, qui est devenue le vaste aérodrome « Mohamed V », civil et
militaire. Le terrain d’Anfa a été de nos jours entièrement
« dévoré » par l’extension urbaine de Casablanca et fait toujours en
2020 l’objet d’un vaste plan coordonné (agence Casa Anfa) d’urbanisation et de
création d’espaces verts.
A gauche, le « Camp Cazes » appelé « Anfa
Airfied » en 1943 et « Berrechid Airdied » créé la même année
A droite, localisation précise de la nouvelle zone urbaine d’Anfa
créée par l’espace libéré dans les années 1990 par le démantèlement du terrain
d’aviation historique de Casablanca
L’adj BIBERT ne semble pas en avoir fait partie de ce détachement à
Berrechid. Il n’a pas fait de photographies à Aïn Sefra puisqu’il a laissé son
appareil à son épouse ; elle a pu faire ainsi en mars quelques clichés de
sa fille âgée de 18 mois, transmis à Joseph par un mécanicien rentrant de
mission. Ils sont de mauvaise qualité, à cause d’une vieille bobine périmée, et
sont donc impubliables ici, mais ils ont dû cependant faire un grand plaisir à
celui qui se lamentait dans ses lettres de ne pas voir sa fille grandir !
Pour compenser, Julienne fit
faire d’elle et sa fille un bel agrandissement en studio chez un
photographe d’Alger. Des exemplaires furent envoyés en France à la famille,
mais seulement au second semestre 1944 quand le courrier recommença à pouvoir
traverser la Méditerranée.
Fin avril des pluies diluviennes gonflent l’Oued el Breidj qui
traverse l’oasis ; il se transforme en torrent dévastateur de plus de 2
mètres de hauteur par endroit. Le terrain d’aviation n’est pas épargné.
Il peut malgré tout recevoir trois P-39 arrivant d’Alger le premier
mai. Ce sont les premiers qui volent aux couleurs de la France et 26 appareils
sont déjà pris en compte le 17 mai. Cinq nouveaux pilotes sont affectés ;
sgt SIMON (1ère), sgt GIOVANANGELLI (2ème), c/c GAILLARD
(2ème) dont la formation est insuffisante et adj PAGES (1ère)
et sgt SOUDÉ (1ère) suffisamment confirmés pour voler sur P-39. Un
sixième arrivera le 30 mai ; s/c BERTHE (2ème).
Ecorché du Bell P-39 « Airacobra » avec son moteur
Allison derrière de pilote, son train tricycle et son habitacle à verrière
panoramique fermé par une portière type « automobile »
Les doutes émis par certains sur l’efficacité des
« Airacobra » Type « N » ont été entendus par la hiérarchie
qui demande au GC III/6 de lui fournir des informations précises sur son
comportement en combat.
C’est pour cela que le 26 mai dans la matinée, le cne RICHARD et le
lt LE GLOAN (1ère Escadrille), font un exercice de fictif, P-39
contre D.520. Une première séquence se fait à 5 000 mètres avec RICHARD
sur un P-39 et LE GLOAN sur le D.520 n°162. À mi-exercice, ils échangent leur
machine. LE GLOAN rentre à 10h 50, on attend RICHARD. On retrouve un peu
plus tard le Dewoitine sur le ventre, à quelques encablures du terrain, avec le
pilote RICHARD mort dans le cockpit. On peut lire sur les deux pages consacrées
à ces pilotes sur (liens ci-dessous) des informations complémentaires et une
analyse concernant ce très étrange accident...
La page de Pierre Le Gloan La page de Léon Richard
Les obsèques du capitaine RICHARD, 4 enfants, « As » aux 7
victoires, toutes sur des appareils britanniques, ont lieu le 28 mai à
9h 00 en présence de Madame RICHARD arrivée d’Alger dans le Goéland du
Général BEAUNE, commandant de l’Air Algérie. Les généraux GAMA, LECHÉRES
(commandant l’Aviation Française) et RIGNOT (commandant le Groupement 26) se
sont également déplacés avec de nombreuses délégations venant de différentes
bases aériennes d’A.F.N.
Le lendemain, comme dit plus haut, le lt THIERRY est placé
« officiellement » à la tête de la 2ème escadrille.
Témoignage du Général
Guillaume de RIVALS MAZÈRES enregistré en 1980 (transcription condensée) ...Et puis nous avons touché un avion,
l’« Airacobra », qui n’avait pas une tellement mauvaise réputation.
Il était destiné à des lissions de » Coastal Command », chose assez
mystérieuse. On ne savait pas, Dieu merci, encore trop de quoi il
s’agissait ! Enfin, nous nous sommes mis à voler ! Aucun problème
de carburant ; nous avons volé tant que nous avons pu ! Le grand jeu étant à l’époque de confronter le dit
« Airacobra » avec les derniers Dewoitine 520 qui nous restaient.
L’« Airacobra » était-il supérieur au Dewoitine ? Hé bien,
non ! L’« Airacobra » était une vraie saloperie ! Le
Dewoitine avait quand même du bon ! Un aspect tragique de cette question, c’est que ça a coûté la
vie à un de nos meilleurs camarades qui était le capitaine Richard qui a
voulu pousser l’expérience trop loin – Richard avait une haine profonde de
tout ce qui n’était pas français !
Il voulait absolument prouver que le Dewoitine était supérieur à
l’« Airacobra ». Il n’a pas regardé sa jauge et après une
journée de recherche (*) nous l’avons trouvé à quelques
centaines de mètres du terrain. Il n’avait pas rejoint la piste, il s’était
cassé la figure dans les rochers. Un des aspects tristes de cette affaire... Enfin, l’« Airacobra » avait le mérite d’être neuf
et nos avions Dewoitine étaient complètement à bout de souffle ; il n’y
avait plus de pièces de rechange et petit à petit ils ont été évacués. (*) Encore un témoignage tardif à écouter avec prudence ;
la version « officielle » a pris le pas dans les mémoires sur la
réalité des choses (voir page consacrée à Léon Richard ; d’une part son
avion est tombé à la vue de tous à moins d’un km du terrain, ce qui est
contradictoire avec « une journée de recherche », et il est peu
vraisemblable qu’un pilote chevronné comme lui ait pu se trouver à court de
carburant pendant un simple exercice ! |
Juin 1943
A la fin du mois le mai les 30 P-39 prévus comme dotation initiales
pour le GC III/6 sont en état de vol à Aïn Sefra et les pilotes peuvent
avoir deux séances de formation journalières. Il est décidé de rapprocher le
Groupe de la région côtière afin qu’il puisse participer aux opérations de
surveillance maritimes auquel il a été destiné. C’est le terrain de
Martimprey-du-Kiss à 80 km au sud-est de Mascara au Maroc qui est retenu
le 2 mai, mais le cne De RIVALS MAZÈRES qui va y faire un état des lieux le juge
impraticable. Le commandement revoit sa copie et fait préparer en catastrophe
pour le III/6 le terrain de Berkane (situé sur le territoire du protectorat
espagnol du Maroc) à 25 km au sud-est de Port Say (Algérie). Ces
approximations décisionnelles dues aux conflits d’attribution qui naissent dans
l’Armée de l’Air du fait de la dualité de commandement GIRAUD- DE GAULLE et au
manque de coordination invraisemblable entre les États-majors français et U.S.,
qui va d’ailleurs perdurer longtemps, sapent le moral de ceux du III/6. Ils
sont quasiment privés de ravitaillements en vivres, matériels et essence, donc
de vols, pendant tout le mois de juin et ce n’est que grâce au système
« D » que le Groupe peut assurer à minima »sa subsistance !
PORT-SAY (BERKANE)
19/06/1943 – 03/08/1943
Port-Say, bourgade côtière à la frontière
marocaine, maintenant Marsa Ben M’Hidi, où résidaient en 1943 ceux du GC III/6,
à 25 km du terrain de Berkane, au Maroc
Et c’est toujours grâce au système « D » que le
commandant DESTAILLAC peut finalement transférer ses P-39 entre le 18 et le 21
juin à Berkane, mais par précaution politique c’est le nom de la localité
algérienne de « Port Say », au bord de la mer, 25 km au nord,
qui est porté dans les documents officiel du III/6. C’est là que le personnel
résidera ou sera cantonné.
Si la région est un petit paradis par rapport au désert d’Aïn
Sefra, rien n’a réellement été fait pour l’accueil à Port Say, un vrai
« trou » même comparé à Aïn Sefra ; quelques baraques, une
douane, un bureau de poste auxiliaire, quelques gendarmes, un hôtel vide (pour
le personnel), quelques baraques (pour les officiers).
Le sergent-chef Albert LE
BRAS (1919/2010), futur du Normandie-Niemen,
et le sergent Gérard COLCOMB
(1920/1964) arrivent au Groupe (on reparlera d’eux plus bas). Par contre,
l’a/c BALMER, présent au Groupe depuis la campagne de Levant, part comme
moniteur à l’Ecole d’Application du Personnel Navigant de Marrakech.
Témoignage du s/c Albert
LE BRAS « ...J'ai demandé à être affecté au Groupe de Chasse
III/6 « Roussillon », parce que le Lieutenant Le Gloan venait du
village de Plouguernével, en Bretagne, à côté de celui de la famille de mon
père (Carhaix) et pourrait me former à la chasse et au tir. C'est ce qu'il
fit avec minutie sur Airacobra P-39, sur le terrain de Berkane, en Algérie,
près de la frontière marocaine. Le III/6 protégeait les convois alliés au
large de l'Afrique du Nord. Je commençais sans délai ces missions comme équipier
d'un camarade de chambrée à Istres, Gabriel Mertsizen... » |
L’épouse de Joseph BIBERT n’a gardé aucune des lettres écrites par
Joseph de Aïn Sefra au 1er semestre 1943, sans doute « trop personnelles,
ou trop enflammées » ; elle les a malheureusement brûlées dans ses
vieux jours… Par contre la série des courriers de Port Say a été sauvegardée et
elles nous apportent des éléments intéressants.
Lettre de J.B. du samedi 26
juin : « … Le commandant est
actuellement à Alger au mariage de Le Gloan qui a eu lieu hier. Pimont
également doit se marier bientôt et Robert (*) est follement amoureux
d’une jeune fille d’Oran... »
(*) Lucien ROBERT,
mécanicien : il s’est effectivement marié le 15 avril 1944 à Oran avec
Jane X. Jane et Lucien sont restés amis toute leur vie avec Julienne et Joseph
BIBERT. Nous avons pu recueillir les confidences de Jane ROBERT en 2011 ;
les extraits les plus intéressants sont cités plusieurs fois dans cette page.
Effectivement, on peut lire dans l’écho d’Alger que le Lieutenant
Cela confirme que contrairement à ce qui a pu être écrit par
ailleurs dans des documents officiels ou non, la troisième Escadrille n’a
jamais été réellement créée et que le lt
La « Compagnie de l’Air » et la « Section de
Dépannage » attachées au III/6, création de mars 1943 (voir plus haut),
semblent donc avoir vécues. On trouve peu de références à elles dans les
archives officielles ; elles étaient rattachées à la « Formation de
Servitude » (T.O.16, dissoute officiellement le 1er août) mais
on ne sait pas exactement comment cette formation était coordonnée avec le
Groupe.
Toujours dans cette même
lettre de fin juin : « … de toute façon je te verrai avant le grand coup, c.à.d.
le baroud, ceci est sûr. D’ailleurs je ne suis pas si sûr que ça qu’on y
participe tout de suite….
A cette date, on est à environ un an du débarquement de
Provence ; mais manifestement l’expression « le grand coup, c.à.d. le baroud » évoque le moment où
le Groupe sera appelé à se battre en France pour en chasser les Allemands. Mais
ce qu’écrit Joseph BIBERT peut faire penser que le « petit
personnel » estime que le III/6 est loin d’être prêt pour cela !
Il est vrai que rien ne va plus au III/6 ; pas de moyens de
transport au sol avant le 8 juillet alors que cantonnement et terrain sont
distants de 25 km, pas de transmissions, pas de remorqueurs pour
l’entraînement au tir sur manche… et de plus les armes des P-39 n’ont pas pu
être réglées faute du matériel approprié, et cerise sur le gâteau,
l’instruction des nouveaux pilotes sur P-39 est entièrement à faire.
En dehors de ces informations « militaires » on peut lire
dans cette lettre de Joseph BIBERT comment il organise un « voyage »
pour son épouse Julienne et sa fille d’Alger à Port Say pour qu’elles puissent
venir passer un moment avec lui, après plusieurs mois d’une séparation qu’ils
ne supportent plus. Cette « expédition » interdite, préparée en
partie en langage codé, mérite d’être racontée pour s’imprégner de ce
qu’étaient les difficultés de la vie et l’état d’esprit des « petits
sous-officiers » d’aviation d’A.F.N. en 1943. Julienne BIBERT arrivera
incognito le mardi 13 juillet à Port Say en visite chez une « tante »
fictive pour quelques jours. Elle sera finalement hébergée chez M. et Mme.
VALLIER - lui est le douanier du lieu - qui s’attacheront beaucoup à la petite
Marie-Thérèse (bientôt 2 ans) Après cette « expédition » les
courriers de Joseph retrouvés ne reprennent que seulement un mois plus
tard ; télégramme pour l’anniversaire de son épouse le 14 août, puis
lettre le jeudi 26 Août… mais comme on le verra plus loin, il aura trouvé
entre-temps une occasion de faire un passage à Alger !
Juillet 1943 – L’Expédition de Julienne BIBERT à
Port-Say » et septembre 1943 en famille à Alger : photographies de l’album
n°7 de Joseph BIBERT
Cliquez sur le bandeau des
miniatures ci-dessus pour ouvrir la page contenant ces photos
Le 30 juin le lt MARTIN, commandant de la 5ème
Escadrille, « Masques sévères » est nommé capitaine.
Après avoir déjà passé le mois d’avril en détachement comme instructeur
à l’Escadron d’entraînement de Marrakech, l’a/c BALMER, est revenu au III/6 en
mai et juin 1943 où il a pu prendre en main le Bell P-39
« Airacobra » (22h 30 de vol en 21 sorties). Il nous a laissé quelques notes très
intéressantes sur le pilotage de cet avion. L’a/c BALMER est définitivement
affecté au C.I.C. de Marrakech le 1er juillet 1943, où il gagnera
ses galons de sous-lieutenant et commandera l’Escadrille C5. ; né à
Marmoutiers dans le, Bas-Rhin le 8 mars 1908, brevet de mécanicien n°4 944
le 1/09/1928, brevet de pilote militaire n°23 860 le 2/09/1932, brevet de
commandant d’avion n°137 le 26 avril 1939, 3 citations, 3 222 heures
de vol, il est tué le 10 octobre1946 en « Service « Aérien
Commandé » après une belle carrière dans l’Armée de l’Air.
|
|
Mai 1943 – Aïn Sefra – Pilotes et mécaniciens
de la 2me Escadrille du III/6 « Roussillon » devant un
Bell P-39 « Airacobra » Sont
identifiés : A : PIMONT – D : s/c GHESQUIÉRE – F :
lt THIERRY – G : lt CAPDEVIOLLE – H : s/c MICHAUX – I : lt NICOLAS (Mécanicien) ? L : adj LOÏ - M : lt RIVORY – O : a/c
BALMER – P : s/c MACIA |
Collection Albert Balmer, via Lionel Brunet – Droits
réservés
A la mémoire d’Albert
BALMER Poème de Christian MAZO qui avait été son
élève en 1936 à Étampes « Plein
tube », l'Hispano chantait à deux, trois milles, Puis passant
sur le dos et vrillant vers le sol, Il
taisait son vacarme et comme l'astre file, Argenté,
descendait en spirales folles. Les
"mécanos", debout, les yeux vers le soleil Regardaient
sans parler leur machine si belle. Le ciel
était profond et d'un bleu sans pareil. Les
cocardes là-haut faisaient des étincelles. Je l'ai
vu toucher terre et venir avec grâce Rouler,
très lentement, sur le gazon tout vert. J'ai
demandé le nom de cet oiseau de chasse, Et l'on
m'a répondu : « Ce pilote est Balmer ». |
Juillet 1943
Lettre de Joseph du dimanche
2 juillet : « ... il se passe ici beaucoup de changement, mais personne
au juste ne sait quoi. Toujours est-il que la troisième escadrille qui devait être
formée est de nouveau dissoute et que le Groupe doit être affecté avec une
formation américaine et ceci dans les 15 jours On quitte donc définitivement la
Compagnie de l’Air et la Section de Dépannage et on sera complètement
américanisé. Donc changement de terrain, mais où ? On est en train de
percevoir paquetage complet américain et véhicules. Ces derniers doivent être
perçu à Oran... »
Nouvelle confirmation que la
troisième Escadrille du III/6 n’a jamais existé que sur le papier !
« ... le pacha lui-même commence à faire
des allusions à son départ probable. J’ai appris également que le commandant
Dumarcet, celui de Chartres, s’est évadé de France par l’Espagne et est arrivé
à Oran... ».
« ici la routine est prise. Travail de
6h 00 à midi, bain, déjeuner, sieste, re-bain, dîner, petite promenade,
rêverie à la plage et coucher. La nourriture à présent est améliorée mais par
nos propres moyens, c.à.d. on achète et on fait la cuisine
nous-même... ».
Lettre de Joseph du dimanche
4 juillet : « … toujours pas de lumière et si tu trouves des bougies
elles seront les bienvenues… »
Des « jeeps » supplémentaires arrivent enfin (voir lettre du 2 juillet).
Le GC III/6 est donc maintenant « américanisé ». Il
comprend deux escadrilles pourvues de 12 appareils, plus celui du commandant du
Groupe qui est pris en compte à la 1ère Escadrille, et ses services
comprennent :
·
un
commandement,
·
une section
administrative
·
une section
approvisionnement et récupération
·
une section
entretien et réparation
·
une section
transport, sécurité incendie et éclairage
·
un service
de santé
Au sol, le Groupe dispose de 23 voitures dont 14
« Jeeps », 34 remorques et 2 tracteurs sur chenilles.
Lettre de J.B. du mercredi 7
juillet : « … notre popote se transforme, le grand patron s’en va
prochainement, son remplaçant dont on ne connaît que le nom nous est inconnu et
il vaut mieux… »
A partir de mi-juillet les choses s’améliorent un peu. Les
sous-officiers pilotes et mécaniciens sont installés trois par trois assez
confortablement sous des tentes « Marabout » américaines montées à
proximité du terrain (*). Un local
technique américain est monté pour les pilotes avec casiers à parachutes,
supports d’inhalateurs et d’écouteurs, portemanteaux circulaires rotatifs pour
combinaison de vol et aussi un bar pour leur détente…
(*) mais toujours sans
éclairage…
Comme prévu, le commandant DESTAILLAC est remplacé par le
commandant VIGUIER, et reçoit l’ordre le 15 juillet du Chef d’État-major de
l’Armée de l’Air (par délégation, le Général GÉRARDOT) de faire mouvement sur
le terrain de Tafaraoui (20 km au sud-ouest d’Oran) dès que sa préparation
sera terminée (1er août espéré).
Le 27 juillet le Groupe perd à nouveau un de ses « As ».
En patrouille avec le sgt GIOVANANGELLI, l’adj Toussaint LOÏ, cinq victoires,
fait un exercice de tir réel à El Aïoun (30 km sud-ouest de Berkane) dans
une zone réservée à ce type d’entraînement. Les deux pilotes se séparent
ensuite pour faire quelques acrobaties. Un moment plus tard, l’adj LOÏ part en
vrille, saute mais son parachute s’accroche au mât d’antenne et se déchire.
L’avion et le pilote tombent séparément au sol à proximité de Martimprey-du-Kiss
(25km à l’est de Berkane). Ses obsèques sont célébrées le 29 à Oudjda.
Ce même jour le Groupe reçoit la visite du colonel américain
COVINGTON, chef d’État-major des Forces Aériennes de Défense Côtière d’Afrique
du Nord (N.A.C.A.F. ; North America Costal Air Command).
LAPASSET - « COASTAL COMMAND »
03/08/1943 – 25/04/1944
Lapasset – Comme toute les bourgades
d’A.F.N. : une mairie et une église !
Août 1943
C’est à partir du 1er août 1943 que le Groupe est
dorénavant employé en « Coastal
Command » et qu’il devient le « Roussillon » (La date de
ce baptême est généralement fausse dans la plupart des publications.)
Par contre sa destination est modifiée ; ce sera Lapasset, sur
la côte à 25 km au nord-est Mostagadem, où le Groupe d’Artillerie de l’Air
52 sera également affecté.
Les P-39 se posent sur le terrain le 3 août, rejoints par tout le
reste du Groupe le lendemain, mais les conditions matérielles ne sont pas
encore brillantes pour lui.
Une piste en tôles de fer de 45 x 1 600 mètre a été
construite, miracle du gigantisme des moyens U.S. Tout le reste est à faire.
Des engins de terrassement « monstrueux » encore inconnus en A.F.N.
et une compagnie coloniale s’affairent. Dans les premiers jours le cantonnement
est détestable et le ravitaillement en vivres sur le pays impossible ; on
vit chichement sur les rations militaires. Avec l’efficacité américaine, les
choses vont bien évidemment s’améliorer peu à peu…
Le Groupe est donc rattaché au N.A.C.A.C.F (Vice Marshall anglais Sir HUGH PEW LLOYD), organisation qui dépend
elle-même du M.A.C.A.F. » (*) (Mediterranan Allied Coastal
Air Force).
(1) Il existe de la
même façon :
·
Mediterranean Allied Strategic Air Force (MASAF) : Major
General Nathan Twining
·
Mediterranean Allied Tactical Air Force (MATAF) :
Major General John K. Cannon.
Ses missions, comme celles des autres Groupes de Chasse français
d’A.F.N. sont :
·
Protection de convois navals,
·
Couverture à priori ou sur
alerte des points sensibles de la côte,
·
Mission d’Air Sea
Rescue » : reconnaissance en mer en vue de rechercher des équipages
perdus ou protection des hydravions sauveteurs.
Si d’un point de vue organisationnel (personnel, matériel,
effectifs) et disciplinaire il dépend de l’Etat-major Général de l’Air français (relevant du Général BOUSCAT, commandant
l’Aviation Française) celui-ci ne fait que retransmettre des ordres de
missions reçus du commandement britannique.
La Tunisie est libérée depuis la mi-mai, les Alliés sont en Sicile
depuis le 10 juillet (elle sera conquise
entièrement le 17 août) et se préparent à débarquer sur la botte de
l’Italie en septembre. On craint donc des attaques sur les importants convois
de ravitaillement naviguant en Méditerranée par les bombardiers allemands à
grand rayon d’action ; non seulement des He 111, Do 217,
He 177 mais aussi des quadrimoteurs Focke-Wulf 200 « Condor »
capables d’une coordination efficace avec des sous-marins.
Pour les « chasseurs » français, qui ont été formés
surtout à la « chasse pure », c’est-à-dire aux combats individuels,
la doctrine était finalement de détruire d’abord les chasseurs d’accompagnement
des bombardiers réputés mal armés et de s’en prendre à ces derniers ensuite.
L’analyse de leurs résultats lors des dernières campagnes de France et du
Levant n’avait pas vraiment été faite et leur état d’esprit était globalement
toujours le même.
Les longues (plus de 2
heures), monotones et ingrates missions qui leurs sont commandées au-dessus
de la Méditerranée, sans même apercevoir un intrus pendant des semaines et sans
tirer une seule rafale, finissent par devenir un véritable calvaire pour
eux ; d’autant plus qu’elles ne sont pas sans danger. On risque de
percuter la mer lors des missions à basse altitude par mauvais temps si l’avion
a la moindre défaillance, on rentre souvent à la nuit tombée, on craint
l’endormissement et on est harnaché dans un équipement tellement abondant qu’on
ressemble à un vrai « bibendum ». On porte un gilet de sauvetage
« mae-west », pouvant être gonflé avec une petite bouteille d’air
comprimé, de couleur jaune pour être bien visible, mais s’extraire rapidement
d’un avion tombé à l’eau ne serait pas chose facile.
Pour l’Histoire, c’est la patrouille double légère cne MARTIN, adj
MERTZISEN et lt LE GLOAN et sgt SIMON qui effectue la première mission de
« Coastal Command » française sur P-39, le 4 août 1943, entre
l’embouchure du Chélif et le cap Ténès.
Rapidement un problème majeur apparaît lorsque les missions sont
communes avec les pilotes américains de Warnier (Ouled Fares, 50 km au nord-est d’Oran) et de Tafaraoui (déjà cité). La discipline en vol des
pilotes français n’est pas aussi rigoureuse que celle des Américains et ils ont
du mal à se plier à leurs procédures de commandement. Les vols sont suspendus,
le temps de remettre les pendules à l’heure…
Suite à l’inspection du 13 août du général GIRAUD, Commandant en
chef des troupes d’A.F.N., après que sa rivalité politique avec le général De
GAULLE ait tourné à l’avantage de ce dernier, accompagné du général CLARK,
commandant la Vème Armée américaine en formation, il est demandé au
commandement français de relancer l’idée de créer la fameuse 3ème
Escadrille. Celui-ci refuse, et un nouveau remaniement des deux escadrilles a
lieu. Seul l’organigramme de la 2ème Escadrille est connu ; on
constate que l’adj BIBERT n’y figure plus.
Ce même jour la 1ère Escadrille (cne MARTIN), est
déplacée à Tafaraoui pour renforcer celles de l’U.S.A.F. fortement sollicitées
pour la protection du port d’Oran. Dans la seconde moitié du mois les missions
de guerre, aussi bien à Lapasset qu’à Tafaraoui, seront très soutenues.
Celles-ci se poursuivant très tard, on procède en catastrophe à un entraînement
complémentaire des pilotes aux vols de nuits sur des multiplaces North-American
avec l’adj CASANOVA du II/61 comme instructeur.
Le 15 août le Groupe est inspecté par le lieutenant-colonel MURTIN,
Inspecteur de la Chasse, qui était le commandant du GC I/5 en 39/40 (1 victoire). Il en profite pour faire
un vol sur P‑39 pour se rendre compte par lui-même de ce que vaut cet
appareil.
Le 22 août, le général De GAULLE qui inspecte la Division de
Lapasset, visite la base aérienne et se fait présenter les pilotes du III/6. On
ne dispose malheureusement pas de photographies de cet événement important.
Plusieurs fois, à partir du 23 août, faute de suffisamment d’avions
disponibles à Tafaraoui, quelques avions de la 2ème doivent venir
épauler ceux de la 1ère.
Le 24 août les avions de la 2ème Escadrille patrouillent
pendant 39h 20, record battu ! Ce même jour le lt BRONDEL casse le
second Caudron « Simoun » du Groupe. Son premier ayant été accidenté
précédemment, il va se trouver sans avion de liaison pendant de longues semaines,
d’où des difficultés d’approvisionnement et surtout des délais pour le
courrier, ce qui n’enchante pas le personnel…
Le 29 août le lieutenant THIERRY, commandant la 2ème
Escadrille, est remplacé par le capitaine Raymond BOILLOT (ex III/2, ne pas confondre avec le s/c
En seulement 20 jours, au cours de ce premier mois où il a repris
les missions de guerre avec ses P-39, le III/6 a effectué 318 sorties
(493h 15 de vol), malgré de grandes difficultés opérationnelles et
d’entretien des avions américains, que le commandant VIGUIER va pointer dans un
rapport au vitriol. On ne lui pardonnera pas.
Joseph BIBERT ne devait pas être à Lapasset lors de la visite du
Général De GAULLE, car ses courriers laissent à penser qu’il a effectué une
mission de liaison par la route à Alger vers le 20 août et qu’il a pu ainsi
passer quelques bons moments avec son épouse et sa fille… et qu’il espère en
faire rapidement une seconde ! De retour à Lapasset, il voit passer au
large des « convois formidables », ceux qui préparent le débarquement en Italie continentale. Le
sait-il ?
Les informations de ces courriers, pour « l’Histoire »
sont finalement aussi intéressantes que les archives militaires, et
certainement plus authentiques !
Lettre de Joseph du jeudi 26 août : « … à mon retour ici,
encore du changement. Je ne suis plus au technique, cette place étant
complètement supprimé. Pour le moment je suis chômeur. Sans doute on me
trouvera une place quelconque à l’atelier, c.à.d. à la section de dépannage.
Mon voyage sans incident particulier, je suis passé par Ténès (route de la
côte) pour changer de route. Il était temps d’arriver, le camion a besoin d’une
bonne vérification, tous les boulons du châssis et surtout de la direction
desserrée. J’ai rendu compte de ma mission et du matériel qui restait à
prendre… je compte toujours comme la comptabilité n’est pas liquidée d’y être
convoyé… je reste imprégné de ta présence, il était si doux et si bon de te
revoir dans notre maison…
… pour le moment d’ailleurs
je ne vois aucun changement pour le Groupe mais pourtant je crois qu’on ne
moisira pas ici. Il passe en ce moment des convois formidables vers l’est et
nos pilotes sont en l’air du matin au soir pour la protection…
… je te fais envoyer par
Bequet le sac avec diverses affaires… du savon… on a touché également un lot
d’articles américains, je te mets ce qui ne sert pas… il t’emmène aussi deux
bidons d’essence, tu en videras un, l’autre tu le garderas. Pour ouvrir tu tapes
avec un marteau sur le bouchon et après ça se dévisse tout seul…
… la nourriture n’est
encore guère améliorée mais on nous promet du mieux » »
Lettre de J.B d’un dimanche d’août, sans doute le 29 (d’après le papier à lettre utilisé et l’information sur
une messe dite en la mémoire de LOÏ – sans doute un mois après son décès) :
… sous la
guitoune…seul…un en mission… l’autre jamais là…
… bonne nouvelle, les
perms sont rétablies. 8 jours tous les 4 mois. Ça commencera début septembre…
… je n’ai toujours
aucune affectation précise. Je m’occupe principalement de réorganiser l’atelier
et il y a beaucoup à faire. C’est un travail ingrat mais une fois entraîné ça
ira mieux…
… j’ai appris qu’il y avait
eu un bombardement à Alger ces jours-ci. Comment ça s’est passé à
Fort-de-l’Eau ?
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Les
photographies des Bell P-39 « Airacobra » français sont très rares Les profils
qui en ont été faits pour le GC III/6 restent hypothétiques et peuvent
concerner une époque postérieure à l’A.F.N. En tout cas aucun ne peut correspondre à
celui de l’appareil avec lequel le Lieutenant |
Septembre 1943
Les choses ne s’arrangent pas aussi bien à Tafaraoui qu’à Lapasset où
les pannes sur les moteurs Allison se multiplient. Moins de 6 appareils sur 10
sont en état de vol malgré un travail harassant des mécaniciens pour y faire
face. De nombreux moteurs sont en révision des 25 heures ou des 100 heures mais
la pénurie de pièces de rechange ne permet pas de les remonter rapidement.
L’intendance militaire française n’est pas capable d’assurer un
ravitaillement en vivres suffisant, l’état de santé des personnels est
lamentable.
La 1ère Escadrille, relevée officiellement à Tafaraoui
par le GC I/5 le 3 septembre, jour du débarquement des Alliés en Calabre,
doit finalement rester sur place plus d’une semaine, sans doute avec des
éléments de la 2ème (*) pour former et
épauler les nouveaux arrivés qui viennent juste de toucher leur P-39.
(*) Bizarrement, dans la lettre de remerciement
du colonel ISRAEL, commandant du secteur américain, que recevra le commandant
du III/6 à la fin du détachement, c’est « l’escadrille » (sans
précision) et le cne BOILLOT, seulement présent au Groupe depuis le début du
mois, qui est citée ; peut-être que le cne MARTIN, commandant de la 1ère
Escadrille n’était pas présent à Tafaraoui…
Le 10 septembre à Lapasset, gros pataquès à la 2ème Escadrille.
Les lt RIVORY et BRONDEL, l’adj MACIA et le s/c MICHAUX vont
atterrir en retour d’une mission d’entraînement, alors que le terrain commence
à s’embrumer. L’adj MACIA brise son P-39 qui reste immobilisé au milieu de la
piste où convergent camions, tracteurs et ambulance ; grosse frayeur pour
les trois autres pilotes qui ne peuvent plus attendre pour se poser, réservoirs
presque vides, malgré l’encombrement du terrain.
Ce même jour, Joseph, pour sa part, semble être parvenu à ses fins
pour partir en mission ou obtenir une permission. En tout cas il télégraphie à
son épouse « vers toi prochainement, tout va bien ».
11 septembre 1943 – La
Mort du lieutenant LE GLOAN
Drame le lendemain ; la disparition du lt LE GLOAN a été
mainte fois racontée. Ce qui a été écrit dans le livre de marche de la première
Escadrille « Masque sévère » est repris ci-dessous :
« Le lieutenant LE GLOAN
décolle dans la matinée, vers 7h 30 pour exécuter une mission de
protection en mer avec un équipier, le sgt COLCOMB. À peine la patrouille
légère a-t-elle franchi la côte que le sgt COLCOMB voit le moteur de son chef
dégager une fumée noire ; il l’avertit également par radio. Le lieutenant
LE GLOAN fait demi-tour pour rentrer au terrain. Arrivée aux environs de
Ouilllis, entre Mostaganem et Lapasset, son moteur tombe sans doute en panne
brutale ; il va être contraint d’atterrir dans une région très accidentée,
mais il paraît sûr de lui. Par radio ; il prévient son équipier qu’il va
se poser « sur le ventre ». Aucun des deux pilotes se songe au danger
que fait courir, pour un pareil atterrissage, la présence du « belly-tank » (réservoir supplémentaire) qui n’a pas été largué. Au moment où l’avion touche le sol, le
réservoir explose. L’appareil rebondit parmi les petits arbres et prend
feu ; LE GLOAN est carbonisé ».
Rapport officiel
de l’accident de Pierre Le GLOAN
Ce 11 septembre, ce n’est pas moins de six moteurs qui grillent au
GC III/6 ! Les P-39 sont équipés d’un filtre anti-sable prévu pour
les zones désertiques, mais les pilotes français ont estimé que la réduction de
la vitesse de 50 km/h qui en résulte était trop importante et ils ne
l’utilisent pas. Est-ce la seule cause des pannes à répétition de ces
moteurs ? Sans doute que non, mais malheureusement certains ne voudront
pas voir plus loin que le bout de leur nez, comme on
le verra plus loin.
Les obsèques de l’As français aux 18 victoires homologuées, rendu
célèbre par son « quintuple » du 15 juin 1940, sont célébrées le 13
septembre en l’église Saint-Charles de l’Agha de Mostaganem en présence de
nombreuses autorités militaires et civiles. Inhumé à Mostagadem, la dépouille
de l’As français sera rapatriée en Bretagne en 1950 à la demande de la famille
pour être placée dans le caveau familial de Plouguernével, mais les autorités
civiles et militaires se feront discrètes lors de la cérémonie
du 7 septembre 1950, car à cette date en 1950 en France, la déchirure était
immense entre ceux qui n’avaient pas combattu pour la même France entre Mers
el-Kébir et l’opération « Torch » et perdurera encore longtemps.
D’ailleurs la famille de
Voir la page consacrée à Pierre Le GLOAN
et ses nombreuses annexes sur ce site
|
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Bien que ces deux photographies proviennent
de deux collections différentes d’anciens du GC III/6, rien ne prouve
qu’elles représentent des Bell P-39 « Airacobra » de ce Groupe |
Après le décès de LE GLOAN l’organigramme modifié des deux
escadrilles est le suivant pour les pilotes à la date du 14 septembre
1943 :
1ÈRE ESCADRILLE Masques sévères |
2ÈME ESCADRILLE Masques rieurs |
Cne MARTIN |
Cne BOILLOT |
Lt SAUVAGE
(*) |
Lt GOUJON (adjoint) |
Lt LABUSSIÈRE |
Lt RIVORY |
Adj MERTZISEN |
Lt BRONDEL |
Adj MONRIBOT |
Lt GATARD |
Adj HONORAT |
Adj MACIA |
S/c ROUSSET |
Adj SCHENK |
S/c LE BRAS |
S/c FARRIOL |
S/C SIMON |
S/c GHESQUIÈRE |
Sgt DANET |
S/c PIMONT |
Sgt SOUDÉ |
S/c KNITTEL |
|
Sgt GIOVANANGELI |
|
Sgt LEDUC |
(*) Non cité dans le
tableau « officiel » qui ne cite pas « d’adjoint », mais le
lt SAUVAGE semble remplacer le cne MARTIN lors de sa permission prise entre
le 17 et le 28 septembre (voir courriers de J.B)
Des mouvements importants également chez les mécaniciens. L’adj
Joseph BIBERT, plus ou moins sans affectation depuis près d’un mois, retrouve
enfin ses fonctions de « chef de hangar » qu’il avait exercées à la
fin de la campagne de France et en. A.F.N. jusqu’à son affectation transitoire
au S.C.L.A. de fin août 1940.
Il peut écrire à son épouse le 15 et lui annoncer une bonne et une
mauvaise nouvelle !
§
La mauvaise : « …encore grand
changement, ce qui m’enlève mon tour de perm. J’ai le cœur gros, je suis en
rage… je pense partir au tour suivant… ».
§
La bonne : « … je suis affecté
depuis hier midi comme chef de hangar à la 1ère Escadrille avec le cne
Martin – Ce n’est pas une sinécure et je ne rigole pas pour le moment. Après
période de veine succède une période de déveine (Borreye est à la 2ème
avec Goujon qui succède à Le Gloan) ».
Le 17 septembre 1943, une semaine tout juste après l’accident de
Le sergent LEDUC meurt carbonisé.
On décide enfin de se préoccuper sérieusement du problème des
moteurs Allison. Les vols sont suspendus. Le lieutenant américain WHITE de la
section de défense côtière n°2689 arrive à Lapasset pour enquêter avec autorité
sur les autorisations de vol.
Lettre de Joseph du vendredi 17 septembre : « …tous ces
changements d’un seul coup me jettent en pleine acticité, et de l’activité il y
en a ; je pense sous peu de temps avoir repris ma forme c.à.d. avoir dans
mes nouvelles fonctions la même position que dans mes anciennes (lorsqu’il était Chef de Hangar de la 6ème
avant son passage au S.C.L.A. en 1940) … Le cne Martin (son nouveau commandant d’escadrille) est parti en permission ce
matin et j’ai affaire en ce moment au lt Sauvage qui est très gentil ce qui me
permet de prendre
Dimanche 15h 00 :
…vendredi, je ne te l’ai pas dit un jeune pilote s’est encore tué sur Airacobra
– Même cause et panne analogue, donc grand émoi au Groupe et surtout enquête et
contre-enquête. Je ne crois pas que tu le connaisses, il s’appelle Leduc, jeune
père de famille depuis 15 jours, il habitait Oran. Il a été enterré hier à
Lapasset…. Ici aussi il fait mauvais temps. Il fallait voir nos tentes !
Beaucoup de types ont pris des bains forcés et se sont trouvés sans abris… Je
crois que Méquet doit partir incessamment se marier, je vais le chercher pour
lui confier cette lettre… »
Lettre de Joseph du lundi 20 septembre : « … pour le moment,
interdiction de vol par suite des accidents consécutifs à plusieurs pannes,
enquêtes etc… cela me laisse le temps d’organiser mon nouveau travail…
… pour notre bien ici
toujours aucun changement, on mange toujours aussi bien !!! et le
commandant à l’air d’être une vraie lavette et perds surtout très vite la tête (Joseph parle du cdt Viguier)… il faut que j’attende le
retour de Rousset pour partir en perm, ce qui porte mon départ à environ 15
jours, c.à.d. vers le 5 du mois prochain… »
C’est d’abord la qualité de l’huile qui est incriminée puis
finalement on en revient à la seule accumulation de sable dans les moteurs
Allison, sans vouloir remettre en cause leur fiabilité, ce qui permet un peu
facilement de cibler le travail des mécaniciens français et tend énormément
leurs rapports avec leurs collègues américains. Ceux-ci n’acceptent aucun
reproche sur le niveau des vérifications faites avant la livraison des avions.
Le moral est vraiment en berne, surtout chez les mécaniciens, mais
aussi chez les pilotes qui ne volent pas. On multiplie les permissions de
détentes et les entraînements au vol de nuit pour compenser.
On décide finalement de remplacer tous les moteurs anciens par des
moteurs neufs et de renforcer l’entretien préventif et les procédures de
contrôle et le 23 septembre le commandement autorise la reprise des vols.
Ce jour-là, un nouveau pilote est affecté à la 1ère
Escadrille ; le lieutenant Louis DE PINSUM, dit « Mérovée », « un viking imperturbable et nonchalant
qui avait compris que la forme supérieure de l'intelligence était le silence,
même quand il aurait dû parler » dira de lui un de ses camarades…
Lettre de Joseph du samedi 25 septembre : « …j’apprends à
l’instant que Monribot doit partir vers Fort-de-l’Eau…. Je suis littéralement
débordé par le travail… je me trouve en bonne condition, nourriture nettement
améliorée et ça contribue beaucoup. Les vols ont repris et j’ai encore quelques
jours de calme avant la rentrée du « Cador »… »
Mais dès le 27 septembre le s/c COLCOMB qui volait avec LE GLOAN le
11 le jour de sa mort a des ennuis de moteur. Echaudé par les tragiques
accidents récents, il abandonne son avion et saute en mer au-dessus d’un convoi
navigant vers l’est qu’il survolait. Recueilli, il est débarqué à Gibraltar et
peut revenir à Lapasset le 1er octobre.
Lettre de Joseph du dimanche 26 septembre : « …j’étais à la messe
de bonne heure comme tous les dimanches… ici rien de particulier, travail
aérien au ralenti, par contre on ne fait que déménager d’un coin à l’autre. Ça
manque maintenant d’organisation et les décisions prises par le Commandant du
Groupe sont lamentables. La nourriture continue à s’améliorer et je récupère
peu à peu. Le « Cador » (cne Martin) est rentré ce matin mais je n’ai
pas eu affaire à lui. Fini la tranquillité. J’ai lu sur le Journal Officiel que
Iltis est muté au Parc de Blida…
…j’ai eu vent qu’on demande
l’ancien comptable du GC 3/6 à Blida pour liquidation et peut-être
aurait-on recours à moi à ce moment (sans doute un espoir de venir en mission à Alger ?)…
… pour les perms, il y a du
nouveau : elles sont portées à 15 jours par an contre 24 jours
actuellement, ceci à partir du 1er octobre ! Je suis donc encore
une fois dans la mauvaise passe, par contre on dit qu’on peut prendre les 15
jours d’un seul coup, vu qu’on ne sait pas du tout ce qui nous est réservé pour
l’année prochaine…
…mon travail s’organise et
ma troupe de mécaniciens commence à prendre le bon pli. J’ai à présent ainsi
que Borreye une Jeep, chacun la sienne, le lt Sauvage (le patron actuel) est
très bon pour moi et me promets de me soutenir ; Il constate beaucoup de
changements et compte que le « Cador » pourrait être content… »
Autre accident le 29 septembre : en nettoyant son revolver (*) le cne MARTIN, le
« Cador » dont parle J.B. se tire une balle dans le pied et doit être
hospitalisé à Mostaganem. Le lt LABUSSIÈRE en permission
est rappelé d’urgence pour assurer l’intérim à la tête de la 1ère
Escadrille (**)...
(*) Information J.B. la version officielle
« censure » ce détail !
(**) Pas d’explication : Joseph BIBERT dit clairement
dans ses courriers qu’avant le retour du cne Martin, c’était le lt SAUVAGE qui
remplissait cette fonction : il est peut-être parti en permission…
Lettre de Joseph du mercredi 29 septembre : « …J’ai reçu hier
soir ta longue lettre par Roussel ainsi que le petit colis. Les beignets Chérie
sont excellents, et je n’en offre à personne, d’ailleurs la boîte en a pris un
vieux coup. Je te félicite surtout pour la quantité…
…les pages de tes lettres
sont des images vivantes… je les lis, et les relis, à travers s’expriment tes
sentiments, ta joie, souvent tes tristesses, et me permettent de voir grandir
« kiki »de jour en jour…
…le « Cador est rentré
hier matin mais ce matin un malheureux hasard, en nettoyant son pistolet, il
s’est tiré une balle dans son pied, donc nous en voilà débarrassés encore pour
quelques temps… »
Octobre à décembre 1943
La ration « américaine » que tout le monde appréciait est
remplacée par une « ration française » insipide… et la prime
d’alimentation américaine par une prime française largement inférieure… Parfait
pour le moral des troupes !!!
Le 5 octobre 1943 Joseph BIBERT rédige un télégramme pour son
épouse à Alger. Les « transmissions » sont difficiles et elle ne le
reçoit que deux jours plus tard, deux jours après leur 4ème
anniversaire de mariage qui eut lieu à la fin du premier mois de la guerre, le
5 octobre 1939, lors d’une permission de 24 heures de son « promis »
alors sur le terrain de campagne de Bouillancy…
Bien sûr, une fois installée en A.F.N. en septembre 1940, le jeune
couple a pu avoir une vie presque « normale » jusqu’au début de 1943.
Mais il ne faut pas minimiser leur déracinement et les difficultés de
ravitaillement et de communication avec leurs familles en France occupée (*). Il faut comprendre que lorsqu’ils se retrouveront en métropole en
mars 1945, ils compteront plus de 3 années de séparation. Et il y aura eu
beaucoup plus malheureux et moins chanceux qu’eux !
(*) A titre d’exemple, voir le message
« Croix-Rouge » de son frère Georges CHEDEVILLE, expédié de Chartres
le 8 avril 1943 : au recto « anxieux, sans nouvelles de vous
trois… », au dos, 6 mois plus tard, le 30 octobre Julienne répond :
« Sans inquiétude pour nous trois. Dolph venu en octobre… ». Et si ce
message a eu la chance de revenir à son émetteur, nous n’en connaissons pas la
date... Seul échange de toute l’année 1943 !
Mais ce jour-là il y a des raisons de penser à autre chose au
GC III/6 : en effet, la veille (le 4 octobre), à la nuit tombante six
P-39 de la 1ère Escadrille, lt SAUVAGE, LABUSSIÈRE et DE PINSUM, adj
MERTZISEN, s/c LE BRAS et sgt COLCOMB sont en l’air au-dessus d’un important
convoi à la verticale du cap Ténès lorsque qu’un peloton d’une vingtaine de
He 111 et Do 217 débouche dans la pénombre et se prépare à attaquer
les navires alliés.
L’adj MERTZISEN et le s/c LE BRAS abattent
chacun un Do 217. Le lt SAUVAGE et sgt COLCOMB abattent un He 111 et
en endommage un second, peut-être abattu d’ailleurs. Des pilotes de la 2ème
Escadrille envoyés en renfort, dont l’adj MACIA et le sgt KNITTEL
arrivent trop tard pour engager les bombardiers-torpilleurs allemands. Mais le
retour à Lapasset ne se passe pas au mieux pour tous les pilotes ; l’adj
MERTZISEN dit « zizi » sur son P-39 n°435 est touché par l’avant
alors qu’il s’en prenait à son deuxième Heinkel (victoire probable), tente de
revenir au terrain, doit finalement se résoudre à sauter en parachute et touche
terre à 15 km du terrain. On s’inquiète pour lui, surtout le sgt ROHR son
mécanicien (nommé sergent-chef le 1er décembre), mais il arrive
finalement 1 heure plus tard… sur un cheval qu’il a pu trouver on se sait
comment !
Dans la nuit noire pendant ce temps, les atterrissages sont
délicats : le s/c LE BRAS sort légèrement en bout de piste et on envoie un
tracteur qui malheureusement traverse celle-ci au moment où le sgt COLCOMB se
pose ; le choc est terrible. Le s/lt RIGAUD (breveté
à Bourges le 1er avril 1939) peut extraire
COLCOMB de son avion en flammes, mais malheureusement le soldat SANTON qui
conduisait le tracteur est tué. Lors du transport du sgt COLCOMB, qui a une
fracture ouverte de la jambe, à l’hôpital de Mostaganem en ambulance, celle-ci
tombe dans un ravin et son chauffeur est blessé.
Les trois victoires homologuées et la remise de « l’Air
Medal » à l’adj MERTZISEN et au s/c LE BRAS par le colonel COVINGTON (le
9) ne contribuent pas à remonter le moral assez
médiocre de ceux du III/6 que quelques jours.
Témoignage du s/c Albert
LE BRAS « Nous avons été stationnés à Lapasset au sud du cap
Ténès Notre terrain situé au milieu des champs de vignes n'avait qu'un axe de
décollage et d'atterrissage, constitué de plaques métalliques convenablement
aplanies En septembre 1943, le Gloan se tua dans un atterrissage forcé en
campagne par une panne de moteur. Le 4 octobre 1943, nous avons décollé à la fin du jour sur une
formation ennemie de bombardiers qui allaient attaquer un convoi. Nos
contrôleurs aériens qui nous guidaient parlaient anglais ; je servis
d'interprète. Dès le (*) Une fois de plus, il faut lire les
témoignages des « Anciens » avec une certaine distance. Si Albert
LE BRAS parle d’un atterrissage « très facile », c’est sans doute
parce qu’il a voulu gommer de sa mémoire, suite à son atterrissage un peu
long, ce qui est arrivé au sgt COLCOMB ; quand il compte les victoires,
il confond un peu vite « abattu » avec « endommagé »...
et quand il s’attribue la « première victoire » du Groupe, il
aurait dû dire « NOUS apportons au Groupe SES premières victoires depuis
qu’il a été reformé le 1er août 1943 sous le nom de
« Roussillon »... |
|
|
A gauche,
Albert LE BRAS devant son P-39 « Airacobra » de la 1ère
Escadrille du GC III/6 « Roussillon » en 1943 A droite un P-39 de la 2ème
escadrille du GC III/6... mais à l’école de Meknès au second semestre 1944,
appareil reversé et non repeint (*) Collection Robert BIANCOTTI via son fils
Mario que nous remercions |
(*) Le P-39 n'était pas l’avion d'arme de Robert BIANCOTTI vu
qu'il était électricien à l'escadrille Spitfire du Centre de Perfectionnement
de Chasse de Meknès, appelé de façon non officielle « Training ». Le
Training était composé de trois escadrilles, les Spitfire qui arrivèrent les
premiers, suivis par les P-47 et enfin les P-39. À son arrivée à Meknès fin
mars 1944, il n'y avait que les « Spit » qui étaient opérationnels
sous les ordres du capitaine René RUBIN, un ancien des groupes II/4 et II/5.
Mais comme il y avait une pénurie de spécialistes sur la base il lui arrivait
assez souvent de tourner sur les différentes escadrilles de l'école, surtout
celles du Training car je crois que chaque escadrille devait en théorie avoir
au moins un électricien mais ils ne furent jamais plus de deux pour une
soixantaine d'avions environ. Les premiers P‑39 de l'école furent
directement prélevés sur les escadrilles des groupes opérationnels lorsqu'ils
partaient en grande visite, notamment à Oran où se trouvaient un bon nombre
d’appareils stockés par les américains. À leur arrivée à Meknès, ils
conservaient en général les insignes de leur ancienne affectation d'où
leurs présences sur les photographies faites par mon père car il n'a jamais
appartenu à ces unités... (
Cependant, après ces victoires, les « incidents »
continuent pour « Roussillon » :
7 octobre 1943 : le moteur du s/c KNITTEL se met à vibrer
d’une manière anormale. Il peut cependant rentrer,
11 octobre 1943 : pannes de moteur pour l’appareil du lt
RIVORY au moment d’un décollage qui se met en perte de vitesse, et de celui du
s/c GHESQUIÈRE, dit « Achille », heureusement déjà un peu plus
haut ; grâce à l’habileté et à la chance des deux pilotes, les deux
appareils se posent en catastrophe et ne sont que légèrement endommagés.
Nouvelle interdiction de vols ! Il faut accélérer le
remplacement des moteurs. Il ne reste que 3 appareils en état !
La crise de confiance des pilotes envers leurs avions, amplifiée
par le peu d’estime que le cdt VIGUIER a suscité depuis sa prise de
commandement, « l’accident » du cne Martin (*) surnommé
« l’Ours » et une alimentation insuffisante, engendre maintenant,
d’une manière peu rationnelle, des relations conflictuelles avec les
mécaniciens.
(*) Le capitaine Robert MARTIN, alors commandant en second
du Groupe GC I/3 « Corse », se tuera 10 mois plus tard le 27
juillet 1944 aux commandes de son Spitfire au large d’Ajaccio (vol de nuit). La
promotion 1962 de l’École de l’Air porte son nom.
C’est justement le moment où l’État-major recherche des volontaires
pour partir en Russie où s’illustre le Groupe de chasse
« Normandie », rebaptisé « Normandie-Niemen ». Les archives
« officielles » (date ?) disent que huit pilotes se sont portés
volontaires mais des témoignages recoupés disent « quasiment
tous les pilotes », mais seulement dans
l’espoir de quitter le Groupe vu la mauvaise ambiance qui y régnait...et que
c’est pour cela qu’il a fallu tirer au sort… Censure ou légende ?, peu
importe, ce sont seulement les lt SAUVAGE et les s/c MERTZISEN et LE BRAS qui
partiront le 27 octobre et s’illustreront bientôt en Russie aux commandes de
leurs Yakovlev, les fameux « Yak ».
Et quand tout va mal, il faut des fusibles ; les Américains
les désignent à l’État-major français qui s’exécute. Ce seront d’abord le
commandant du Groupe (17 octobre) et son adjoint, puis quelques lampistes, et
finalement l’officier mécanicien (9 novembre), grossière habileté qui
dédouane en partie le P‑39. Si personne ne regrette le départ du
Commandant, la mutation d’office de l’officier mécanicien, le lt NICOLAS à
l’Inspection Technique, est considéré comme injuste ; c’était le seul qui
avait essayé de tenir tête aux américains, s’étant aperçu le premier des
lacunes du P-39. Présent au Groupe depuis l’automne 1940, il lui avait rendu
les plus éminents services pendant la campagne du Levant, avec un engagement
personnel de tous les instants. Il n’avait eu de cesse depuis le printemps 1943
de faire le maximum avec des moyens insuffisants pour faire voler les délicates
machines américaines, mais étant très exigeant et peu enclin aux compromis, il
n’avait pas que des amis.
Un mois plus tard, on demande au commandant STEHLIN, qui après son
passage à l’État-major de l’Amiral DARLAN à Vichy et un retour opérationnel
comme commandant en second du GC II/5, se trouve alors à l’État-major de
l’Aviation d’A.F.N. de « faire le point sur la situation du Groupe de
Chasse III/6 ». Il passe pour cela une seule journée à Lapasset, le 17
octobre ! Comme à son habitude déjà évoquée ici, l’ancien Commandant du
III/6 dans son rapport du 19 novembre 1943 « n°49 EMGA » ne fera pas
dans la dentelle : « … le
lieutenant NICOLAS est responsable dans une large mesure de l’état dans lequel
le Groupe était tombé et qu’il a fait preuve d’un manque de conscience
professionnelle, de compétence et de dévouement ». Rien de
moins ! Son entreprise de séduction des nouvelles autorité politiques
françaises et le l’État-major de l’Aviation américaine, à qui il saura être
reconnaissant 20 ans plus tard, est lancée. On sait comment sa carrière civile
et militaire s’est terminée ! (*)
(*) Le 6 juin 1975, à Washington, une
sous-commission du Sénat américain révèle que la société Northrop a effectué
des versements « douteux » à des parlementaires et anciens officiers
de haut rang européens, dont Paul Stehlin, qui était rétribué depuis 1964 au
titre de « consultant ». À ce titre, il aurait fourni, contre
rémunération, des informations et des synthèses politico-militaires à la firme.
Le GC III/6 a cette date a vraiment perdu son âme et ses
racines.
On trouve maintenant à sa tête :
·
le commandant : cdt Georges LABIT (1910/1997), au C.I.C. de Chartres (*) pendant l’hiver
39/40, à la tête de la 4ème Escadrille du GC II/2 le 11 juin 1940
(1 victoire) (A ne pas confondre
avec Henri Labit (1920/1942) des F.A.F.L.),
(*) Témoignage de Jean Menneglier parlant de
cette époque : « Nous nous retrouvions à peu près tous les soirs au
bar de l'Hôtel de France sur la place des Epars. On pouvait y voir le capitaine
Labit (*), alors célibataire, en train d'ingurgiter apéritif sur apéritif,
ce qui ne l'empêchait pas de marcher dignement. »
·
l’adjoint : cne Jean CANEL (1913/1945), commandant de la 3ème
Escadrille du GC II/9 en 1940, abattu le 3 juin 1940, grièvement brûlé et
blessé,
·
l’officier mécanicien : cne THIBOUT (le 9 novembre).
Dans la deuxième quinzaine d’octobre le Groupe est complètement
réorganisé d’après les tableaux d’effectifs et de matériels des groupe
américains. Le Vice-Marschall LYOYD et le colonel COVINGTON passent une
inspection. Les suivent des spécialistes américains en vue du montage des
nouveaux moteurs ; les 5 premiers arrivent le 23 octobre, 5 autres le 25,
3 autres le 27 en même temps qu’un ingénieur de chez Bell et un de chez
Allison, 14 radiateurs d’huile neufs et encore 8 autres moteurs le 1er
novembre… On monte également des volets d’amortissement pour les boîtes
d’éjection des canons de 37mm. Tout cela démontre que les problèmes rencontrés
n’étaient pas mineurs !
Une importante délégation du III/6 et de nombreuses personnalités
civiles et militaires françaises et américaines assistent le 24 octobre en
l’église Saint-Charles de l’Agha à Alger à un office pour le « repos de
l’âme » du lieutenant LE GLOAN.
L’adj Joseph BIBERT pour sa part est sur une autre planète !
Il a enfin obtenu sa « perm » ; à Fort-de-l ’Eau, du 8 au 16
octobre, dans sa petite maisonnette, loin des soucis mécaniques de Lapasset, il
passe 8 jours heureux avec son épouse et sa fille qui a maintenant 2 ans.
Depuis janvier 1943, ils ne se sont vus qu’en coup de vent, occasions volées
grâce à leur débrouillardise. Joseph n’a vu grandir sa fille qu’à la lecture
des très longues lettres que son épouse lui a fait régulièrement parvenir tous
les 2 ou 3 jours ; elles ont malheureusement disparu. On ne possède que
deux photographies qui témoignent de ce séjour à Alger. Les bobines de
« pellicules » sont rares et trop chères !
Quand il rentre à Lapasset, la réorganisation complète du Groupe a
été faite, du moins sur le papier. La fonction de « chef de hangar »
dans chacune des deux escadrilles tombe en désuétude et globalement les
mécaniciens sont sur la sellette… On le comprend dans la seconde lettre qu’il
écrit après son retour :
Lettre de Joseph du mercredi
1 novembre : « …rien de neuf depuis
ma dernière lettre… je continue une vie absolument oisive. Je passe mes
journées en promenade et bricolage. J’ai d’abord fini d’installer ma tente qui
maintenant pourra affronter l’hiver. Un plancher impeccable nous isole du sol,
penderie, table et chaises et un petit fourneau qui va bientôt être installé…
…il y a huit jours, Chérie,
j’étais encore près de toi… chacun voulait rester superficiel, ne pas penser à
ce demain, mais l’heure tournait implacablement. J’ai emporté chérie ton image
et celle de « Kiki » au passage du camion devant notre porte…
…on nous annonce pour le
mois prochain une grande diminution de la solde, on nous supprime l’indemnité
de repliement et autre chose dont on ne connaît pas officiellement les détails…
…le jeudi et le dimanche,
il y a une liaison pour aller au cinéma ; si ce n’était pas le voyage en
camion, ce serait agréable…
…quand la nuit tombe, la
fraîcheur se fait sentir et on a de la lumière qu’en fonction du bon vouloir
des Messieurs chargés du groupe électrogène…
…c’était mon tour ce soir
pour aller chercher la soupe et faire la vaisselle. Voici notre menu de ce
soir : soupe aux choux et cochon, nouilles, porc, confiture, c’était
correct mais ça manque toujours d’un peu de préparation et de présentation…
(Vendredi 5 – 15h 00)
… j’ai parlé longtemps avec le lieutenant Nicolas ce matin. On a parlé de la
nouvelle organisation qui se met en place (1)… il a fini par me dire qu’il est viré et qu’il est affecté à
l’inspection technique. Naturellement je lui ai demandé de penser à moi si
l’occasion s’en présentait. C’est donc un nouvel officier mécanicien qui va
venir et selon son ancienneté c’est lui ou Bésuquet (2) qui va commander…
…hier j’ai fait une grande
promenade en pleine cambrousse rien que pour me fatiguer. Je suis rentré juste
avant la pluie. Soupe et au lit car il y avait panne de lumière…
…ce matin, j’ai d’abord
écouté tomber la pluie, puis je suis quand même sorti faire un petit tour en
piste…
…le « Cador » est
rentré hier soir et franchement c’est un vrai soulagement pour moi de ne plus
avoir affaire à lui…
(Dimanche 6 -midi) …en ce
moment j’ai pas mal d’occupations et ça me plait car je restais vraiment trop
inactif…
…le temps est très mauvais,
beau dans la journée, mais grosse pluie toutes les nuits…
(Dimanche 6 -15h 30) …avant de faire mon dernier tour de piste, je
continue de bavarder avec toi. Le travail ne finit qu’à 17h 30, il
commence à midi trente, aussi les après-midis paraissent longs…
(Mardi 9 – midi) …je n’ai
pas continué cette lettre car je vivais depuis dimanche après-midi dans
l’allégresse. Bésuquet m’a annoncé que je partais avec le camion mercredi pour
prendre le matériel à l’A.I.A… mais ce matin, contre-ordre, Vidal a été se plaindre
à Bésuquet et c’est lui qui part ! Je me souviendrai du tour que m’a joué
V. ; je ne sais pas ce qui lui a pris, surtout que sa femme est ici…
…cet après-midi est arrivé
notre nouvel officier mécanicien. C’est un capitaine…
…un bruit court, ne l’ébruite
pas, on se rapprocherait d’Alger »
(1) Malheureusement, nous n’avons pas pu
déterminer la nouvelle position de J.B dans le nouvel organigramme. Mais, la
phrase écrite de dimanche 7 novembre semble prouver au moins qu’il en a une…
(2) Nom approximatif, dont c’est la seule
occurrence dans les documents à notre disposition…
Le III/6 n’effectue que 81 sorties pour 120 h. de vol en octobre.
Les vols du mois de novembre vont être consacrés au rodage des
nouveaux moteurs. Dans le même temps les armes sont réglées sur la butte de
tir.
Mais c’est de nouveau l’affolement dans les étages ! Nouveaux
incidents avec les nouveaux moteurs ! Il y aurait du « régule » (*) dans les
canalisations d’huile. Des spécialistes dépêchés en urgence estiment que ce
régule est dû au mauvais nettoyage des canalisations avant le montage des
moteurs neufs ! Ouf !
(*) Le régule est un alliage tendre qui
servait à confectionner des coussinets minces de tête de bielles dans les
moteurs à explosion et qui pouvait fondre sous l'action d'une chaleur excessive
due à une mauvaise lubrification, d'où un « coulage de bielle » et la
destruction d'un moteur
Lettre de Joseph du jeudi 11 novembre : « …le bruit court que
les boches vont tenter un raid d’envergure sur Alger et Oran. J’ai hâte d’être
à demain pour savoir si oui ou non Alger a subi une alerte…
…de notre côté on est
tranquille à part que les patrouilles en alerte sont triplées, ce qui confirme
un peu mes prévisions…
(12.11.43 - 8h 00) …je
pense que ta nuit a pu être aussi calme que la mienne… Hier soir pendant le
dîner on a aperçu loin en mer des lueurs, un feu d’artifice comme à Alger
(référence au débarquement anglo-américain du novembre 1942). Un convoi a dû
être attaqué. Je pensais aux pauvres types qui devaient boire la tasse… »
C’est seulement ce 11 novembre que le GC III/6 peut aligner 8
avions, mais le temps en cette fin d’année est très mauvais et on ne vole pas
beaucoup, et quand on vole c’est dans des conditions difficiles, au ras de
l’eau, dans le crachin : 230 sorties de guerre pour les 2 derniers mois de
1943, et trois accidents :
·
Le cne CANEL, néophyte sur
P-39, brise son appareil le 13 novembre à l’atterrissage,
·
Le cne BOILLOT, endommage le
sien sérieusement le 29 novembre,
·
Le s/c Aloyse KNITTEL, le 1er
décembre, victime d’une panne d’alimentation de son moteur au large, tente de rejoindre
le terrain, se perd dans la brume et s’écrase au nord de Cavaignac, aux
environs de Ténès. Il est tué. Il totalisait 280 heures de vol, dont 53 de
guerre en 35 missions. Ses obsèques ont lieu le 3 décembre à Ténès. Il avait 25
ans.
Lettre de Joseph du
vendredi 13 novembre qui répond à son épouse se plaignant régulièrement de leur
séparation : « …je n’aime pas du tout te savoir en crise de cafard,
Chérie, je t’en prie sois raisonnable, je t’aime mais je ne peux pas limiter le
temps de séparation imposé par les événements… »
(Dimanche 14 – 9h 0O)
…il fait vraiment froid, j’endosse le blouson pour t’écrire… j’aimerai bien
lire plus longtemps le soir, mais on nous coupe la lumière à 21h 00…
(16h00) …le vent de sable
souffle et on est mal à l’aise, sable et froid… les convois succèdent aux
convois. Les nouveaux commandant et capitaine sont corrects, ils n’ont encore
rien fait de spécial. Le nouvel officier mécanicien est en stage à l’A.I.A. Nicolas (l’officier mécanicien sanctionné suite au
rapport Stehlin) est parti sans dire au revoir à quiconque (on peut le comprendre !)… Bésuquet est toujours
très gentil avec moi, mais pour le moment il ne lui est pas possible de
m’envoyer à Alger… Borreye (son
homologue à la 2ème Escadrille qui a été comme lui chef de hangar) a un capitaine qui le
défend (Boillot)
(sous-entendu : pas moi !)…
Ceci est la dernière lettre de Joseph BIBERT retrouvée avant la
suivante datant du 17 octobre 1944 ! Jusqu’à son départ d’A.F.N., en
octobre 1944, seuls son livret militaire et quelques souvenirs familiaux
permettent d’esquisser son parcours.
Cependant, il est encore à Lapasset quand une catastrophe imprévue
se produit le 12 décembre 1943. Les risques d’inondation de la plate-forme
aérienne ont été jugés improbables, mais un merlon de protection avait été
cependant mis en place par le génie américain. Après des pluies ininterrompues,
il cède ce jour-là sous la pression d’un torrent d’eau limoneuse qui envahit la
piste et la zone où les tentes américaines, modèle pyramidale
« 1941 », de la 2ème Escadrille avaient été installées.
|
TENTE PYRAMIDALE US
– MODÉLE 1934/1941 Introduite en 1934 pour le cantonnement du
personnel. La capacité maximale de la tente est de 8 hommes
lorsque le poêle n'est pas utilisé. Pour des raisons de confort et d'assainissement,
l'utilisation de cette tente est limitée à 6 hommes lorsque le nombre de
tentes disponibles le permet ! Lorsque le poêle est utilisé, la capacité maximale
n'est que de 6 hommes. En raison de sa forme particulière, la tente
pyramidale est facilement visible depuis les airs ; pour cette raison, il
faut prendre plus que d'habitude soin de la camoufler correctement. La tente mesure 16 pieds de large, 16 pieds de long
et 11 pieds de haut. La surface au sol est de 256 pieds carrés. Le dessus de la tente, les parois latérales et tous
les renforts sont en coutil vert olive foncé, mat. La hauteur maximale est de 12 pieds 3 pouces, tandis
que la hauteur du mur est de 4 pieds 2 pouces, ce qui donne une moyenne de 8
pieds 1 pouce. Il y a 1 porte de 28 pouces de large et 8 pieds de
haut. La ventilation se fait par le poteau central qui a
une capuche réglable. Le poêle M-1941 peut être installé pour le
chauffage ; le tuyau d’évacuation des gaz est alors placé à travers
l'ouverture centrale de la tente. |
Les engins de terrassements US ne sont plus là et c’est avec les
seules pelles pliantes individuelles du paquetage qu’on entreprend le
déblaiement. Travail harassant, presque terminé le 18 décembre quand le terrain
est de nouveau envahi par la boue. Heureusement les « bulls » et
« scrapers » américains arrivent mais le 23 décembre… nouvelle
inondation !!!
Triste noël à Lapasset pour ceux qui y sont !
Heureux pour Joseph BIBERT, qui, comme certains de ceux dont la
famille réside en Algérie, peut solder ses congés 1943 ! Il est chez lui à
Alger du 21 au 29 décembre.
Le 26 décembre, il est éventuellement possible à Lapasset de faire
décoller des avions, mais ils n’auraient pas la place pour atterrir ! En
conséquence, 14 P-39 sont envoyés provisoirement à Tafaraoui (Oran). À partir
de ce terrain, de nombreuses missions seront effectuées jusqu’au dernier jour
de l’année. Il reste 6 appareils à Lapasset, en panne, ou faute de pilotes
disponibles. Il manque donc 3 avions pour atteindre la dotation théorique qui
est de 23 pour les Groupes de Chasse de l’époque.
Concernant le sort des mécaniciens et autres personnels, on sait
seulement que le Père KORNER a organisé une belle veillée de Noël...
Année absolument détestable pour le GC III/6 !!!
NOUVEAUX PILOTES ARRIVÉS au
GC III/6 au DERNIER TRIMESTRE 1943
23 octobre
Lieutenant
Issu de Polytechnique
et jeune pilote. On n'a jamais su s'il était hypergonflé, inconscient ou
plaisantin
7 novembre
Lieutenant Marcelin LABAS - 2ème Esca. (Le poète) (1913/ ????)
27 novembre
Lieutenant ?? RAYMOND - 1ère Esca.
Lieutenant Antoine DE LA VILLEON (du II/6 rattaché
au I/2 de Meknès depuis 1/01/1943) - 1ère Esca. (Léon) (1919/1989)
Electrique
et chatouilleux il était toujours prêt à la parade et à la contre-attaque.
2 décembre
Lieutenant
Il n'avait
pas le complexe des petits et il avait raison car tout était grand en lui, sauf
la taille.
Il est mort
à son poste de pilote dans un P 47 quelque temps après l'armistice.o15 septe
Sergent ?? SALOTTI (2ème)
Sgt ?? ROLLAND (1ère)
Certains des pilotes cités ci-dessus sont affublés d’un pseudonyme
(en vert) et il faut ici parler de l’ouvrage « Chasseurs mes Frères » de Marc LISSY, livre mythique publié
pour la première fois en 1947 ; très rare de nos jours, il s’arrache à
prix d’or sur Internet. Il raconte en fait les tribulations du Groupe de Chasse
III/6 « Roussillon » (appelé « Le Province » dans
l’ouvrage) en 1944 et 1945, de l'A.F.N. à l'Allemagne, avec beaucoup d'humour
et de poésie, dans un style que l'on ne rencontre nulle part ailleurs ;
pas de description de combats aériens fumants et tournoyants, mais des
anecdotes sur la vie quotidienne du Groupe, des portraits bien ciselés de la
plupart des officiers pilotes, inconnus ou célèbres… en oubliant
malheureusement leurs camarades sous-officiers et plus généralement, tous le
petit-peuple des « rampants », mécaniciens, administratifs et
autres…! . Longtemps ce livre a été acheté par tradition par les pilotes de
chasse français après la remise de leur brevet.... Il a été réédité en 1981
sous forme d’un un gros beau livre de près de 300 pages, richement illustré par
des aquarelles originales en couleurs de Henrik Kuczynski, dont 800 exemplaires,
numérotés de 101 à 900 avec une superbe reliure pleine peau réalisée d'après
l'œuvre originale « L'hymne aux ailes » de Paul Becker et publié sous
le haut patronage de l'Association des Pilotes de Chasse. Cette dernière
édition a été préfacée et postfacée par le général Raymond CLAUSSE qui fut le
Commandant du Groupe de mars 1944 et 1945, en A.F.N, en Corse, en France et en
Allemagne après le débarquement de Provence, sur P-39 au-dessus de l’Italie
puis sur P-47 vers l'Allemagne.
Dans ce livre, chaque personnage n’est appelé que par un pseudonyme
choisi par l’auteur, et l’exercice de faire correspondre chacun d’entre eux
avec un nom faisait partie du plaisir de lire l’ouvrage, jusqu’à ce que le
général CLAUSSE en dresse un tableau de correspondance d’ailleurs incomplet.
Ceux qui ne connaissaient pas le III/6 ont lu le livre sans forcément faire le
rapprochement avec ce Groupe, et sans se poser de question sur son auteur.
En cherchant un peu, nous avons fini par comprendre que Marc LISSY
est en fait le lieutenant Marcelin
LABAS, arrivé au III/6 le 7 novembre 1943, dont un historien de l’aviation
nous a dit : « J'ai regardé le
dossier de LABAS, pour écrire éventuellement sur son évasion vers l’Angleterre
en juin 1940 sur un Potez 63-11 du GAO 589 vers les FAFL, et non sur
« l'autre
(évasion) plus connue » car c’est un sujet polémique trop
brûlant... ». Ce n’est pas non plus le
sujet de cette page, mais on trouvera en annexe quelques informations sur
Marcelin LABAS (qui se fit appeler LABAT un temps), sur son « autre évasion plus connue »
en abordant ce qui a fait que ce personnage soit jugé un peu sulfureux par
certains...
On peut se demander d’ailleurs pourquoi cet officier d’aviation, le
seul ayant déserté les Forces Françaises Libres (pendant la campagne de Syrie en juin 1941) pour rejoindre la
France du Maréchal, a été affecté au Groupe III/6, celui du cne RICHARD, du lt
LE GLOAN et d’autres, l’ayant quitté ou encore présents, qui avaient si peu de
sympathie pour les Britanniques... Cette arrivée a-t-elle été faite dans le cadre
de la grande campagne de « Réconciliation
Nationale » qui avait lieu à ce moment ou plus simplement pour éviter
d’avoir à gérer un problème avec un autre Groupe ? En 1947, le lt LABAS
sera fait chevalier de la Légion d’Honneur...
Pour comprendre l’intérêt de cet ouvrage, on peut-lire une analyse
de ce texte dans le document dont lien ci-dessous :
« Chasseurs
mes frères » – Citations et Observations
par François-Xavier Bibert
Pour 1944, comme en 1943, le calendrier des postes à Alger est
réduit à sa plus simple expression....
Janvier 1944
En Russie, en cette fin de l’année 1943, le front est quasiment
aligné du nord au sud, de Leningrad reconquise à la mer noire. Une violente
offensive en décembre, partant d’Ukraine vers le centre de la Pologne, a permis
aux Armées de Staline d’obtenir une large victoire et de créer le
« saillant de Kiev » sur une profondeur de plus de 300 kilomètres, à
partir duquel elles pourront se préparer pour s’élancer en 1944 vers
l’Allemagne.
En Italie, fin 1943 également, les Alliés ont été arrêtés au sud de
Rome au niveau du Mont Leta. Ce n’est qu’en mai 1944 après les dures batailles
de Garigliano et de Cassino, avec le concours des forces françaises du général
Juin, et le débarquement d’Anzio que la route de Rome s’est enfin ouverte. La
ville est prise le 5 juin.
Le lendemain c’est le puissant débarquement de Normandie.
Mais ce n’est qu’un an plus tard, toutes ces armées convergeant
irrémédiablement de l’est, de l’ouest et du sud vers Allemagne, que Berlin sera
prise par les Russes et que la guerre en Europe se terminera enfin.
En janvier 1944, la Luftwaffe dispose encore de nombreuses bases
opérationnelles autour de la Méditerranée et les convois qui y circulent sont
toujours menacés. En conséquence, les escadrilles de la Chasse Française, qui
ont été reconstituées avec les difficultés que l’on connaît, sont toujours
employées aux indispensables mais ingrates mission de « Coastal
Command ».
Ce n’est qu’après le débarquement de Provence du 15 août 1944 qui
chassera rapidement les Allemands vers le nord qu’elles pourront être déployées
sur le continent pour participer à la bataille finale attendue par les pilotes
avec tant d’impatience. Le GC III/6 « Roussillon » s’installera à
Salon-de-Provence le 2 septembre 1944, mais c’est une autre histoire qui n’est
pas détaillée ici.
On trouvera néanmoins un peu plus bas le texte écrit par un pilote
qui termina la guerre au sein du Groupe pour la publication d’une plaquette
relatant l’historique de l’Escadron 1/11. En effet le GC III/6, dissous le 1e
avril 1946 a été recréé le 2 mai 1950 en vue des opérations en Indochine
auxquelles il participa jusqu’en février 1951, date de son retour en France où
il sera basé à Avord. Le temps des avions à réaction étant venu, le Groupe sera
dissous le 31 juillet 1952 pour former l’ossature du l’Escadron 1/11
« Roussillon créé le 1 août 1952, qui deviendra plus tard la 11ème
Escadre de Chasse.
|
Capitaine
Roger DEMOULIN Ecole de
l’Air Commandant
de la 2ème Escadrille GC III/6
« Roussillon » Mort pour
la France le 21/11/1944 |
Bien que
de très mauvaise qualité cette photo doit figurer sur cette page ! C’est
sans doute la seule que représente la 1ère Escadrille du
« Roussillon » avec son fanion, à l’été 1944, devant le P-39 de son
Commandant, juste avant le départ du Groupe pour la France. |
Pour revenir à janvier 1944 à Lapasset, tout continue comme en
1943. Nouveaux départs, nouvelles organisations…, nouvelles arrivées se
succèdent au III/6 ! ; citons seulement celle du Lieutenant Roger DEMOULIN
à la 2ème, issu de l’École de l’Air, promotion
« Mézergues » comme Jean MENNEGLIER qui était au III/6 en 1940 (voir
plus haut). C’est un brillant et fougueux pilote ; il a obtenu une
victoire homologuée au GC I/6 en 1940. Passé par le GC III/9 et le
GC II/6 (Ouakam au Sénégal), il arrive de la 2ème escadrille du
GC I/4 « Navarre » qui vole aussi sur P‑39 à La
Reghaïa (40 km à l’est d’Alger). Succédant à nombre d’officiers sans grand
relief, ses grandes qualités morales feront de lui un prestigieux chef d’escadrille
au « Roussillon ». Il regonflera enfin le moral de tout le Groupe et,
comme le Commandant Pierre
CASTANIER en 1940, trouvera une mort glorieuse aux commandes de son P-39,
le 21 novembre 1944, à la tête de la 2ème escadrille, lors de
l'attaque du pont de Gaiola en Italie.
L’organigramme du III/6 au 1er janvier 1944 est donné ci-dessous.
Il est intéressant de voir comment l’Armée de l’Air française se transforme peu
à peu en « armée mexicaine ». Pour 36 pilotes et 23 avions,
l’État-major du Groupe comprend maintenant 2 commandants ; 7
capitaines ; 4 lieutenants ; 1 aspirant ; 61 sous-officiers et
107 hommes de troupe… 182personnes ! Il faut y ajouter 43 sous-officiers
et 41 hommes de troupe répartis dans les deux escadrilles, soit un total de 302
personnes. On reste songeur !
|
ÉTAT-MAJOR |
|
1ère ESCADRILLE |
2ème ESCADRILLE |
PILOTES ATTENDUS |
Commandant du Groupe |
Cdt LABIT |
Commandant de l’Escadrille |
Cne MARTIN |
Cne BOILLOT |
|
Commandant en second |
Cne CANEL |
Commandant en second |
Lt BRONDEL |
Lt DELHEMMES |
|
Adjoint technique |
Cne THIBOUT |
Officiers pilotes |
Lt LABUSSIÈRE |
Lt RIVORY |
Lt VERGNOU |
Officier chargé des opérations |
Cne GUILLAUME |
|
Lt RIGAUD |
Lt GATARD |
Lt WELVERT |
Adjoint de l’officier chargé des opérations |
Cne THIERRY |
|
Lt DE PENSUM |
Lt LABAS |
s/lt GANTES |
Officier de renseignements |
Lt MULLER |
|
Lt RAYMOND |
Lt DE LA MOTTE |
|
|
|
|
Lt DE LA VILLEON |
S/lt GOUJON |
|
Détaché à l’Etat-major allié du Commandement de la
défense côtière à Oran (A.D.R) |
Cdt MORLAT |
|
|
|
|
|
|
Sous-officiers pilotes |
Adj HONORAT |
Adj MACIA |
S/c DAMIS |
Médecin |
Cne GARNIER |
|
Adj MONRIBOT |
S/c FARRIOL |
S/c GUIBERT |
Aumônier |
Cne KORNER |
|
Adj PAGES |
S/c GHESQUIÈRE |
S/c SCHEIDER |
Interprète |
Asp GOUTEYRON |
|
S/c MEQUET |
S/c GIOVANANGELI |
|
|
|
|
S/c SOUDE |
S/c MICHAUX |
|
SERVICES |
|
|
S/c COLCOMB |
S/c RAPINAT |
|
Capitaine adjoint |
Cne BEUCHET |
|
S/c SIMON |
S/c ROIG |
|
Chef de la section entretien et réparations |
Lt CAZEAUX |
|
S/c ROLLAND |
Sgt SALOTTI |
|
Chef de la section électricité transmission |
Lt KLEIN |
|
|
|
|
Chef de la section administrative |
S/lt PERONNE |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Sous-officiers |
61 |
|
23 |
20 |
|
Hommes de troupe |
107 |
|
19 |
22 |
|
|
|
|
|
|
|
Total : 302 dont |
182 |
|
57 |
57 |
6 |
Sans doute le Bell P-39 « Airacobra » du cdt Jules
MORLAT
Ancien commandant du GC II/3
Sur le sinistre terrain de Lapasset, ce ne sont toujours que de
monotones et interminables missions de « Coastal Command » pour les
pilotes du « ROUSSILON ». Le moral est en berne, tout est triste et
les distractions sont inexistantes dans ce coin perdu d’Algérie. Mais le 8 février
1944, branle-bas de combat ! Ce sera le fameux « Cheese de Trifouilly » !
Cet épisode épique restera pour tout le III/6 un intermède inoubliable de son
Histoire. Il deviendra iconique et sera raconté souvent dans les « bars de
l’escadrille » de l’Armée de l’Air, surtout à tous les jeunes pilotes en
formation, participant ainsi à créer la « légende » éternelle du
« Roussillon » ! Dans son célèbre livre « Chasseurs mes
Frères » de 1947, dont il fait état plus haut, Marcelin LABAS alias
« Marc LISSY » y consacre un chapitre mémorable, connu de toute
l’Armée de l’Air encore de nos jours ! A lire absolument ! Dans ce
texte nous avons complété le tableau de correspondance entre les nom des
pilotes et leur surnom » X « …
Le
raid du Groupe de Chasse GC III/6 sur CASSAIGNE et LAPASSET du 8 février 1944
1944 en A.F.N. pour Joseph
Bibert
Pour envoyer bientôt des escadrilles françaises vers l’Allemagne,
l’État-major n’oublie pas qu’il lui faut former des interprètes qui maîtrisent
assez bien la langue allemande, pour déchiffrer les messages, traduire des
documentations techniques aéronautiques, éventuellement interroger des
aviateurs prisonniers. Il y a des Alsaciens dans l’Armée de l’Air en A.F.N. et
on fait appel aux volontaires ; l’adj Joseph BIBERT part ainsi » le 2
février 1944 en « stage interprète » à Alger. Il y retrouve son grand
ami Auguste KUNTZEL et deux mois plus tard, à l’issu d’un stage réussi, ils
sont tous les deux incorporés dans le « Corps des Interprètes de l’Armée
de l’Air » (n° 1405/EMGA/DCA du 28/3/44). Joseph BIBERT fait un
aller-retour à Lapasset du 2 au 5 avril 1944 pour régler sa situation
administrative au III/6 et saluer ses anciens camarades, dont les quelques
rares encore présents, avec qui il a tout partagé depuis leur affectation à
Chartres 5 ans auparavant, et il se trouve ensuite basé à l’État-major d’Alger,
en attente d’un départ vers le continent.
Il est inscrit au tableau d’avancement pour le grade
d’adjudant-chef PNN (BO n° 8022/DPN1 du 13/6/44), puis est finalement
affecté à la 1ère Escadre de Chasse (n° 13697/S-DPM3 du
6/9/144). Il quitte l’A.F.N. par avion le 14 octobre 1944 pour rejoindre le 20
du même mois sa nouvelle unité qui se trouve alors à Luxeuil depuis le 27
septembre.
De ce fait, Joseph BIBERT a pu profiter pendant 8 mois à
Fort-de-l’Eau d’une vie familiale « normale » avec son épouse et voir
enfin grandir sa fille. Celles-ci resteront seules à Alger pendant 6 mois
jusqu’au moment où elles pourront être réembarquées avec bien des difficultés
pour la France dans les premiers jours de février 1945 ; séparation très
mal vécue par Julienne, enceinte. Le petit frère de Marie-Thérèse,
La FIN
de la GUERRE DU GC III/6 Nous avons extrait de l’ouvrage en deux tomes de Monsieur Lire pour cela : « GC
III/6 – De janvier 1944 au 1er avril 1946 (dissolution) » L’ouvrage de
Monsieur Le COASTAL COMMAND Le « COASTAL » est un travail fatigant et monotone
de protection de convois qui se révèle bien différent de la
« Chasse » dont bous rêvons. Attente dans les avions, en position d'Alerte, quelle que soit
la chaleur, pour un décollage au-devant de l'ennemi sur avis des postes de
détection, « sweep » dans un ciel désespérément vide de chasseurs
allemands, recherches d’équipages tombés en mer, tel est le lot ingrat mais
essentiel sans doute, des unités du « COASTAL COMMAND » Pourtant cette tâche décevante entre toutes pour un chasseur,
n'est pas sans péril ; nous restons à la merci d'une panne, entraînant
quand tout se passe pour le mieux une baignade de quelques heures en pleine
mer. Obligés de décoller quel que soit le temps, de rester dans la
« crasse » à la recherche d'un convoi, d'évoluer entre nuages et
mer, de rentrer vers un terrain parfois couvert d'ouate, souvent en pleine
nuit, nous subissons sans nous plaindre ce régime exténuant auquel viennent
s'ajouter les vols d'entraînement. Les mécaniciens ont leur large part de peine, car ils doivent
fournir un très gros travail pour que toutes nos missions puissent être
menées à bien. En outre les conditions de vie au sol sont très dures, ainsi
des pluies torrentielles inondent le terrain et le transforment en mare de
boue. Mais ces missions ont préparé le débarquement en Provence de
la 1ère Armée Française, et le 30 août 1944, le Groupe déclaré non
opérationnel, prépare à Bône son embarquement pour la France, emmené par le
commandant CLAUSSE, nouvellement promu à ce grade le 1er juillet
1944. La CAMPAGNE d'ITALIE Le 30 Septembre 1944, le Groupe quitte l'Afrique du Nord pour
rejoindre enfin la terre de France, notre espoir suprême devenant réalité. Et
puis, si on ne délaisse pas complètement le « COASTAL », le
« TACTICAL » va prendre la plus grosse part de l'activité Aérienne,
avec bombardement, « strafing » ... et qui sait, le Messerschmitt
ou le Focke-Wulf tant espéré ? D'abord basés à Salon-de-Provence, nous abandons ce terrain impraticable
l'hiver pour nos P-39 et nous nous installons à Le Vallon, à 15 kilomètres
plus à l'Ouest. De là partent toutes nos missions pour l’Italie du nord-ouest
jusqu’au méridien de Tunis. Elles consistent en bombardement de ponts ou de
casernements et « strafing » de véhicules. Un détachement de 2
avions est mis en place à Nice afin d'intervenir plus loin en cas de besoin. Au cours du mois de janvier 1945, nous échangeons enfin nos
« Airacobra » contre des Républic P-47 « Thunderbolt » et
nous poursuivons nos missions sur l’Italie du 1er février au 16
mars, date à laquelle est ordonné notre déploiement vers l’Allemagne. 1945 – Le Vallon – Campagne d’Italie – Le capitaine Yves RUPIED,
Commandant de la 1ère Escadrille (depuis le 7 janvier 1944,
succédant au cne MARTIN) dans un des nouveaux Republic P-47 « Thunderbolt » de
la 2ème Escadrille – Masque rieur Collection Robert BIANCOTTI via son fils
Mario que nous remercions Notre Groupe, fit du très bon travail en Italie, mais nous
avons malheureusement perdus quelques bons camarades. Plusieurs télégrammes de félicitations du Général TOBIN
prouvent d'ailleurs les excellents résultats de nos missions, et le général
Commandant le MACAF nous a envoyé le message ci-dessous : « Au moment où vous quittez mon Commandement, tous les
Groupes se joignent à moi pour vous envoyer nos meilleurs souhaits pour vos
succès futurs, votre bon travail a été fort admiré et nous regrettons de vous
perdre. La réputation du Groupe III/6 demeurera toujours haut dans les
annales de l'aviation côtière alliée de Méditerranée. » La CAMPAGNE d'ALLEMAGNE Le 28 mars 1945, nous quittons le Vallon, pour bous installer
à Luxeuil au côté de nos camarades de la 3ème Escadre pour
participer à la fin de la campagne d'Allemagne dans le secteur qui nous a été
attribué de l’autre côté du Rhin, entre Karlsruhe et le lac de Constance où
combat la 1ère Armée Française. Le plus clair de nos missions sont de bombardement et le
« strafing » sur les armées de l'ennemi (dépôts, batteries, gares,
voies ferrées, casernements). Le FRONT de l'ATLANTIQUE Du 13 au 20 avril, notre Groupe est envoyé à Bordeaux Mérignac
pour Corde opérer avec la 3ème Escadre dans le secteur de Royan -
Pointe de GRAVE où le Général de LARMINAT a lancé ses troupes à l'assaut des
forces allemandes retranchées dans ce qui a été appelé « la poche de
Royan ». Au vu des objectifs assignés (ouvrages fortifiés et batteries
pouvant travailler en DCA), la mission annoncée nous paraît singulièrement
rébarbative. En fait, à part le 14 et le 16 avril au-dessus de la Rochelle
où un 88 allemand nous prend à partie avec une densité nous rappelant nos
récentes missions sur Stuttgart, nous avons seulement à faire avec des
mitrailleuses légères. Mais les bombardements de la zone, sont intenses et meurtriers
et les fantassins avouent leur étonnement de pouvoir, après notre passage,
prendre sans tirer un coup de feu les points d'appui défendus jusque-là avec
acharnement par les derniers combattants allemands encore sur le sol de
France. En janvier, un bombardement massif de Royan sans doute inutile avait
déjà fait plus de 500 morts civils, en rasant complètement la ville. Nous avons également reçu des messages de félicitations pour
certaines de nos missions : le 15 avril, sur un point d'Appui à l'est de Montalivet
(leader cdt CLAUSSE), le 16 avril, sur une batterie de la rive gauche de la Gironde
avec « strafing » des abris (leader lt GATARD) le 18 avril sur le fossé antichar et les batteries de la Hutte
(à l'ouest du Verdon, leader commandant CLAUSSE) « Action prépondérante et décisive de la 3ème
Escadre et du III/6 au cours de cette journée du 18, en particulier attaque
de11h 30 à 12h sur fossé antichars et attaque sur batteries ouest du
Verdon. Troupes allemandes entièrement démoralisées par notre puissance de
feu. Manoeuvre MEDOC réalisée grâce à vous ». Signé : Commandant ANTZENBERGER. La FIN de la CAMPAGNE
d'ALLEMAGNE - La DISSOLUTION Le 20 avril nous rejoignons notre base de Luxeuil et reprenons
nos missions au profit de la 1ère Armée Française. Nos premières
sorties sont consacrées au bouclage de la Forêt Noire pour interdire le
débouché d'une division allemande qui tente d'échapper à l'encerclement. Puis
ce sont de nombreuses reconnaissances armées au cours desquelles nos patrouilles
passent au peigne fin tous les points sensibles du sud-ouest de l’Allemagne
et, bien qu'assez fortement défendues par la Flack, rares sont les gares qui ont
été épargnées par les bombes d’un P-47 au masque grimaçant ou souriant... Le 8 mai c’est l’armistice et le 8, deux « flight »
de chaque escadrille prennent part au défilé aérien qui a lieu sur Paris et
Strasbourg, à l'occasion de la fête de la victoire. Le 10 mai le commandant CLAUSSE qui commandait notre Groupe
depuis le 8 mars 1944, et qui avait dirigé de nombreux dispositifs du III/6
« ROUSSILLON » au combat est remplacé par
le commandant NODET. Le 1er octobre, notre Groupe fait mouvement, avec
la 3ème Escadre vers Trèves où nous menons, jusqu'au 1er
avril 1946, une vie de garnison sans intérêt opérationnel. Nos avions arrivés à bout de souffle ne sont pas remplacés,
l'activité aérienne est très réduite. Le 21 mars, nous sommes informés officiellement que l'unité
sera dissoute à la date du 1er avril 1946. 1945 – En Allemagne – Avec les énormes Republic P-47
« Thunderbolt » - La guerre est terminée pour le GC III/6 ! A droite, Raymond GABARD qui
avait été démobilisé en 1941 – Il a participé activement à la résistance en
France avant de reprendre du service dans l’aviation fin 1944 Arrivant du C.I.C. de Meknès où il a été formé sur P-47, il se
pose à Strasbourg le 12 mai 1945 pour y apprendre que l’armistice est
signé ! Il a le plaisir de retrouver son fidèle mécanicien
« Bertrand », qui, depuis Chartres en août 1939, a fait toute la
guerre au III/6 comme quelques autres... |
I. de
CHARTRES à BOUILLANCY
II. de
WEZ-THUISY au LUC en PROVENCE
COMPLÉMENT
L’ADJUDANT JOSEPH BIBERT
INTERPRÈTE à la PREMIÉRE ESCADRE de CHASSE
VERS L’ALLEMAGNE
du 14 octobre 1944 à mi-février 1945
Nota : ce cours chapitre
n’est pas destiné à raconter « l’Histoire » de la 1ère
Escadre de Chasse, aucune recherche a été faite au SHAA (Service Historique de
l’Armée de l’Air). Joseph BIBERT n’a pas écrit ses mémoires et il s’est peu
raconté par la suite Mais les lettres qu’il a écrites régulièrement à son
épouse restée à Alger pendant cette période, heureusement récupérées avant que
celle-ci, au soir de sa vie, en brûle des dizaines d’autres, sont un modeste
témoignage qui comme bien d’autres fait partie de ces patrimoines familiaux que
les historiens sont un jour heureux de retrouver pour reconstituer ce que fut
la vie et certaines aventures d’un modeste sous-officier au sein de cette
Escadre pendant l’hiver 1944/1945. Seules quelques phrases de chaque lettre,
souvent longues, personnelles et enflammées... sont reproduites ici. Une fois
de plus, les « petites histoires » font la « Grande
Histoire ! »... Aucune photographie n’existe malheureusement pour
illustrer les quelques lignes qui suivent.
Ayant donc perfectionné sa pratique de la langue allemande par un
stage de 2 mois en février et mars 1944, Joseph BIBERT a quitté officiellement
le Groupe III/6 le 28 mars 1944 pour être incorporé dans le « Corps des Interprètes de l’Armée de
l’Air » et se trouver placé en « stand-by » à État-major
d’Alger pendant 4 mois, employé à des tâches administratives pour traduire des
documents techniques d’aviation. En septembre 1944 il est affecté de nouveau
dans une unité combattante ; la 1ère Escadre de Chasse. Il
quitte alors l’Algérie, sa femme enceinte, sa fille, pour rejoindre sa nouvelle
unité par avion le 14 octobre 1944 (d’après son
livret militaire) ; ce trajet ne figurant
pas sur son « carnet de vol »,
il n’a pas été possible d’en connaître les conditions exactes, mais dans une
lettre du 4 novembre il dit avoir volé sur un avion américain et donne des
détails qui laissent à penser que c’était un Douglas DC-3 « Dakota ».
Douglas DC-3 « Dakota »
La 1ère Escadre de chasse qui a été créée officiellement
le 3 octobre 1943 comprend en octobre 1944 :
·
L’Escadron N° 326
formé le 1er décembre 1943 en Corse par la renumérotation du
GC II/7 « Nice » arrivé à Ajaccio entre le 17 et le 27
septembre 1943 en provenance de Bône-Les-Salines, puis basé à Calvi le
23/08/44 ; commandant HOARAU de la SOURCE,
·
L’Escadron N° 327
formé le 1er décembre 1943 en Corse par la renumérotation du
GC I/3 « Corse » arrivé à Ajaccio entre le 17 et le 27 septembre
1943 en provenance de Bône-Les-Salines, puis basé successivement à Bastia-Borgo
le 21/04/1944 et Calvi le 23/08/44 ; capitaine DUVAL puis capitaine
VILLACÈQUE le 19/11/1944,
·
L’Escadron N° 328
formé le 1er décembre 1943 à Djidjelli-Taher (250 km à l’est
d’Alger) par la renumérotation du GC I/7 « Provence » ; il
a regagné Ajaccio le 21/07/1944, puis Calvi le 23/08/1944 ; capitaine
MADON,
Les groupes et les escadrilles de la 1ère Escadre de
Chasse en 1944/1945
L'Escadre, qui a couvert le débarquement allié dans le sud de la
France en août 1944, s’est installée sur son sol le 3 septembre, d’abord à Le
Vallon (Entre Istres et Salon de Provence, où
d’ailleurs, comme dit plus haut, le III/6 « Roussillon » stationnera
un peu plus tard), puis à Dijon le 21
septembre. Poursuivant les troupes allemandes en retraite, elle s’est installée
le 27 septembre à Luxeuil en Alsace-Lorraine, en première ligne, pour soutenir
la Première Armée française qui avance vers l’Allemagne. Elle dispose
théoriquement de 60 Spitfire (3 x 20).
Avant de quitter Alger Joseph et Julienne BIBERT ont convenu de
numéroter leurs lettres et d’un code (*) pour citer les
villes où passerait la 1ère°Escadre, pour contourner la censure
militaire. Au-delà de ce code, Joseph a utilisé également des sortes de rébus
plus ou moins évidents. Ci-dessous, ce qui a pu être déchiffré :
·
M :
pour MARSEILLE ·
chez la grand-mère de Christiane (?) : sans doute DIJON par déduction ·
vers Lulu :
LUXEUIL ·
pays de Charles :
Charles BIBERT, un oncle qui vit à STRASBOURG ·
la « vallée
de Marie » : traduction de MARIENTHAL, bourgade située au sud d’Haguenau ·
Pays de Youky
(leur chien) : pour tante Yvo,
une tante religieuse institutrice à RANSPACH (68) |
(*) Plus de
détails sur le code utilisé
MARSEILLE
Lettre n°1 écrite dès son arrivée le
samedi 14 octobre et confiée à une personne retournant en Algérie, non
retrouvée.
Lettre n°2 du mardi 17 octobre,
6h 00 : Joseph est à Marseille en compagnie de l’a/c Auguste KUNTZEL,
son grand ami alsacien comme lui, ancien pilote de chasse, avec qui il a fait
son stage d’interprète en février et mars 1944. Il a rencontré le lieutenant
GOUJON. Il attend un vol pour Luxeuil, via Dijon par avion.
« ...ici tout va bien,
chaque Français semble avoir un sourire spécial pour toi. Bientôt, très
bientôt, je pense que tu vivras ce retour et tout t’étonnera. Ici on respire,
on revit… »
Lettre n°3 du mercredi 18
octobre : toujours en attente de son départ…
Lettre n°4 du jeudi 19 octobre :
«…les jours s’écoulent de
la manière suivante ; réveil à 6h 00, on prend le train car on est
logé loin du centre, petit déjeuner au mess puis départ en camion pour le
terrain (Marignane), il y a environ 25 km et là on attend pour s’entendre dire
dans l’après-midi… revenez demain… rentrés au centre-ville on s’installe à une
terrasse de café, je fais une vraie cure de bière, il y en a à volonté… Tu ne
peux t’imaginer le monde qu’il y a ici ; les trottoirs sont denses et il
faut avancer à l’aide des coudes. Les femmes sont très élégantes en général. Je
ne sais si tu as vu la nouvelle coiffure à la mode ; une espèce de touffe
ou plutôt chignon tout à l’avant de la tête mais qui atteint des proportions si
grandes que cela devient affreux… »
« …j’ai acheté deux
romans très biens, « Les Dieux du Rhin » et
« Les Conquistadors » (2 x 54 fr)… »
La famille est conservatrice ; ces deux livres sont toujours
en bibliothèque !
DIJON°
Lettre n°5 du vendredi 20
octobre :
Code
du lieu :
8.4.10.22.21 (Dijon)
« …on a quitté M. (Marseille) hier après-midi et à
6h 00 on se posait… En principe on part demain vers Lulu
(Luxeuil)… comme des gamins on reste devant les vitrines ; fromages à
volonté, charcuterie et boucherie avec points (ticket de rationnement) mais ça
fait plaisir de voir des chapelets de cervelas… »
Pilotes
Français sur l’Alsace – CORSE (I/3), PROVENCE (I/7) et NICE (II/7)
Extraits de l’ouvrage de Daniel DECOT – Septembre et Octobre 1944)
LUXEUIL
Lettre n°6 du lundi 23 octobre :
« … me voilà
installé... on est dans un hôtel réquisitionné… je suis arrivé samedi soir à la
nuit… réception très sympathique… 15 sous-offs à la popote, on mange très, très
bien, et ça me révolte un peu que tu ne puisses pas profiter avec Kiki des ressources
de notre terre de France… »
« …j’ai retrouvé dans
les Groupes cantonnés aux environs quelques bons copains de Châteauroux et de
Chartres, dont
« …hier matin, j’ai
été présenté au Commandant : je suis affecté à la salle de renseignements…
je partage la chambre avec un a/c… ce matin j’ai installé mes affaires, la
chambre est assez grande. J’ai pour moi un lit de camp, il y a une armoire à
glace, une table, l’eau courante, l’électricité, donc tout le confort. J’ai
pris un bain ce matin à la station thermale… »
24/10/44 – Soir.
« …aujourd’hui première
journée de travail. Naturellement je fais secrétaire dans le P.C. Je suis bien.
C’est un souterrain bien chauffé… J’ai regardé la carte du front, je suis à 80
km de chez Maman !!!... »
Nota :
Sa mère, Elisabeth BIBERT (71 ans), veuve de guerre, sa sœur Elisa (34 ans),
serveuse à l’Hôtel « Moschenross » et sa nièce Marie-Jeanne (6 ans)
habitent alors à Thann (68), à la limite de la plaine d’Alsace et du massif des
Vosges, entre Belfort et Mulhouse. Elles vivent très chichement dans un très
modeste appartement.
Lettre n°7 du vendredi 27
octobre :
Comme dit plus haut, la collection de photographies familiale n’en
comporte aucune jusqu’en avril 1945, en voici l’explication :
« …j’ai donné la
pellicule à développer, mais il n’y a absolument pas de pellicules neuves. Il
n’y a absolument rien de prévu pour le rapatriement des femmes ici. Mais ceci
n’est rien, il n’y avait rien non plus pour ton arrivée en 1940 !…
Octobre / Novembre 1944 – Julienne BIBERT, enceinte, seule à Alger
avec sa petite fille : photographies de l’album n°7 de Joseph BIBERT
Avec Jeanne PERAZZI et les sœurs de lait de Marie-Thérèse ;
Jeanine et Monique – Raymonde Kuntzel
Cliquez sur le bandeau des
miniatures ci-dessus pour ouvrir la page contenant ces photos
Lettre n°8 du dimanche 29
octobre :
« …le temps commence à
me sembler long, surtout que j’ai un travail pas fixe guère attrayant. Enfin je
suis dans une salle chauffée et j’ai de nombreuses revues à ma disposition. Je
vais demander à ta mère qu’elle m’envoie la « Méthode Assimil »
d’anglais » si elle existe encore, cela m’occupera un peu… »
22h 00 :
« …dans la chambre, maintenant il ne fait pas chaud, aussi j’ai mon cuir
pour t’écrire. On entend le canon qui tonne, ceci c’est tous les soirs et ça
fait penser à la réalité… mais bientôt ce sera la fin et on se retrouvera aussi
jeunes et aimants… »
Lettre n°9 du mardi 31 octobre :
« …j’ai reçu hier ta
première lettre, c’est la n°3… »
1/11/44 – Soir (jour de la Toussaint)
« …j’étais ce matin à
la messe dans la petite cathédrale de Luxeuil (en toutes lettres !!!). La messe fut célébrée en grande pompe. Il a fait très froid ce
matin (-4°). A midi j’ai trouvé ta lettre n°2… »
« …ici la vie
continue, calme… je ne fais rien de spécial… j’ai toujours peu de travail, je
flâne en piste et discute avec d’anciens camarades… »
« …j’ai touché la
solde cet après-midi. 1640. Tous les mois on me retient 294 fr d’impôts, à tous
les autres aussi d’ailleurs… »
Lettre n°10 du samedi 4 novembre :
« …j’ai reçu ta lettre
n°1 et aujourd’hui la n°5. Elle est timbrée d’Alger du 30 ; elle a donc
mis 5 jours… »
« … si tu dois être
rapatriée par avion, ce serait certainement les avions américains, comme dans
un de ceux que j’ai emprunté pour partir… installe toi sur la banquette à
gauche en entrant, et tout de suite après la porte c.à.d. à l’arrière. De cette
façon tu pourras voir quelque chose car à l’avant la vue est gênée par les
plans (ailes). On te fera mettre un
gilet de sauvetage en cas d’atterrissage ou plutôt d’amerrissage sur la mer,
puis au décollage et à l’atterrissage il faudra t’attacher avec la ceinture… il
faut penser au grand nombre d’avions qui sont utilisés pour le transport des
blessés, il n’en restera pas beaucoup pour le rapatriement des femmes de
sous-off !... »
Tous les échanges de courriers de cette période sont centrés sur le
problème du rapatriement. Que faire des maigres affaires personnelles que la
famille possède à Alger ? Vêtements, bicyclettes, poste de radio, un peu
d’outillage, la voiture à pédale de l’enfant… et Youki le chien de plus !
Doit-on vendre, doit-on stocker dans l’espoir de récupérer un jour une malle ou
deux ? Julienne doit-elle tout faire pour partir avant son
accouchement ? Par avion, sans bagages, ou par bateau ? Qui peut
l’aider pour les démarches à faire ? On comprend facilement que Joseph
s’inquiète des périodes de grand découragement de Julienne que Joseph ressent à
travers ses lettres.
Dimanche 5 novembre :
« …le temps est à la
pluie… on a bu deux bouteilles de champagne, du vrai, tu vois les boches n’ont
pas tout pris… »
Lettre n°11 du mardi 7 novembre :
« …j’ai ces derniers
jours un peu d’occupation avec un nouveau travail, mais rien de spécial. Enfin,
on a eu besoin de moi et on se sent moins inutile… »
Lettre n°12 du dimanche 12
novembre :
« …j’ouvre fenêtres et
volets, et je vois nature et obstacles couverts d’un léger tapis blanc, plus
loin, les cimes blanches des Vosges attirent avec mélancolie mon regard. Je le
connais tellement ce paysage, je l’ai tant souhaité revoir avec toi, mais
l’autre versant, le nôtre, je n’y ai pas encore droit… »
« …hier (anniversaire
de l’armistice 1918), il y avait grand tralala, pose d’une plaque commémorative,
musique etc… le déjeuner naturellement était amélioré… »
Lundi matin : « …
la neige continue de tomber… j’ai froid au pied… il faudrait que je trouve une
paire de souliers comme j’en avais pour aller à la montagne…»
Lettre n°13 du lundi 13 novembre :
RAS
Lettre n°14, du mercredi 15
novembre : RAS
Lettre du jeudi 16 novembre à sa
belle-mère à Chartres :
« ...Ici neige et
pluie alternent, cela ne contribue pas très bien aux opérations et pourtant en
ce moment çà a l’air de vouloir avancer. J’ai fait un petit tour hier et j’ai
goûté un peu à ce qu’est un duel d’artillerie, à moins de 30 km de chez ma
mère… écrivez le plus souvent possible à Julienne, parlez-lui de la France, de
la cathédrale de Chartres, du temps… »
Lettre n°15 du vendredi 17
novembre :
Rien ne va plus à Alger, où Julienne est en pleine dépression, en
plein doute, en pleine crise de jalousie aussi, imaginant Joseph mener la
« grande vie » ! :
« …je t’aime toujours
autant, mais laisse-moi te dire que tu n’es plus la jeune fille que j’ai
connue, je ne parle évidemment pas du physique ! Ne te vexe surtout pas,
mais tâche de retrouver cet aplomb, cet allant qui t’étaient si caractéristiques ;
tu étais résolue et décidée et maintenant tu me parais une petite fille perdue
dans la foule… »
Lettre n°15 (erreur) du mardi 21 novembre :
« … tu dois être au
courant par la radio si le poste remarche de la bonne avance de nos vaillants
soldats. Ce soir peut-être Maman aura vu les derniers boches. Certainement dans
peu je serai près d’elle… »
Lettre n°16 du jeudi 23 novembre :
Par hasard, Joseph a rencontré Paul CHÉDEVILLE, un cousin de
Julienne, née à Philippeville en 1920, qui est armurier à la compagnie de
dépannage de la 1ère Escadre !
« …ce soir on annonce
une avance vers Strasbourg. Il y a encore de la résistance, mais je crois que
d’ici 15 jours il ne restera pas beaucoup de boches de ce côté-ci du Rhin, et
peut-être même y aura-t-il des Français de l’autre côté ! Chez Maman, ce
n’est pas encore libéré et j’ai un peu peur qu’il y ait de la résistance dans
ce coin… »
Effectivement, Strasbourg est libérée le 23 novembre 1944 par le
Général LECLERC à la tête de la 2ème Division Blindée, conformément
au serment qu’il avait fait à Koufra le 2 mars 1941 : « Jurez de ne déposer les armes que lorsque nos couleurs, nos belles
couleurs, flotteront sur la cathédrale de Strasbourg. »
« ...J’ai joué toute
la journée au pompier. Notre P.C. est inondé par 12 cm d’eau, enfin mes bottes
ont servi à quelque chose. Les pompiers du village nous ont prêté une
motopompe, mais plus elle pompe, plus il y a d’eau… »
« ...En Alsace ça
marche, hier Strasbourg, bientôt se sera Marck. (Marckolsheim,
son village natal) etc… Les boches seront de l’autre côté… »
Lettre non numérotée du mardi 28
novembre :
« ...Hier j’ai eu une
agréable surprise, je fus appelé près du commandant qui sans discussion me
dit : « « vous partez demain à Paris avec le cne X en voiture et
vous pourrez vous rendre à Chartres… » ...le voyage a été retardé de 24 h.
et en principe je pars cette nuit dans une superbe voiture américaine… je
crois qu’il y a un train par jour de Paris à Chartres ; il part à 9 h
avec transbordement au viaduc de Nanterre qui a sauté… je verrai donc ta maman
et ton frère Georges… »
« ...En Alsace la
situation semble stationnaire, chez Maman ce n’est pas encore libéré et ceci
est grave car les boches à l’agonie doivent les faire souffrir… »
Joseph BIBERT, juste cinq ans après avoir quitté Chartres (mariage de 5 octobre 1939 au cours d’une
permission de 24 heures), peut donc le 30 novembre passer en coup de vent à
Rambouillet chez son beau-frère, Georges CHÉDEVILLE, commerçant, actif dans la
Résistance, qui tente alors avec ses « relations » de trouver une
solution au rapatriement de sa sœur et de sa nièce. Un émouvant courrier a été
préparé le 30 novembre à Rambouillet pour Julienne (appelée « Ju » par son frère Georges qui signe
« Géo » et sa belle-sœur « Lucienne » ou encore
« Néne » ou « Nénénne » par ses nièces Bernadette (1935) et
Elisabeth (1937)) ». Julienne, seule à Alger avec sa fille
« Kiki », moral en berne, s’y morfond en attendant un hypothétique
rapatriement en métropole... Joseph signe toujours du diminutif de son second
prénom « Dolph », qui est le prénom usuel en Alsace. Le 1er
décembre, il est à Chartres chez sa belle-mère et sa belle-sœur.
Elisabeth la cadette (6 ½ ans) à droite et
Bernadette CHÉDEVILLE (8 ½ ans), à gauche juste avant la libération de
RAMBOUILLET le 19 août 1944
Émouvant courrier du 30 novembre 1944 écrit
lors des retrouvailles entre Joseph BIBERT et sa belle-famille, après 5 ans de
séparation et d’angoisse, pour Julienne et sa fille toujours à Alger
Lettre non numérotée du dimanche 3
décembre :
Dans cette lettre de 4 pages, écrite avec beaucoup de soin à
19h 00, une heure après son retour à Luxeuil, Joseph BIBERT raconte en
détail son voyage à Paris et son escapade à Rambouillet et à Chartres :
Départ de Luxeuil le mercredi 29 novembre à 3 h du matin mais
arrivée à Paris seulement à 16 h ; la belle auto américaine étant
tombée en panne aux environs de Troyes… Vers Rambouillet par un train qui part
à 19h 00, qui roule au pas et arrive à 21h 30 ! Pas de gare,
elle a été « volatilisée » ! Il passe une longue soirée avec son beau-frère Georges, son épouse
Lucienne et leurs deux filles, Bernadette (9 ans) et Elisabeth (7ans). On parle
de tout dans le désordre, mais en fait on ne se dit rien…
Journée du jeudi 30, à Rambouillet, quelques visites de proches, on
parle d’avenir, Georges en « chef de famille » : « Il ne veut pas que
tu t’installes chez maman, il a à notre disposition un superbe logement de 6
pièces à Rambouillet, vide naturellement… ». Joseph pense à cette époque qu’il sera réaffecté à la BA.122 de
Chartres et il fait tout pour éviter sans doute une trop grande proximité avec
sa belle-famille ; s’installer à Rambouillet à ¾ d’heure de train est donc
un bon choix, mais reste à convaincre son épouse et à affronter sa belle-mère
pour lui faire accepter cette idée !
Georges, Lucienne et Joseph partent en train pour Chartres le
vendredi 1er décembre à 7 h : « …il fait jour cette
fois, je vois et constate les dégâts le long de la voie, c’est inimaginable,
surtout Épernon et Maintenon ; on passe sur un viaduc de fortune en
service depuis deux jours. C’est très impressionnant ce passage de viaduc et on
voit des visages qui se crispent… Arrivée à Chartres à 10h 00 … en
remontant vers la poste on tombe par hasard sur Lulu
(la ½ sœur de Julienne – 22 ans), c’est assez émouvant surtout pour elle… Chartres et
Saint-Chéron ont beaucoup souffert, mais au 65 rien de changé, toujours la même
entrée, il fait beau et le soleil éclaire le bungalow. Ta mère m’aperçoit par
la fenêtre et c’est la grande crise. Elle me reçoit ou plutôt je la reçois
littéralement dans mes bras, elle m’embrasse mille fois et pleure… je ne sais
que dire, elle non plus… »
Puis sur la dernière page, avec patience, argumentation bien
construite et beaucoup d’affect, Joseph essaye de démontrer à son épouse
pourquoi leur couple et leurs enfants auraient tout à gagner à s’éloigner un
peu de la rue Saint–Chéron !
Il n’en dit pas plus dans cette lettre sur son retour à Paris pour
y retrouver ses compagnons de voyage, puis à Luxeuil avec la
« belle » américaine un peu défaillante…
Lettre n°20 du lundi 4 décembre :
Lettre très sévère, qui reprend l’argumentaire de la
précédente ! « …mais ma décision est prise, tu ne t’installeras pas chez
ta mère… Elle veut mettre ton lit dans la salle à manger à la place du
buffet ! Tu vois la situation pendant mes perms ! »
D’autre part Joseph s’aperçoit que toutes leurs affaires
personnelles ont été dispersées, prêtés ? ou vendues. Il y a de l’eau dans
le gaz et on peut penser que cette lettre n’a dû être que très modérément
appréciée à Alger ! « ...mais je crois agir sagement. Explique-toi franchement
en me donnant ton avis… »
Mais cet avis, on ne le connait pas, les lettres ayant été
détruites… On comprend peut-être pourquoi !
Dans cette même lettre, par contre, il conclut en racontant son
retour à Luxeuil : revenu à Paris en train le vendredi soir, il a pu
passer la nuit chez sa tante maternelle Anna (48 ans) qui fait des ménages et
habite un modeste appartement à Levallois-Perret. Elle a eu en 1919 une fille
naturelle, Jeannette, qui vit en Alsace. Anna s’est mariée en 1940 avec Paul
JOURAVLEFF, un « Russe blanc » qui est toujours au chômage… Esprit de
famille oblige, elle est prête à accueillir Joseph et Julienne en cas de problème
pour eux… Le samedi, il passe au Ministère de l’Air (Ballard) et aux Invalides
pour tenter de trouver une solution pour le rapatriement de son épouse :
on attend une circulaire dans 10 jours ! Le lendemain matin, dimanche 3
décembre, à Paris, la voiture est au rendez-vous pour rentrer à Luxeuil…
Lettre n°21 du mardi 5 décembre :
« ...Je suis sans
nouvelle des opérations et je ne sais pas si Thann a été libérée. Par contre on
sait que les boches emmènent les hommes de 10 à 50 ans, le bétail et mettent le
feu un peu partout. Que vais-je retrouver en Alsace ?... »
Lettre n°22 du jeudi 7 décembre :
« ...Thann n’est
toujours pas libérée, les Allemands pourtant se sont retirés de cette région et
je crois pouvoir affirmer que la libération sera pour demain… je crois que
d’ici peu de temps je serai à une quinzaine de km d’oncle Charles (Strasbourg) (annonce
du déplacement de la 1ère Escadre sur Haguenau-Bischwiller)... »
Lette n°23 du vendredi 8
décembre :
Grande nostalgie en pensant aux Noëls d’autre fois en Alsace et aux
trois passés à Alger et inquiétude pour sa mère, sa sœur et sa nièce à Thann,
sur la ligne de front...
« ...il faudrait que
tu installes la crèche pour Kiki si la mère Godefroy (la femme d’un mécanicien du III/6) ne l’a pas réclamée. I me
semble que c’était hier que je l’ai rangée...
...il doit y avoir bien de
la souffrance en Alsace ! Les boches emmènent tout sur leur chemin et les
gens là-bas ont faim ! Oh que j’ai hâte de savoir enfin comment et où je
vais trouver ma chère Maman ?...
...j’ai oublié de te dire
que dimanche dernier au ministère j’ai vu (illisible) qui me dit que Emery est
rentré d’Angleterre (un camarade mécanicien souvent cité
ici) et
tiens-toi bien : Gonzales est sous-lieutenant (sous Vichy !!!)
... »
Lettre n°24 du samedi 9 décembre :
« ...il fait très
froid aujourd’hui, mais je souhaite que ce temps continue car vraiment il y en
a assez de la pluie et jamais le ciel est bleu... pour ça évidemment ça change
de l’Algérie, mais on s’y fait quand même...
...je n’ai naturellement
pas de lettre de toi, c’est un peu la faute aux autorités – ils ne savent
jamais où chercher le courrier ! On parle bien de la jeune Armée...
mais il y a encore tellement de vieux...avec toutes leurs traditions... »
Deux phrases (soulignées) précieuses dans ces deux lettes qui expliquent bien que petit à
petit les anciens cadres de l’Armée Française (dont ceux de l’Aviation) ont
repris le dessus petit à petit après la libération de la France ; la
« réconciliation nationale » se s’est pas vraiment faite, comme on le
croit souvent de nos jours, au bénéfice de ceux qui avait pris leur
responsabilité avec courage et détermination dès qu’il avait compris la
situation et suivi la voie dictée par leur sens de l’honneur... Dans les années
d’après-guerre Joseph, et surtout son épouse, furent souvent amers en
constatant que ceux qui avait végété en France dans ce qui restait de l’Armée
de l’Air, ou même ceux mis en congé d’armistice prolongé, avaient occupé
rapidement les meilleurs postes en ayant même parfois su endosser
astucieusement une veste d’officier au bon moment... Certains étaient leurs
meilleurs camarades de Chartres, et, dans des réunions « amicales »
d’Anciens, des a/c en retraite ont dû côtoyer des lt/colonels en retraite...
avec lesquels ils avaient sué et sali leurs mains et leur bleu de travail dans
des moteurs de Nieuport 62 ou de Dewoitine 500 avant la guerre, mais
heureusement l’amitié avait fini pour certains par reprendre le dessus. Quand
ils étaient encore d’active, les relations ont pu être moins chaleureuses...
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Divers
Supermarine « Spitfire » équipant la première Escadre de chasse de
1943 à 1945 Mark Vlll
- GC 1/3 « Corse » - Capitaine Mark IX - GC I/7 « Provence » -
Luxeuil – 1944 et Mark V - 2ème Escadrille du GC II/7
« Nice » - 1943/1944 |
Lettre n°25 du lundi 11 décembre :
« ...ce soir à table un
camarade voulait vendre sa montre, j’ai sauté sur l’occasion ; 500 fr. Il
l’avait payé 700. Elle n’est pas très luxueuse mais je pense qu’elle continuera
à marcher... » (Il sera obligé de la revendre un peu plus tard, sa bourse
étant vide...).
...Le courrier est arrivé,
un gros paquet de lettres : 1 lettre de tante Thérèse et 3 de toi, les
n°17, 18 et 19. Que de bonnes nouvelles. Peut-être que cette lettre ne te
trouvera plus en Algérie. C’est formidable... »
Sans doute un espoir de départ pour Julienne qui a dû être
horriblement déçue dans les jours suivants puisqu’elle passera encore deux mois
à Alger...
Lettre non numérotée du mardi 12
décembre :
« ... je n’ai aucune
confirmation pour l’avancement. Le tableau des nominations n’est pas sorti.
Donc il faut te modérer... »
Preuve que les quelques francs supplémentaires de la solde d’un
adjudant-chef sont attendus avec impatience !
Lettre n°21 (erreur) du mercredi 13
décembre :
« ...je suis comme toi
en plein préparatifs. Toi, c’est un grand départ, moi c’est une expédition que
je tente pour aller voir Maman. J’ai réussi en vitesse à trouver :
25 kg de pomme de terre, 5 kg de viande, de la graisse, des boîtes de conserve,
allumettes, un peu de savon, du pain etc...
...il y a changement de
grands patrons chez nous. Je ne connais aucun des nouveaux... » (Le
commandant PAPIN remplace le commandant ALEXANDRE à la tête de la 1ère
Escadre)
Joseph est parti avec cette lettre inachevée, d’un seul feuillet,
sur laquelle il griffonne le lendemain en bas de la seconde page : Jeudi 14-12 : Il est 10h 00. Je suis dans le pays à
Youky (Ranspach). D’ici une heure je vais continuer jusqu’à vers Maman... »
L’expédition dont Joseph parle est un aller-retour tout à fait
illégal fait en pleine zone de guerre de Luxeuil à Thann (où réside sa mère),
via le col de Bussang et Ranspach (ou réside une de ses tantes religieuse).
Elle aurait pu lui valoir une très grosse sanction disciplinaire, voire plus,
si elle avait été connue de ses chefs ; elle est racontée dans une page
spécifique rédigée grâce aux deux témoignages assez exceptionnels de sa sœur
Elisa et de Joseph lui-même qui ont pu être recueillis en 1990.
Expédition
de Joseph BIBERT à Thann du 14 décembre 1944
Jeudi
14.12.44 22h 00 Chérie
– j’ai donc vu et embrassé (après bien des péripéties) Ma maman Elisa Marie Jeanne et une cousine, fille de
tante Anna, Jeannette Toutes en bonne santé – Mais
naturellement un, peu fatiguées. Détails
nombreux suivent. Mais
je t’aime et je t’embrasse, et tendrement de la part de maman. |
|
Maintenant
qu’elle m’a vu je crois qu’elle va reprendre bien vite. Aie
confiance, bientôt on sera réunis. A toi
chérie que j’aime je présente encore toute la tendresse immense pour toi et
pour Kiki de ma maman. A
toi. Dolph |
A la fin de cette journée mémorable, il complète cette lettre et
écrit sur une demi feuille de mauvais papier qu’il a trouvé chez sa mère, les
quelques mots particulièrement émouvants transcrits ci-dessus.
De retour à Luxeuil, joseph expédie ce courrier, mais sans nouvelle
d’Alger il écrit le 23 décembre à sa belle-mère à Chartres, croyant toujours
depuis le 11 décembre que son épouse a pu s’embarquer :
« ...Toujours sans
nouvelle de Ju. Pouvez-vous me rassurer. Je suis retourné à Thann le 19. C’est toujours
la vie traquée là-bas. Je compte néanmoins retourner demain pour passer Noël.
« Noël d’Alsace » dans une cave !
Encore tous mes bons
vœux »
Il faut donc croire qu’il a pu trouver un arrangement avec sa
hiérarchie directe, ou que son absence à Luxeuil passe inaperçue..., pour avoir
ainsi pu faire un second aller-retour Luxeuil-Thann le 19 décembre et en
envisager un troisième pour Noël...
Mais ce même 23 décembre, il reçoit finalement un paquet de trois
lettres de Julienne dont la plus récente lui apprend qu’elle n’a pas pu
s’embarquer le 15 comme prévu. Il lui répond immédiatement et c’est dans cette
lettre du 23 décembre qu’il écrit :
« Te rappelles-tu
chérie cette photo où nous sommes 7 jeunes filles et garçons et sur une ardoise
« EN ALSACE LIBÉRÉE ». Garde là précieusement ! »
Début 1919 – Sur l’ardoise : « En Alsace libérée »
- Les 7 cousins « BIBERT »
Allemande jusqu’en 1914, libérée le 11 novembre 1918, date à
laquelle cette photographie a été faite, devenue française après le traité de
paix de 1919, redevenue allemande en 1940 par l’annexion de l’Alsace-Lorraine
au « Reich » hitlérien, la famille de Joseph sait que, même si les
bombes et la mitraille tombent encore en cette fin d’année 1944 sur Thann, leur
seconde libération en 30 ans est sur le point d’être acquise ! Mais les
combats en haute Alsace pour reprendre la poche de Colmar et chasser définitivement
les Allemands de l’autre côté du Rhin vont encore être longs et
sanglants ; Marckolsheim, le village familial, déjà martyrisé en 1940, va
de nouveau être bombardé, mais cette fois par l’aviation américaine en tuant 15
civils le 23 janvier 1945 ; Thann située à l’entrée d’une vallée étroite
reste encore sous le feu des mortiers des Allemands retranchés sur les hauteurs
au nord de la ville. Ils vont s’accrocher jusqu’au 4 février avec le 2ème
CA français bloqué sur les hauteurs au sud par des tirs continuels traversant
le ciel de la ville de jour et de nuit. Ces tirs, ennemis ou amis tueront une
vingtaine de civils, achevant de détruire la petite ville au 3/4, causant des
dommages terribles à sa magnifique cathédrale gothique qui restera entourée d’échafaudages
pendant plus de 30 ans avant de retrouver toute sa splendeur. Mais la famille
de Joseph sortira de sa cave, affamée mais vivante et française, après deux
mois de vie souterraine ! « Arrivés
au bout de notre calvaire nous ressuscitons à une nouvelle vie » a
écrit plus tard M. J BAUMANN dans un petit fascicule contenant des
cartes et des photographies illustrant ce qui est dit ici :
« Chronique de
la libération de Thann » - Texte de Jacques BAUMANN »
HAGUENAU
Stationnements successifs de la 1ère Escadre
de Chasse d’octobre 1944 à février 1945
Luxeuil – Haguenau-Bischwiller – Toul-Ochey –
Essey les Nancy ...
Lettre non numérotée du lundi 25
décembre1944 :
Tout ne s’est pas passé comme prévu par Joseph pour son « Noël
alsacien ». Parti de Luxeuil le dimanche 24 au matin sa voiture
« d’emprunt » est tombée en panne au bout de quelques km. Il a passé
la nuit de Noël dans le froid à la réparer mais il apprend, heureusement à
temps pour la rejoindre, que la 1ère Escadre doit quitter Luxeuil le
mardi 26 à la première heure, direction « 35 km au nord de l’oncle Charles (Strasbourg) » comme écrit en « code » dans la lettre qui
raconte ses mésaventures.
Effectivement les escadrilles décollent le mardi 26 décembre pour
Haguenau en basse Alsace, à quelques km de la frontière allemande, pour
soutenir au plus près les troupes qui s’apprêtent à franchir le Rhin pour
pénétrer en Allemagne.
Joseph fait ce transfert par la route en passant par Strasbourg
juste libérée ; il tente de voir son oncle Charles mais sa maison est
vide, mais intacte, alors que les bâtiments autour sont détruits. Il arrive
dans le « village
de Marie » (traduction en français de Marienthal) où le cantonnement des sous-officiers a été prévu, à moins d’un km
du terrain d’aviation.
Son ami Auguste KUNTZEL, stationné dans une autre unité restant
basée à Luxeuil et qui devait l’accompagner à Thann pour Noël, a réussi pour sa
part à y faire transporter le colis de victuailles supplémentaires que Joseph
avait préparé pour sa famille. Belle solidarité, belle amitié, le système
« D » marche à plein ! Peut-être aussi que la hiérarchie ferme
un peu les yeux...
Dans cette lettre une phrase est à retenir :
« ...Si tu veux écrire
à Maman, écrit toujours à « Hôtel Mochenross » (employeur de sa sœur
Elisa) car avant qu’on remette
tous les noms des rues en Français, le facteur y perdrait la tête. Ah les
boches voulaient bien germaniser et nazifier le pays ! Il restera
certainement des traces. Mais comme dans la chanson « Le cœur reste
français ». Naturellement il y a des brebis galeuses partout mais je pense
qu’on saura sévir... »
Mais la contre-attaque allemande sur Strasbourg oblige la 1ère Escadre
à se replier le 1er janvier 1945.
TOUL
Lettre non numérotée du mardi 9
janvier 1945 : Code du lieu : 14.22.15.12. (Toul)
Pour bien comprendre les difficultés de communication il faut lire
cette phrase d’anthologie :
« ...hier enfin il y avait
distribution : 3 lettres de Geo (son
beau-frère), 1 de Auguste (Auguste
KUNTZEL cité plus haut), 6 de toi, respectivement les numéros 4, 5, 6, 7, une sous le
n¨° 11, la plus récente est la 7 du 25.12 – puis il y a la lettre express du
12.12 arrivée à destination le 7/1/1945, je crois qu’on ne peut faire
mieux ! ...»
A Alger, comme elle devait partir le 15 décembre, Julienne,
enceinte de 6 mois, a libéré son domicile et vendu le peu qu’ils
possédaient ; le chien Youki a trouvé une famille d’accueil et elle attend
un prochain bateau avec sa fille, sa valise et ses malles hébergées d’abord
chez son amie chère, Raymonde KUNTZEL à Fort-de-l’Eau et, à la mi-janvier, pour
être plus près du port, chez son autre amie Paulette EMERY, l’épouse de son ami
mécanicien du III/6 qui après un passage en Angleterre est revenu en métropole.
L’attente sera longue et son moral subira des hauts et des bas...
Dans ce courrier Joseph lui annonce un nouveau déplacement de la 1ère
Escadre :
« ...on a la bougeotte
dans le coin : je serai à la fin de la semaine à 21.5.21.7.19. (Nancy).
« ...les photos sont
toujours à Besançon chez le photographe dont je ne connais pas l’adresse et je
n’arrive pas à retrouver le commissionnaire. » (une pellicule à développer - sans doute
des photographies faites à Alger avant son départ - déposée à Besançon (pourquoi ?, par qui ?) lors de son transfert de
Dijon à Luxeuil et à jamais perdue : voir lettre n°7 du 27 octobre 1944).
Lettre n° 3 du mercredi 10 janvier
1945 :
« ...que nous réserve
notre prochaine destination ? C’est toujours assez piquant de savoir
comment on va être installé ? Cela, pas pour le confort, non, je sais me
suffire de peu s’il le faut. Mais je m’amuse à regarder les autres ! Car
tu sais, nos Messieurs, eux il leur faut le confort ! C’est à qui sera le
mieux installé, chauffé, avec la plus belle salle bains, etc. Oh : Tu
sais, il y en a encore beaucoup qui n’ont rien compris, et cela me rappelle
souvent 39-40. Pour beaucoup la guerre est une distraction et moyen d’exploiter
les pauvres gens ! Et c’est d’autant plus malheureux que ce sont nos
patrons qui passent toujours en premier ! En principe, on devrait suivre
leur exemple, mais c’est nous qui le donnons et eux devraient le suivre... »
« ...en ce qui
concerne ce qui se passe en Alsace, personnellement je suis très confiant. Les
boches naturellement ne se laissent pas faire, surtout là où ils reviennent.
Depuis hier je sais qu’ils ont atteint des lieux où j’étais dernièrement et je
pense à tous ces braves gens que j’ai connus assez pour savoir que ce sont des
bons Français. Chez Maman je ne crois pas pratiquement qu’ils puissent y
revenir, mais là-bas la situation est toujours critique mais sans
gravité... »
NANCY
Lettre n°4 du samedi 13 janvier
1945 :
« ...je suis dans ma
petite chambre avec deux autres compagnons... avec un bon poêle à charbon... je
suis arrivé avant-hier : la première nuit je l’ai passée en ville dans une
chambre d’hôtel, sans chauffage, avec une petite couverture ! Je m’en
souviendrai ! J’ai dîné dans une brasserie : 50 fr !... »
« ...le 11, j’ai reçu
5 lettres de toi : les n°2, 3, 8, 9 et 10... »
Lette n° 5 du mercredi 17 janvier
1945 : R.A.S.
Le lendemain Georges CHÉDEVILLE qui se démène comme un beau diable
pour hâter le rapatriement de sa sœur d’Algérie peut lui faire parvenir le
télégramme suivant :
Intervention du Général KOENIG pour faciliter le rapatriement de
Julienne BIBERT
Lettre n°6 du vendredi 19 janvier
1945 :
« ...il fait depuis hier
une tempête terrible : pluie, neige, vent, mais vent à vous faire
peur... »
Lettre n°7 du vendredi (au soir) 19
janvier 1945 :
Samedi 20 – 21h 00
« ...ici neige toute
la journée, avec beaucoup de vent et ceci n’est guère favorable pour les
opérations. Heureusement que les Russes « bastonnent », c’est
peut-être eux finalement qui sortiront l’Alsace du pétrin... Pas de
permissions en vue, nos Autorités s’en fichent. Eux, ils font des
« bombes » à tout casser et le matin ils ne pensent qu’à celles
qu’ils vont faire le soir ! Ils ne s’en font pas et manquent de
rien !... le temps que les Russes travaillent pour eux !... Mais
j’aborde un sujet critique... passons... »
Encore une phrase pour l’Histoire ? Ceux qui écrivent de nos
jours que les Américains et les Anglais ont peut-être volontairement ralenti
leur progression vers l’Allemagne fin 1944, pour laisser les Russes faire le
sale boulot à l’Est vers Berlin et ainsi les épuiser, sont souvent
raillés ! Il est étonnant d’avoir un témoignage qui prouve que c’était une
rumeur qui courrait chez le « petit personnel » au bar de
l’Escadrille en janvier 1945 !
Dimanche 21 – 22h 00
« ...Bonne journée
pour le front ! Offensive en Alsace. Je pense que Maman sera enfin
tranquille. Les Russes continuent leur marche rapide vers Berlin. Il y a encore
naturellement du chemin, il y aura encore des arrêts, mais ça fait du bien
quand même et nous remet le cœur en place... »
Lettre n° 8 du mercredi 23 janvier
1945 :
« ...je suis encore
dans mes papiers... il est très rare que l’on trouve quelque chose
d’intéressant à traduire parmi ce stock de papiers qui nous parvient
journellement... »
Lettre n°9 du jeudi 24 janvier
1945 :
« ...aujourd’hui, vu
le mauvais temps on en a profité pour transformer notre P.C. et pour ces
déménagements on me trouve toujours très utile... enfin, jusqu’à présent c’est
toujours moi qui installe et tout le monde s’en trouve toujours très content...
Naturellement je me place bien aussi... ainsi j’ai mon bureau dans un coin près
du poêle. Je me suis installé un classeur et une lampe de bureau... il neige
toute la journée en ce moment, donc mes bottes ne me quittent pas... on me les
envie ces bottes !...
...je me lève en principe à
8h 00, je monte au P.C. toujours à pied, j’y arrive rarement avant
9h 30 ; je redescends à midi en jeep... si c’est mon tour, fait le
ménage, prépare le feu, cherche de l’eau... etc... et
on mange entre midi 45 et 1h 30. À 14h 00 je redescends en jeep et
reste au P.C. jusqu’à la nuit, c'est-à-dire 18h 30 et souvent même plus
longtemps, mais comme je ne sors pas je suis aussi bien On dîne vers
19h 30 et ce n’est donc qu’à partir de 20h 30 qu’on se retrouve seul
dans la chambre... »
Ceci est la dernière lettre reçue par Julienne à Alger. Son frère
inquiet de ne pas avoir des nouvelles de son retour lui a écrit les 29 et 30
janvier, ne comprenant pas pourquoi l’intervention du général KOENIG auprès du
colonel PAGÈS à Alger afin d’accélérer son retour n’a pas eu d’effet... Et
pourtant si ! Le 13 janvier 1945 les services du lt/c CASTELAIN, Chef du
Service des Œuvres Sociales de L’Air de la Vème Région Aérienne à
Alger, ont écrit à Julienne « nous
vous demandons de vous tenir prête à partir à partir du 19 janvier dans les 4
jours qui suivent ». Ce ne sera finalement que le 6 février ! La
lettre de son frère arrivera après son départ chez Raymonde KUNTZEL qui la
réexpédiera le 7 février...
Par contre, les lettres de Joseph n° 10,11 12 et 13 ne sont
pas connues, mais sa lettre n°14 du samedi 15 février 1945, la dernière de
cette série qui figure dans les archives familiales, montre qu’il est toujours
sans nouvelle. Elle est arrivée à Alger alors que Julienne était de retour en
France et a été sans doute réexpédiée par Raymonde KUNTZEL...
ÉPILOGUE
Julienne BIBERT et sa fille
Marie-Thérèse (3 ½ ans) ont embarqué à Alger sur le paquebot CANADA
le 4 février 1945.
Retour en France de Julienne BIBERT sur le paquebot
« Canada »
Dans ce bateau se trouve le champion de boxe Marcel CERDAN. Né à
Sidi Bel Abbès, le « bombardier marocain »
a semé la terreur sur tous les rings depuis 1933 en devenant champion d’Europe
en 1939. Sa carrière mise en sommeil par la guerre, il a repris l’entraînement
en 1943, expédié le célèbre GI Joe DI MARTINO en moins de deux minutes en
finale du tournoi d'Alger organisé par l'armée américaine en janvier 1944 et
gagné à Rome le 16 décembre 1944 le critérium international organisé par les
services militaires français en battant par un K.O. sévère
Marcel CERDAN
Mais l’Histoire ignorera toujours si Marcel CERDAN avait gardé le
souvenir de la petite Marie-Thérèse BIBERT, qui pendant la traversée, s’était
amusée à lui faire des « shampoings » dans ses abondants cheveux
noirs et bouclés alors qu’il prenait le soleil sur le pont. Il existe peut-être
un film du débarquement du Champion à Toulon le 6 février 1945 puisque les
journalistes auraient été présents pour l’accueillir et on devrait pouvoir
vérifier alors qu’il portait bien l’enfant dans ses bras en descendant la
passerelle, pour aider sa mère bien encombrée avec ses bagages ; anecdote
familiale souvent racontée !
La mère et la fille prennent sans attendre le train pour Paris, un
voyage de plus de 12 et heures, et sur le quai de la gare de Lyon, Georges
CHÉDEVILLE peut enfin embrasser sa sœur qu’il n’a plus vu depuis mai 1939 et sa
nièce qu’il ne connaît pas encore ! « Regarde, lui a-t-elle dit, j’ai
des belles chaussures roses ! »
Pour l’a/c Joseph
Adolphe BIBERT, tout change aussi ;
grâce à l’appui d’un ancien et fidèle camarade de Chartres, Yvon EHRARD, il est
affecté, par la décision n°1814/SPM2/ED du 8/2/435 à l’Inspection Technique au
Ministère de l’Air, ce qu’il ne sait pas encore le 15 février puisqu’il n’en
parle pas dans sa lettre datée de ce jour-là.
Il ne sait pas encore non plus que par la décision n°061/SPM/M/25
du 14 février il a été nommé adjudant-chef avec effet rétroactif au 1er
décembre 1944...
Joseph quitte donc la 1ère Escadre avec une
permission d’une semaine pour retrouver son épouse et sa fille qui se sont
installées dans la maison familiale de Saint-Chéron à Chartres. Julienne a
gagné la première manche...
Le 27 février 1945, il prend ses nouvelles fonctions au Ministère
de l’Air place Ballard à Paris.
Le 5 avril 1945 naît à Chartres
Julienne, Marie-Thérèse et
Quelques semaines plus tard la famille BIBERT, maintenant au
complet, s’installe à Rambouillet, au 33 de la rue du Général de Gaulle,
anciennement rue nationale, dans le petit appartement que Georges CHÉDEVILLE a
préparé pour sa sœur, son beau-frère, sa nièce et son neveu. Joseph avait un
peu exagéré en parlant d’un appartement de 6 pièces dans une lettre à son
épouse... mais il a gagné la seconde manche ! Dorénavant, il prendra
chaque matin le train à la gare de Rambouillet pour celle de Montparnasse à Paris,
puis le métro pour le Ministère de l’Air, mais au moins, chaque soir, il sera
seul avec son épouse et ses enfants... sa famille !
Et le 8 mai 1945 la guerre est terminée...
1945 – Rambouillet - Rue du Général de Gaulle
F-X. BIBERT – 09/2008 - 05/2020
APPEL à TÉMOIGNAGES
Ce site a été créé en juin 2008, et la première partie de « L’Histoire des Hommes du Groupe
GC III/6 - La guerre de Joseph BIBERT » a été mise en ligne en
septembre. Depuis, ce sont de très nombreuses annexes à cette histoire qui ont
été écrites et publiées, dont les biographies de certaines
« Figures » de ce célèbre Groupe. D’autres pourront encore être
ajoutées. Les recherches pour rédiger les seconde et troisième parties ont été
longues, mais fructueuses : elles ont été mises en ligne en février 2020
et mars 2022.Toutes ces pages ne sont pas figées et elles (ont été ou) seront modifiées et complétées au fur et à mesure que
des informations nouvelles (ont été ou) seront connues et que de nouveaux
documents (ont été ou) seront mis à la disposition de l’Auteur. Merci tout
particulièrement à Lionel PERSYN et à
SOMMAIRE
de cette « HISTOIRE DU GC III/6 » Au GC III/6 EN
FRANCE Première partie : Avant la guerre L’entrée en guerre : de CHARTRES à VILLACOUBLAY BETZ BOUILLANCY (3/09/1939 15/11/1939) Seconde partie : WEZ THUISY (15/11/1939 – 30/04/1940) CHISSEY SUR LOUE (30/04/1940 – 20/05/1940 COULOMMIERS (20/05/1940 – 31/05/1940) LE LUC (31/05/1940 – 18/06/1940) PERGIGNAN
LA SALANQUE (18/06/1940 – 20/06/1940) EN
A.F.N. Troisième partie : Le transfert en Algérie ALGER MAISON BLANCHE (20/06/1940 - 24/06/1940) CONSTANTINE (24/06/1940 – 11/07/1940) ALGER MAISON BLANCHE (11/07/1940 – 15/01/1943) AÏN SEFRA (161/01/1943 – 19/06/1943) PORT-SAY – BERKRANE (19/06/1943 – 03/08/1943) LAPASSET (03/08/1943 – 25/04/1944) Retour à
Alger dans le corps es interprètes... Avec la première Escadre de Chasse GC I/3 « Corse » - GC I/7
« Provence » - GC II/7 « Nice » LA
LIBÉRATION DE LA FRANCE LUXEUIL (21/10/1944 - 25/12/1944) HAGUENAU - BISCHWILLER (25/12/1944 - 01/01/1945) TOUL – OCHEY (01/01/45 - 14/01/45) ESSEY LES NANCY (14/01/1945 - ...) |
Le CD complet de la carrière militaire de
Joseph Bibert
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