Mise en ligne 2020

 

Masque Tragédie ou Sérieux - GC III/6 - 5ème escadrille

Les HOMMES

du  GROUPE de CHASSE  GC III/6 (3/6)

La guerre de Joseph Adolphe BIBERT

1939-1944

Troisième partie

III. En A.F.N.

 

Masque Comédie GC III/6 - 6ème escadrille

 

Morane Saulnier 406

Lien : DEWOITINE D.520

 

Sergent Chef Joseph BIBERT

Dewoitine 520

Lien : BELL P-39 « Airacobra »

Retour vers la première partie :   I. de CHARTRES à BOUILLANCY

Retour vers la seconde partie :   II de WEZ TUISY au LUC EN PROVENCE

 

 

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SOMMAIRE  de la  TROISIÈME PARTIE

Cliquez sur les liens ci-dessous

Traversée de la Méditerranée   -   Constantine

20/06/1940 – 11/07/194

Alger – Maison Blanche

11/07/1940     15/01/1943

Aïn Sefra

16/01/1943    19/06/1943

Port Say (Berkane)

19/06/1943     03/08/1943

Lapasset

03/08/1943    25//04/1944

La fin de la guerre du Groupe GC III/6

Après l’A.F.N :  Première Escadre Aérienne

 

 

L’histoire du GC III/6 rédigée ici, fruit de plusieurs années de travail, ne se lit pas comme un livre ! Si elle est présentée en trois parties, sur trois pages Internet principales constituant simplement le squelette de ce récit, de multiples pages complémentaires (une centaine) s’ouvrent en cascade à partir des liens soulignés (de couleur bleu-vif) : album de photographies, biographies, articles de presses, etc. etc. A chacun d’ouvrir ces pages comme un dictionnaire, dont on n’a jamais fait complètement le tour, d’où le besoin et l’envie d’y revenir pour compléter son information et, je j’espère, son plaisir...

 

Ces trois pages principales, pour ne pas les surcharger, ne contiennent qu’une partie des photographies mises en ligne. La plupart de celles prises par Joseph Bibert, plus personnelles, se trouvent dans les pages annexes « Album de Joseph Bibert » ou dans les pages de biographies de pilotes accessibles par différents liens posés chapitre par chapitre. De même, si le récit est chronologique, ce n’est pas un « journal » puisque l’historique du Groupe et les livres de marche de ses deux Escadrilles, documents officiels au jour le jour, ont été retranscrits et mis en ligne dans trois pages annexes accessibles par les liens suivants :

Historique  Officiel  du  Groupe GC III/6

Livre  de  Marche  de  la 5ème Escadrille

Livre  de  Marche  de  la 6ème Escadrille

 

 

 

 

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MOUVEMENT vers L’ALGÉRIE

LA TRAVERSÉE DE LA MEDITERANNÉE

du LUC en PROVENCE à CONSTANTINE, via PERPIGNAN et ALGER

20/06/1940 – 11/07/1940

 

PERPIGNAN - LA SALANQUE

18/06/1940

Personnel navigant

ALGER MAISON - BLANCHE

20/06/1940

Personnel navigant

MARSEILLE

20/06/1940

Personnel au sol

MORSOTT

23/06/1940

Une partie des pilotes

CONSTANTINE

23/06/1940

Capitaine STEHLIN + les autres pilotes

CONSTANTINE

27/06/1940

Regroupement du personnel navigant

CONSTANTINE

30/06/1940

Regroupement de tout le Groupe

ALGER

11/07/1940

Tout le Groupe

 

PERPIGNAN LA SALANQUE - ALGER

L’Échelon volant

Dans la seconde partie de « L’Histoire des Hommes du GC III/6 » on a vu que le Groupe a quitté le Luc le 18 juin, et non le 19 comme le dit le Général STEHLIN dans ses mémoires, pour se regrouper à Perpignan La Salanque avant de rejoindre l’Algérie, conformément à l’ordre donné le 16 juin par le Chef d’Etat Major, le général VUILLEMIN, de replier en AFN les dernières unités aériennes françaises. Le 20 juin en début d’après-midi un peu plus de trente Dewoitine 520, ceux du GC III/6 (27) mais aussi ceux de quelques instructeurs qui ont demandé à se joindre au groupe ayant pour cela « récupéré » un avion tout neuf à l’usine DEWOITINE de Toulouse accompagnés de quelques pilotes isolés des groupes partis la veille se sont posés à Alger.

Les journaux et livres de marches des deux Escadrilles n’ont pas pu être tenus au jour le jour et ils ne fournissent malheureusement que peu d’indications depuis la « journée mémorable » du 15 juin (le quintuple de LE GLOAN), sur la période agitée du transfert vers l’Algérie, sur les armistices avec l’Allemagne puis l’Italie, sur les conditions précises du regroupement de l’ensemble du Groupe, « navigants » et « rampants » à Constantine et sur la tragédie de Mers el-Kébir. On peut seulement penser que le trouble devait être profond dans les esprits.

Paul STEHLIN devenu Général d’Armée Aérienne puis Chef d’Etat Major de l’Armée de l’Air a publié en 1964 « Témoignages pour l’Histoire » et donne sa vision toute personnelle des conditions de cette évacuation ; il se met beaucoup plus en avant qu’il ne l’a réellement été. Certains historiens de l’aviation, malheureusement, ont souvent considéré que l’histoire du GC III/6 avait été écrite définitivement à travers les quelques pages dans lesquelles il narre son action à la tête du Groupe de mai à octobre 1940 ; mais ce n’est pas « l’Histoire » du Groupe.

Il commence par dire qu’il a reçu au Luc le 19 après-midi un message par avion de liaison lui indiquant que son Groupe est attendu depuis la veille à Perpignan, puis raconte comment il a reçu quelques heures plus tard à Perpignan dans des conditions rocambolesques l’Ordre Particulier n°55 du 17 juin à 0h 00 (près de 48 heures plus tard ?), signé du Général BERGERET, un des adjoints de VUILLEMIN, lui demandant de préparer le III/6 à participer à une concentration de toutes les forces aériennes en Algérie en vue « d’une opération brutale et puissante contre l’Italie du Sud les îles et la Libye » en se rendant « sur le terrain régulateur d’Oran. »

La thèse que le Général STEHLIN veut développer est qu’aucune opération de ce genre n’a réellement été envisagée et que cet ordre n’était qu’une mesure de précaution pour éviter que des commandants d’escadrille ne veuillent rejoindre directement Gibraltar. « J’ai toujours amèrement regretté de m’être laissé tromper aussi grossièrement » dit-il avant de parler de la manière dont les autorités militaires auraient tout fait ensuite pour clouer les avions au sol en les privant de carburant et de son projet de conduire son Groupe à Malte, avorté par l’attaque anglaise sur Mers el-Kébir du 3 juillet. « Dans mon groupe c’est la consternation, l’un parle de trahison des Anglais, l’autre assure que les Anglais ont été toujours nos pires ennemis. Notre plan s’évanouit très peu de temps avant qu’il ne soit prêt. Nous n’avons eu connaissance de l’appel du Général de Gaulle que plus tard et la propagande de Vichy a la tâche facile de refaire de l’Angleterre l’ennemi héréditaire. »

Rien n’est cohérent dans ses mémoires et aucun Ancien de son Groupe n’a évoqué un quelconque plan de départ concerté vers une terre anglaise dans les leurs !

Pourquoi cette « erreur » de date sur le départ de l’échelon volant du III/6 à Perpignan ? Pourquoi ces « confusions » dans les ordres reçus ?

« Le 18 juin j’ai le sentiment d’un isolement complet […] Le 19 juin, dans l’après-midi je reçois enfin un message transmis par un avion de liaison qui m’informe que depuis la veille mon groupe est attendu sur le terrain de Perpignan-La Salanque… »

Commencer en 1964 un paragraphe de ses mémoires par « Le 18 juin… » n’est peut-être pas innocent quand on veut magnifier ses états d’âme de ce fameux jour de 1940, alors qu’on a eu connaissance de l’appel historique du Général de Gaulle que bien plus tard ! Voilà sans doute les bonnes réponses aux questions qui se posent.

Bien des livres ou des chroniques ont été écrits après la guerre par ceux qui ont été aspirés dans cette grande tourmente, et bon nombre de lignes de ces ouvrages présentent les faits d’une manière permettant à leur auteur de donner à penser qu’ils avaient apprécié le « sens de l’histoire » plus tôt qu’ils ne l’ont fait réellement. Le commandant Paul STEHLIN sera finalement appelé à Vichy à l’État-major de l’Amiral Darlan fin octobre où il occupera des fonctions plus politiques que militaires auxquelles il a été habitué et on ne sait rien d’autre de « sa tentative de ralliement » dont il parle en quelques lignes confuses dans ses mémoires. Encore Chef d’Etat Major de l’Armée de l’Air en 1963, il avait tous les moyens de se faire préparer une chronologie sans erreur de son activité au III/6 pour rédiger ses mémoires publiés en 1964 avant de se présenter à la députation.

Dans le livre de marche de la sixième Escadrille, son rédacteur anonyme écrit d’ailleurs le 8 juillet 1940 : « Le 11 juillet, à la suite du bombardement de Mers el-Kébir par nos ex-amis Anglais, le groupe retourne sur le terrain d’Alger Maison-Blanche […]. L’armistice fut signé les 23 (erreur : c’est le 22) et 24 juin à l’avantage de nos ennemis, dont les longues dents s’useront espérons le contre l’Angleterre qui continue la lutte plus que jamais. » L’expression « ex amis anglais » semble plus ironique que méchante, sans doute entendue dans la bouche de certains chefs… ! Mais l’espoir que les Anglais gagnent la guerre est clairement exprimé sous la plume de ce pilote du GC III/6 qui tient le livre de marche. On est bien donc loin de la « consternation » et des mots « trahison » et « pires ennemis » attribués par Paul STEHLIN à ses pilotes parlant des Anglais…

Entre l’ordre salutaire du 16 juin de transférer la plupart des groupes aériens vers l’A.F.N. et l’armistice du 22, il n’y a pas eu que les bons d’un côté qui voulaient immédiatement poursuivre la lutte coûte que coûte et les mauvais de l’autre qui avaient déjà décidé de collaborer avec les futurs vainqueurs de la guerre que tout le monde savait perdue dans l’hexagone. C’était la débâcle. Du Chef d’État-major, le général VUILLEMIN, au dernier des petits mécaniciens, la préoccupation initiale et naturelle de sauver tout ce qui pouvait l’être et de se sauver soi-même a donc été initialement la même.

Mais tout va beaucoup trop vite, et l’armistice devenant inéluctable, pourquoi ne pas croire le Général VUILLEMIN sincère et réaliste quand il écrit le 20 « La rupture, du fait de l’Armée de l’Air, des clauses d’un armistice entraînerait inévitablement la reprise des hostilités, l’occupation totale du territoire français, la disparition de l’armature gouvernementale et, finalement, de la nation française… » C’est certainement dans cet état d’esprit, que la crainte de départs vers Gibraltar d’unités entières ou de pilotes à titre individuel a conduit à donner un peu plus tard des ordres visant à priver certaines unités des moyens de le faire, en les orientant vers des aérodromes reculés, sans possibilité de ravitaillement en carburant et en munitions. Et il n’y a rien non plus à redire quand le 23, le Chef d’Etat Major donne cette fois-ci l’ordre de cesser tout transfert et de ne plus détruire aucun matériel. Ce n’est pas un revirement, c’est un enchaînement logique.

Si la France est restée la France grâce au Général de Gaulle, le Rebelle, et à sa vision unique de l’histoire, sachons aussi respecter ceux, qui confrontés à l’énormité des événements et les mains dans le cambouis, ont, à leur manière et dans le respect de la discipline militaire, pris les décisions qu’ils croyaient être les meilleures dans l’instant présent et dans leur sphère d’autorité. On peut par contre être beaucoup plus critique envers les politiques qui avaient depuis longtemps mis le pays en situation de ne pas pouvoir faire face à la menace Hitlérienne.

 

Confirmation de cette thèse

Dans un texte de Patrice Facon re-publié en 2020 dans « AIRPOWER IN 20 TH CENTURY - DOCTRINES AND EMPLOYMENT - NATIONAL EXPERIENCES » l’auteur fait strictement la même analyse que celle que nous avons exposée dans les lignes ci-dessous, sans d’ailleurs avoir pu en prendre connaissance préalablement.

Ce texte peut être lu en ouvrant le lien ci-dessous :

Les dernières décisions du Général VUILLEMIN avant les armistices

 

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18 JUIN 1940 : Revenons plus simplement au GC III/6. Il n’est pas discutable que ce fût bien le mardi 18 juin après-midi, entre 16 et 17h 00 que, trois par trois, les Dewoitine quittèrent Le Luc pour Perpignan – La Salanque atteint au bout de 1h 20. Le sgt GABARD retardé par des ennuis mécaniques auquel son fidèle mécanicien va pouvoir remédier, n’a quitté le Luc que quelques heures plus tard. Le s/lt SATGÉ doit laisser son D.520 n°357 codé « 27 » au lt MARTIN de la 5ème, dont l’appareil en panné sera abandonné au Luc et transféré plus tard, et le pilote de la 6ème gagnera Toulouse le lendemain par ses propres moyens pour en récupérer un nouveau, ce sera le n°346. A La Salanque, c’est le grand bazar ! Outre le GC III/6, le II/3, le III/3, le II/4, le II/5 et le II/7 sont présents. Heureusement, dans la journée, les Groupes III/2, I/3 et I/4 ont fait la traversée et on attend encore le GC I/5 qui n’arrivera que le 20 juin et repartira immédiatement.

 

Dewoitine 520 - Perpigna La Salanque - 19 juin 1940

Dewoitine D.520 sur le terrain d’aviation de Perpignan La Salanque le 19 juin 1940

Un fût d’essence est déposé devant chaque appareil - Les pleins sont faits à la main à l’aide d’une pompe Japy (à droite)

D’après le marquage il doit s’agir de la première Escadrille du GC III/3

Collection Louis Bassères – Résidant à La Salanque

 

Faute de distributeurs en nombre suffisant, le ravitaillement en essence est extrêmement lent. Les pilotes doivent faire les pleins de leurs appareils eux-mêmes, opération fatigante qui se poursuit tard dans la nuit à la lumière de la lune pour certains.

Les plus chanceux sont emmenés dans un restaurant de bord de mer pour tenter de dîner, mais il y a tant de monde qu’ils doivent attendre leur tour. Pour leur trouver un hébergement, un car les emmène dans un village où le maire essaye de leur trouver des places chez l’habitant. Une femme, derrière des volets clos, exprime bruyamment son refus en catalan, ce qui met fort en colère le capitaine STEHLIN, peu habitué à ce qu’on lui résiste ; il sort son pistolet et menace de tirer dans la persienne ! Le Maire peut le calmer et lui trouver un gîte digne de lui !

19 juin 1940 : Le lendemain mercredi 19 juin, les préparatifs se poursuivent.

Au dernier moment la destination finale a changé, c’est maintenant Alger. Mais le vol de Perpignan jusqu’à cette ville en 1940 n’est pas une chose si simple qu’on pourrait le croire pour une escadrille de chasse et des pilotes qui n’ont sans doute jamais survolé la mer si longtemps. Pour ces 2h 1/2 de vol, les réservoirs supplémentaires de bord d’attaque des Dewoitine doivent être utilisés, mais ils n’ont jamais été branchés en usine ; du fait qu’ils n’étaient pas protégés, on craignait une explosion s’ils étaient touchés par une balle incendiaire ! Pour procéder aux branchements, les mécaniciens du Groupe n’étant pas là, les pilotes doivent prêter la main aux trois spécialistes de la maison Dewoitine mis à leur disposition. Pour dévisser les tôles couvrant les accès aux tuyauteries, ils doivent se passer de main en main les deux seuls tournevis cruciformes qu’ils ont trouvés ! Il faudra prendre en compte que le poids supplémentaire des appareils dû aux réservoirs auxiliaires réduira un temps leur vitesse.

20 juin 1940 : Dans la matinée du jeudi 20 juin, le Groupe décolle. Au dernier moment le s/lt SATGÉ est arrivé de Toulouse avec un nouvel avion qui a pu lui être affecté et partir ainsi avec ses camarades. Par contre le cne GUERRIER a au décollage un problème avec son train d’atterrissage : il perd du temps avant de pouvoir le fermer grâce à quelques évolutions autour du terrain et il va faire le trajet loin derrière, en compagnie du sgt Michal CWYNAR qui l’a attendu, tous deux seuls et pris à partie par des tirs d’artillerie espagnols à proximité des baléares. Ce n’est qu’un hasard, mais ils avaient tous les deux installé une précieuse cargaison derrière la plaque de blindage du siège de leur avion : CWYNAR, sa guitare, et GUERRIER son matériel de pêche !

Les pilotes doivent faire leur navigation sans carte, sans connaître la côte algérienne, et avec les seules indications de vitesse et de cap données par leurs instruments, alors que beaucoup des montres des tableaux de bord des Dewoitine ont été volées dans la nuit ! Des pages prélevées dans les atlas des écoliers de Saint-Laurent La Salanque, des cartes du « Calendrier des Postes » ou des « Chemins de fer » ont été emportées par les pilotes sur lesquelles ils ont préparés leur vol : cap 160 pendant 20 minutes, puis cap 190 pendant 55 minutes pour éviter les Baléares, puis cap 200 pour tomber un peu à l’est d’Alger et apercevoir la « Grande Ville Blanche » à sa droite avant de descendre sur Maison-Blanche. Un pilote a pu décalquer sur un bout de papier sulfurisé, récupéré dans une cuisine, les contours des côtes espagnole et africaine sur lequel il a tracé son plan de vol pour Oran, sa destination initialement prévue ; il n’a eu le temps ensuite que de tracer une droite pointillée entre Perpignan et Alger lorsque la destination finale fut connue et de garder en tête les indications de cap et de temps indiquées.

 

Crate de la traversée de la Méditerranée - Perpignan Oran - Alger

Reproduction de la carte tracée par le sergent GOUZI du GC III/3 pour son vol de Perpignan à Alger

 

Heureusement le capitaine ASSOLLANT, le premier Français à avoir traversé l’Atlantique d’ouest en est en 1929 à bord de « l’Oiseau Canari », et qui, les 10 années suivantes, a sillonné l’Afrique en tous sens comme chef pilote de l’aviation civile à Madagascar, est un navigateur hors pair. De plus, le survol des Baléares peut permettre de corriger éventuellement le cap s’il le faut. C’est donc lui qui mène les avions pour cette traversée (*). La plupart des pilotes ont le « trouillomètre » à zéro de peur d’être isolé de leur guide !

(*)  Mémoires du lieutenant MENNEGLIER : « …Enfin le matin du 20 juin tout le Groupe décolla en direction d'Alger sous la conduite du capitaine Assolant qui avait l'habitude de la navigation au compas… »

      Mémoires du capitaine STEHLIN : « ... Le III/6 est rassemblé au complet au-dessus de La Salanque quand JE mets le cap sur les Baléares... ». Sans commentaire...

Les Dewoitine passent en vue des Iles Baléares sans rencontrer les avions ennemis que des renseignements malveillants avaient annoncés. A proximité des côtes algériennes, un Bloch 174 vient à la rencontre des arrivants pour les guider jusqu’à Maison-Blanche où ils atterrissent après 2h 40 ; c’est aussi la grande pagaille sur ce terrain complètement désorganisé par l’arrivée massive en quelques heures de tout ce qui vole encore après la campagne de France.

 

Alger avant-guerre

Alger avant-guerre

Alger la « La blanche » telle que les pilotes du GC III/6 purent l’apercevoir de loin avant de se poser sur le terrain de Maison Blanche le 20 juin 1940

Carte Michelin Alger - 1940

Carte d'état-major - Maison Blanche - 1940

A gauche, carte « Michelin » de la région d’Alger de cette époque où figure le terrain d’aviation de Maison Blanche, 10 km à l’est du centre-ville

A droite, sur un extrait de la carte d’état-major de la région, l’implantation plus détaillée de ce terrain vers 1935– Noter à gauche « Smar » (voir plus loin)

 

Les archives du III/6, n’en parlent pas beaucoup, mais tout ne s’est pas passé aussi bien que généralement rapporté. Outre le cne GUERRIER et le sgt CWYNAR, le s/lt KAWNICK, parti avec le Groupe, avait dû retourner à La Salanque, son hélice restant obstinément au petit pas. On put le dépanner et il repartit seul vers l’Afrique du Nord.

Concernant le s/lt polonais KAWNICK on a la chance de posséder deux témoignages d’origine totalement différente, mais heureusement concordants, au moins pour l’essentiel :

Le premier est celui du lieutenant mécanicien du III/6, Pierre BRAUDEAU, qui avait pu gagner Alger par avion avec une dizaine de ses mécaniciens avant l’arrivée des Dewoitine (voir plus loin).

 

Témoignage du lieutenant Pierre BRAUDEAU – Officier mécanicien au GC III/6

« …Nous passâmes tout l’après-midi à l’attendre... Il arriva à Maison-Blanche en taxi vers 18h trempé mais souriant, et raconta son aventure.

Il était parti vers 13h de La Salanque avec une hélice qui n’avait plus de caprice. Il n’avait pas de carte mais il avait reproduit sur un carnet le profil de la côte algérienne entre Oran et Bougie avec au milieu une grande ville blanche qu’on voyait de loin : Alger. Il savait qu’il devait passer au-dessus des Îles Baléares et continuer tout droit pour arriver à Alger. Fâché avec le compas il avait préféré simplifier le problème et « aller droit soleil ». Il passa effectivement au-dessus des îles Baléares mais en vue de la côte algérienne, il ne vit pas la grande ville blanche et la chercha en suivant la côte vers l’est. En ne la voyant toujours pas et s’apercevant qu’il s’était trompé et qu’il fallait la chercher vers l’ouest, il fit demi-tour. Mais quand vint enfin la grande ville blanche, il n’avait plus d’essence et il posa son avion sur l’eau, hélice arrêtée et train rentré à 200 m de la plage de Maison-Blanche. Avant que son avion coule, il prit sa petite valise derrière le pare-balles du cockpit et nagea vers la plage. Il mit longtemps à trouver un taxi qui le conduise à l’aérodrome de Maison-Blanche et se présenta au capitaine Stehlin vers 18h, penaud, honteux de son aventure, mais heureux d’avoir retrouvé ses amis… »

 

Le second, totalement indépendamment du III/6, est celui du général Albert PESTRE, né en Algérie en 1924, ancien élève de l’École de l’Air (promotion AFN 1943). Il faisait partie de la génération d’officiers de l’Armée de l’Air, qui ont partagé leur formation entre Marrakech et les États-Unis mais qui n’ont pas participé aux opérations aériennes en Europe. Au Groupe de Bombardement 2/20 « Bretagne » fin 1945, en Indochine, en Algérie, et commandant de la BA.105 d’Evreux en 1970, décédé en 2009.

Page consacrée au général Albert PESTRE

 

Témoignage du général Albert PESTRE - Alors lycéen à Alger, il avait 16 ans

« … En Algérie, nous étions bien loin des zones de combat. Néanmoins un jour, c'était le 20 juin, nous fûmes les témoins directs de la réalité de notre effondrement militaire. Entendant un bruit de moteurs lointain ne cessant de s'amplifier, nous vîmes arriver sur nous les premiers avions de chasse qui avaient fui la Métropole, en s'élançant au-dessus de la Méditerranée, pour trouver refuge sur le sol africain. C'étaient des « Curtiss P-36 » et des « Dewoitine 520 ». Leur axe d'arrivée sur la base de Maison-Blanche les faisait passer pour la plupart dans un vrombissement de tonnerre juste au-dessus de la propriété, à très basse altitude, seuls ou en patrouilles de deux ou trois appareils. Chaque fois que nous entendions un ronronnement lointain qui s'approchait, ma cousine, mon cousin, mon frère et moi, nous nous précipitions hors de la maison pour assister au spectacle. Puis nous suivions des yeux leurs silhouettes noires se découpant sur le fond bleu du ciel, jusqu'à les voir à l'horizon amorcer un large virage, avant de s'engager dans la descente vers la piste d'atterrissage.

Parmi les pilotes qui quittèrent la France, l'un d'entre eux put tout juste atteindre le rivage de l'Algérie. Amerrissant à quelques centaines de mètres de la côte, il réussit à s'extraire avec beaucoup de peine de sa carlingue… Puis il s'effondra évanoui sur la plage, le front ouvert, sa tête ayant buté sur le collimateur. »

« A quoi tient la vie… »

Société des Écrivains – 2005

 

Mémoires de Jean MENNEGLIER – 6ième Escadrille du GC III/6

« ...A Maison-Blanche nous faisons connaissance avec l'Afrique et avec sa population de musulmans et de pieds-noirs. Il y avait sur le terrain un excellent mess. Au bar on servait dans de grands verres le moscatel des Pères Blancs qui, bien frais, descendait tout seul. On en prenait et on en reprenait. A table il y avait rosé et blanc frappé à discrétion. Rien d'étonnant à ce que l'après-midi on ait envie de faire la sieste. Il me fallut un ou deux jours pour me rendre compte qu'il fallait se modérer sur la boisson. Nous ne restâmes pas longtemps à Alger car on nous envoya sur un terrain de campagne à Morsott au sud de Constantine.... »

 

A Alger, les valeureux pilote Polonais sont envoyés dans un centre de regroupement avant de gagner la Grande-Bretagne où ils seront intégrés dans la R.A.F. Quatre pilotes de D.520 qui ont fait la traversée avec de III/6 sont intégrés dans ses effectifs : le cne Hugues BOULARD de POUQUEVILLE, affecté temporairement à l’État-major ; le cne Jacques SAUTIER (*) en provenance du CEMA 372 de Cazaux et le s/lt François BRONDEL à la 5ème Escadrille, le s/c Paul de HAUT de SIGY à la 6ème.

(*) Mémoires du lieutenant MENNEGLIER : « L'un d'eux était le capitaine Sautier, un polytechnicien qui avait appartenu au Centre d'essai en vol (C.E.V.). C'était un charmant camarade qui resta quelque temps avec nous puis rejoignit la France où il avait laissé sa famille. »

 

L’Échelon roulant

18 juin 1940 : Le transfert vers l’A.F.N. du reste de l’effectif du Groupe, dont les mécaniciens et leur chef le lieutenant BRAUDEAU, fut plus difficile ; faute d’avion pour leur transport, tous sont restés au Luc le mardi 18 juin après le départ des Dewoitine en attente des ordres. A partir de là, il y a télescopage entre les « Mémoires » du Général STEHLIN de 1964 et de celle de Pierre BRAUDEAU, ancien P.D.G de « La Soudure Électrique Languepin », qui raconte aussi en 1989, à l’occasion du 50ème anniversaire du III/6, son transfert en Algérie.

Pour tenter de remettre les choses dans l’ordre : L’adj. GOUJON, qui est arrivé à La Salanque avec tout le Groupe le 18 juin vers 18h 30 aurait été immédiatement renvoyé au Luc par le cne STEHLIN vers le lt BRAUDEAU pour lui porter l’ordre de mettre en route l’échelon roulant le lendemain. Le général STEHLIN qui situe son arrivée au Luc tard dans la soirée le 19 écrit : « ...Dès que je sais ce qui va se passer, je renvoie GOUJON au Luc pour donner à l’échelon roulant l’ordre de s’embarquer à Marseille pour Alger… » et il ajoute « …je suis dans l’autocar qui doit nous conduire dans un village proche de Perpignan pour y passer la nuit quand un planton me remet une note qui m’est destinée. C’est un ordre qui émane du Commandant en Chef des Forces Aériennes. Il m’est ordonné, tel quel, sans pli cacheté, comme une carte postale que tout le monde peut lire :

 

« Exemplaire n°27

G.Q.G.A. le 17 juin 1940, 0 heure

« ORDRE PARTICULIER N° 55

POUR LE GROUPE DE CHASSE III/6

1)      J’ai décidé d’entreprendre une opération brutale et puissante. Cette opération sera précédée d’une concentration rapide contre l'Italie du Sud, les îles et la Libye.

Cette opération sera précédée d'une concentration rapide de toutes les forces de bombardement disponibles en Afrique du Nord, où elles seront maintenues jusqu'à obtention du résultat recherché. La couverture du déploiement de ces moyens et du territoire nord-africain contre les ripostes du bombardement italien sera assurée par l'ensemble des moyens de chasse actuellement basés dans la métropole.

2)      En conséquence, dès réception du présent ordre, le Groupe de Chasse III/6 se dirigera sur l’Afrique du Nord la totalité de ses échelons volants disponibles (appareils montés par équipages de guerre).

3)      Terrain de départ : La Salanque

Terrain régulateur : Oran où vous trouverez des instructions concernant les terrains d'opérations où vous devrez vous rendre.

Le mouvement des échelons roulant fait l’objet d’instructions particulières.

Pour le Général-Commandant en chef des Forces aériennes,

Pour le Major général, l'Aide-Major général chargé des opérations :

Signé : BERGERET »

 

Pierre BRAUDEAU pour sa part situe l’arrivée d’ordres verbaux via l’adj GOUJON, le 18 juin : « Mettre en route l’échelon roulant du III/6 pour Marseille dans la nuit du 18 au 19, embarquer tout le personnel sur un paquebot et tous les camions et autres véhicules sur un cargo avec leurs chauffeurs et ceci fait, garder avec vous 15 mécaniciens « triés sur le volet » avec leurs caisses à outils personnelles et trouver à Marignane un avion dans les meilleurs délais pour que le III/6 puisse participer à « l’offensive brutale » contre l’Italie du sud, les îles et la Libye. »

Il affirme que ces ordres verbaux étaient accompagnés d’une copie de la note du Général BERGERET. A noter que l’adj GOUJON qui s’est posé à La Salanque en fin d’après-midi le 18 juin, tenant compte des pleins à faire, ne pouvait qu’être de retour au Luc que tard dans la nuit !

Tout cela semble bien abracadabrantesque ! Même si le Général STEHLIN, qui décale tout d’une journée, s’était trompé de bonne foi, il écrit qu’il reçoit la note du Général BERGERET à Perpignan dans la nuit, alors qu’il écrit un paragraphe plus haut que GOUJON est déjà reparti au Luc porter ses ordres ! Ce n’est donc pas qu’une erreur de date ! L’aller-retour de l’adj GOUJON au Luc est vraiment incompréhensible, à moins que M. BRAUDEAU ait voulu faire coïncider en 1989 une partie de son témoignage avec les Mémoires du Général STEHLIN, sans se rendre compte que celui-ci avait eu 25 ans plus tôt des souvenirs plus qu’incohérents ! De plus le cahier d’ordres de la 5ème Escadrille ne porte aucune trace de cet aller-retour Perpignan - Le Luc – Perpignan de l’adj GOUJON.

Quoi qu’il en soit, les ordres de mouvement vers Marseille ont été forcément donnés avant que le commandant du Groupe ne s’envole du Luc, puisque l’échelon roulant a eu le temps de se préparer et de partir dans la nuit du 18 au 19 pour effectuer les 100 kilomètres qui les séparaient de Marseille et y arriver à l’aube. Les Hommes sont regroupés au camp Sainte-Marthe ; outre ceux du III/6, s’y trouvent sans doute aussi ceux du II/4 et du GAO 553 qui s’embarqueront avec eux sur le même navire.

19 juin 1940 : Racontant en 1989 le passage de l’échelon roulant à Marseille, Pierre BRAUDEAU laisse entendre qu’avec la panique qui régnait sur le port, complètement encombré de matériels et de réfugiés, que ce n’est que grâce à sa débrouillardise et une copie de ce fameux « Ordre Particulier N°55 » qu’il aurait eu en sa possession, que le III/6 a pu être embarqué : « … je pars avec l’a/c mécanicien AUGST voir ce qui se passait sur le port. Des centaines de personnes faisaient la queue à la porte du fort Saint-Pierre où siégeaient les militaires débordés qui étaient censés organiser les départs en Algérie d’une horde disparate de candidats au voyage, les uns sur ordres de l’autorité militaire mais les autres par peur de tomber aux mains des Allemands qui descendaient la vallée du Rhône. Nous décidâmes de faire bande à part et de choisir nous-mêmes nos bateaux. En présentant les instructions du Général Bergeret directement aux commandants des bateaux nous avons réussi à caser tout le personnel de l’échelon roulant sur un paquebot et tous les véhicules sur un gros cargo avec un chauffeur par véhicule… »

20 juin 1940 : Il continue ce récit épique dans le même esprit : « J’avais gardé avec moi, outre l’a/c AUGST 14 mécaniciens « triés sur le volet ». Nous sommes partis à Marignane dans quatre taxis vers 18h 00 où je fus reçu par un jeune capitaine auquel j’exposai notre cas. Il y avait deux hydravions en cours de chargement de matériel civil pour l’Algérie. Il fit décharger ces matériels, nous offrit à manger et à boire et quand les hydravions furent prêts au départ nous y accompagna. Nous décollâmes à 4h 00 le 20 juin et à 9h 00 nous amerrissions à l’entrée du port d’Alger. Quatre nouveaux taxis nous conduisirent à l’aérodrome de Maison-Blanche où nous arrivâmes à 11 h. A midi le III/6 se posa et gagna le hangar n°6 où les mécaniciens attendaient ». Tout ceci est trop beau : quand les avions du III/6 sont arrivés à Alger la plupart des témoignages parlent d’une pagaille complète. Il y avait des appareils dans tous les sens sur le terrain et sur son périmètre et il est impossible qu’une escadrille complète ait pu se frayer un chemin jusqu’à un hangar qui ne lui avait certainement pas été encore attribué !

Dans ses mémoires en cinémascope, Paul STEHLIN, n’hésite pas à écrire : « ...(le terrain de) Maison Blanche est encombré d’avions. Il n'est pas facile de trouver une place sans risquer une collision. Pourtant, en dix minutes, les trente-neuf Dewoitine du groupe sont alignés au bord du terrain, les masques blancs à gauche de mon avion, les masques noirs à droite, en une rangée impressionnante... »

On a ici un bel exemple de ces témoignages tardifs, sans support d’archives, où la volonté de parler de soi passe avant celle de raconter l’Histoire !

Le sgt mécanicien Robert UMBERT, n’a pas dit clairement s’il faisait partie de ce groupe de 15 privilégiés « triés sur le volet » conformément aux ordres du cne STEHLIN, mais il a témoigné : « …une partie des mécaniciens fût embarquée sur un hydravion Latécoère qui décolla de l’étang de Berre au lever du jour pour se poser 5 heures plus tard dans l’arrière port de l’Agha à Alger. Le reste des mécaniciens arriva par bateau le 27 dans la matinée »...

L’adjudant mécanicien René COLIN, raconte pour sa part : « ...les pilotes partent pour Perpignan et les mécaniciens avec l’échelon roulant se rendent à Marseille. Les pilotes rejoignent ensuite Maison-Blanche sans aucun incident pour notre groupe (il oublie manifestement l’amerrissage du s/lt KAWNIK, et l’arrivée en solitaires des sgt CWYNAR et cne GUERRIER, suite à un ennui mécanique au décollage sur le D. 520 de ce dernier !). Quelques mécanos gagnent Alger sur deux hydros d’Air France, des Lioré et Olivier LeO 242. Celui où je suis est piloté par Givon (*). Le reste du personnel arrive par la mer. Nous restons plusieurs jours à Maison-Blanche, avant de partir pour Constantine où nous apprenons l’armistice... »

(*) Célèbre compagnon de Mermoz à « l’Aéropostale ». Précédemment, le 2 septembre 1927, il avait décollé du Bourget en direction de New York avec Pierre Corbu sur le Farman « Oiseau bleu », mais les pilotes avaient prudemment fait demi-tour au bout de deux heures, l’avion étant trop instable.

Pas d’allusion au Hangar n°6 ! Pas d’allusion aux 38 Dewoitine bien alignés derrière celui du Commandant du Groupe... Finalement, quelle importance ? Un ou deux hydravions, Latécoère ou Lioré & Olivier (*), 15 mécaniciens, un peu plus ou un peu moins ! Quelle importance de savoir si le cne STEHLIN a pu faire une arrivée digne de lui, attendu devant le hangar n°6 par des « mécaniciens triés sur le volet », peut-être au garde à vous ? Il nous manque le film !

(*) Vérification faite, ce sont bien deux Lioré et Olivier LeO 242 qui ont fait le voyage, mais il n’y avait pas que le III/6 à leur bord !

 

Hydravion Lioré et Olivier H.242 employé sur la ligne Marseille/Alger – Photographie faite devant les hangars de l'hydrobase Air France à Marignane en 1937

Envergure : 28 m – Longueur : 18m 450 – Hauteur : 5 m 995 - Poids à vide : 4 750 Kg. - Poids enlevé : 4 250 Kg - Vitesse à 100 m (sol) : 232 km/h - Temps de montée : 13'10" à 2 000 m – Plafond : 4.400 m. en 63’

Les passagers et le fret prenaient place à bord au sec et les H.242 étaient mis à l'eau ensuite via une rampe.

Collection René ZUBER via Jean-Louis BLÉNEAU

 

Hydravion Lioré et Olivier H.242 employé sur la ligne Marseille/Alger – Photographie aérienne de l'hydrobase Air France de l’Agha d’Alger vers 1937

 

 

En fait, le lieutenant BRAUDEAU a un peu oublié 45 ans plus tard que c’était le lieutenant MIRAND, le vrai patron du personnel non navigant, en charge de l’équipe administrative du Groupe ; si celui-ci n’a pas raconté plus tard par modestie le transfert du III/6, de Marseille à Alger, des sous-officiers se rappellerons bien que c’est lui qui a réglé la plupart des problèmes. Il fit la traversée à bord du « Commandant Dorise », avec ses hommes, dans des conditions épouvantables et fit de son mieux pour leur trouver un minimum de rations alimentaires, soutenir le moral des plus faibles et éviter des affrontements dus à la promiscuité avec les autres passagers...

Comme cette histoire est bâtie autour de celle de l’a/c Joseph BIBERT, notons pour sourire qu’il n’a pas eu la chance d’être « trié sur le volet » puisque son livret militaire prouve qu’il n’a été « débarqué » que le 27. Il n’y avait au III/6 que 4 sous-officiers mécaniciens qui avaient fait un stage de 8 jours chez Dewoitine à Toulouse du 7 au 16 juin pour être spécialisés sur le D.520 ; adj. COLIN, (chef de hangar) et sgt DESFOSSEZ pour la 5ème, s/c BIBERT (chef de hangar) et ROBERT pour la 6ème. On peut penser malgré tout que la présence sur le port de Marseille d’un des deux chefs de hangars, sous-officier confirmé, pour veiller au bon chargement des matériels du Groupe, avait été jugé utile puisqu’on sait par ailleurs que les trois autres ont bénéficié d’un voyage confortable en avion pour accueillir dignement leur commandant de Groupe à son arrivée en terre d’Afrique !

 

Extrait du livret militaire de Joseph BIBERT – Débarquement en Algérie

 

21 juin 1940 : Pour revenir sur les problèmes d’intendance, ceux du GC III/6 qui font la traversée maritime ont touché à leur départ du Luc des rations individuelles pour se nourrir les 19 et 20 juin... Après cela c’est la grande débrouille ! Ils embarquent donc le 21 juin sur les deux antiques cargos, le « Commandant Dorise » pour le personnel et une partie du matériel et le « Sainte-Marguerite II » pour le reste du matériel. Ces deux navires doivent avec une trentaine d’autres partir en convoi (*) Les échelons roulants de plusieurs autres groupes ont également été embarqués, certains sur les mêmes navires que ceux du III/6 (GC II/4 et de GAO 553 comme dit plus haut).

(*) Les navires du convoi P8 : AMPERE, CALEDONIEN, CAMPINA, CHATEAU LAROSE, CHELMA, COMMANDANT DORISE, CYDONIA (britannique), ESTRID (danois), FIRUZ, FORMIGNY (britannique), GINETTE LE BORGNE, GOUVERNEUR GENERAL CAMBON, GOUVERNEUR GENERAL GREVY, GOUVERNEUR GENERAL TIRMAN, IMERETHIE II, JOHN KNUNDSEN (norvégien), KROUMIR, LANGANGER, MAYAN, MAYENNE, MEDIE II, MONT SAINT CLAIR, NICOLO ODERO, OASIS, P.L.M.20, PALLAS, PLATON, SAGITTAIRE, SAINTE MARGUERITE II, TANAIS, TELL et TIBERIADE.

 

Cargo "Commandabt DORISE"

Cargo "SAINTE-MARGUERITE II"

A gauche, le cargo « Commandant DORISE » et à droite le « Sainte-Marguerite II »

Echelon roulant du GC III/6 sur le "Commandant DORISE"

Echelon roulant du GC III/6 sur le "Commandant DORISE"

Chargement d’un camion de l’échelon roulant du GC III/6 le 20 juin 1940 sur le « Commandant DORISE » et un aperçu des conditions de la traversée qui dura 4 jours

Photographies Robert ROHR du GC III/6 – Droits réservés

 

Personnels du GAO 553 sur le "Commandant DORISE"

Le "Commandant DORISE" quitte le port de Marseille - 22 juin 1940

Le "Commandant DORISE" quitte le port de Marseille le 22 juin 1940

Toujours à bord du « Commandant DORISE » des personnels du GAO 553, Groupe qui a aussi embarqué sur le cargo et le départ de celui-ci dans le port de Marseille

Collection de GRIVEL via Mathieu COMAS – Droits réservés

 

En savoir plus sur :  Les cargos « Commandant DORISE » et « SAINTE-MARGUERITE II »

 

Dans la nuit du 21 au 22 juin, alors que les navires sont encore en rade 6 à 10 bombardiers Savoia-Marchetti SM.79 du 104ème Gruppo (46ème Stormo) attaquent la ville en deux vagues successives. Ce qui reste de la chasse française n’a pas pu intervenir, et la D.C.A française réagit sans succès, y compris les jumelages anti-aériens se trouvant sur certains navires et servis par des marins de la « Royale ». Un peu plus de 4 tonnes de bombes tombent sur Marseille et l’Estaque, faisant près de 140 victimes civiles. Quelques-unes atteignent la rade, mais loin des bateaux, créant cependant une grosse panique et une course vaine aux ceintures de sauvetage.

22 au 17juin 1940 (en mer) : Ceux-ci lèvent l’ancre le 22 juin à 17h 00 à destination d’Oran, escortés par des unités de la Marine Nationale. Il y a 1 200 personnes à bord du « Commandant Dorise », l’installation manque de confort et d’hygiène, la nourriture peu abondante est médiocre. C’est pire sur le « Sainte-Marguerite II ». Le convoi change très souvent de cap pour dérouter les sous-marins ennemis. Le 23 le convoi est encore en face de la côte française à Port-Vendres et il arrive en vue des Baléares à une vitesse de 9 nœuds dans la journée du 24, et à Oran le 26 à 17 heures mais des ordres nouveaux ont été donnés pour certains bateaux de poursuivre leur route vers Alger. Les deux vieux cargos repartent à 21 heures et tout le monde débarque à Alger le 27 juin entre 18 et 19 heures ; les hommes sont totalement épuisés et affamés. Tout le Groupe GC III/6, encore dispersé puisque l’échelon volant a quitté Maison-Blanche depuis 3 jours, se trouve à ce moment en terre africaine, en attente d’instructions.

Cantonnés au « Dépôt des isolés métropolitains » au 25ème régiment du train-auto, ce qui ne résout que partiellement leurs précédents problèmes d’intendance, il faudra trois jours aux « rampants » à Alger pour regrouper le matériel et se remettre en ordre de marche, avant de pouvoir enfin quitter la ville en effervescence le 30 juin pour Constantine. Quelques photographies permettent de penser que certains ont quand même eu le temps de visiter rapidement la grande ville blanche...

 

MORSOTT - CONSTANTINE

 

Mémoires de Jean MENNEGLIER

« ...Le 24 juin nous partîmes en deux formations vers Morsott, notre nouveau lieu de stationnement. Aux environs de Constantine nous butâmes sur un ciel très noir. Un vent de sable soufflait au sud. Le cne Stehlin fit demi-tour et décida d'aller se poser sur le terrain de Constantine. Le cne Chainat qui commandait l'autre formation, sans doute plus familier du vent de sable à cause de son séjour au Maroc alla jusqu'à Morsott.... ».

 

Retour à L’Échelon volant

24 juin 1940 : Le Groupe reçoit l’ordre de se rendre à Morsott, bled perdu dans les sables et la rocaille situé entre Tébessa et Souk-Ahras à la frontière tunisienne, à 400 km est/sud-est d’Alger, plus loin que Constantine. On est le 24 juin. Ce qui est indiscutable : la 5ème Escadrille décolle à partir de 15h 00 (Cahier d’Ordres) ; LE GLOAN – MARTIN – TRINEL (seconde patrouille), suivis de GOUJON – CHARDONNET – MERTZISEN et HARDOUIN (troisième), vont arriver sans encombre à Morsott ; par contre la patrouille JACOBI – de ROUFFIGNAC – BRONDEL, partie la première 5 minutes avant celle de LE GLOAN, va atterrir à Constantine ! Le livre de marche de la 6ème Escadrille dit seulement « Un providentiel (SIC) vent de sable oblige la moitié du Groupe, conduite par le Capitaine Stehlin, à se poser sur le terrain de Constantine » et le Cahier d’Ordres de l’Escadrille cite seulement les 12 pilotes ayant fait le trajet Alger – Constantine en 4 patrouilles de 3 sans préciser l’heure de décollage. On sait par ailleurs qu’à l’atterrissage, les avions du capitaine BOULARD de POUQUEVILLE et du sgt GAUTHIER (6ème Escadrille) se percutent, sans dommage pour les pilotes. Belle pagaille !

En 1964, Paul STEHLIN, qui situe d’ailleurs bizarrement cet épisode le 23 (avant l’annonce de l’armistice avec l’Italie) au lieu du 24, raconte dans ses mémoires cet épisode en multipliant invraisemblances et contrevérités : « L’Escadrille des masques blancs (c’est la 5ème qui se pose effectivement à Morsott, mais sous la conduite de CHAINAT d’après jean Menneglier) part avec Assollant en tête, celle des masques noirs (c’est la 6ème, celle qu’il dit conduire et qui va se poser effectivement à Constantine avec lui) suivra à une demi-heure (5 minutes d’après le cahier d’ordres), sous ma conduite. Est-ce parce que je ne connais pas l'Afrique ou est-ce l'influence d'une grande fatigue, j'ai l'impression que la visibilité diminue rapidement et que devant nous le ciel s'assombrit. Le fait est que la formation s’est resserrée, ce qui est bien le signe que personne ne veut risquer de me perdre de vue. J’ai vingt pilotes (12 tout au plus !) qui me suivent, la moitié d’entre eux n’a qu’une courte expérience du vol (Ils ont tous plus de 20 missions de guerre à leur actif et de nombreuses citations !). Je regarde la carte, nous ne sommes pas loin de Constantine. Il est peut-être plus prudent de faire une escale pour obtenir des informations sur le temps (il n’y a que 20 minutes de vol environ entre Constantine et Morsott !) ». Il sous-entend à contrario plus loin en se contredisant qu’il a fait le choix volontaire de se poser à Constantine pour pouvoir quitter l’Algérie au plus tôt avec ses pilotes, à destination de Malte, afin d’y poursuivre la lutte à côté des Anglais. Pour lui, comme dit plus haut, il y avait en effet volonté de toute la hiérarchie de réduire les escadrilles à l’immobilité en les positionnant loin de tout et sans possibilité de ravitaillement en essence, voire de remettre les avions aux italiens.

 

 

Plus raisonnablement et plus simplement, on peut aussi penser que vu le grand encombrement de Maison-Blanche, la nécessité d’y faire de la place a conduit à répartir dans l’urgence les escadrilles au mieux sur des terrains pouvant les accueillir, conformément aux ordres du 17 juin du Général VUILLEMIN, sous la signature du Général BERGERET, visant à concentrer les forces face à l’Italie. Ce n’est en effet que le 24 au soir que l’armistice avec l’Italie de Mussolini a été signé, avec une cessation des hostilités à 0h 35 le 25 au matin. A cette heure-là, si la cinquième Escadrille est bien à Morsott, sans doute avec CHAINAT et/ou ASSOLLANT ?, conformément aux ordres de l’État-major, le Commandant du Groupe et une patrouille de la 5ème (dont son commandant d’escadrille) se sont posés prudemment à Constantine, en y entraînant toute la 6ème Escadrille.

A propos de Constantine : « … à la place du bel aérodrome auquel je m’attends en raison de l’importance de la ville j’aperçois une sorte de petit terrain d’aéro-club… » écrit Paul STEHLIN dans ses mémoires en poursuivant : « …à Morsott il n’y a ni logement, ni nourriture, ni rien pour faire vivre un Groupe, c’est le désert… à Constantine l’hôtel « Transatlantique » est confortable… ». On comprend mieux ! Il dit alors vouloir faire revenir immédiatement la 6ème Escadrille à Constantine, mais qu’on lui intime l’ordre de ne pas le faire, toujours avec cette volonté générale et organisée d’empêcher les aviateurs de se rallier aux Anglais. Mais avec la signature de l’armistice dans la nuit, qu’aucun avion ne soit autorisé à voler à partir du 25 au matin n’a pourtant rien d’étonnant (*) ! Tout cela est bien embrouillé et n’a finalement que peu d’importance, hormis peut-être celle de présenter l’auteur de ces lignes sous un jour favorable, plus de vingt ans après les faits, au moment où le Général de Gaulle est au pouvoir et qu’on aspire à une carrière politique…

(*) Pourtant dans la matinée du 25 juin, le capitaine JACOBI, commandant de la 5ème Escadrille, qui s’est détourné la veille de leur destination prévue avec le cne STEHLIN, qui a préféré le « confort » de Constantine plutôt que les « sables » de Morsott, fait un aller-retour Constantine-Morsott avec son Dewoitine 520 codé « 1 », sans doute pour donner quelques ordres aux pilotes et mécaniciens se trouvant à Morsott (Cahier d’Ordres de la 5ème).

Dans les jours qui vont suivre, conformément aux ordres donnés aux commandant des deux escadrilles par leur commandant de Groupe, aussi bien à Morsott qu’à Constantine, les capots des Dewoitine sont ouvert et les magnétos sont démontés pour interdire tout départ intempestif (voir photographie plus bas). Il n’est donc vraiment pas question d’un départ à Malte...!

29 juin 1940 : Morsott était bien la destination prévue du III/6. Deux photographies prises par le sgt Jules PIESVAUX de la 5ème le 29 juin y montrent en effet des D.520 du III/6 et ses camarades mécaniciens ; COLIN et DESFOSSEZ (du stage de Toulouse) et LE MAT. Au moins ces quatre-là faisaient-ils donc partie de ceux qui avaient traversé la Méditerranée par avion et qui avaient été dépêchés en avant-garde sur leur nouveau terrain d’affectation. Par contre les pilotes posés à Morsott, privés de vol, ont laissé leurs avions sous la garde d'une unité territoriale et de quelques mécaniciens… pour rejoindre leurs camarades à Constantine où la vie est bien plus agréable !

 

GC III/6 à Morsott

GC III/6 à Morsott

Rares photographies témoignant de la présence d’avions du GC III/6 à Morsott entre le 25 et le 30 juin 1940

Sergents mécaniciens PIESVAUX, LE MAT, COLIN et DESFOSSEZ à gauche, LE MAT et PIEXVAUX à droite

Photographies Jules Piesvaux – Droits réservés

 

30 juin 1940 : L’échelon roulant qui a pu récupérer péniblement à Alger ses matériels arrive finalement dans la soirée du 30 juin à Constantine où les avions sont totalement immobilisés. Les mécaniciens ne chôment pas ; les machines n’ont pas beaucoup profité de leurs soins depuis de départ du Luc-en- Provence...

3 juillet 1940 : C’est Mers el-Kébir ! On remet précipitamment les appareils en état de vol et les pilotes de la 5ème dont l’appareil est à Morsott y retournent pour le ramener à Constantine en vue d’une éventuelle opération de protection contre l’agresseur britannique.

 

Témoignage oral (2011) de Mme. Jane ROBERT, veuve du sgt mécanicien Lucien ROBERT du III/6 -5ème Escadrille

« ...J’étais donc à Oran en 1940 au moment de la tragédie de Mers el-Kébir. L’Amiral Gensoul a refusé à Churchill de prendre le contrôle de la flotte et les Anglais l’ont immédiatement bombardée : ce fut une faute. Mais il faut dire que l’Amiral français avait fait d’abord fait tirer sur la vedette des parlementaires anglais qui venaient à sa rencontre, sans vouloir engager une négociation, ce que beaucoup lui ont reproché. Un des bateaux dont tout l’équipage était à bord a immédiatement été détruit et tous les marins se sont retrouvés au fond de l’eau, les pauvres, complètement mazoutés : ils sont presque tous morts. Après le désastre mon père m’a dit : on va aller voir ce que c’est. C’était terrible, tous les bateaux étaient complètement tordus, à moitié noyés… c’était affreux, affreux ! J’avais une amie qui était infirmière à l’hôpital Gaudens, elle m’a dit que les marins qui arrivaient complètement mazoutés étaient en fait asphyxiés et mourraient comme des mouches… Seul le cuirassé « Strasbourg » avait pu s’échapper... »

 

C’est donc dans des conditions un peu rocambolesques que tous les personnels, les avions et le matériel du III/6 éparpillés entre Morsott, Constantine et Alger se retrouvent finalement regroupés sur le petit aérodrome de Constantine à Kroubs à la fin de ce triste jour de juillet 1940 qui a vu une partie de la Flotte Française être détruite par la Royal Navy à Mers el-Kébir ; 1 300 morts ! Pour fixer cette destination finale, il y a bien dû y avoir des ordres supérieurs au-delà du choix de son cantonnement qu’aurait fait un simple capitaine, Commandant d’un Groupe aérien parmi d’autres ! Peut-être que ses anciennes fonctions politiques à l’ambassade de France en Allemagne, bien que modestes, rendaient prudents ses supérieurs ce qui lui permettait de s’autoriser quelques libertés... Une fois tout le monde arrivé tant bien que mal à Constantine, certains continueront à profiter des « bienfaits » de l’intendance militaire car pris en subsistance par la 25ème compagnie du train automobile, tandis que d’autres s’installeront confortablement à l’hôtel Transatlantique.

 

Mémoires de Jean MENNEGLIER

« ...Le terrain de Constantine, le Kroubs, était tout petit. Il avait la forme d'une culotte de petit garçon et était à une altitude de plus de 1 000 mètres. Le vent soufflait dans la direction où il était le plus court. Les premiers avions se posèrent dans ce sens. Je fis moi-même un atterrissage de précaution en m'amenant au moteur à faible vitesse. Mais d'autres pilotes voulurent se poser dans le plus grand sens avec vent de travers. A un moment deux avions qui se posaient avec des axes d'atterrissage différents se tamponnèrent sans autre mal que de la tôle froissée (*)... »

« …on ne pouvait pas reprocher aux Anglais de vouloir protéger leurs côtes que les Allemands menaçaient directement alors que notre propre résistance s'était effondrée. Mais Mers el-Kébir nous paraissait comme un affront, un manque de confiance dans la volonté de notre Marine de respecter les clauses de l'armistice et de ne pas laisser notre flotte tomber sous le contrôle allemand. Évidemment plus tard, avec la présence de Darlan au gouvernement, nous aurions pensé autrement. Bref nous étions prêts à répondre coup pour coup aux Anglais. Le Groupe III/6 aura l'occasion de le faire en Syrie mais je l'aurai quitté avant... »

 

(*) comme dit plus haut, le cne Hugues BOULARD de POUQUEVILLE à bord du n°386, percute le n°364 « Mektoub III » du sgt Gauthier et lui découpe le plan droit. Ce dernier D.520 est bon pour la réforme, tandis que le n°386 pourra être réparé… lorsque les réparations seront de nouveau autorisées en atelier, soit près d’un an plus tard ! Ce n’est que le début d’une longue série. Le sgt Gauthier restera sans avion jusqu’au 24 juin et ne pourra récupérer un autre appareil que le 21 août seulement ; ce sera le D.520 n°145 qui sera codé « 32 » et baptisé « Mektoub IV ». Voir photographie plus bas.

 

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Joseph BIBERT est certainement heureux de se retrouver une seconde fois en poste sur le sol africain, après son premier séjour à Djibouti de 1937-1939, qui fut pour lui si agréable et dont il conserva la nostalgie sa vie durant.

Il n’aimait pas parler de lui, et nous n’avons malheureusement pas connaissance de l’activité réelle et de son état d’esprit pendant la période très agitée entre son départ de Coulommiers, ses quelques jours passés au Luc, son stage à Toulouse, sa traversée de la Méditerranée et son arrivée à Constantine. Il n’a pris aucune photographie pendant cette période. Les trois dernières faites à Coulommiers et les premières faites à Constantine font partie d’un même rouleau de 8 négatifs. Pas de trace de correspondance ; aurait-il eu le temps d’écrire d’ailleurs ? Et à quelle adresse ? Il n’avait plus aucune nouvelle de son épouse sans doute partie en exode quelque part en France, de sa mère et de sa sœur en Alsace, si près de l’Allemagne. L’incapacité dans laquelle il était de leur signaler sa position et le manque de perspectives pour sa vie à venir ont certainement été des sujets d’inquiétude permanents. Mais comme beaucoup d’autres, il a tiré par la suite un voile pudique sur tout cela et nous n’avons pas pu réellement aborder le problème sur le fond avec lui avant sa disparition.

Une petite anecdote mérite cependant d’être racontée : au Luc, avant sa mission à Toulouse, il logeait chez un facteur dont la maison était rose. Dans la précipitation de l’évacuation de l’hexagone il s’est retrouvé en Algérie sans une partie de ses effets personnels qui étaient restés dans une valise chez son logeur, dont il ne se rappelait plus, ni le nom, ni l’adresse. Il a donc écrit d’Algérie à tout hasard une lettre à « Monsieur le Facteur, Habitant une maison rose, Le Luc » et il y eut trois miracles consécutifs : son courrier est parvenu à la bonne destination, ce facteur était honnête et la valise est finalement arrivée de l’autre côté de la Méditerranée quelques semaines plus tard, intacte et complète !

Que pensait-il de ce qui venait d’arriver à la France ? Avait-il entendu parler du Général DE GAULLE ? Faisait-il totalement confiance comme 95% des français de l’époque au vieux Maréchal pour sortir le Pays de l’ornière dans laquelle ses dirigeants l’avaient conduit. Avec le temps et connaissant la fin du film on voudrait savoir et on imagine. Mais la réalité est sans doute assez simple. Joseph était un modeste militaire de carrière, il faisait partie du GC III/6 et il avait confiance en sa hiérarchie. Il a accepté les ordres donnés et il s’est sans doute adapté à la situation, en faisant simplement au mieux pour que celle-ci soit la moins mauvaise possible eu égard aux circonstances, et il a attendu la suite… Le s/lt MENNEGLIER dans ses mémoires, ne dit pas autre chose (voir première partie)...

 

 

Finalement, il n’y aura pas de vraies représailles contre l’Angleterre après Mers el-Kébir ; le Gouvernement du Maréchal rompt seulement ses relations diplomatiques et envoie quelques avions bombarder Gibraltar le 5 juillet sans grands dommages pour le « Rocher ». Le III/6 se retrouve alors en quasi léthargie. Officiers, sous-officiers, hommes de Troupe, tous en profitent pour visiter longuement la ville et ses ponts, dont le célèbre Sidi M’Cid suspendu au-dessus des gorges du Rhummel. Après les épreuves de la campagne de France, c’est un délassement apprécié et le soulagement se lit sur les visages. Tous ceux qui ont un appareil photo en profitent car ils ont la chance de trouver encore à acheter quelques rouleaux de pellicules, denrées rares à cette époque...

 

Constantine – Début juillet 1940 – Les Dewoitine D.520 de la 6ème Escadrille – Capots ouverts – Magnétos démonté pour les clouer au sol

Photographie Joseph Bibert – Droits réservés

Dewoitine 520 n°264 et 386 - GC III/6 - Constantine

Constantine : Le Dewoitine D.520 n°364 « Mektoub III » du sgt Georges GAUTHIER (6ème), plan droit arraché

lors de l’atterrissage du n°386 du cne Hugues BOULARD de POUQUEVILLE (E.M.) - Appareil au second plan

Photographie Georges Gauthier – Droits réservés

 

C’est donc à Constantine que Joseph termine le rouleau de pellicules photo, commencé lors du bombardement de Coulommiers, un peu plus d’un mois plus tôt. Il peut recharger son Voigtlander grâce aux ressources locales et on peut ainsi découvrir les seules photographies connues d’un si bel alignement de Dewoitine 520, ceux de la 6ème Escadrille du GC III/6, clichés historiques de grande qualité qu’il a faits du terrain de Constantine, dont certains à bord d’un Lioré & Olivier LeO 20 avec lequel il a eu l’occasion de survoler la ville.

 

 Début juillet à Constantine : photographies de l’album n°6 de Joseph BIBERT 

 

Bandeau des photographies début juillet à Constantine

Cliquez sur le bandeau des miniatures ci-dessus pour ouvrir la page contenant ces photos

 

 Les photographies de Jules PIESVAUX, Jean MENNEGLIER et Georges GAUTHIER – Droits réservés 

 

Constantine – Dans les gorges du Rhummel – Jules PIESVAUX de la 5ème – La passerelle Sidi M’Cid – Le monument aux morts - Groupe de mécaniciens de la 6ème

 

Constantine – Dans les gorges du Rhummel (à gauche) et autres vues (au centre et à droite)

Constantine – En haut des gorges du Rhummel (à gauche) – Groupe de mécaniciens de la 6ème(au centre) - Sur le pont d’El-Kantara (construit entre 1860 et 1863), vers la passerelle Sidi M’Cid (à droite)

Les bains de Sidi M’Cid – GABARD – SATGÉ – X – PIMONT de la 6ème Escadrille

 

Mémoires de Jean MENNEGLIER

« ...A Constantine nous logions à l'hôtel de la Brèche qui avait pris ce nom probablement parce que c'était à son emplacement que les murailles de la ville avaient été percées lors de sa prise au siècle précédent. Sous la fenêtre de ma chambre il y avait un caravansérail où on chargeait des chameaux qui devaient partir ensuite vers le sud. Le premier matin, ouvrant l'œil, j'entendis un bruit bizarre qui ressemblait à celui fait par quelqu'un en train de vomir. Regardant dehors je vis les chameaux baraqués qui blatéraient à qui mieux mieux pendant qu'on les chargeait de grands sacs réunis par des cordes nouées au-dessus du bât.

Nous établîmes notre popote au restaurant de la piscine de Sidi M'Cid qui se trouve juste au pied des falaises qui bordent la ville au nord. Pour y aller on pouvait prendre soit la route qui suit les gorges du Rhummel et descend ensuite en lacets vers la piscine, soit en faisant un grand tour pour arriver en bas de la falaise et traverser la rivière par un pont juste à la sortie des gorges.

La piscine était alimentée par une source chaude sortant de la falaise. Il y avait un ciel bleu et un soleil chaud. Nous faisions souvent les lézards sur ses gradins après nous être baignés. Ne pouvant plus voler nous n'avions plus grand chose d'autre à faire… Pour passer le temps nous nous promenions pour visiter la ville.

Capdeviolle avait une carabine 22 long rifle démontable. Un jour nous allâmes tirer des pigeons dans les gorges du Rhummel qui étaient accessibles par un sentier escarpé avec de nombreux escaliers. Il y avait au fond une sorte de piscine remplie d'une eau d'un bleu vert d'une couleur extraordinaire. Nous descendîmes quelques pigeons qui furent récupérés par de petits arabes qui traînaient au fond des gorges. Elles sont très pittoresques à cause de leur profondeur et en deux ou trois endroits le Rhummel qui les a creusées passe dans un tunnel ou sous des arches de rocher notamment à la sortie où il tombe en cascade à mi-hauteur de la falaise... »

 

Chez Sidi M’Cid : HARDOUIN, GAUTHIER, LE GLOAN, PIMONT, GOUJON etc...

Chez Sidi M’Cid : LE GUENNEC, GUERRIER, BRIÈRE, ROUSSILLON, PIESVAUX, PÉRALÈS

 

Pilotes du GC III/6 fin juin 1940

État-major

5ème Escadrille

6ème Escadrille

Cne Paul Stehlin

Cne André Chainat

Cne Jean Bernache-Assollant

Cne Hugues Boulard de Pouqueville

Cne Roger Jacobi

Cne Jacques Sautier

Lt Robert Martin

Lt Daniel de Rouffignac

S/Lt François Brondel

S/Lt Pierre Le Gloan

Adj Charles Goujon

S/C Gabriel Mertzisen

S/C Maurice Chardonnet

Sgt Napoléon Trinel

Sgt Roger Hardouin

Cne Jacques Guerrier

Lt Georges Legrand

S/Lt André Capdeviolle

S/Lt Marcel Steunou

S/Lt Marie-Henri Satgé

S/Lt Jean-Paul Menneglier

Adj Jean Diaz

Adj Guy Japiot

S/C Alain Le Guennec

S/C Paul de Haut de Sigy

Sgt Georges Gauthier

Sgt Roger Pimont

Sgt Raymond Gabard

 

Le général VUILLEMIN, sur le départ, se fait présenter à Sétif le 6 juillet au cours d’une prise d’armes une importante délégation des pilotes de l’aviation de chasse en mesure d’y être présents. Au GC III/6 nombreux sont ceux qui sont mis à l’honneur et qui reçoivent de ses mains des distinctions :

·        Cravate de commandeur de la Légion d’Honneur au capitaine CHAINAT,

·        Croix de Chevalier de la Légion d’Honneur au lieutenant LEGRAND et au sous-lieutenant LE GLOAN,

·        Médaille militaire aux adjudants JAPIOT et GOUJON,

·        Croix de guerre au capitaine GUERRIER, sous-lieutenants STENOU, SATGÉ, MENNEGLIER, CAPDEVIOLLE, au sergent-chef LE GUENNEC et aux sergents GAUTHIER, GABARD, PIMONT et BOUIN.

 

Mémoires de Jean MENNEGLIER

« ...Un jour le groupe alla par la route à Sétif pour assister à une prise d'armes pour une remise de décorations. J'avais eu droit à une citation à l'ordre de la Brigade aérienne pour la mission pendant laquelle nous avions été tirés par la D.C.A. sur la Somme, ce qui ne représentait pas une performance remarquable. Je la pris comme une compensation pour n'avoir fait qu'apercevoir un Dornier pendant toute la durée de « ma guerre ». Il est vrai qu'on distribuait, paraît-il, des croix de guerre aux soldats qui se présentaient à Toulouse ou à Périgueux porteurs de leur arme après avoir fait la retraite. Le gouvernement de Vichy fit d'ailleurs procéder à une révision générale de toutes les décorations et en profita pour changer la couleur du ruban qui était rouge et noir par du vert et noir en signe de deuil... »

 

Un état daté du 10 juillet donne la liste des 27 Dewoitine D.520 affectés au GC III/6 incluant les deux appareils accidentés le 24 juin (HS), mais sans le préciser :

·        - quatre à l’État-major : n°331 (A), 302 (S), 314 et 386 (HS)

·        - onze à la 5ème Escadrille : n°229 (1), 301 (2), 362 (3), 349 (4), 277 (6), 340 (7), 284 (8), 360 (10), 367 (11), 368 (12) et 369 (X)

·        - douze à la 6ème Escadrille : n°313 (21), 357 (22), 330 (24), 356 (25), 358 (26), 346 (27), 174 (28), 138 (29), 295 (30), 321 (31), 364 (32) (HS) et 197 (33).

Un état daté du 15 juillet à Maison Blanche concernant les mêmes appareils précise que les n°364 et 386 « gravement accidentés à l’atterrissage à Constantine ont été laissé sur place et vont être versé au parc d’Hussein-Dey , sur ces avions les moteurs sont récupérables ». Mais comme indiqué plus haut, devant la pénurie d’appareils, le n°386 sera finalement réparé et reversé au Groupe un an plus tard.

 

 

 

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ALGER

11/07/1940 – 15/01/1943

 

 

Tout change militairement après Mers el-Kébir. L’État-major du gouvernement du Maréchal doit maintenant défendre ses colonies contre des éventuelles agressions britanniques, et c’est dans ce cadre que le Groupe II/6 est rappelé à Alger Maison Blanche le 11 juillet 1940 pour être au plus près de la côte algérienne.

Le cne STEHLIN, fidèle à lui-même, veut impressionner. Il organise un défilé aérien qui survolera à 500 mètres d’altitude Constantine au départ et Alger à l’arrivée, avant l’atterrissage du Groupe à Maison-Blanche. Lui en tête, suivi de 10 patrouilles légères, 5 de la 5ème et 5 de la 6ème comme le montre le cahier d’ordres de la 5ème Escadrille de cette journée.

 

 

Terrain de Maison Blanche vers 1935 – Les installations militaires – Plus loin, le village et la baie d‘Alger au nord-ouest

A droite, les installations initiales civiles le long de la route « GC 16 » qui reliait le village de M.B. à Fondouk au sud-est

Cette zone est actuellement au centre de l’aérodrome international Houari Boumédiène

Collection Pierre Jarrige – Droits réservés

 

L’échelon roulant, c’est-à-dire l’unité administrative du Groupe, les sous-officiers non pilotes et la troupe vont dorénavant cantonner au camp d’Oued-Smar, situé à moins de deux kilomètres à l’ouest de Maison-Blanche le long de la voie ferrée, avec une gare et quelques anciens bâtiments militaires rudimentaires (voir carte plus haut).

 

Juillet 1940 - Installation de l’échelon du GC III/6 au cantonnement d’Oued-Smar (2km à l’ouest de Maison Blanche)

On reconnaît des mécaniciens des deux escadrilles

L’adj COLIN au centre présente ce qui pourrait être un morceau de métal déformé où on semble lire « RSAG » ?

A gauche, s/c Joseph BIBERT (6ème) avec son béret – A droite, sgt Jules PIESVAUX (5ème) une main dans le dos

Photographie Jules Piesvaux – Droits réservés

Oued-Smar – Le service administratif du III/6 autour du lieutenant MIRAND qui le commande

Collection François-Xavier Bibert

 

Oued-Smar – Jules PIESVAUX et Yves LE MAT (5ème)

inséparables amis...

Photographie Jules Piesvaux – Droits réservés

Les amis de Joseph BIBERT : Omer BORREYE (5ème)

Lucien ROBERT dit « Bob » et Jean EMERY (6ème)

Photographie Jules Piesvaux – Droits réservés

Les lieutenants MIRAND (service administratif)

et BRAUDEAU (mécaniciens) en visite dans les environs

Collection François-Xavier Bibert

 

Inventaire du matériel roulant du GC III/6

Alger le 13 juillet 1940

Types de véhicules

Marque

Nombre

Voiture de liaison

Simca

1

 

Renault Vivasport

2

 

Peugeot 402 B

1

Camion 2 tonnes

Matford

4

 

Matford

En réparation au Parc d’Artillerie de Constantine

1

 

Matford

En instance de réforme au Parc de la Base de Sétif

 

 

Renault

Réquisitionné

1

Camion 2,5  tonnes

Renault

Réquisitionné

1

Camion

Hotchkiss

Réquisitionné

1

Camion 3 tonnes

Latil

1

Camion 5 tonnes

Matford

1

 

Renault

4

Camion + équipement Aérazur

Entretien des radios

Latil

1

 

Hotchkiss

1

Autobus

Rochet - Schneider

1

Camion insuflateur air chaud

Citroën + Técalemit

3

Remorque magasin

Coder

1

Remorque armurerie

Coder

2

Cuisine roulante

 

1

Voiture de liaison

Simca

1

 

Les choses se calment un peu ensuite avec les anglais même si la presse algéroise, en quelques jours, fait allégeance complète au régime du Maréchal. Le Groupe est en partie démantelé ; c’est une vraie période d’hibernation d’environ 10 mois qui commence. Comme à Constantine ceux du III/6 peuvent aussi prendre le temps de visiter Alger et de profiter de la mer Méditerranée.

 

Mémoires de Jean MENNEGLIER

« ...Lorsque nous ne volions pas, nous nous promenions dans Alger où nous allions prendre des bains de mer dans une petite crique rocheuse à l'est de la ville vers Fort-de-l’Eau. On y retrouvait la jeunesse pied noir. Les jours de tempête les vagues déferlaient sur les rochers jetant des gerbes d'écume jusque sur la route du bord de mer. Je ne me lassais pas de la contempler.

Il y avait dans les rues ou sur les places des petits kiosques où on pouvait prendre un café crème le matin. En consommant dans celui qui était en face de la poste j'aperçus sur une étagère des gâteaux qui ressemblaient à des chaussons aux pommes. J'en demandai un et eus du mal à avaler la première bouchée. C'était un chausson au poivron vert. Quand on n'est pas habitué à ce genre de friandise, ça passe difficilement. Le reste du chausson fut balancé subrepticement dans une bouche d'égout.

On prenait l'apéritif à des terrasses en plein air, généralement devant l'opéra. A peine assis il fallait se défendre contre les petits « yaouleds » qui voulaient à toute force vous cirer les chaussures même quand elles étaient propres et vous mettaient d'autorité le pied sur leur boîte. De temps en temps on les laissait faire. Il y en avait d'autres qui vendaient des journaux.

C'était drôle de les entendre crier : « L'icou d'Algi » (l'Echo d'Alger) ou « La Dipiche » ».

 

 Juillet 1940 à Alger : photographies Jules PIESVAUX – Jean MENNEGLIER 

 

Alger – Sur le port

La baie d’Alger d’ouest en est : Notre Dame d’Alger et Bab-el-Oued (à gauche)– La jetée du nord (au centre) – Fort-de-l’Eau et le Cap Matifou (à droite)

La Méditerranée

 

Dans la Kasbah d’Alger (à droite)

 

Des départs et arrivées de pilotes sont enregistrés, mais certains nouveaux ne peuvent être maintenus pour respecter les exigences de la commission d’armistice (*) italienne dont le contrôle s’exerce dans tous les domaines :

(*) « Commission d’armistice : organisme qui en trois mois, doit faire d’un aviateur invaincu, un civil plein d’amertume » peut-on lire dans un livre de marche…

 

Départs

Arrivées

Noms

Observations

29/07/40

 

Sgt TRINEL

démobilisation

17/08/40

 

Cne CHAINAT

démobilisation

17/08/40

 

Cne ASSOLLANT

démobilisation

17/08/40

 

S/c DE HAUT

libération

 

25/08/40

Sgt LINARD (5ème)

du III/2

 

25/08/40

Sgt MONRIBOT (5ème)

du III/2

 

03/09/40

S/lt SAUVAGE (5ème)

du III/9

 

03/09/40

Adj KUNTZEL(5ème)

du III/9 -

 

04/09/40

Sgt MEQUET (5ème)

du I/9

 

04/09/40

Sgt MARGERIT (5ème)

du I/9

 

09/09/40

Sgt GHESQUIÈRE (6ème)

du III/3

 

09/09/40

Sgt MICHAUX (6ème)

du I/9

 

10/09/40

Sgt COISNEAU (5ème)

du II/4

 

18/09/40

S/lt GUILLOU (6ème)

du II/4

21/09/40

 

Sgt LINARD (5ème)

Jeunesse et Montagne

04/10/40

 

S/lt SAUVAGE (5ème)

congés d’armistice

15/10/40

 

Cdt STEHLIN

État-major DARLAN à Vichy

18/10/40

 

Adj GOUJON

S.C.L.A.

22/10/40

 

Adj DIAZ

Indochine

23/10/40

 

Lt LEGRAND

congés d’armistice

25/10/40

 

Adj KUNTZEL(5ème)

démobilisation

??/09/40

 

Lt BOIRIES (6ème)

du III/10

22/11/40

 

Cne RICHARD (État-major)

du I/9

01/12/40

 

Lt de ROUFFIGNAC

Jeunesse et Montagne

01/12/40

 

S/lt MENNEGLIER

Jeunesse et Montagne

01/12/40

 

Sgt GAUTHIER

Jeunesse et Montagne

 

27/12/40

S/lt RIVORY (6ème)

du I/55

01/04/41

 

Sgt GROSDEMANCHE

retour III/6 - grièvement blessé le 20/09/1939

21/04/41

 

Sgt GABARD

libération

22/04/41

 

Sgt HARDOUIN

libération

23/04/41

 

S/c LE GUENNEC

vers centre de Chasse de Blida

23/04/41

 

S/c CHAMBON

vers centre de Chasse de Blida

23/04/41

 

S/c MARGERIE

vers II/3

24/01/41

 

Lt LEGRAND

retour III/6

 

24/04/41

Adj BRODEAUX

??

 

28/04/41

Sgt GAUTHIER

retour III/6

03/05/41

 

Cne GUERRIER

État-major Air A.F.N.

 

06/05/41

S/c CHAMBON

retour III/6

 

22/05/41

S/c RAVILY

du III/23 via le I/3

 

22/05/41

S/c ELMLINGER

du III/2 via le I/3

 

23/05/41

Sgt SAVINEL

du I/9

 

23/05/41

Sgt MORALES

du I/9

 

Concernant le marquage des avions, il faut savoir que dès le 9 juillet la note 3456/3-S stipule que tous les avions doivent porter sur leurs flancs une bande blanche d’une largeur de 10 cm avec un liseré de 5 cm autour de la cocarde ; sa longueur n’est pas précisée. Cette bande blanche a une origine tragique : le 21 juin 1940, le s/lt Robert d’HARCOURT du GC II/3, fils du général Bernard d’HARCOURT, inspecteur Général de la Chasse, pilotant le D.520 n°112, a confondu le Potez 631 de l'ECN 4/13 détaché à la 1/13 avec un Messerschmitt 110 et est passé à l’attaque, criblant d’obus l’aile du Potez. Le mitrailleur arrière de l’avion de reconnaissance français, à la 3ème passe, s’estimant en légitime défense, a riposté et le D.520 et son pilote se sont écrasés à coté de Senlis. En toute urgence le Général PINSARD, par sa circulaire n°2379/Gr.21/ES du 26 mai 1940, a demandé alors à ce qu’une bande blanche soit peinte sur tous les Potez 63. Par extension, après Mers el-Kébir, la note du 9 juillet généralise cette marque à tous les avions d’A.F.N. au contact avec les Britanniques. Il faudra plusieurs mois pour que tous les avions de l’armistice portent cette bande blanche, mais ce sera fait rapidement au GC III/6, ce qui permet de dater sans trop d’erreur les photographies.

Par exemple : sur la photographie non datée de droite ci-dessous on reconnaît de gauche à droite ; adj Guy JAPIOT, adj Auguste KUNTZEL, sgt Raymond GABARD, adj Jean DIAZ, devant le D.520 n°197 « Le Sachem » de GABARD qui ne porte pas encore la bande blanche alors qu’elle est visible sur les photographies faites le 22 juillet 1940 lors de sa destruction (voir plus bas). Or l’adj KUNTZEL n’a été affecté au III/6 que début septembre venant du GC III/3, et on sait par son petit carnet de guerre personnel qu’avant cela il n’a été présent à Maison Blanche que du 23 au 25 juin 1940 (le GC III/3 a traversé la Méditerranée le 20 juin, pour se poser à Bône, puis partir pour Relizane via Alger le 22 - sans doute y a-t-il eu quelques retardataires dont l’adj KUNTZEL ? - et s’installer finalement le 12 juillet à Fès au Maroc avant d’être dissous en août). D’autre part nous possédons une photo faite au CIC de Montpellier au printemps 1940 alors que l’adj KUNTZEL était de moniteur du sgt GABARD. En conclusion cette photo a sans doute été faite le 24 juin à Maison Blanche, peut-être au moment du départ de la 6ème Escadrille du III/6 pour Morsott, quand l’ancien moniteur est venu saluer son ancien élève pendant que l’adj JAPIOT étudiait la carte d’Algérie pour localiser cette localité et préparer son vol...

 

C.I.C. de Montpellier - Printemps 1940 : X, adj KUNTZEL et MILLET, moniteurs, sgt GABARD en formation devant le MS.406 n°1027

Alger Maison Blanche – 24 juin 1940 (par déduction) : adj JAPIOT, adj KUNTZEL, sgt GABARD, adj DIAZ, devant le D.520 n°197 « Le Sachem » de GABARD

Photographies Auguste Kuntzel – Droits réservés – Merci à Lionel Persyn pour l’identification du Morane

 

Autre exemple : cette photographie de la collection de Raymond PIMONT, alors sgt à la 6ème Escadrille du III/6 sans légende. On peut identifier un Potez 63-11, un Dewoitine 520 sans bande blanche, mais ses marques montrent qu’il appartient à la 5ème Escadrille du GC III/3, le trimoteur Marcel Bloch MB 120 F-AMSZ qui assurait en juin 1940 la ligne régulière pour Air Afrique et le Savoia Marchetti SM-83 « OO-AUE » de la SABENA n°20.07.38 446, appareil initialement réquisitionné par Vichy à Alger, remis à l’École de Pilotage Militaire Belge réfugiée en A.F.N., mais finalement remis aux italiens le 30 août 1940. Cette photo pourrait donc avoir été prise début juillet 1940.

 

Alger maison blanche – Sans doute le 24 juin 1940 – Potez 63-11, D.520 du GC III/3, MB 120, Savoia Marchetti SM-83

Collection Raymond Pimont via Rémy Denizot

 

Juillet 1940 : L'activité aérienne est officiellement réduite à 4 heures de vol par mois et par pilote. Seule, une fraude bien organisée, permet à certains de voler un peu plus.

Un accident qui aurait pu avoir des conséquences terribles a lieu sur l’aérodrome de Maison-Blanche le 22 juillet 1940, sans doute dû au manque d’heures de vol d’entraînement. A 14h 10 le s/c Paul DE HAUT prend le départ sur le D.520 n°199 en vue de convoyer cet avion à Constantine sans savoir que le D.520 n°197 du sgt Raymond GABARD, de la 6ème Escadrille comme lui, avait dû atterrir 2h 00 plus tôt en vol plané, hélice calée suite à une panne de moteur à 2 000 mètres d’altitude au-dessus de la mer, qu’il n’avait pas été déplacé et qu’il se trouvait encore sur le terrain dont les bords étaient d’ailleurs toujours encombrés par de nombreux appareils convoyés à Alger avant l’armistice. Aveuglé par l’immense capot moteur du D.520, il n’aperçoit l’obstacle que trop tard et étant déjà à grande vitesse, il tente de décoller mais ne peut éviter une collision brutale. Le pilote s’en sort miraculeusement avec trois semaines d’hôpital mais les deux avions dont détruits.

 

Alger Maison Blanche – 22 juillet 1940 - Les débris des Dewoitine 520 n°199 du s/c DE HAUT et n°197 « Le Sachem » du sgt GABARD, tous deux de la 6ème Escadrille, après l’atterrissage mal maîtrisé du premier cité

Sur la photographie de gauche on aperçoit entre les deux carcasses un trimoteur MB.120 en phase d’atterrissage

Collection Raymond Gabard via Lionel Persyn – Droits réservés

 

Le s/c de HAUT avait été affecté d’office au III/6 parce qu’il avait demandé à effectuer la traversée de la Méditerranée avec ce Groupe le 20 juin. Cela n’avait sans doute pas plu à son Commandant qui, après une enquête rapide, estime dans son rapport au Commandant de la B.A. de Maison-Blanche (n°443/G.C.3/6) que le pilote aurait dû passer soit à droite, soit à gauche !!! … et qu’il porte donc l’entière responsabilité de l’accident. En conséquence et comme à son habitude, il veut une sanction et demande sa radiation immédiate du personnel navigant ; rien de moins ! Paul Louis Marie JACOBÉ de HAUT de SIGY (1906-1995), un des 5 enfants de Pierre Marie Henri JACOBÉ de HAUT, marquis de SIGY, homme politique et grand industriel français, est tout simplement démobilisé le 17 août !

C’est seulement le 16 septembre qu’un nouvel appareil, le n°311 (33), pourra être affecté au sgt GABARD.

 

 Le GC III/6 à Alger – Maison -Blanche en juillet / août 1940 

 

Dewoitine D.520 du GC III/6 à Maison Blanche – Au centre le n°368 « 12 » et le fameux n°277 « 6 » du s/t LE GLOAN (5ème Escadrille) et dehors les n°346 (27), n° 174 (28) et 138 (29) (6ème Escadrille)

D.520 n°358 « 26 - Quo Vadis » du s/lt MENNEGLIER (6ème)

Avion école Caproni Ca 164 acheté à l’Italie - D.520 n°48 « II » du GC I/3 (*)

Breguet 693 – Groupe indéterminé

Photographies Jean Menneglier – Droits réservés

(*) Le Dewoitine 520 n°48 est un des trois avions utilisés pour les essais d'endurance en avril 1940 (n°47 à 49) qui étaient codés de la sorte de I à III. Affecté ensuite au GC I/3, il est resté à Alger le 10 juin 1940 lors du transfert de ce Groupe de Perpignan à Kalaa–Djerda en Tunisie via Oran, Alger, Tunis et Oudna entre les 17 et 21 juin 1940. Récupéré par la 5ème Escadrille du III/6, il porte encore ici les marques du GC I/3. Il sera codé « 5 » et fera le déplacement de Casablanca, voir une photographie plus bas. Accidenté le 24 janvier 1940 à Oran où il restera indisponible une bonne partie du début de l'année 1941, il rejoindra Alger avant le départ du III/6 pour le Levant en mai 1941, mais il sera échangé avec le n°146 du II/7 au passage du Groupe à Tunis le24 mai 1941.

C’est en janvier 1940 que la France a commandé en Italie 100 Caproni Ca.164 pour ses écoles d’aviation pensant ainsi montrer à Mussolini sa bonne volonté politique et calmer ses ardeurs belliqueuses. La production s’est poursuivait jusqu'en lai et environ 70 avions ont été livrés en France. L’Italie a ensuite récupéré 16 avions après son occupation du sud de la France en 1943.

 

   

Profil des Dewoitine n°277 « 6 » de la 5ème (LE GLOAN) et n°358 « 26 Quo Vadis » de la 6ème Escadrille (MENNEGLIER) - Avant et après le marquage des avions de l’armistice

 

D.520 n°48 « 5 », n°284 « 8 », n°329 « 9 » de la 5ème Escadrille,

n°331 « A » (STEHLIN) et n°314 « S » (CHAINAT)

S/lt SATGÉ et adj DIAZ de la 6ème Escadrille

Cne STEHLIN et sgt PMONT de la 6ème Escadrille

Photographies Jean Menneglier et Collection Raymond Pimont via Rémy Denizot – Droits réservés

 

                

Dewoitine n°331 « A » du cne STEHLIN, commandant du Groupe III/6

Photographie à gauche Auguste Kuntzel – Droits réservés

        

Profil du Dewoitine n°313 « 21 » du capitaine GUERRIER, commandant la 6ème Escadrille et du capitaine SAUTIER n° 369 codé « X » affecté à l’État-major du III/6

 

Août 1940 : La nouvelle organisation des Forces Aériennes de l’armistice en A.F.N. est définie le 9 août 1940. Le Groupe de Chasse GC III/6 à Maison-Blanche (D.520), le GC I/3 à Oran (D.520), le GC II/3 à Maison-Blanche (D.520) sont rattachés au « Groupement de Chasse 26 » de Maison-Blanche qui doit opérer en coopération avec le « Groupement 3 » constitué des GB I/11 à Oran (LeO 451), I/19 à Sétif (DB-7) et II/61 à Blida (DB-7) (Bombardement), ainsi qu’avec les GR I/52 (?) et II/52 à Oran (Bloch 175) et I/36 à Sétif (Potez 63.11) (Reconnaissance).

Trois pilotes sont démobilisés et un piloté libéré.

 

L’État-major du III/6 : lt BRAUDEAU (officier mécanicien), cne CHAINAT, cne STEHLIN,

cne ASSOLLANT, cne de RIVALS-MAZÈRES, s/lt Armand LOTTI (renfort services administratifs)

LOTTI, de RIVALS-MAZÈRES, BRAUDEAU, CHAINAT, STEHLIN et ASSOLLANT

Dewoitine 520 n°314 du capitaine CHAINAT orné de la bande des « As » et de la cigogne de la SPA 3

16 août 1940 – Avant le départ des capitaines André CHAINAT et Jean ASSOLLANT qui sont démobilisés

Collection et photographies Georges GAUTHIER – Droits réservés

 

La page du capitaine Chainat     La page du capitaine Assollant

 

Après le départ du capitaine Chainat, la bande des « As » et la cigogne de la SPA 3 ont été masquées par un camouflage provisoire sur le Dewoitine n°314

Cet avion sera utilisé principalement par le capitaine SAUTIER et il recevra finalement le code « 12 » ; voir la photographie à Casablanca plus bas

 

 L’arrivée de Julienne BIBERT à Alger 

19 août 1940 

Joseph BIBERT obtient enfin une information sur le sort de son épouse Julienne le 20 juillet via Edmond CHÉDEVILLE, un cousin de celle-ci qui est facteur à Philippeville et à qui elle a écrit.

Celle-ci a été évacuée le 12 juin de Chartres sur Bordeaux avec le personnel militaire et civil du Parc 1/122 où elle travaillait comme secrétaire comptable. Lors de l’armistice les personnels civils sont licenciés et laissés totalement en plan. Ils doivent se débrouiller tout seuls, tandis que les militaires se déplacent d’une manière anarchique de la Gironde au Périgord en convoi en attendant d’être fixés sur leur sort. Julienne s’est décidée avec obstination et courage à les suivre à distance avec sa bicyclette qu’elle avait réussi à placer dans un des camions du convoi, jusqu’à ce que le 6 juillet 1940, elle obtienne enfin le renseignement précieux qu’elle attendait. Elle écrit dans son carnet :

Samedi 6 juillet 1940 :     « Départ de Melle Saintif à la Réole pour Mautauban. Je vais au château du Mirail (**) pour essayer d’avoir des nouvelles de Dolph (*). Sans résultat.

Vu lieutenant Sautheron dans la soirée : le 3/6 est en Afrique.

Cafard et désespoir. »

(*) « Dolph » diminutif de Adolphe, second prénom de Joseph, usuel en Alsace,

(**) à 10 km de Bazas en Gironde où elle avait trouvé un gîte, château où s’étaient installés les militaires du parc 1/22

Rien de plus comme information : à partir de là, sa décision est prise, elle partira au plus vite en Algérie le rejoindre. Elle écrit immédiatement à son cousin Edmond pour obtenir plus de renseignements. Celui-ci reçoit son courrier 10 jours plus tard et finit par trouver un moyen, malgré la censure, de localiser le III/6 et de faire transmettre par un officier qu’il peut joindre au téléphone le 20 juillet l’adresse que Julienne lui a donnée : « Parc 1/122 - Savignac - Gironde » et il lui écrit une lettre pour lui fournir des recommandations afin de pouvoir s’embarquer à Marseille, mais la missive n’arrivera pas à destination et lui sera retournée (enveloppe ci-dessous). Elle reçoit seulement un télégramme le lendemain 21 juillet : le contact entre Julienne et Joseph est rétabli après plus de 7 semaines d’incertitude !

Enveloppe de la lettre d’Edmond CHEDEVILLE à Julienne CHEDEVILLE du 20 juillet, non parvenue, retournée à l’envoyeur

 

Elle apprend dans le même temps que sa mère et d’autres membres de sa famille partis en exode, ont échoué à Vodable, petit village perdu dans le Puy-de-Dôme à 50 km au sud de Clermont-Ferrand, à près de 400 km de Savignac où elle se trouve... Qu’à cela ne tienne !

Sur sa bicyclette, elle fera donc par étapes la route pour rejoindre Vodable à travers les monts du Massif Central ; elle y embrassera sa mère le 31 juillet. Il lui faudra deux semaines pour préparer son voyage vers l’Algérie et obtenir les papiers nécessaires pour cela. Elle prend le train le 16 juillet à 16h 00 à Issoire, emmenant avec elle sa précieuse bicyclette, arrive à Marseille le lendemain matin, samedi 17 août à 8h10.... Dans son carnet :

Samedi 17 août 1940 :        « Cie Transatlantique. Bagages.

Départ de France à 11h (*). Marseille disparaît dans la brume et dans la fumée. Je vais vers toi Dolph chéri et je suis heureuse. La mer est belle. Je t’aime.

Après le dîner je rêve longuement sur le pont.

Le clair de lune fait sur la mer une coulée d’or vivant. Nous apercevons au loin les côtes d’Espagne. Je rentre à regret dans la cabine à 23h30. Deux nuits seulement me séparent de toi que j’aime mon mari chéri et cela fait battre mon cœur délicieusement.

(*) Paquebot Gouverneur Général GUEYDON

        

 

Dimanche 18 août 1940 :   « Levée tôt je m’installe sur le pont où il fait frais et bon et je t’adresse Dolph chéri mes pensées les plus tendres.

La terre d’Afrique apparaît.

Après déjeuner et la sieste sur le pont, visite des machines du bateau et de la cale. Apéritif avec le Commandant Jourdain et l’Officier Mécanicien.

Lundi 19 août 1940 :            « Journée d’impatience et de fièvre. Une angoisse m’étreint quand je découvre Alger. Dolph sera-t-il là ? Alger la blanche se précise, belle imposante. Sera-t-il là ?

 

Le jeune couple va donc pouvoir profiter un temps d’une vie calme, même si les conditions matérielles sont précaires, sans connaître les grandes difficultés de celles et ceux eux de leurs familles qui essayent tant bien que mal de retrouver un sens à leur existence incertaine, à Chartres malgré l’occupant, où en Alsace de nouveau allemande car immédiatement annexée par le Grand Reich.

Après un séjour de jeunes mariés à l’Hôtel de l’Oasis, ils peuvent emménager à Fort-de-l’Eau au n°71 de l’avenue Gueirouard, dans une petite mais agréable maisonnette située à quelques centaines de mètre de la mer, louée... à un facteur !

 

Fort de l’eau avant-guerre – L’avenue GUEIROUARD est la troisième à partir du bord de mer dans « La Station » construite à la fin du XIXème siècle

Lire :  L’incroyable vie de Gabriel GUEIROUARD

 

 

 NOUVEAU 

En 2023, après de patientes recherches, j’ai pu retrouver la trace et prendre contact avec un habitant de Fort-de-l’Eau, M. Jean Pierre LIVI, né en 1934 et ayant habité avenue Gueirouard jusqu’en 1954. Après des études supérieures en métropole et son diplôme d’ingénieur à « sup-aéro », il a fait une brillante carrière dans la propulsion des fusées des programmes français et européens. Je le remercie de m’avoir permis de publier ses quelques lignes de souvenirs de sa jeunesse en Algérie :

Témoignage de Jean-Pierre LIVI, de Fort-de-l’Eau

« C'est avec grand intérêt que j'ai lu vos documents en particulier celui sur le sieur Gueirouard D'après le plan de situation d'époque notre domicile était situé sur la ligne jouxtant les exploitations maraichères et pas loin de celle de vos parents (n°71), puisque notre maison était au n°84.

Certaines villas avaient dû être modifiée depuis leur construction car on y trouvait des salles de bain, des véranda vitrées, des garages, aménagements non présents dans les plans initiaux.

J'ai noté les remarques concernant les villas du bord de mer « de style anglo-normand » que confirme cette carte postale datant vraisemblablement de 1910. Les souvenirs que j'en ai sont différents : seules quelques-unes avaient conservé ce style mais pour l'essentiel elles avaient été « modernisées » pour satisfaire aux exigences des propriétaires dans les années 30 . Ceux-ci, pour l'essentiel, étaient des colons de la Mitidja (région de Blida).

   

J'ai aussi dévoré l'histoire du groupe de chasse GC III/6 où était basé votre père pendant la guerre. Lorsqu’il a été affecté temporairement au SCLA et qu’il travaillait dans les ateliers de l’A.I.A. à Maison-Blanche, il a très probablement rencontré mon père qui était alors responsable de l'atelier de révision des moteurs.

Autre aspect intéressant de votre texte, l'arrivée des anglo-américains le 8 novembre 1942 et les états d'âme de certains que l'on peut comprendre au début, compte tenu des coups tordus de nos « alliés (1) » anglais, à Mers-el-Kébir par exemple.

(1) Alliés car la France n'était plus belligérante mais n'avait pas à ma connaissance dénoncé les traités avec la GB.

L'évocation des montagnes de matériel US me rappelle l'étonnement de mon père qui galérait pour avoir du matériel de rechange (en « caviardant » l'absent sur des moteurs hors-d'usage) alors que son homologue américain ne cherchait même pas à réparer la défaillance, allant chercher un ensemble neuf en magasin ! Il s'en suivait une poubellisation démente de composants, en particulier des roulements à billes dont nous gamins étions friands pour fabriquer des « chariots » (à l'époque nous fabriquions nos jouets pour l'essentiel).

Avec mes copains plus âgés nous allions de Fort de l'Eau à Maison Blanche à vélos où les gardes nous laissaient nous servir et parfois, en plus, nous donnaient « chocolate, chewing‑gum".

Ma fréquentation de l'aérodrome avait commencé bien plus tôt, en 1936, date de mon baptême de l'air à l'âge de 2 ans sur un Caudron (différent de celui de la photographie ci-dessus) pour me soulager d'un problème médical à la gorge (amygdales ou végétations ?) : il se disait alors que la décompression par l'altitude était bénéfique pour soigner rapidement ces inflammations ! Je ne me souviens plus si cette petite excursion dans les airs eut un résultat positif sur le plan médical, mais peut-être contribua-t-il à ma passion pour les choses de l'air et puis plus tard de l'espace… »

 

Cependant les communications avec leur famille sont provisoirement impossibles. Quelques lettres pourront passer grâce à l’intermédiaire d’un « porteur » occasionnel ; à partir de septembre, il ne reste plus officiellement que les invraisemblables « cartes interzones » à 13 lignes « à biffer ou à compléter » avec seulement deux lignes libres. Il faudra attendre juin 1941 pour pouvoir correspondre un peu plus facilement sur des cartes non illustrées avec un recto vierge, mais censure oblige, il faut rester prudent ! Après le débarquement des Alliés du 8 novembre 1942 en A.F.N. le lien sera coupé jusqu’à septembre 1944, après le débarquement de Provence.

Joseph apprendra malgré tout que son village natal de Marckolsheim en Alsace a été détruit en juin 1940 et de que la maison de sa famille, heureusement saine et sauve, est trop endommagée pour être habitable.

 

Cliquez sur le bandeau des miniatures ci-dessus ou ci- dessus pour ouvrir la page contenant ces photos

 

Alger Maison Blanche – Août 1940 – Le capitaine STEHLIN et son Dewoitine n°321 codé « A » -Masque sévère (5ème) et rieur (6ème)

Collection Jean Emery- Droits réservés

 

Le sous-lieutenant LE GLOAN est devenu la gloire du Groupe le 15 mai 1940 et même s’il n’a pas volé ce jour là sur cet appareil mythique, le n°277 codé « 6 », son Dewoitine habituel, ses mécaniciens l’ont fièrement décoré de la bande des « As » et ont posé avec le pilote pour cette photographie restée célèbre car souvent publiée sous diverses formes dont des cartes de collection en diverses langues... Mais eux, sont restés les grands anonymes de l’Histoire ! Profitons de cette page pour leur rendre l’hommage qu’ils méritent !

De gauche à droite :

·   l’adj René COLIN, chef de Hangar de la 5ème Escadrille, dit « le père Co» originaire de Châteauroux,

·   le 2ème classe GUILLUMETTE

·   Le sgt COLIN, dit « le fils Co » originaire de Pont à Mousson.

Collection Joseph Bibert – Droits réservés

 

20 août 1940 : Un Potez 650 dans le « bled » :

 

Mémoires de Jean MENNEGLIER

« ...Je logeai avec plusieurs officiers dans un hôtel réquisitionné, le Family Hôtel, situé dans une rue parallèle à la rue Bab-Azoun, à deux pas du Square Bresson et du port. La popote fut établie dans un hôtel qui donnait sur la place du Gouvernement près de la Poste principale. Et le traintrain d'une vie qui n'était pas tout à fait celle d'une garnison commença. On montait au terrain tous les matins avec un car et on en redescendait le soir. Il devait y avoir un service d'alerte pour lequel quelques pilotes et mécaniciens montaient au terrain avant le lever du jour. Il y avait quelques vols d'entraînement. On nous utilisa même pour convoyer des avions. J'allai à Oran avec un Potez 25 TOE, modèle spécial pour les vols outre-mer, qui devait être passablement déréglé car je n'arrivais pas à tenir un cap correct avec...

... Un jour je partis avec quelques pilotes pour aller rechercher des Dewoitine laissés à Constantine. Nous partîmes avec un Potez 650 qui était une version transport de passagers du bombardier Potez 540. Un des moteurs se mit à cafouiller. Le pilote se posa dans un grand champ à Bouïra (Kabylie). Pendant que le mécanicien recherchait et réparait la panne nous fumes entourés par une foule d'autochtones venus voir de près l'avion et ses passagers... »

 

On en sait un peu plus grâce aux 3 photographies que Jean MENNEGLIER a faites ce jour-là et à son carnet de vol. JAPIOT, LE GLOAN et MARTIN, au moins, sont de l’expédition ; voir JAPIOT et LE GLOAN dans le Potez, MARTIN et LE GLOAN à l’ombre sous son aile. Jean MENNEGLIER, revient le lendemain à Alger avec le D.520 n°383 (notation dans son carnet de vol, mais rien sur le L.O. de la 6ème). On sait par ailleurs par le LO de la 5ème que 9 D.520 ont été convoyés à Constantine les 22 et 23 juillet : les n°48, 57, 195, 200, 310, 329, 344, 382 et justement le 383. Reste encore à déterminer les raisons de ces déplacements d’avions de provenance diverse dont aucun n’est affecté au III/6 à cette date...

 

  

 

Le Potez 650 transportant des pilotes du GC II/6 à Constantine en panne dans le « Bled » à Bouïra (50 km sud-est d’Alger) le lt MARTIN et le s/lt LE GLOAN de la 5ème Escadrille

Photographies Jean Menneglier- Droits réservés

 

Alger Maison Blanche – 28 août 1940 – Le Dewoitine n°365 du s/lt STEUNOU (*) dont le train d’atterrissage a cédé

Sur le carnet de vol du pilote sont seulement indiqués ce jour-là 2 vols d’entraînement de 30 et 35 minutes sans mention de l’accident

Photographies Jean Menneglier- Droits réservés

 

 

 D’août à octobre 1940 à Alger – Maison Blanche : la longue liste des « incidents » 

Le rédacteur du journal de la 6ème Escadrille écrit : « Les vols de routine continuent au ralenti ; s’ils entretiennent les pilotes, ils ne font pas de même avec les avions, qui ont de plus en plus un grand Amour pour le plat-ventre … A quand la quintonine (*) pour les trains Messier ? »

(*) La quintonine élixir à base de quinquina, réputé pour ses prétendues vertus contre le traitement de la fatigue et de l'asthénie était l’arme suprême des Armées françaises en 1940 !

·        Le 17 août au décollage le train d’atterrissage du D.520 n°295 (30) le s/c Le GUENNEC (6ème) se replie sans raison apparente au cours du roulage. Le pilote récupère le 16 septembre l’ancien appareil du cne Assollant, le n°302, qui sera codé « 30 »,

·        Le 19 août à l’atterrissage, le lt MARTIN (5ème) ne peut maîtriser son D.520 n°301 (2) qui part en cheval de bois. La contrainte imposée au train est telle qu’il se casse net, l’avion termine sa course sur le ventre,

·        Les dégâts sur les deux appareils sont trop importants pour être pris en charge par les mécaniciens du groupe. Ils sont tous deux reversés à l’ARAA d’Alger,

·        Le 28 août le train du n°356 (25) du s/lt STEUNOU (*) cède à l’atterrissage, l’appareil part également à l’ARAA d’Alger. Il est remplacé le 2 septembre par le n°370 (futur « 25 »),

·        Le 2 septembre, c’est celui du n°360 (10) piloté par le sgt HARDOIN qui se plie ; appareil réformé,

·        Le 4 septembre, c’est au tour du Sgt LINARD à bord du n°195 (4) de subir la même mésaventure ; dégâts mineurs,

·        Le 6 septembre, celui du cne JACOBI, le n°229 (1) ; dégâts mineurs,

·        Le 7 octobre, celui du cne SAUTIER, le n°369 (X) ; train cassé,

·        Le 7 octobre, celui du s/c MERTZISEN, le n°368 (12). Il pourra être réparé au sein de l’A.I.A. « où le Groupe a désormais un abonnement ! »,

Plus de trace de rapports tonitruants du Commandant du Groupe et de demandes de sanctions. Il y en aurait peut-être trop, ce qui ferait désordre, et peut-être sait-il déjà qu’il va être appelé à de plus hautes fonctions à Vichy le 15 octobre ?

·        Le 18 octobre, le s/lt STEUNOU (*) endommage son tout nouveau n°370 (25) en lui faisant faire un demi-tour se terminant par un arrêt brutal ; un mois d’indisponibilité pour l’avion,

·        Le 22 octobre, l’adj JAPIOT effectue un désormais traditionnel atterrissage sur le ventre à bord du n°138 (29) de l’adj DIAZ qui n’est pas encore parti pour l’Indochine, sa nouvelle affectation.

(*) Carnet de vol du s/lt STEUNOU : 4 vols sur le n°370 et 1 vol sur le n°138 en septembre, 7 vols sur le n°370 en octobre jusqu’au 18, puis il utilise les n°358 (appareil de Jean MENNEGLIER qui a quitté le Groupe) et 357 (3 vols) mais il part à Casablanca sur le n°326 qui était un des avions de la patrouille polonaise. Au Maroc il vole sur les n°330 ; n°358 et n°145 avant de reprendre le manche du n°370 le 28 novembre qu’il ramènera à Alger le 20 janvier 1941. Par contre, après une intervention des mécaniciens sur l’appareil, il fait les essais du n°358 les 14 et 15 décembre qui se termine par un nouvel accident. Cet appareil ne volera plus au III/6 après cela.

 

 Le SERVICE CIVIL DES LIAISONS AERIENNES – S.C.L.A. 

 

L’affectation de Joseph BIBERT change le 31 août 1940 comme le montre une mention sur le Journal de Marche de la 6ème Escadrille :

 

« Le s/c Bibert est affecté au MGT »

 

Rien de pareil n’apparaît sur son livret militaire ; en fait il fait partie de ceux qui n’apparaîtront plus dans les effectifs du Groupe pour répondre à la volonté de la commission d’armistice de les réduire. Certains rejoignent donc le S.C.L.A, « Service Civil des Liaisons Aériennes », placé sous la tutelle officielle « d’Air France », permettant ainsi à de nombreux appareils militaires d’être soustraits aux inventaires officiels et de pouvoir circuler à travers l’Empire, moyen rudimentaire de contourner les clauses de l’armistice. Joseph n’est plus « Chef de hangar » de la 6ème Escadrille, mais « Employé aux Moyens Généraux » du S.C.L.A.F.N. (F.N. pour Afrique du nord) avec un travail quasi-identique, s’occupant d’avions différents, mais travaillant en civil dans un hangar peu éloigné de celui du III/6 ! Quand nous avons essayé de faire parler sa veuve de cette époque, elle disait : « Quand votre père travaillait à « Air France » : elle n’en savait pas plus ! Dans l’année 1941, sans mention particulière dans les livres de son « retour », Joseph sera de nouveau en escadrille !

 

    

Deux appareils du S.C.L.A. à Alger à l’automne 1940

Lockheed 18 F-ARTZ utilisé par Air France sur son réseau africain et Caudron 445 Goéland du S.C.L.A.F.N.

Merci à Bernard Palmieri pour cette illustration

 

Le Service Civil des Liaisons Aériennes

L'armée de l'air de Vichy fut autorisée par les Commissions d'armistice à transformer la 15ème Escadre de bombardement en groupement de transport 15 avec deux groupes basés en A.F.N., le GT 1/15 et le GT 2/15, auxquels viendront ultérieurement s'ajouter les GT 3/15 et 4/15. Ces groupes, équipés de Farman 221, 223, 224 et de Potez 540 et 650, effectueront de nombreuses missions de liaisons et de transport vers la métropole (par exemple, en 1941 le « rapatriement » de l'or belge qui sera saisi par les Allemands) ou vers nos colonies en Afrique, au Levant (campagne de 1941), dans l'Océan indien et en Indochine.

Le S.C.L.A. est créé par le gouvernement de Vichy parallèlement à ce GT 15, (note EMAA 3754-1/1 du 16 août 1940) pour assurer officiellement les liaisons intérieures indispensables, probablement aussi pour camoufler une partie du matériel et fournir un entraînement aérien aux équipages militaires dont la démobilisation a été exigée par l'occupant. Les tâches dévolues aux S.C.L.A sont précisés ultérieurement comme suit :

1) Les S.C.L.A. et d'aviation sanitaire ont pour objet d'effectuer, sur la demande des autorités accréditées à cet effet, dans les conditions qui seront précisées ci-après, des voyages entre leurs bases de stationnement et des aérodromes ou terrains désignés dans les instructions particulières de ces services.

2) La gestion des S.C.L.A pour l’administration des personnels, la gestion et l’entretien, du matériel, le fonctionnement des lignes sont confiés à Air France. Le personnel est recruté parmi le personnel d'Air France complété par du personnel (pilotes, radio-navigants, mécaniciens), théoriquement « volontaire » pour faire partie du S.C.L.A. à titre civil.

Le service est organisé par région suivant les besoins de liaisons :

·         Territoire de la France non occupée : S.C.L.A.M. avec quatre groupes à Vichy/Clermont-Ferrand (groupe I), Lyon (groupe II), Toulouse (groupe III) et Marseille (groupe IV). Le groupe de Vichy ou section d'avions ministériels (S.A.M.) a pour mission officielle d'effectuer quotidiennement la liaison Vichy-Bourges de la délégation française auprès de la commission allemande d'armistice. A Marseille Marignane, la section de liaisons lointaines (S.L.L.) est chargée avec cinq Amiot 354, 356 et 370 d'assurer les liaisons avec le Levant, Djibouti et Madagascar.

·         Afrique du Nord - Algérie. Tunisie, Maroc : S.C.L.A.F.N., également à quatre groupes à Alger (groupe XI), Oran (groupe XII), Rabat (groupe XIII) et Tunis (groupe XIV). Le groupe de liaisons aériennes d'Alger Maison Blanche, essentiellement équipé de Goéland, donnera plus tard naissance au GLAM.

·         Afrique Occidentale Française : S.C.L.A.O.F., créé en mars 1941, n’a pas de groupes organisés, les personnels sont détachés aux points de stationnement des appareils; il est chargé d'effectuer les liaisons internes à la colonie, les liaisons avec l'A.F.N. étant à la charge du groupement 15 ou du S.C.L.A.F.N.

L'effort principal porte sur ta métropole, dotée de 50 avions, l'Afrique du Nord (50 avions), la Syrie (10 avions). L'aviation sanitaire perçoit 25 avions à répartir en divers territoires. L'État-major de l'Armée de l'Air (EMAA) a prévu pour l'AOF 12 avions de liaison de type Goéland et Simoun et 10 appareils sanitaires allant du bimoteur Potez 540 aux monomoteurs Potez 29 et Caudron 510.

S.C.L.A.F.N. (M. Gonin (*)) – 30 septembre 1941

Alger (M. Ostres) - 11 équipages

Oran (...) - 2 équipages

Rabat/Casablanca (M. Caralp) - 8 équipages

Tunis (M. de Philip) - 5 équipages

27 Goéland dont I sanitaire

3 Simoun

5 Potez540

4 Potez 29 sanitaires

6 Goéland dont 1 sanitaire

1 Simoun

12 Goéland dont 1 sanitaire

1 Simoun

1 Potez 540

2 Potez 29 sanitaires détachés à Agadir

4 Goéland

2 Simoun

2 Potez 29

D’après Vital Ferry et Bernard Thévenet

 

(*) Claude GONIN avait été l’équipier de Georges PELLETIER d’OISY, avec Henri CAROL, en mail 1928 lors d’un un raid Parais-Tokyo sur Potez 28, raid interrompu en Birmanie quand l’avion s’était brisé lors d’un atterrissage de fortune dans une rizière en Birmanie. Gonin et Carol avaient étaient légèrement blessés.

Le capitaine STEHLIN est nommé commandant le 3 septembre 1940 et un « pot » est organisé. Joseph, bien qu’affecté au S.C.LA., y participe, tout comme ses camarades mécaniciens Jean EMERY, qui était élève mécanicien avec lui à Bordeaux en 1933, et Jules PIESVAUX qui ont fait quelques photographies de ce moment de détente dans le hangar du III/6 à proximité de quelques Dewoitine.

 

3 septembre 1940 - Le Commandant STEHLIN

Cdt STEHLIN, s/lt BRONDEL, cne RICHARD

Hangar du GC III/6

Debout : MIRAND, GOUJON, BORREYE, X, LE GLOAN, Y, STEHLIN, SAUTIER, RICHARD, BOIRIES, GUERRIER, STEUNOU, BRONDEL, SATGÉ

Accroupis : PIMONT ?, LE GUENNEC, MERTZISEN, Z

Photographies Jean Emery et Jules Piesvaux – Droits réservés

Le 9 octobre 1940 une prise d’Armes a lieu à Maison-Blanche à l’issue de l’arrivée à Alger du Général WEYGAND qui a été nommé le 5 septembre « Délégué Général en Afrique Française ». Celui-ci inspectera quelques semaines plus tard l’escadrille de reconnaissance GR 1/36 du commandant VEYSSIÈRE à Aïn Arnat (Sétif).

 

Octobre 1940 - Sétif – Aérodrome de Aïn Arnat – Le général WEYGAND inspecte le GR 1/36 équipé de Potez 63.11, qui doit agir en coopération avec le GC III/6 et d’autres unités basées tout autour d’Alger

Collection François-Xavier Bibert

 

Le 15 octobre le commandant STEHLIN est appelé auprès de l’Amiral DARLAN à Vichy. Il va y reprendre des activités plus politiques, comme celles qu’il avait déjà exercées avant la guerre à Berlin, du fait qu’il parle parfaitement l’allemand. Portant la grande tenue blanche d’Afrique, il pose à cette occasion pour des photographies avec des pilotes du Groupe.

Le capitaine Guillaume de RIVALS-MAZÈRES (*) qui est rentré de convalescence en septembre lui succède provisoirement.

(*) Le comte Guillaume Élie Marie Bertrand DE RIVALS-MAZÈRES (1908/2001), est issu d’une vieille famille aristocrate de Fiac dans le Tarn. Sa mère est une Toulouse-Lautrec, cousine éloignée du célèbre peintre Henri. Diplômé de l'École Spéciale Militaire de Saint-Cyr (1928-30), il s’est marié en premières noces en 1937 avec Geneviève PELLEY du MANOIR, descendante d’une famille noble famille d’armateurs et de corsaires de Granville. Il sera Général de corps aérien et Commandant de l'École de l'Air, Grand-Officier de la Légion d'honneur. Son épouse est décédée à Toulouse en septembre 1940 quelques jours après la naissance de son second fils (il aura trois autres enfants issus d’un second mariage en 1945). Il est donc compréhensible que dans les archives du III/6 on parle d’un « retour de convalescence » plutôt que des évènements familiaux qui l’ont conduit à se rendre à Toulouse en septembre.

 

  

Le commandant STEHLIN devant son D.520 n°331 codé « A » et à droite avec les sgt PIMONT, lt BOIRIES et lt LE GLOAN

Alger-Maison Blanche – 15 octobre 1940 - Départ pour Vichy du commandant STEHLIN

De gauche à droite : Sgt PIMONT, s/lt SATGÉ, lt LEGRAND, cne SAUTIER, cne JACOBI, s/lt BRONDEL, cdt STEHLIN, lt BOIRIES, s/lt LE GLOAN,

s/c MERTZISEN, s/c CHARDONNET, s/c LE GUENNEC, adj GOUJON

 

Voir une photo à Maison Blanche du Lockheed 18 « Lodestar » F-ARTG du Général VUILLEMIN, Inspecteur Général de l’Air

 

 Du 30 octobre 1940 au 2 janvier 1941 à Casablanca 

 

Le GC III/6 reçoit l’ordre le 28 octobre de quitter Maison-Blanche (Algérie) pour Casablanca – Camp Cazes (Maroc) afin de prendre la place du GC II/5 envoyé avec ses Curtiss à Dakar (A.O.F.) dont la défense du port doit être renforcée. La 6ème Escadrille accomplit le déplacement d’une seule traite le 29 octobre. Ceux de la 5ème Escadrille font deux étapes, la première de 1h 15, ce qui leur permet de passer une la soirée avec les pilotes du GC I/3 à La Sénia (Oran). Ils arrivent à Casablanca le lendemain après 2h 00 de vol.

Joseph BIBERT, toujours au S.C.A.C. ne participe pas à ce déplacement à Casablanca, tout comme l’adjudant GOUJON qui l’a rejoint le 18 octobre.

Dans les semaines qui vont suivre, des photographies des appareils du GC III/6 en vol ont été faites au- dessus de Casablanca. Quelques-unes sont rassemblées ci-dessous, sans doute avec d’autres qui peuvent être avoir été prises dans l’Algérois avant ou après Casablanca, mais en tout cas avant la campagne du levant de mai 1941.

 

D.520 n°48 codé « 5 » - Ancien appareil « II » du GC I/3 – Robert MARTIN

D.520 n°277 codé « 6 » - Pierre LE GLOAN

D.520 n°284 codé « 8 » - Maurice CHARDONNET

D.520 n°329 codé « 9 » - François BRONDEL

D.520 n°367 codé « 11» - Roger HARDOUIN

Appareil ramené d’Alger le 23/11/1940 par le cne JACOBI après réparation (aile brisée)

D.520 n°314 codé « 12 »- Ancien appareil du cne CHAINAT – Cne SAUTIER

Voir la photographie plus haut dans cette page quand le code n’était pas encore peint

D.520 n°370 codé « 25» - Marcel STEUNOU

D.520 n°302 (1) Alain LE GUENNEC - Ancien appareil du cne ASSOLLANT

Le code « 30 » effacé par un carré de peinture sombre a remplacé le code « S »

D.520 n°321 codé « 31 » - Roger PIMONT

L’aile du D.520 du n°358 de Jean MENNEGLIER et deux appareils de la 6ème Escadrille

 

(1) Le D.520 n°302 aura un destin particulier. Pendant la campagne du Levant, le 7 juillet 1941, le capitaine de RIVALS MAZÈRES est contraint de poser cet appareil dans le désert.

Voir son profil un peu plus bas - Récupéré par les Français Libres, il est remis en état à Rayack pour le Groupe « Normandie » et piloté par Albert LITTOLF

 

Le Groupe est affecté temporairement au Groupement de Chasse 23, qui comprend également de GC I/5 de Rabat. Comme signalé dans le tableau plus haut quelques mouvements de personnels auront lieu à Casablanca avec le départ de trois pilotes ; lt de ROUFFIGNAC (5ème), lt MENNEGLIER (6ème) et sgt GAUTHIER (6ème) vers des camps de Jeunesse et Montagne en France, compensé par l’arrivée du Commandant GEILLE et du capitaine RICHARD à l’État-major et d’un nouveau pilote à la 6ème, le lt RIVORY ancien du GC I/55 dissous lors de l’armistice.

 

         

Nouvelles têtes au GC III/6 : commandant GEILLE le 20/12/1940 (E.M.) - sgt GHESQUIÈRE dit « Achille » le 9/09/1940 et lt RIVORY le 27/12/1940 (6ème)

 

Le Maroc échappe encore aux investigations de la commission d’armistice et en partie aux restrictions d’essence. Les pilotes essayent de rattraper le temps d’entraînement perdu et ils volent beaucoup plus qu’à Alger.

Le 6 novembre 1940, avant que les Curtiss H-75A du GC II/5 ne soient partis pour l’A.O.F., le s/lt LE GLOAN et le s/c Gabriel MARGERIT (5ème), le cne GUERRIER et le sgt MICHAUX (6ème) veulent confronter l’appareil américain avec le Dewoitine D.520 (voir extrait du carnet de vol de MICHAUX ci-dessous). En conclusion, il faut aux deux appareils un temps équivalent pour atteindre2 000 mètres, mais avec un angle supérieur pour le chasseur américain, et à cette altitude les vitesses sont identiques, même en piqué. Mais une fois parvenu à 4 000 m. le D.520 prend l’avantage. En combat tournoyant le Curtiss vire très sec, beaucoup plus que le Dewoitine, ce que les pilotes allemands ont d’ailleurs appris à leur détriment pendant la Campagne de France.

 

13 novembre 1940 – Après deux semaines de cohabitation sur l’aérodrome de Casablanca avec les Dewoitine du GC III/6,

les Curtiss H-75A du GC II/5 se préparent à partir pour le Sénégal (Dakar-Ouakam) aux ordres du commandant ARCHAIMBAULT

Photographie Jean Emery – Droit réservés

 

Beaucoup de pilotes et de mécaniciens ne connaissent pas encore le Maroc et ils ont le loisir de découvrir la ville et la côte de l’Atlantique. Ils en ont ramené quelques photographies :

 

Casablanca fin 1940 – La place Lyautey, maintenant place Mohamed V, avec la statue du Maréchal aujourd’hui déplacée, le Palais de Justice (en bas au centre) et la Résidence devenue consulat de France (en bas à droite)

Photographies Jean Emery – Droits réservés

 

Jean EMERY et Alain LE GUENNEC

Le bus assurant la liaison de « L’Oasis » à « L’Aviation »

Avec les casquettes : PIESVAUX – MEYER - ROBERT – DANET - BRIÈRE

MEISSONNIER et Jules PIESVAUX

Photographies Jean Emery et Jules Piesvaux – Droits réservés

 

Le 28 novembre le lt BOIRIES tord l’hélice du n°357 (22) sur la pompe à eau du terrain. L’appareil pourra être réparé par les mécaniciens du Groupe.

Le 30 novembre le sgt MICHAUX subit une panne moteur et se voit contraint de poser sans incident le D.520 n°313 (21) de son commandant d’escadrille à Bouskoura, à une dizaine de kilomètres au Sud de Casablanca (voir extrait de son carnet de vol ci-dessous) ; une équipe de trois mécaniciens dont fait partie le sergent Lucien ROBERT sera dépêchée sur place avec des aides marocains pour changer le moteur.