Rapport du 4ème stage de François-Xavier
Elève de seconde année à l’Ecole des Mines de Douai
à la Société Chimique, Routière et d'Entreprise Générale de
Pau
Juillet – Août 1967
Photographies et planches : © F-X. Bibert 1967 – Reproduction
interdite
(à l’exception des deux cartes postales couleur de la Pierre
Saint-Martin)
Pourquoi la publication
de ce rapport de stage de 1967 en 2009 ?
L’Ecole des Mines de Douai formait à cette époque
des ingénieurs en 4 ans. Elle était directement gérée par le Ministère de
l’Industrie et plus particulièrement par le « Service des Mines de
Douai », actuellement la D.R.I.RE. C’était l’Ingénieur en Chef des Mines
qui en était officiellement le directeur, mais un sous-directeur, également
Ingénieur des Mines, s’en occupait à plein temps. L’internat était obligatoire,
tout comme le port de la cravate, et les chaussures cirées… Nous étions déjà
dans le monde professionnel, avec 50 heures de cours par semaine et seulement
un mois de vacances par an ! Si les cours théoriques n’avaient rien à
envier à ceux des écoles plus renommées, 5 stages obligatoires dans
l’industrie, étaient répartis sur toute la scolarité pour un total de 11 mois
complets. L’école recevait trois fois plus de propositions de stages qu’elle
n’en avait besoin et ils étaient généralement bien rémunérés. Après un
dépucelage de 4 semaines dans une fosse des Charbonnages de France, à peine
après avoir intégré l’école, 3 stages de 2 mois, d’abord en mines puis en
métallurgie et enfin dans les travaux-publics, permettaient en troisième année
de faire le choix de son option en toute connaissance de cause. Entre la 3ème
et la 4ème année, le dernier stage d’été de 4 mois dans l’option choisie
concrétisait cette magnifique formation ; c’était un véritable stage de
pré-situation. Dès la sortie de l’école, la connaissance du « métier »,
acquise, aussi bien par les cours en salle que par l’apprentissage et la
pratique sur le terrain, permettait, aux jeunes ingénieurs diplômés d’être
immédiatement opérationnels. De plus, des cours réguliers
d’ « O.S.T », ou « Organisation Scientifique du
Travail », dispensés par des professionnels de l’industrie, s’attachaient
à bien les préparer aux postes de commandement en leur inculquant des valeurs,
bien mises à mal de nos jours, telles que le respect des hommes en général et
du personnel ouvrier en particulier…
Ce présent rapport de stage est un témoignage de
cette époque révolue où la notion de
« métier » avait encore un sens, et il donne toute sa force au texte « Métier et
Performance : Discours imaginaire à l’usage d’un Vieux Sachant qui
n’aurait pas envie de ne dire que quelques banalités lors de son pot de départ
en retraite » qu’on peut lire et relire sans modération sur
ce site…
FXB – 05/2009
SOMMAIRE
Présentation de la Société Chimique,
Routière et d’Entreprise Générale
Réfection de la place
Clémenceau à Pau
Annexe :
Le tremblement de terre d’Arette (texte de 2009)
ALBUM DE PHOTOGRAPHIES -
PAU – LA PIERRE SAINT-MARTIN – SAINT-JEAN DE LUZ – FXB 1967
ALBUM DE CARTES POSTALES ANCIENNES – ARETTE - LA PIERRE
SAINT-MARTIN
La Société Chimique Routière et d'Entreprise Générale
La Société
Chimique Routière et d'Entreprise Générale (S.C.R.E.G.) est la dixième société
française de travaux publics.
|
Elle est
constituée par la réunion des anciennes « Société Chimique et Routière de
la Gironde » et « Compagnie Générale de Travaux Publics ».
En fait, on a
l'habitude de parler du « Groupe S.C.R.E.G. » qui englobe :
- la division
Chimie-Route de la S.C.R.E.G.
- la division
Entreprise Générale de cette même société
- la Société
des Mines d'Asphalte du Centre (S.M.A.C.)
- diverses
filiales métropolitaines, africaines ainsi que des sociétés suisse, italienne
et allemande
-
l'Internationale Routière qui reste présente dans 11 pays
C'est toute
une gamme de travaux qu'effectue aujourd’hui le groupe S.C.R.E.G. dans de
nombreux pays :
-
terrassements de toute nature
-
construction de routes, d'aérodromes
- travaux
d'assainissement
- génie civil
-
constructions industrielles et autres (du pavillon aux grands ensembles)
- galeries
souterraines
- étanchéité sous
toutes ses formes
- etc.
Le groupe
occupe environ 9500 personnes.
Pour la
société Chimique, Routière et d'Entreprise Générale qui nous intéresse
particulièrement, le capital est de 27.500.000 F, durée 99 ans, depuis 1936.
M. Oscar
BLANCHE en est le Présidant Directeur Général.
Cette société
est spécialisée dans :
- les
terrassements mécaniques
- le génie
rural
- le bâtiment
-
l'assainissement
- la
distillation de goudrons bruts
- la
fabrication de tous liants et de dopes d'adhésivité
- la construction
de routes et de pistes d'aérodromes en béton de ciment et en béton noir
bitumineux, la stabilisation et le compactage des sols
- la
fabrication et le stockage des liants routiers et des émulsions
- les
épandages,
- les matériaux
enrobés et les bétons bitumineux
- les travaux
à la mer en béton bitumineux et en mastic bitumineux
- les chapes
souples
- la
régénération des routes
- les joints
spéciaux pour dalles en béton de ciment
- les travaux
de voirie urbaine
- les études
complètes de tous les problèmes routiers
- etc.
|
On trouvera
ci-dessous, la liste des principaux travaux exécutés par la société :
Division Chimie Route
- Bassin
minéralier de Dunkerque (en groupement)
- Aérodromes de
Solenzara (avec l'Entreprise Raimondi), de Lille-Lesquin (avec la société
routière Colas), de Bastia-Poretta, d'AJaccio, de Saint-Nazaire-Montoir
( avec l'entreprise Dodin ), de Bourges, de Strasbourg-Entzheim
( avec l'entreprise Razel ), d'Etain-Rouvres, de Mérignac, de Torp
(Norvège), de Djibouti (en groupement)
- Bases
aériennes du Bourget, d'Orly
- Camps de la
forêt de Chinon (avec l'Entreprise Cochery), des Trois-Fontaines
- Déviations
de Saint-Rambert-d'Albon, d'Epônes-Mézières, de Bonneval (en groupement), de
Pontacq
- Autoroutes
de Normandie et du Sud (en groupement), de Metz-Thionville
- Boulevard
périphérique de Paris (avec l'Entreprise Vallet-Saunal)
- Déviations
de Melun, de ZUP d'Epernay, de ZUP de St Herblain
-
Sahara : Routes de Ghardal'a-Ouargla (en groupement), de Tamanrasset,
aérodromes de Ouargla, Colomb-Béchar, Réggane, Noumérath, Ghardai'a
-
Cameroun : Route de Douala-Edéa (stabilisation du sol et revêtement)
- Aérodrome
de Jagel en Allemagne
-
E.D.F. : Aménagement de Jouques, berges d'Oraison (en groupement), de
Rhinau, d'Huringue.
Division Entreprise Générale
-
Bâtiments : Construction de 80 logements, tous corps d'état, dépôts de
munition base aérienne Etain-Rouvres, construction de 36 logements à Villejuif,
du groupe scolaire de Bagneux, de 480 logements à La Rochelle, d’un e hôpital
de 100 lits à Croix-Chapeau
- Ouvrages
d'art: Rocade entre les ponts de Bordeaux et de Saint-Sauveur à Tours, passage
inférieur sur la route express Châlon-Montchanin, dépôt pour la poudrerie
nationale du Ripault, gradins au stade de Chalon-sur-Saône, centrale E.D.F
Brest-Portzic
La direction régionale de Pau de la S.C.R.E.G.
La S.C.R.E.G.
a son siège social à Paris, 19 rue Brocca, dans le cinquième arrondissement,
mais les travaux s'effectuent par l'intermédiaire des directions régionales qui
sont implantées un peu dans toute la France, en étant particulièrement denses
dans le Sud-Ouest. Il ne faut pas oublier en effet que la S.C.R.E.G. a pour
origine l'ancienne Société Chimique et Routière de la GIRONDE.
Ainsi, dans
le Sud-ouest, nous trouvons des directions régionales à :
-
Bordeaux : 88, rue Saint-Génies.
-
Toulouse : 105, rue de Fenouillet.
- Pau :
58, Avenue G. Lacoste.
La direction régionale
de Pau est implantée sur un terrain d'environ 3000 m2, loué aux Ponts et
Chaussées, dont on peut consulter le plan ci-joint.
On trouve sur
ce terrain :
- Les
bureaux,
- Le parc à
matériel,
- Les
ateliers d'entretien et de réparation,
- L'usine à
émulsion (voir plus loin)
Ce siège,
sert donc de « base de départ » pour tous les chantiers qui sont
entrepris dans la région, région qui s'étend de Tarbes à Bayonne sans le
département des Basses-Pyrénées.
La région est
ensuite divisée en quatre secteurs
- Tarbes
- Pau
-
Oloron-sainte-Marie
- Bayonne
Dans chacune
de ces villes un dépôt restreint de la société est installé.
Pour
compléter cette infrastructure, notons le poste fixe d'enrobage à chaud de
Lescar, à 7 Km de Pau, dont on trouvera ici une description, et le poste
d'enrobage à froid de Aressy.
L'organigramme
de la direction régionale de Pau a pour base le découpage géographique de la
région par secteurs. Comme cadres, nous trouvons
à Pau
- Le
Directeur régional
- Le chef des
services administratifs
- L'ingénieur
matériel
- L'ingénieur
travaux
- L'ingénieur
chef des secteurs Pau et Oloron-Sainte-Marie
- Les
conducteurs de travaux de ces secteurs
à Tarbes et à Bayonne
- L'ingénieur
chef de secteur,
- Le
conducteur de travaux
Chaque
conducteur de travaux a en général 4 à 6 chefs de chantier directement sous ses
ordres. Ainsi, pour la direction régionale de Pau, une vingtaine de chantiers
étaient en cours pendant la campagne d'été 1967. Ces chantiers emploient 120
ouvriers, travaillant à part entière pour la Chimique.
|
Organigramme de la direction
régionale de la S.C.R.E.G. à Pau |
Programme de stage
L'arrivée d'un
stagiaire en provenance de l'Ecole des Mines de Douai, fut visiblement une
surprise pour la direction régionale de la S.C.R.E.G. à Pau.
Un programme
de stage impromptu fut donc élaboré en toute hâte le jour de son arrivée, qui,
malgré les souhaits insistants du stagiaire, ne put correspondre avec les
desiderata de la direction de l'Ecole des Mines de Douai.
L'optique de
la direction régionale semble être de se débarrasser des stagiaires que le
siège leur envoie, sans doute contre leur gré, en les promenant sur une
multitude de chantiers, sans leur confier la moindre tâche ou responsabilité et
ceci sans distinction de la provenance et du parcours préalable du stagiaire et
sans analyse des objectifs du stage.
L'intérêt que
peut présenter un stage de deux mois au point de vue initiation au commandement
échappe à la société qui semble ne vouloir courir aucun risque à ce sujet.
Le programme
proposé n'a pas été suivi. Le stagiaire a pris seul l'initiative et la
responsabilité de modifier la durée de son passage sur certains chantiers, ce
qui a quelque peu contrarié les responsables de l’entreprise, et ceci pour deux
raisons principales :
- il est
impossible en une semaine de découvrir le mécanisme d'un chantier et d'en
analyser son management. De grosses erreurs de jugement peuvent être faites en
si peu de temps. De plus, l'Ecole des Mines spécifiait explicitement dans sa
circulaire, qu'elle désirait que le stagiaire soit placé sur « un »
chantier
- un rapport
de stage ne peut être constitué d'une mosaïque de descriptions sans analyses et
commentaires. Pour avoir un soupçon de valeur, il doit comprendre l'étude
complète et détaillée d'au moins un chantier, même si ce chantier n'est pas
d'une importance considérable.
C'est
pourquoi, le chantier de la Pierre-Saint-Martin, où l'emploi des explosifs
pouvait permettre au stagiaire une adaptation rapide, a retenu son attention.
Le calendrier
réel du stage fut donc le suivant :
Les fabrications
10-11
Juillet : Visite de
l’usine à émulsion de Pau : rapport ci-joint
12-15
Juillet : Poste d'enrobage à chaud de Lescar :
visite et analyses granulométriques.
Le stagiaire a profité de son passage au poste d'enrobage à
chaud, pour visiter les installations voisines de M. DANIEL (gravière, station
de concassage, centrale à béton dont on trouvera aussi une description ci
jointe).
Nota : M. Daniel a embauché, avec le grade d'Ingénieur
un Douaisien d'une des dernières promotions, M. Skofka.
Les Chantiers
Ø
Secteur de Pau
17-24
Juillet : Tournée des chantiers du secteur de Pau, avec
M. Marcellin, conducteur de travaux.
Cette période fut la seule pendant laquelle le stagiaire fut
en contact constant avec un conducteur de travaux. Le "copinage"
souhaité par M. DOUCET, directeur de la Société Colas à Lille et auteur d'un
exposé concernant la préparation des stages, fut donc réduit à sa plus simple
expression !
Cette période comprend également, la seule matinée qui vit le
stagiaire occupé à un travail utile pour la société : 11 découpes dans du
carton de gabarits destinés à peindre des numéros sur une chaussée (voir plus
loin !!!)
Les chantiers
suivants furent visités :
Hippodrome
municipal : Réfection
du paddock
- Pose de
caniveau et bordures en béton coulé sur place
- Pose d'un
drain autour du manège de présentation : Creusement de la tranchée avec
un backoe-loader MASSEY-FERGUSSON
250-252
- Revêtement
en enrobés
-
Terrassement de futures pelouses
(voir photos)
Pau : Terrassement d'un talus dans le jardin
d'une villa, avec un chargeur International 175
Tonkin : Tracé des parkings d'un lotissement et
numérotation
(voir photos
et rapport spécifique)
Lescar : Terrassement d'un passage supérieur au
dessus d'une voie ferrée
- Chargement
de tout-venant
- Réglage au
bull, compactage par RICHIER VR 713 P et rouleau vibrant
- Piquetage
et nivellement
(voir photos)
Beyrie en
Béarn : Réfection
de chemins vicinaux, et revêtement dans
des cours de ferme
- Estimation
de devis
- Reflaschage
des trous et ornières
- Chargement
du 0-40 car camion à benne équipée d'une gravière, réglage par niveleuse
GALION, cylindrage.
- Revêtement
superficiel tricouche.
(voir photos)
Buros : Voirie dans un lotissement
- pose de
bordures et de caniveaux
- revêtement
des trottoirs en enrobés
- Pau :
Etalement de binder à la niveleuse en sous-couche et cylindrage
- Base
militaire : creusement d'une tranchée d'évacuation des eaux à la niveleuse
-
Marancy : Voirie dans un futur groupe scolaire
- pose des
égouts
- bétonnage
des bouches
Arzac : Enrobés dans des chemins vicinaux
25-29
Juillet : Réfection de la place Clemenceau à Pau.
- revêtement
par enrobés
- cylindrage
et compactage
(voir photos
et rapport spécifique)
Ø
Secteur d 'Oloron
1-19
août : Chantier de la
Pierre-Saint-Martin (Arette)
Ce chantier
intéressant et difficile, fait l’objet d'une étude complète dans ce présent
rapport. Les nombreuses photographies jointes devront être consultées pour la
compréhension de problèmes nombreux et variés.
Dimanche 13 août 1967 - 23 h07
Tremblement de terre de magnitude 5,6 à la Pierre
Saint-Martin
Destruction du village d’Arette
dans la vallée à 70%
(voir témoignage en bas
de page)
Ø
Secteur de Tarbes
21-26
août : Chantier du Benou (Laruns)
-
Elargissement de la voie du col de Marie-Blanche (9 Km - altitude 1200 m.)
-
Empierrement et étalement de 0-40
- Revêtement
tricouche superficiel
Ø
Secteur de Bayonne
28-31
août : Chantier du Mont Artzamendi
(Cambo)
-
Elargissement de la voie du Mont Artzamendi (10 Km - voie privée des P&T
conduisant à un important relais)
-
Empierrement et étalement de 0-40
- Passages
buses
- Pose de
Gabions, talutage
- revêtement
tricouche superficiel
Matériel
nécessaire au chantier
- un
backoe-loader CASE
- un
backoe-loader JCB
- une
mini-niveleuse ALLIS-CHALMERS
- un cylindre
RICHIER 12 tonnes.
- un cylindre
vibrant tandem BOOMAG
- un épandeur
RINCHEVAL 1550 litres.
- quatre
camions deux ponts.
- une JEEP
- un
compresseur HOLMAN
- deux
marteaux MONTABERT 25 kg
1-2
septembre : Chantier de Gaillat à Bayonne : étalement
de tout-venant et réglage à la niveleuse ALLIS-CHALMERS, compactage
4-9 septembre : Chantier
du C.E.G. à Saint-Jean de Luz
-
nivellement, implantation, piquetage
-
terrassement par SCRAPER 7,4 m3 tracté par un CD 8 RICHARD CONTINENTAL.
VOIR LA CARTE DES DEPLACEMENTS DU
STAGIAIRE
On notera à
l'énumération des chantiers visités par le stagiaire que l'éventail des
techniques et des engins découvert a été important et intéressant, mais que les
connaissances acquises ont été plus variées qu'approfondies.
Dans ce
présent rapport, il ne s'agira pas de mal redire ce que l'on peut trouver de
bien dans nos cours de travaux publics, mais d'essayer plutôt d'analyser certains
travaux, plus sur les plans sécurité, organisation, et rapports hiérarchiques
que sur le plan technique.
Ce qui sera
dit, doit être extrapolé ; un chantier localisé n'étant qu'un moyen de
tirer des conclusions peu être plus générales.
Le stagiaire
prie la Société Chimique, Routière et 'd'Entreprise Générale de Pau de bien
vouloir l'excuser, si certaines de ses « analyses » sont peut-être un
peu désagréables pour elle. Il sait que « la
critique est facile, et que l'art est difficile » mais il regrette
sincèrement que ses attributions, fixées par la Société, l'aient cantonné dans
un rôle de spectateur. Il était pourtant prêt à franchir la barrière pour
prendre le risque d'affronter quelques responsabilités, si elles lui avaient
été confiées.
La critique
de la manière de conduire les chantiers observés par le stagiaire et formulées
dans ces quelques pages se veut constructive. Le travail des conducteurs de
travaux et des chefs de chantier est peut-être trop lourd pour qu'ils
s'attardent sur les points qui ont particulièrement retenu l'attention du
stagiaire. Celui-ci, en toute innocence, essaye ici de trouver remède contre ce
qu'il considère comme des défauts « d'organisation » dus à la routine
presque généralisée que l’on constate dans la manière d’aborder les travaux
entrepris et dans les techniques de management.
Les Fabrications
Aucun
document n'a pu être consulté pour rédiger ces quelques pages, sans soute parce
qu’ils n’existent pas. On ne s'étonnera donc pas de la pauvreté de certaines
informations, puisque celles-ci n'ont été transmises que de bouches à oreilles.
Les planches
jointes ont donc été dessinées par le stagiaire après une simple observation
des installations.
L'Usine à Emulsion de bitume
Le bitume est
un sous-produit du pétrole : Il est obtenu brut dans les raffineries. A
180° il est fluide et c'est à cette température qu'il est transporté. Il ne
peut malheureusement pas être employé directement, sans traitement préalable, à
cause justement de cette température relativement élevée, et du fait qu'il ne
possède alors pas des qualités d'adhérence suffisante.
On doit donc
le traiter pour remédier à ces différents points et pour diminuer sa viscosité,
afin d'obtenir un plus grand étalement. L'opération est simple ; elle
consiste à homogénéiser un mélange de bitume et d'émulsifiant.
L'émulsifiant
est lui même un mélange d'eau, d'acide chlorhydrique (stabilisateur), d'huile
anthracénique et de distéronia (produit émulsif). Les proportions de ces
différents corps sont invariables.
L'émulsifiant
et le bitume passent alors dans un homogénéisateur. En faisant varier le
rapport émulsifiant/bitume, on obtient diverses qualités d'émulsions :
- le
45/55 ( 45% eau – 55% bitume )
- le
40/60 ( 40¨% eau – 60% bitume )
Les émulsions
sont utilisées en particulier pour constituer des revêtements routiers, par
épandage et recouvrement de gravillons. Il est aussi possible de les utiliser
comme sous-couche des enrobés (voir plus loin) pour assurer une parfaite
adhérence de ceux-ci.
Le processus
physique qui entraîne un recouvrement parfait des pierres et graviers par le
bitume est une rupture d'émulsion : Une partie de l'eau pénètre dans le
sol, une autre partie s'évapore et le bitume enrobe alors complètement les
matériaux. Cette rupture d'émulsion se caractérise par un virage au noir franc
du produit. Le temps de rupture est calculé pour les différents types
d'émulsion et est réglementé par des normes des Ponts et Chaussées.
Les produits
L'huile
anthracénique et le distéronia arrivent en fûts métalliques de 200 kg et
l'acide, en bonbonne de 50 l. Le bitume est livré dans des camions citerne par
une entreprise de transport privée. Il provient de la raffinerie ESSO de
Bordeaux. Chargé à 180°, le bitume ne perd que quelques degrés pendant le
transport, car il possède un excellent coefficient calorimétrique. Il est
stocké dans trois réservoirs verticaux (75 tonnes au total).
L'eau
utilisée est celle de la ville
Le personnel
Le personnel
employé se compose :
- d'un chef
de poste
- d'un
conducteur de poste
- d'un
manoeuvre (entretien, chargement...)
- d'un
chauffeur (chaudière au mazout)
L'horaire de
travail est le suivant : 7 h. - 12 h. - 14 h. - 18 h.
Le Processus
Le schéma
explicatif du fonctionnement des installations est ci-dessous :
|
Synoptique de l’usine de fabrication
de émulsion de bitume |
L'émulsion
est fabriquée par tours de 8,4 t. pour le 55/45 et de 8 t. pour le 40/60. La
quantité de bitume nécessaire est prélevée des réservoirs par gravité, pour
être envoyée dans une citerne de dosage. L'émulsifiant est préparé dans un bac,
et envoyé lui aussi dans une citerne de dosage. Ces produits sont alors chassés
par air comprimé dans leur bac respectif, pour alimenter ensuite
l'homogénéisateur.
Le travail du
conducteur de poste consiste à surveiller la régularité du mélange, en agissant
sur le débit de l'émulsifiant : Il faut en effet que les bacs de bitume et
d'émulsifiant se vident dans le même temps et avec des vitesses respectives
constantes.
Deux
aiguilles se déplaçant le long d'une règle graduée permettent de visionner
cette opération. La durée d'un tour de fabrication est alors de 32 minutes.
Les
proportions admises sont les suivantes :
|
60/40 (kg) |
55/45 (kg) |
bitume |
4500 |
4500 |
huile |
225 |
225 |
distéronia |
17 |
17 |
acide |
17 |
17 |
eau |
3650 |
3250 |
total |
8000 |
8400 |
La production
atteint en été 1000 tonnes par mois, mais se trouve extrêmement réduite en
hiver.
Tous les
réservoirs sont continuellement chauffés par circulation d'eau pour maintenir
une température, de 160° pour le bitume et de 90° pour l'émulsion, températures
assurant une fluidité satisfaisante des produits.
Sécurité et organisation
Les
installations en place ont environ 30 ans d'âge, mais semblent être dans un
état de marche et de sécurité satisfaisant. Elles assurent pour le moment les
besoins de la société et des autres clients (Ponts et Chaussées et
entrepreneurs privés) avec une bonne fiabilité.
Malgré tout
il faut noter certains inconvénients, tous dus à l'implantation de l'usine :
- La
situation de l'usine au fond d'une cour étroite constitue un goulot
d'étranglement aux heures de pointes. En particulier, la plupart des camions
viennent faire le plein vers 7h 30 pour l'ouverture des chantiers ce qui
entraîne une attente assez prolongée pour certains d'entre eux aux abords de la
bascule (voir schéma ci-dessous).
|
Plan d’implantation de l’usine de
fabrication de émulsion de bitume |
- Les
installations elles–mêmes de la S.C.R.E.G. sont mal situées : Seul un pont
étroit permet leur accès, et qui plus est, ce pont débouche en biais d’une
manière fort dangereuse sur une route très fréquentée puisqu’il s’agit de l’axe
Pau-Lourdes (constituant d’ailleurs à cet endroit une partie du célèbre circuit
automobile de la ville de Pau).
- La plupart
des bacs et tuyauteries de bitume et d'émulsions se trouvent en hauteur, ce qui
fait que le danger n'est pas visible. Il y a en effet risque de chute de corps
à haute température.
Les règles
particulières de sécurité imposées aux ouvriers sont :
- Port de
gants et de lunettes à cause de la manipulation de corps chauds et aux vapeurs
d'acide.
-
Interdiction de déboucher les réservoirs des camions ; cette tâche doit
être effectuée par les chauffeurs eux-mêmes. En effet la vidange de ces
réservoirs se faisant à l'air comprimé, on doit s'assurer que la purge en a été
préalablement faite pour éviter une projection brutale de ce bouchon, et cette
responsabilité ne doit pas être partagée.
Le Poste d'Enrobage à chaud
(voir schéma
et photos ci-dessous)
Les enrobés à
chaud sont destinés à constituer un revêtement bitumineux dont la principale
utilisation est la confection des chaussées au moyen d'un finisseur.
Les enrobés à
chaud sont des graviers, portés à une température adéquate, recouverts d'une
pellicule de bitume brut. L'adhérence du bitume est obtenue par un pourcentage
correct de fillers dans les graviers, réglé par un fuseau granulométrique
variable suivant les qualités d'enrobés réclamées. Par refroidissement on
obtient un revêtement dur bien connu, puisque la plupart des 700 000 Km de
routes françaises en est constituée.
Situation
Le poste
d'enrobage à chaud de la S.C.R.E.G. n'est pas des plus modernes. Les progrès de
l'électronique ont conduit ailleurs à des installations fixes ou mobiles d'un
automatisme presque intégral. Néanmoins, étant donnés les besoins de la
clientèle et la situation privilégiée du poste, il suffit à assurer la
production avec un prix de revient finalement assez bas.
Ce poste est
installé sur un terrain municipal de la commune de Lescar à 7 Km de Pau, et en
bordure du Gave. Sur ce même terrain une société privée de dragage et de
concassage fournit, presque sans transport, les sables et graviers nécessaires
à la S.C.R.E.G. Ce poste de concassage alimente également une centrale à béton
ultra moderne appartenant à la Société du Béton Contrôlé du Béarn, dont une
description sommaire a été faite plus loin.
Infrastructure
La
description du poste de fabrication des enrobés lui-même se trouve ci-dessous.
A coté du
poste lui-même, un petit laboratoire est installé dans une baraque de chantier.
Il y est possible :
- d'analyser
les produits bitumineux ( enrobés et aussi émulsions de l'usine de Pau.)
- d'établir
les courbes granulométriques
Le personnel
du poste d'enrobage à chaud se compose :
- d'un chef
de poste, qui s'occupe également du laboratoire
- d'un
chauffeur d'engin (alimentation de l'installation au moyen d'un chargeur sur
pneus HOUGH DH 30)
- d'un
conducteur de poste (fabrication des enrobés)
- de deux
manoeuvres (entretien, travaux annexes, chargement des camions)
|
Poste de fabrication des enrobés à
chaud de Lescar |
Fabrication des enrobés
La
fabrication des enrobés se divise en deux parties : Le chauffage des
matériaux et le malaxage du mélange bitume et matériaux.
Chauffage des matériaux
Les matériaux
provenant de la station de concassage sont stockés par catégories à proximité
du point d'alimentation. Il est important de remarquer que les courbes
granulométriques établies par la station de concassage sont pratiquement
invariables, si bien que les problèmes de dosage sont inexistants. A toutes
fins utiles le pré doseur (1) chargé par l'engin (2) pourrait permettre de
faire varier ces courbes granulométriques, pour les réajuster. Les produits
passent dans un four rotatif horizontal (3) de 10 m de longueur, chauffé par un
brûleur au mazout et air pulsé entre 110 et 160°. Les fillers sont aspirés dans
un cyclone (4) qui renvoie les plus grosses particules, au moyen d'une vis
d'Archimède, à la sortie du four. Les plus fines, sont envoyées dans un
exhausteur humide (5) qui expulse ces produits, pour une part dans
l'atmosphère, et pour une autre part dans le gave de Pau (8).
Si la courbe
granulométrique fait apparaître un manque de fillers, il est possible
d'additionner de la chaux aux matériaux (5)
|
Synoptique du poste de fabrication
des enrobés à chaud de Lescar |
Malaxage
Les produits
portés à 110-160° sont stockés dans la trémie (9). Pour une gâchée, le
conducteur de poste charge la quantité désirée de produits dans la trémie
peseuse (10) et le bitume, dans un pourcentage adéquat, dans le bitumètre (11).
Ce bitume est stocké dans un réservoir chauffant de 27 000 litres (12).
Les produits sont envoyés dans le malaxeur (13) qui a pour rôle d'enrober
toutes les particules de matériaux d'une couche de bitume. La durée du malaxage
est d'environ 1h 30 et varie avec la grosseur des matériaux. Les enrobés
sont ensuite stockés dans la trémie (14) de 16 tonnes qui charge directement
les camions.
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Poste de fabrication des enrobés à
chaud de Lescar A droite,
l’alimentation du pré-doseur |
Poste de fabrication des enrobés à
chaud de Lescar Chargement
d’un camion |
Les différents enrobés
Le poste de
Lescar est équipé pour la fabrication des enrobés de couleur rouge :
Terrains de tennis, trottoirs, etc.
La composition
des produits pour une gâchée de 500 kg est alors la suivante :
- 435 kg de
sable 0,2
- 15 kg de
chaux 30/00
- 25 kg
d’oxyde de fer
- 33 kg de
bitume pigmentable
- 1 litre de créosate
(le créosate est une substance qui permet de fixer le bitume et de le rendre
plus malléable)
La
fabrication la plus importante est évidemment celle des enrobés noirs. Les
différentes grosseurs de matériaux conditionnent le pourcentage de bitume à
additionner. En effet, plus les graviers sont petits, plus la surface
spécifique augmente : Il faut donc un pourcentage plus élevé de bitume.
Les chiffres admis sont les suivants :
Fuseau granulométrique |
Gâchée (kg) |
Bitume (%) |
0 -10 |
650 – 700 |
6 |
0 -14 |
650 - 700 |
5,5 |
0 -25
(binder) |
650 – 700 |
4 à 5 |
0 -5 |
450 – 500 |
7 |
Pour chaque
variété d'enrobé un fuseau granulométrique est déterminé.
Lors d'une analyse,
il faut donc obtenir une courbe granulométrique inscrite dans le fuseau. La
courbe ci-dessous montre donc un manque de fillers ; cette courbe devra
être remontée par addition de chaux.
Analyses Granulométriques (voir photos)
L'analyse
granulométrique est une opération simple mais longue. Son processus est le
suivant :
- prélèvement
d'une certaine masse d'enrobés
- extraction
du bitume au moyen d'un extracteur de chantier modèle californien
- distillation
de l'eau qui se condense au bas de la colonne réfrigérante où elle est mesurée
- lavage par
un solvant (benzol) forcé à l'air comprimé à travers un filtre.
- séchage
- Analyse au
moyen d'une série de 6 filtres (normes A.S.T.M.E. : 4,76–2-0,84-0,42-
0,177-0,074). Cette analyse doit se faire par lavage, ce qui augmente la
précision, mais aussi la durée de l'opération.
|
|
Laboratoire
de chantier à Lescar On
distingue une balance de précision, l’extracteur de chantier modèle californien et la colonne de
distillation |
Laboratoire
de chantier à Lescar De haut
en bas les coupelles contiennent des matériaux dont la
granulométrie est la suivante : + 4,76 mm 2 – 4,76- mm 0,84 – 2 mm 0,42 – 0,84 mm 0,177 – 0,42 mm 0,074 – 0,177 mm Noter la
série des six filtres à la norme A.S.T.M. |
Destination et Production
Les enrobés
fabriqués par la S.C.R.E.G. sont évidemment utilisés sur les chantiers de la société,
mais ils sont aussi vendus aux entreprises extérieures et aux Ponts et
Chaussées.
La production
est fonction de la saison, puisqu'en hiver le nombre de chantiers ouverts est
très faible. Elle est donc maximum en été et atteint 300 tonnes par jour :
Pour ce faire les horaires de travail peuvent être considérablement gonflés. La
production la plus soutenue est celle des 0-14. Les 0-25 et même les 0-40
(binders) sont utilisés en sous-couche, tandis que les 0-10 ou 0-5 sont
utilisés pour des travaux plus fins.
Suivant la
saison le bitume employé est plus ou moins visqueux, pour permettre de le
travailler dans les mêmes conditions malgré les variations de
température :
- De mars à
octobre : Viscosité 80-100
- D'octobre à
mars : Viscosité 180-220
Par temps de
pluie la production est bloquée, puisque toutes les installations sont à l'air
libre ainsi que les stocks de matériaux qui sont inemployables s'ils sont trop
humides. Le personnel affecté au poste d'enrobage est donc occupé à des travaux
d'entretien. Les plaques du malaxeur, en particulier, doivent être changées
périodiquement.
L'horaire de
travail moyen est le suivant : 6 h. - 12 h et 13 h 30 - 18 h.
La tour à Béton de la Société « Béton Contrôlé du Béarn »
La centrale à
béton a été construite en 1966.
|
La tour à béton de la Société
« Béton contrôlé du Béarn » 1 Trémie
à ciment 2 Trémies
à matériaux (compartiments) 3 Salle
des bascules 4 Malaxeur 5 Poste
de commande automatique 6 Point
de chargement 7 Convoyeur
à bande pour matériaux |
Elle comprend
quatre parties :
Les silos
Il y a 8
silos périphériques à matériaux et un silo central à ciment. La répartition
granulométrique des différents matériaux lavés ou concassés est la
suivante :
8/15 |
0/25 |
30/60 |
0/40 |
15/25 |
0/14 |
Variable |
variable |
Les silos à
matériaux sont alimentés par un convoyeur à bande ascendant, directement à
partir de la station de concassage. Le ciment est pour sa part aspiré à partir
des camions citerne qui le livre. Des dispositifs piézométriques indiquent les
états des stocks.
Les bascules
Il y a trois
bascules, une pour chaque constituant du béton, c'est à dire les matériaux, le
ciment et l'eau.
Le malaxeur
Le malaxeur assure
un mélange homogène de 10 tonnes de béton en quelques minutes, valeur du
chargement d'un camion.
Le poste de commande
Le
fonctionnement de la centrale à béton est rendu entièrement automatique par un
ordinateur électronique et un jeu de cartes perforées (une carte par variété de
béton)
L'introduction
de la carte perforée dans l'ordinateur assure :
- la
répartition granulométrique des différents matériaux et leur pesage
- la mesure
de la teneur en eau des différents éléments
- le pesage
de la quantité d'eau à ajouter, en fonction des mesures précédentes
- le pesage
du ciment
- le malaxage
- le
chargement du camion
Cinq camions
équipés d'un malaxeur d’une capacité de 10 tonnes assurent la distribution du
béton.
Le personnel
se compose :
- d'un chef
de poste dont la fonction est surtout commerciale
- d'un
surveillant : Introduction des cartes perforées
- d'un
manœuvre : Entretien et lavage des camions au jet à chaque navette, pour
éviter toute prise intempestive du béton
La production
de cette centrale ultra moderne peut atteindre 1000 tonnes/jour, mais elle se
trouve en fait limitée par la rotation des camions qui n'est pas toujours
continue.
Anecdote : Les
besoins en sable et graviers des entreprises de travaux publics et de construction
de la région sont satisfaits par la gravière de Lescar. Les matériaux sont
vendus au poids. Les camions sont donc normalement pesés à l’entrée dans la
gravière à vide et repesée en charge au départ sur une magnifique et ancienne
bascule mécanique Tolédo muni d’un bras de pesée et de contrepoids. Un aimant
de 100 grammes placé discrètement au bon endroit et au bon moment sur le fléau
peut permettre de fausser de plusieurs centaines de kg le résultat de la pesée.
Cette pratique qui semble assez largement connue doit certainement arranger
beaucoup de monde, excepté sans doute le propriétaire de la gravière !
Visite de quelques chantiers
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Terrassement d'un passage supérieur
au dessus de la voie ferrée sur la RN 117 à Lescar. Chargement de tout-venant - -
Réglage au bull Compactage par RICHIER VR 713 P et
rouleau vibrant |
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Réfection de chemins vicinaux à
Beyrie en Béarn Mise en place de la sous-couche de
0-40 à l’aide d’un camion de 10 tonnes équipé d’une gravière |
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Réfection de chemins vicinaux à
Beyrie en Béarn Réglage du 0-40 par une niveleuse
GALION |
Aménagement du chemin privatif
d’accès à une ferme Un portail interdit le passage de la
niveleuse et le tout-venant doit être étalé à la main. Ces travaux pour les particuliers,
qui vont « profiter » du passage du chantier, ne sont pas initialement prévus.
Ils sont « négociés » sur place … |
Micro-chantier du Tonkin : Marquage au sol de places de
parc de stationnement
La S.C.R.E.G.
a commencé le chantier du Tonkin en 1966. Il s'agissait :
- de préparer
la construction d'un groupe de trois immeubles (terrassement, égouts, drainage
etc.)
- de réaliser
les chaussées et les aires de stationnement des voitures aux alentours des
immeubles, une fois ceux-ci terminés (pose de bordures et caniveaux, revêtement
gravillonné, et aussi pour finir, marquage au sol des places de parking)
La
matérialisation des places de parking et leur numérotation à la peinture
blanche ne présente pas nature à débordements techniques intéressants dans le
cadre de ce présent rapport. Néanmoins il est possible d'en tirer un
enseignement relatif à :
- la
spécification des travaux d'une entreprise.
- la
préparation et l'organisation d'un chantier, même restreint.
L'importance
de ce micro-chantier était évidemment extrêmement faible puisque le devis
s'élevait à 1500 F. Il s’agissait de tracer 55 lignes blanches de 5m de long
sur 0,08m de large, payées 3 F du mètre et de numéroter les places de parc de
stationnement ainsi obtenus de 1 à 53, deux places de parcs étant réservées aux
visiteurs.
Un matin,
deux ouvriers furent affectés à ce travail : Un cylindreur et un maçon qui
n’avaient jamais eu à se préoccuper de peinture au sol jusque la. Le matériel
suivant leur fut fourni avant de les abandonner à leur sort en rase
campagne :
- 10 kg de
peinture blanche ordinaire à 8,60 F. le kg.
- 2 pinceaux.
- 2 litres d'essence.
- 4 rouleaux de 50m de ruban adhésif
L’implantation
des lignes, déterminée par un plan d'architecte, fut matérialisée par le
Conducteur de Travaux. Les ouvriers devaient ensuite, tracer le bord des lignes
au cordeau, placer une bande adhésive sur le pourtour et peindre l’intérieur…
Dans la
matinée, 5 bandes furent terminées ! Au début, tout sembla aller bien, mises à
part la difficulté à coller correctement le ruban adhésif sur les gravillons et
l'extrême lenteur de ce travail réalisée de manière totalement artisanale. Mais
dés que la chaleur se manifesta, l'émulsion se mélangea à la peinture qui n’eut
plus de blanc que le nom, les gravillons adhérèrent aux pinceaux, en arrachant
les bandes de protection le revêtement gravillonné restait bêtement collé sur
ces dernières et la peinture bavait de partout. Un vrai gag !
A midi, plus,
de 5 Kg de peinture avaient été utilisés, les pinceaux n’avaient plus un poil et
l’essence faisait cruellement défaut depuis longtemps !
En début
d'après midi, après le casse-croûte pris sur place avec les mains pleine de
peinture et après avoir attendu le passage du conducteur de travaux, faute de
pouvoir se déplacer, une modification de méthode fut décidée après une
conférence au sommet : Emploi d'un pistolet à peinture et remplacement des
bandes adhésives par des bandes de contreplaqué.
Passons sur
les détails, mais disons néanmoins que le reste de la journée fut employé à
racheter de la peinture, du diluant, à « trouver » des plaques de
contre-plaqué adéquates, à emprunter un compresseur à peinture aux Ponts et Chaussées et à tout ramener sur le
chantier…
Le lendemain
les bandes purent être tracées avec dans des conditions à peu près
satisfaisantes. La propreté du travail avait subi une amélioration considérable
mais le résultat global restait malgré tout assez médiocre. De plus, la qualité
de la peinture employée ne laissait pas une chance de pérennité à cette œuvre
mémorable !
Pour peindre
les chiffres on devait certainement compter sur le sens artistiques de nos deux
spécialistes de la peinture car rien n’était prévu pour cela quand ils eurent
terminé leur 55 mètres de bandes blanches. Nouvelle intervention du conducteur
de travaux. On pensa alors à acheter des gabarits ou à les faire faire par un
menuisier, mais où et comment dans des délais raisonnables, alors que le
compteur horaire défilait et que la machine à perdre de l’argent était déjà en
marche depuis longtemps ? L’heure de gloire du stagiaire était
arrivée ! Je proposai timidement de faire moi-même les gabarits dans du
carton. Heureux de rentabiliser mes deux ans d’école d’ingénieur et mes cours
de dessin industriel, car il faut au moins cela pour savoir faire un gabarit en
carton, et pensant déjà à ma future légion d’honneur, car c’est un minimum
quand à 22 ans on a le courage de prendre une telle initiative, je me mis donc
au travail avec l’aide de la secrétaire du directeur, de chemises de dossier en
carton trouvées dans l’armoire aux fournitures et des conseils de tous ceux qui
se trouvaient là, heureux d’avoir un divertissement inhabituel pour la fin de
l’après-midi…
Restons
sérieux, et en extrapolant à des chantiers plus importants cette petite fable
on peut cependant aboutir à certaines conclusions :
Spécification d’une Entreprise
Si la société
avait déjà peint accessoirement des lignes sur des enrobés (surface plane et
lisse), cette opération n'avait par contre jamais été faite sur des gravillons,
idée de l’architecte totalement déraisonnable de surcroît.
On peut se
demander d’ailleurs pourquoi accepter un si petit contrat pour le dérangement
qu'il entraîne car rien n'est prévu à la société pour une telle
opération :
- absence de
compresseur mobile à peinture
- absence de
gabarits pour tracer les chiffres
- aucun
ouvrier spécialisé dans ce genre de travail.
De ce fait,
le Conducteur de travaux se trouve mobilisé pendant des heures précieuses pour lui,
pour un véritable bricolage. Les dépenses de main d’œuvre deviennent sans
rapport avec ce qu'elles devraient être, des achats de matériel s'avèrent
inutiles et les dépenses de matières sont prohibitives…
Evidemment
une société ne doit pas se laisser envahir par la routine et doit trouver de
nouveaux marchés ou de nouvelles gammes de travaux. Dans ce cas, avant
d'entreprendre une nouvelle opération, une préparation plus systématique doit
être faite, pour que les ingénieurs, les conducteurs de travaux et les chefs
d'équipes ne perdent pas trop de temps et ne commandent pas des travaux qui
apparaissent plus ou moins ridicules.
Préparation et organisation des chantiers
Il faut donc
faire l'étude d'un nouveau travail quel qu’il soit systématiquement et sérieusement.
Dans le cas qui nous intéresse on pouvait au moins :
- faire un
essai préalable
- demander
aux agences régionales de la société quelques renseignements au cas où elles
auraient la pratique
- être en
possession d'un compresseur et de gabarits avant d'engager les travaux et de
placer les ouvriers sur le chantier, pour ne pas les mettre ainsi dans en
position d'attente.
D'autre part,
le facteur « publicité » est aussi à prendre en considération. Une
société de travaux publics est un commerçant qui travaille aux yeux de tout le
monde. Le travail peut être finalement bien fait, mais ne pas paraître
rationnel et organisé pendant son exécution. Le client peut avoir l'impression
de payer des gens qui brassent un peu trop d'air, et se tournera vers une autre
entreprise lors d'un prochain besoin.
Dans le cas
du présent chantier, le faible montant des travaux, pouvait entraîner un
certain désintéressement pour les problèmes qu'ils pouvaient poser. Néanmoins
une Entreprise a pour but de gagner de l'argent et non d'en distribuer. Il faut
penser qu'il n'y a pas de petits travaux : Les problèmes méritent tous une
étude, s'ils doivent être convenablement résolus.
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Micro chantier du Tonkin Marquage au sol de places de parking |
Micro chantier du Tonkin Marquage au sol de places de parking |
Chaussées en enrobés – Réfection de la place Clemenceau à Pau
(voir photos)
La réfection de
la place Clemenceau, en plein centre de Pau, est un bon exemple de travaux
publics urbains. Il s'agissait d'étaler un tapis d'enrobés de béton bitumineux
0-14, par dessus un revêtement du même type, en assez bon état, mais fissuré en
de nombreux endroits. La caractéristique essentielle de tels travaux est la
rapidité avec laquelle ils doivent se dérouler, pour gêner le moins possible la
circulation.
Les problèmes
qu'ils posent sur le plan technique, qu'il est inutile de développer ici, sont
les mêmes que pour n'importe quels travaux routiers effectués par la gamme
d'engins : Finisseur - cylindre - compacteur. La seule difficulté
apparente est de conduire le finisseur et surtout de le régler, pour obtenir le
profil adéquat de la chaussée, en respectant la hauteur d'enrobés à étaler.
Ceci est l'affaire du spécialiste conduisant l'engin.
Sur le plan
organisation, par contre, les difficultés sont beaucoup plus
considérables : Le tracé tourmenté de la place ne permettait pas au
finisseur d'effectuer de longues passes, et une surface assez considérable dut
être traitée manuellement. Il y a donc, à la base, un problème de découpage à
résoudre pour obtenir une surface traitable par le finisseur maximum. Tenant
compte de ce découpage et du problème complexe de la circulation, une
répartition chronologique des travaux devait être déterminée dans ses grandes
lignes.
Le découpage
et la répartition étant pensés, les travaux peuvent suivre leur cours sans
difficultés particulières, mis à part peut-être :
- L'approvisionnement
du finisseur en enrobés (problème de rotation des camions.)
- Les
relations avec les autorités de la ville (voirie et police) afin d'obtenir une
sécurité la plus parfaite possible pour le travail et la circulation
automobile.
Seuls ces problèmes,
feront l'objet d'une étude dans ce présent rapport.
Infrastructure du chantier
Matériel en place
- 1 camion
épandeur de 1500 l.
- 1 finisseur
VOGELE 100 H à chenilles.
- 1 cylindre
RICHIER RT8 de 8 tonnes.
- 1 compacteur
à pneus RICHIER VE 713 P de 17 tonnes.
- 1 cylindre
vibrant à main RICHIER V 656 de 450 kg.
Personnel
A coté les
conducteurs d'engins, deux équipes de 5 hommes et leur chef d'équipe,
effectuent tous les travaux manuels : Joints, enrobage autour des
ronds-points, nettoyage, etc.
Horaire
Les travaux
furent effectués entre le mardi 25 et le vendredi 28 juillet 1967, l'horaire de
travail étant le suivant : 6 h - 12 h et
14 h - 19 h, soit 11 heures journalières.
Approvisionnement en enrobés
L'approvisionnement
en enrobés est réalisé par des camions de charge utile 10 tonnes, qui chargent
au poste d'enrobage à chaud de Lescar. La plupart de ces camions appartient à
des transporteurs privés ; ceux de la société sont chargés d'assurer l'équilibre
du cycle de chargement.
Le problème à
résoudre est celui du calcul du nombre de camions à mettre en circulation, en
fonction e la distance du chantier au poste de Lescar, et de l'avancement
probable du finisseur, pour réduire au minimum :
- l'attente des
camions au déchargement
- le manque
d'enrobés sur le chantier
Il faut noter
que dans le cas d'un chantier de tracé tourmenté, tel celui de la place
Clemenceau, les travaux doivent être localisés au maximum pour ne pas trop
gêner la circulation, si bien que l'avance du finisseur se trouve limitée par
les surfaces à traiter manuellement, à proximité de la passe en cours : Il
est en effet préférable d'avancer ainsi plage par plage pour augmenter la
qualité des joints. Ceux-ci sont obtenus par un balayage superficiel qui
élimine les matériaux les plus gros, en bouchant avec les fines, les
interstices créés autour du joint.
De ce fait
l'attente des camions se trouve être considérablement augmentée, puisqu'ils
vident leur chargement en plusieurs fois, soit directement dans le finisseur,
soit aux endroits à traiter manuellement.
Il est
évident que les attentes ne peuvent être annulées, mais il doit être possible
par une petite étude les réduire avec intérêt plutôt que de subir les
événements.
Sécurité et Relation avec les
autorités de la ville
La rotation
des camions paraît être un problème relativement simple à coté de celui de la
sécurité du chantier.
En effet, la
société qui travaille sur une commande des services de la ville, n'est pas
complètement maître de sa destinée sur le chantier ; un conducteur de
travaux de la ville et divers autres fonctionnaires s'y trouvent en permanence.
Pour certain, leur fonction semble être la surveillance des travaux effectués
et la collaboration avec les services de police, afin de canaliser la
circulation dans les couloirs qui peuvent rester disponibles ou de la dévier
provisoirement. Mais beaucoup d’autres semblent n’être que des touristes.
D’une façon générale
la sécurité de la qualité du travail effectué par la société sont fortement
perturbées par les pressions faites par les agents municipaux, responsables ou
non, exigeant de rouvrir trop rapidement à la circulation les tronçons de
chaussées nouvellement recouvertes.
Ø
Sécurité des travaux
Le chantier
se présente de la manière suivante :
|
Comme signalé
plus haut, il faudrait éviter toute circulation de personnes et de véhicules
dans la zone de travail, pour les raisons suivantes :
- l'émulsion
est une substance liquide qui adhère au pneus des voitures et aux chaussures
des piétons, et qui peut par leur intermédiaire non seulement souiller les
bordures et les dallages de trottoirs, mais aussi les carrelages, parquets ou
moquettes des commerces avoisinants…
- sur une
telle surface glissante, les risques de chute sont importants ; il n'a
jamais été dit que ramasser des grands-pères imprudents ou trop curieux et de
les asperger d'essence pour tenter de réparer les dégâts, faisaient partie des
attributions des ouvriers des sociétés de travaux publics !
- l'enrobé,
réparti, réchauffé et lissé par le finisseur, n'a pas encore une consistance
suffisante pour résister aux fortes pressions et les hauts talons y font des
dégâts difficile à réparer, sans dire que sa haute température et sa
consistance se sont pas sans effets sur les pieds féminins, les chaussures plus
où moins excentriques qu’elles portent… et les pattes des chiens errants !
- les pneus
des voitures arrachent les graviers superficiels de l'enrobé encore chaud et
écrasent la lisière de la couche qui doit être gardée nette pour réussir un
joint parfait. Si cette lisière est par trop dégradée, on doit d’ailleurs la
reprendre avec un marteau-piqueur à palette, ce qui est une opération pénible
et onéreuse,
- le champ de
visibilité des conducteurs d'engins (cylindre et compacteur en particulier) est
très limité. Ces engins sont dangereux par leurs allées et venues permanentes
pour les ouvriers du chantier qui négligent souvent leur présence et surtout
pour les piétons qui semblent croire que les chauffeurs sont simplement payés
pour les laisser traverser et les regarder passer...
Ces quelques
remarques mettent en évidence que les services de la ville, aidés par la
police, devraient préalablement réfléchir ; en association avec
l’Entreprise, à un dispositif de sécurité sérieux et adapté aux travaux
urbains.
Les quelques
jours passés à observer les piétons et les automobilistes me forcent à dire qu'il
ne faut pas essayer de construire un système souple, faisant appel à
l'intelligence individuelle, mais qu'au contraire, il faut être d'une
intransigeance systématique, voire bornée. L'indiscipline du au « chacun
pour soi » et « au moi d’abord » qui semble être l’apanage des
français font que leur résistance à contourner un obstacle pourtant peu
agréable d'aspect, est en effet sans limites... et pourrait faire l'objet de
quelques pages humoristiques qui dénatureraient le la nature éminemment
sérieuse de ce présent rapport ! En conclusion, seule l'imbécillité
humaine peut expliquer ce qu’est la notion d'infini...
En fait, il
ne suffit pas de placer des écriteaux « Déviation » ; il faut
réellement barricader solidement les passages qu’on doit interdire. Demander
gentiment de ne pas franchir un ruban de sécurité est une illusion et il faut
se résigner à donner maintes explications inutiles et supporter des plaintes
geignardes pour que les piéton et les conducteurs moyens se décident enfin à
faire trente mètres de plus...
Pour éviter
les accidents de personnes, pour travailler dans de bonne condition
rentabilité, pour éviter d'avoir à réparer à ses frais les dégâts commis par
les piétons et les automobilistes et pour assurer une qualité satisfaisante de
ses prestations, la société de travaux publics devrait préalablement exiger et
obtenir des services de la ville responsables une aide beaucoup plus efficace
et responsable.
Ø
Sécurité de la circulation
Inversement
la société doit s'efforcer d'agir elle-même à chaque moment avec l’optique
d’une plus grande sécurité et d’organiser les travaux en recherchant la
fluidité maximum de la circulation.
Mais est-ce
vraiment à elle de poser les panneaux de circulation provisoire, à l’initiative
du seul chef d’équipe, entre 6h et 8h du matin le jour de l’ouverture du
chantier, alors que les services municipaux et de police sont absents ?
D'autres
précautions auraient du être prises. Ainsi, une mise en garde aurait du
paraître dans la presse locale, pour inciter les gens à ne pas circuler sans
motifs valables dans les parages de la place Clemenceau : Les travaux
commencèrent visiblement à l'étonnement quasi général de la population.
D'autre part
l'inertie générale des services de police est assez déconcertante :
L'indiscipline et la mauvaise volonté des piétons et des automobilistes ne
suffisent pas à expliquer le manque d'initiative, sans doute faute d’ordres de
leur hiérarchie, de la plupart des agents de la circulation.
Lorsqu'une
voie est mise en sens unique par exemple, faire rouler momentanément les
voitures sur deux files pourrait augmenter leur débit du trafic.
De la même
manière, laisser fonctionner les feux tricolores à un croisement où une seule
voie est encore en service est un non-sens qui ne semble pas inquiéter qui que
se soit !!!
Une
collaboration étroite et permanente entre les conducteurs de travaux de la
société et de la ville seraient donc indispensable pour harmoniser le travail
des ouvriers et celui des services d'ordre. Mais il semble que les intérêts des
parties divergent puisque l’un n’est que le prestataire et l’autre que le
payeur. Chacun pense d’abord à défendre ses intérêts, sans comprendre que
ceux-ci seraient les mêmes avec une conception de leurs relations
« gagnant-gagnant ». Mais il est sans doute bien dur de faire changer
certaines mentalités.
Réfection de la place Clemenceau à Pau -
Juillet 1967 |
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Finisseur VOGELE 100 H Sur la plate-forme, deux spécialistes
règlent la hauteur de la couche d’enrobées. Pour une hauteur finale de 3 cm,
il faut étaler environ 5 cm de produit étant donné le tassement produit par
le cylindrage et le compactage |
Finisseur VOGELE 100 H Notons la vapeur qui dégage : L’enrobé
est en effet à environ 120°. Les plaques chauffantes de l’engin permettent de
le conserver à température. Le travail du chauffeur et des régleurs est
particulièrement pénible |
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Les raccords manuels «… le tracé tourmenté de la place Clemenceau
ne permet pas au finisseur d’effectuer de longues passes et une grande
surface doit être traité à la main… » |
Cylindrage – Cylindre vibrant
RICHIER V 656 Pour les angles et près des bordures
de trottoirs le cylindrage est assuré par un cylindre à main |
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Compactage – Compacteur RICHIER VR
713 P |
Cylindrage – Cylindre RICHIER RT8 |
La Pierre saint Martin
(voir photos)
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Localisation géographique de La
Pierre-Saint-Martin |
Sur la
frontière espagnole, à la limite du Béarn et du pays Basque, la Pierre Saint
Martin, à 80 km. de Pau est un site montagneux, dominée par le pic d'Annie à
2504 m. qui se prête admirablement à la pratique des sports d'hiver à une
altitude d'environ 1700 mètres. Rendue célèbre par le gouffre découvert par
Lépineux et où Marcel Loubens trouva une mort tragique en 1952, cette station
montagnarde en est encore à son tout premier stade de développement. Une route
de montagne étroite de 25 km qui longe la rivière le Vert d'Arette, permet d'y
accéder à partir du pittoresque village du même nom à l'altitude de 350m.
De la
station, un chemin de terre conduit au col de la Pierre saint Martin, sur la
frontière espagnole ; le gouffre étant situé à une centaine de mètre en
contrebas de ce col. La jonction avec l'Espagne est prévue au programme de
développement des voies de communications avec ce pays, pour les années à venir.
Les seules commodités actuelles consistent en deux hôtels et quelques
remonte-pentes. L'électricité et l'eau sont installées, mais par contre aucunes
liaisons téléphoniques et postales n'existent encore. Le programme de
développement de cette station, prévoit la construction de nombreux groupes
collectifs, d'une cinquantaine de chalets particuliers, d'une piscine, d'un
stade de glace et de groupes commerciaux. Actuellement les travaux sont
poursuivis sur deux fronts :
-
Elargissement d'une portion de la route existante, qui jusqu'à présent était
mise en sens unique pendant la période d'hiver : Montée le matin et
descente l'après-midi. Ces travaux sont effectués par les services des Ponts et
Chaussées. L'adjudication du revêtement de cette chaussée devrait se faire
courant septembre
-Création d'une route, dans le site même de la
Pierre Saint-Martin, pour desservir les futures constructions. Ces travaux sont
effectués par la S.C.R.E.G.
|
|
La Pierre Saint-Martin avant 1967 Tracé de la route à construire entre
deux hôtels existants « Hôtel-relais de la
station » et « Hôtel du Pic d’Anie » |
La Pierre Saint-Martin - Hiver
1966/1967 « Hôtel-relais de la
station » à droite |
Nature du chantier
La nature du terrain
de la Pierre Saint Martin ne se retrouve nulle part ailleurs (voir photos). Il
s'agit d'un véritable chaos rocheux, extrêmement crevassé et tourmenté. Le
gouffre en est d'ailleurs la preuve, puisqu'il est avec 1150 m. le plus profond
du monde connu à ce jour.
L'image la
plus juste de ce paysage est celle d'un « glacier de Pierre » qui
confère au site un aspect plus lunaire que désertique.
La
consistance de la roche pierre est extrêmement variable, mais celle-ci est en
général relativement tendre : Le pourcentage de calcaire y est largement
prédominant.
La seule
végétation existante consiste en quelques pins accrochés aux quelques parcelles
de terres rocailleuses insérées dans les nombreuses crevasses de ce pierrier.
Les travaux
que la Société Chimique et Routière d'Entreprise Générale doit exécuter après
soumission et gain de l’appel d’offres consiste pour le début de la campagne
1967 en une route de 7 m. de large et d'environ 750 m. de long, à tracer dans
le rocher et passant entre les deux hôtels actuellement existants. Son tracé
approximatif est matérialisé sur la carte postale ci-jointe.
|
Une partie du chantier S.C.R.E.G. de
la Pierre Saint-Martin – Eté 1967 L’« Hôtel du Pic d’Anie »
cache l’« Hôtel-relais de la station » où logent les ouvriers du
chantier Le creusement de la route se
poursuit vers l’est, en bas à gauche sur cette photographie – Voir carte
postale plus haut |
Dans ses conditions
le foisonnement du rocher doit être effectué à l'explosif et le déblaiement
nécessite l'utilisation d'un puissant engin à chenilles.
L’adjudication
semble avoir été obtenu par la S.C.R.E.G. grâce aux prix très bas qu'elle en a
demandé (environ 40% en dessous du chiffre prévu). Cette tactique commerciale
aurait eu pour but d'implanter la Société sur le chantier, même au prix d'un
déficit, afin de pouvoir se faire adjuger plus facilement les prochaines
tranches de travaux.
La majeure partie
de la route est une voie en déblai avec un profil en travers avoisinant
l'horizontale. La partie centrale de la route est en remblai : Sur ces
quelques dizaines de mètres, le cubage de matériaux à remblayer se trouve être
à peu prés équivalent à celui qui doit être déblayé sur les deux autres
tronçons.
Notons, que
seuls les premiers trente mètres de route sont à flanc de coteau, et ceci dans
un terrain très terreux :Il a été procédé ici partiellement en déblai et
partiellement en remblai.
Les difficultés
qui se présentent pour ce chantier sont donc au nombre de trois :
1)
Difficultés de communication et éloignement de tous les grands centres.
2) Nature du
terrain qui rend l'emploi des explosifs difficile, même pour des spécialistes.
3) Transport
des matériaux de la partie terminale de la route jusqu'à la partie en remblai.
Infrastructure du chantier
Personnel
La S.C.R.E.G.
a sous-traité à une petite entreprise spécialisée, la Société BLOUIN, tout le
travail de minage.
Le personnel
est donc réparti dans deux équipes différentes :
Ø
Société BLOUIN
- 1 chef
d'équipe
- 5 mineurs
Ø
S.C.R.E.G.
- 1 chef de
chantier
- 1 maçon
- 2
manoeuvres
- 1 chauffeur
d'engin
-1 chauffeur de camion
Matériel
Ø
Matériel de minage
- 3 compresseurs
mobiles (1 HOLMAN , 1 bloc double PEUGEOT, 1 PEUGEOT)
- 3
marteaux-perforateurs MONTABERT de 25 kg.
- 2
marteaux-perforateurs MONTABERT de 17 kg.
-1
wagon-drill ATLAS KANGOUROU
Ø
Matériel de déblaiement
- 1 chargeur International
175 équipé d'un ripper
- 1 camion
Berliet à benne de 10 tonnes.
Le fuel
nécessaire, est stocké dans une citerne des Ponts et Chaussées. Il est
-transporté par fût de 200 l. sur le chantier même.
L’accord
entre les deux sociétés est extrêmement simple : La CHIMIQUE a obtenu
13,50 F. du m3 déplacé et elle paye 6 F. du m3 miné à la société BLOUIN.
L'harmonie
dans le travail sur le chantier devrait être réalisée par une collaboration
étroite entre les deux chefs, puisque le commandement des deux équipes minage
et déblaiement est en principe séparé.
Nous
reviendrons sur le délicat problème de la dualité de commandement car dans le
cas de ce présent chantier, il y a quelques problèmes.
Le personnel
est logé aux frais des sociétés dans un des deux hôtels de la station qui a été
ouvert spécialement pendant l'été à l'occasion des travaux.
L'horaire de
travail est le suivant : 6 h 30
- 12 h (avec 1/2 h de pause) et
13 h 30 - 19 h, soit 10 h 30 par jour ou 60,5 heures
par semaine, la semaine se terminant le samedi midi.
Les
conditions climatiques sont extrêmement variables, mais la station se trouve
plus souvent dans les nuages qu'au dessus.
Déroulement des travaux
Le minage
Ø
Foration des trous de mines
L'emploi du wagon-drill
se trouve limité étant donné la nature du terrain. Après quelques hésitations,
l'emploi d'un matériel léger, mais ne permettant que la foration de trous
verticaux a été généralisé.
A
l'avancement, le gros compresseur HOLMAN alimente trois marteaux. Les trous
verticaux sont percés sans aucun plan précis de tir, à la profondeur déterminée
par les profils fournis par les Ponts et Chaussées, avec une densité moyenne de
1 trou par m2.
Cette absence
de schéma de tir peut s'expliquer par certains facteurs :
- la roche
n'est pas compacte, si bien que le fleuret peut déboucher à tout instant dans
une cavité ou une crevasse ce qui rend ce trou inutilisable,
le terrain
est très tourmenté et des crevasses profondes de plusieurs mètres et
d'épaisseur variable (10 à 200 centimètres) traversent la future chaussée,
- les mineurs
ne sont pas pour la plupart des spécialistes et certains tiennent des marteaux
pour la première fois : Ce sont des bergers ou des gens du pays qui se sont
fait embaucher pour la saison,
-le matériel
en place ne permet que la foration verticale.
Nous
reviendrons plus loin sur ces problèmes qui méritent réflexion.
Caractéristiques
de l’explosif N40 Explosif nitraté Coefficient de
puissance : 1,20 Vitesse de
détonation : 4400
m/s Densité de
tassement : 1,05 Coefficient de self
excitation : 75 mm Résistance à
l'humidité : 1
heure Fumées formule légèrement sur-oxygénée Explosif très analogue au N0, d'un prix
légèrement inférieur, utilisé dans les carrières peu humides. Convient bien
aux mines profondes. Trinitrotoluène : 17% Nitrate d'ammoniaque : 81% Farine de
bois : 2% |
Ø
Chargement de l’explosif
L'explosif
utilisé est le N.40 dont on peut trouver les caractéristiques ci-dessous.
Les explosifs
nitratés sont des explosifs de puissance moyenne, de grande sécurité, mais qui
comparés aux dynamites sont d'une façon générale moins brisants, plus sensibles
à l'humidité et de moindre densité. Par contre, ils sont moins sensibles aux
chocs et aux frottements que les dynamites, avec en corollaire une moindre
aptitude à transmettre la détonation.
Ils sont
recherchés pour les roches de dureté moyenne, car ils permettent parfois une
économie en raison de leur prix de vente avantageux.
Le chargement
est évidemment fonction de la profondeur des trous. Ceux-ci varient de 0,8m à
2,40m. On peut ainsi atteindre par endroit 1 kg d’explosif par trou de mine.
Le bourrage
est constitué par du sable simplement tassé dans le trou au moyen d'un
bourroir.
Ø
Tir
En général,
le tir a lieu tous les jours ou tous les deux jours à l'avancement. On obtient
ainsi une centaine de trous qui sont tirés ensemble, ce qui représente 10 à 20
mètres d'avancement pour 50 à 100 kilogrammes d'explosif.
Le volume de roche
foisonnée est extrêmement variable : Il dépend de la nature du terrain, de
la profondeur des trous, des possibilités de dégagement, etc. La moyenne
attendue par les responsables de la société BLOUIN est de 5000 m3 par mois.
L'amorçage
est obtenu par le système classique mèche de sûreté, détonateur et cordeau
détonant.
La mèche de
sûreté est constituée par une fine traînée de poudre serrée dans une sorte de
fils de jute et de coton, en rubans ou en fils retordus, qui sont imprégnés de
différentes substances donnant une étanchéité plus ou moins grande suivant les
usages.
Allumée à une
de ses extrémités elle a la propriété de brûler avec une grande régularité et
de donner finalement à l'autre extrémité, un jet d'étincelles capable de
provoquer l'explosion d'un détonateur.
Le détonateur
est constitué par un petit tube de cuivre ou d'aluminium embouti, renfermant
une charge d'explosif très sensible. Au fond de l'embouti est comprimé une
charge d'acide picrique, de tétryl ou de tolite et par dessus, une charge de
fulminate de mercure ou d'azoture de plomb. Cette dernière charge est protégée
par un petit embouti appelé opercule percé en son centre d'un trou qui permet
l'allumage de la matière fulminante.
Le
détonateur, allumé avec une mèche de sécurité, fournit alors en détonant un
choc violent accompagné d'un grand dégagement de chaleur, qui provoque la
détonation du cordeau détonant, puisque c'est ce système qui est utilisé.
Le cordeau
détonant agit comme des détonateurs qui seraient placés bout à bout, en une
file continue, contre les charges d'explosifs. Amorcé au moyen d'un détonateur,
il détone avec une grande violence et une grande vitesse.
Il est
capable d'amorcer n’importe quelle charge d'explosif placée simplement à son
contact.
Il présente
sur tous les autres modes d'amorçage les avantages suivants :
- du fait
qu'il permet de supprimer les détonateurs ou les amorces électriques à
l'intérieur des trous de mine et parce qu'il est insensible aux chocs et aux
frottements, il augmente très considérablement la sécurité
- il procure
un meilleur rendement des explosifs qu'il amorce et augmente leur brisance, du
fait de l'accroissement de vitesse qu'il permet
- il rend
possible l'amorçage simultané d'un nombre illimité de coups de mines
- introduit
au fond du trou de mine, il permet d'amorcer simultanément toutes les
cartouches constituant la charge et, pour cette raison, il supprime
radicalement le danger des cartouches inexplosées projetées dans les déblais ou
demeurant dans les culots
- il permet
pour la même raison, d'alterner les charges avec des bourrages et de réaliser
ainsi une meilleure répartition de l'explosif qui favorise le débitage des
matériaux abattus
- il peut
être utilisé dans l'eau, car son enveloppe est bien étanche
Ce procédé de
mise à feu est le seul possible dans les conditions du chantier puisqu'il faut
faire exploser un grand nombre de trous à la fois et que la législation
interdit l'emploi des amorces électriques en montagne, eu égard au danger
représenté par les orages.
En plus des
mineurs occupés à l'avancement, deux autres mineurs travaillent à l'arrière
pour les reprises (élargissement, sautage de gros blocs, etc.). Il a été prévu
que 30% du travail de minage devraient être ainsi effectués au titre des
reprises.
Nous reviendrons
plus loin sur ces différents points.
Chargement des roches – Nivellement
Les
caractéristiques de l'engin de chargement INTERNATIONAL HARVESTER 175 utilisé
sont données ci-dessous.
Caractéristiques
IH 175 B Puissance au volant au régime nominal
(kW) : 89,5 (120 HP)(Puissance du moteur DT-361 mesurée
avec ventilateur, filtre à air, génératrice, turbo-compresseur, pompe à eau,
pompe à huile et pompe à combustible jusqu'à 1.500 m d'altitude). Vitesses de
déplacement : MARCHE AV MARCHE AR POWER SHIFT
GAMME Km/h m/mn
km/h m/mn 1ère Basse 0-3,4
0-56 0-3.9 0-64 2ème 0-6,4 0-108
0-7,7 0-128 1ère Haute 0-4,3
0-72 0-5,2 0-86 2ème 0-8,4 0-140
0-10,0 0-161 Moteur : Diesel
INTERNATIONAL, 4 temps à injection directe, turbocompresseur, démarrage
électrique direct. Nombre de cylindres : 6 Alésage et course :(mm) 104,8 x 114,3 Cylindrée : 5.916 cm3 Régime nominal avec régulateur 2.400 tr/mn Vitesse linéaire du piston 9,14 m/s Régime de couple maximum 1.800 tr/mn Nombre de paliers 7 Filtre à air type sec Système électrique : Démarrage direct sous 24 V par bouton poussoir,
génératrice 1 5 A, 4 batteries de 6 V/135A.H. Convertisseur
de couple :Simple étage de 305 mm, accouplé à la transmission par
l'intermédiaire d'un double joint universel. Boîte de
vitesses : INTERNATIONAL
Power-Shift à arbre de renvoi. Les 2 vitesses AV et les 2 vitesses AR sont
combinées avec une sélection de gamme haute et basse, soit : 4 vitesses AV et
4 vitesses AR. Graissage sous pression par huile filtrée. Direction : Planétaire à simple étage et freins multidisques
permettant des tournants pivotants ou graduels ; chaque chenille est
contrôlée par un levier tombant sous la main. Sa réduction aux planétaires
fonctionnant dans l'huile est de 1,26/1. Freinage des deux chenilles par
pédale unique pour le ralentissement ou le parking. |
Entraînement final des
chenilles : Unité de
réduction par planétaires répartissant Ses fortes charges sur un nombre de
dents triple. Le rapport de réduction (à deux étages) est de
15,979 : 1. Couronne de barbotin démontable sans toucher aux
bâtis de chenilles. Bâtis de chenilles : De construction monolithique en acier
soudé ; montés en avant de l'entraînement final et maintenus en
alignement par deux traverses rigides. Un dispositif exclusif de biellettes
de compression transmet la poussée finale directement aux carters de
barbotins. Nombre de galets inférieurs de chaque côté 6 Galets supérieurs (sur roulements à rouleaux
coniques) de chaque côté 1 Poulie AV tambour, montée sur roulements à
rouleaux coniques. Galets inférieurs, supérieurs et poulie AV
graissés à vie. Chenilles : Longueur de contact au sol de î'axe du barbotin à l'axe de la poulie AV 2,21 m Largeur des tuiles standard 38 cm (largeur maxima sur demande 40,6 cm) Tuiles chevauchantes à profil bas et trois
nervures. Nombre de tuiles de chaque côté 39 Surface de contact au sol 16.840
cm2 Réglage de tension des chenilles entièrement
hydraulique Contenances approximatives : (l). Système de refroidissement 38 Réservoir de combustible 227 Huile moteur, y compris les filtres 11,8 Transmission et bâti arrière 136 Dimensions générales : (m). Voie d'axe en axe des chenilles 1,68 Hauteur hors-tout (sans les superstructures) 2,16 Garde au sol 0,45 Barre d’attelage, hauteur du sommet des nervures des tuiles à l'axe de chape (au choix) 0,49 ou 0,55 |
Dimensions
générales : (godet 4 en
1 de 1.530 l) Longueur hors-tout, godet en position
transport 4,98 m Largeur hors-tout (largeur du godet) 2.19 m Godet : (pour matériaux de densité 1,8 foisonné) Capacité SAE 1 530 l Capacité liquide 1 250 l Nombre de dents 9 Poids avec dents 1.175 kg Effort au godet (breakout force) 16.000 kg Angle de déversement maximum 49 ¼ Hauteur hors-tout, godet levé mâchoire
ouverte 5,41 m Hauteur de déversement sous axes du godet 3.40 m Hauteur de déversement au bord de coupe de la lame 3.33 m Hauteur de déversement au bord de coupe du godet à 45° 2,62 m Portée avant, à hauteur maxi, au bord de coupe de la lame 0,95 m Portée avant, à hauteur maxi, au bord de coupe du godet à 45° 1.32 m Angle de cavage arrière, godet au sol 43 3/4° Profondeur de fouille, godet basculé à 10° 38 cm |
Système hydraulique : (du type clos). Pompe à engrenages montée sur Je convertisseur et
entraînée par le moteur. Débit : 170 l/mn sous 134 kg/cm2 à 1.910 tr/mn. Distributeur à 3 tiroirs. Levier de commande des bras : levage, maintien,
abaissement, position flottante. Levier de commande du godet : cavage,
maintien, déversement. Commande de mâchoire : fermeture, maintien,
ouverture. Soupape de dérivation (facultative) pour
équipement porté AR : relevage, maintien, abaissement. Capacité en huile du système hydraulique 102 l Vérins de
mâchoires à double effet, alésage et course (mm) 121 x
254 Poids : (approximatif) A l’expédition avec équipement régulier (dont contrepoids de 725 kg) 13 380 kg En ordre de marche avec eau et combustible 13.580 kg |
|
|
La Pierre Saint-Martin - Eté 1967 INTERNATIONAL HARVESTER 175
chargeant un camion BERLIET |
La Pierre Saint-Martin – Eté 1977 François-Xavier BIBERT sur le
chargeur INTERNATIONAL HARVESTER 175 |
Cet engin
effectue deux travaux distincts :
Ø
Chargement
Les matériaux
foisonnés qui doivent être transportés ailleurs sont chargés par l'engin dans
la benne d'un camion BERLIET, qui peut transporter ainsi 5 m3 environ.
Pour ce faire
le chauffeur procède par étapes :
- préparation
d'un tas de déblais
- préparation
par endroit d'une plate-forme permettant les manoeuvres du camion
- chargement
proprement dit du camion (environ 5 godets)
Ø
Nivellement
Quand le
chargement est terminé, l'engin approche au maximum les cotes définitives de la
route. Il faut alors combler les crevasses, curer les parements de la route,
répartir en surface les matériaux les plus fins.
L'engin
effectue ce nivellement également à l'arrière, aux passages où des reprises ont
été effectuées.
Toute
l'habileté d'un conducteur d'engin se mesure dans ce travail de nivellement qui
demande une grande pratique de la machine et aussi du profil final de la route.
D'autre part
l'engin sert de tracteur pour le déplacement des compresseurs ; avant un tir
le compresseur d'avancement doit être reculé. Ensuite le chargeur trace un
chemin grossier à la surface des roches foisonnées pour l'avancer à nouveau au
maximum.
De cette
manière il n'y a aucune attente à l'avancement, puisque le minage et le déblaiement
peuvent être effectués simultanément.
Les
graphiques ci-dessous tentent de décrire un cycle de travail théorique que l'on
peut déterminer seulement après une observation prolongée et attentive du
chantier. En effet, en fonction de nombreuses contraintes prévisibles ou non,
les cas particuliers sont quasiment plus nombreux que les cas généraux et il
est donc assez rare de travailler plusieurs cycles en suivant ce schéma
idéal ; le recours au système D est alors nécessaire !
|
Cycle de travail théorique sur le
chantier de la Pierre Saint-Martin |
Travaux annexes et particuliers
Le personnel
de la S.G.R.E.G. présent sur le chantier s'occupe des travaux annexes. En particulier,
le chef de chantier a la charge d'implanter le tracé de la route et de le
matérialiser au moyen d'un piquetage et de cotes de nivellement, permettant aux
mineurs de connaître exactement la profondeur et l'emplacement des trous à
forer.
Il y a
également quelques passages buses à cimenter dans les lignes d'écoulement des
eaux et c'est pour cela qu'un maçon est affecté au chantier.
Les
manoeuvres quand à eux sont occupés la plupart du temps à des travaux
d'entretien : Finissage de la chaussée, purge des parements de la route,
étalement des déblais transportés par le camion...
Des passages
particuliers de la route ont nécessité des travaux spéciaux ; il a fallu
par exemple déblayer un chemin grossier pour contourner la partie centrale de
la route qui est en remblai pour justement travailler à la partie finale qui
fournit ce remblai.
Certains
passages de grande hauteur ont posé des problèmes spécifiques. Un éperon
rocheux de 8m de hauteur sur 10m de longueur qu’il fallait traverser a
nécessité une foration particulière avec le wagon-drill et le chargement des
matériaux a été extrêmement difficile.
Les passages
aux abords des hôtels ont du être traités avec une grande précaution pour
éviter tout dommage à ceux-ci. Il a fallu tirer mine après mine, avec des
quantités de poudre très faibles, ce qui n'a guère contribué à créer un cycle
de travail homogène et a eu malgré tout quelques effets désastreux sur les
vitres des bâtisses…
Tous ces facteurs
donnent un aspect un peu hétéroclite au chantier, qui se caractérise par
l'absence d'un front d'avancement bien déterminé, ce qui surprend un
observateur habitué au cycle très régulier du travail en galerie mené par du
personnel particulièrement compétent.
La quantité
de travail nécessitée par les reprises est aussi un aspect surprenant du
chantier qui ne s'explique pas uniquement par la qualité du terrain. Bien qui
celui-ci ne permette pas de prévoir l'effet exact des tirs, un peu plus de
professionnaliste pourrait arranger les choses.
Nous allons
voir maintenant ce que l'on peut penser de ces divers phénomènes, et analyser
les problèmes importants qui se posent.
Dualité du commandement
Le problème
est épineux. L'entreprise BLOUIN travaille toute l’année à 60% pour le compte
da la S.C.R.E.G. qui lui confie tous ses travaux de foration, y compris en
carrière. Aux dires de tout le monde, la présence de ces deux entreprises sur
un même chantier ne pose d'habitude aucun problème, le travail s'effectuant
dans une harmonie de commandement satisfaisante. Il faut donc mettre les
difficultés constatées à la Pierre Saint Martin au compte d'une mauvaise
coopération locale des gens en présence.
Pour un
observateur extérieur, il se passe les phénomènes suivants :
-
l'entreprise BLOUIN, par l'intermédiaire du chef d'équipe, ne veut forer que le
cubage qui lui est payé, c'est à dire, le cubage déterminé par les plans des
Ponts et Chaussées qui est le seul mesurable. Vu le faible prix qu'est payée
cette foration, cette optique apparaît tout à fait normale.
- le chef de
chantier de la S.C.R.E.G., par souci du travail bien fait sans doute, demande
constamment une quantité de mètres forés plus importante, soit pour des raisons
d'esthétique, de visibilité ou de sécurité dans le travail, en voulant donner
une meilleure stabilité à la future chaussée, en foisonnant les roches sous
celle-ci, etc. etc.
Cette
conscience professionnelle est en soi, méritoire, mais les conditions
financières très serrées du chantier ne permettent pas trop de fantaisies du
moment que le travail commandé est effectué.
Ces deux
points de vue, ainsi que d'autres petits accrochages, ont fini par aboutir à
des contradictions qui ont créé un climat de relations professionnelles tendu,
se répercutant sur la qualité et la rapidité du travail.
On pourrait
croire que la S.G.R.E.G. aurait pu avoir intérêt à effectuer le travail de
foration elle-même, pour avoir le chantier bien en main. Mais la présence d'un
spécialiste apparaît comme indispensable étant données les conditions
particulières du terrain. De toutes les façons, la société ne disposait pas du
personnel et du matériel et nécessaires ; le former et l'acheter étaient
évidemment du domaine des possibilités mais les amortissements de ces
investissements auraient été problématiques.
Finalement
les difficultés apparaissent bien comme un problème de personnes.
La conclusion
à tirer, est de savoir que le manque de conscience professionnelle d'un chef de
chantier est évidemment catastrophique, mais qu'un excès de celle-ci, virant à
l'obsession de la minutie conduit à des abus et à des prétentions non
fonctionnelles.
Il faut fixer
à un chef de chantier ses limites et son champ de responsabilités. S'il est
impossible de faire autrement que de lui laisser carte blanche sur certains
points précis, il faut être particulièrement sûr de cette personne et malgré
tout, lui demander de rendre des comptes exacts.
Et
d'ailleurs, si un employé est particulièrement génial, il est inutile de le
garder comme chef de chantier : Il faut utiliser ses brillantes capacités
à un échelon supérieur !
Problèmes techniques
Le
déroulement des travaux et leur étude rapide, conduisent à certaines remarques.
Minage
Nous avons
déjà dit que le matériel en place ne permettait
que de forer des trous verticaux, de 0,80m, 1,60m et 2,40 m, dimensions des
burins existant. Le wagon-drill pour les passages particuliers permet d'obtenir
une foration plus profonde.
Malgré une
quantité de poudre utilisée assez importante, l'effet des tirs est apparu
presque toujours inférieur à ce qu'il devait être, même en se référant à la
nature extrêmement particulière du terrain.
Très souvent,
la roche n’est pas suffisamment fragmentée pour permettre un chargement facile au
moyen de l'engin et les reprises deviennent alors beaucoup plus complexes.
Il faut
noter, que l'expérience minière du chef d'équipe de la société BLOUIN,
responsable du minage, est uniquement celle des carrières : De ce fait,
les problèmes particuliers posés par le chantier de la Pierre Saint-Martin ont
nécessité de sa part une certaine improvisation.
Le problème à
résoudre, est de faire sauter une grande quantité de roches, de forme, de
dureté et de structure diverses sans grande continuité. Il est dans ces
conditions bien difficile d'énoncer des règles d'utilisation. Pourtant, il est
un principe auquel on doit s'attacher constamment : « Créer des
dégagements ». En effet un coup de mine a une efficacité maximum que dans
la mesure ou il y a pour lui une surface de dégagement suffisante pour contenir
le volume de roche qu’il peut abattre.
Je pense que
ce principe n'est pas suffisamment respecté à la Pierre Saint-Martin. Il
faudrait se servir beaucoup plus systématiquement des lignes du terrain
naturel, des failles et des crevasses, pour arrêter par exemple le tir sur une
de celle-ci en se créant ainsi des surfaces de dégagement privilégiées.
D'autre part,
il semble possible, malgré la difficulté du terrain de créer des lignes de tir
plus régulières toujours par un examen préalable du terrain naturel, en
cherchant à suivre les lignes de moindre résistance qu’il est facile
d’observer.
Quand par
chance la roche devient plus compacte, on pourrait sans doute avec profit
utiliser des relais à micro-retards à condition d'avoir foré suivant des lignes
parallèles d’environ un mètre, pour augmenter artificiellement les surfaces de
dégagement de chacune des rangées, en décidant préalablement de la direction du
tir au lieu de faire un tir de masse.
Le fait de ne
forer que verticalement devrait aussi être remis en question ; c'est lui
qui est responsable dans une large mesure de la grande quantité de reprises à
effectuer.
Les trous
verticaux foisonnent la roche sur place, en ayant un effet prononcé sur les
couches supérieures du terrain. Par contre ils sont responsables des culots
important constatés à fond de trou et surtout, ils ne déplacent pas assez la
roche abattue : Il ne faut évidemment pas trop la projeter puisqu'elle est
nécessaire pour les partie de la route en remblai, mais il faudrait au moins
pouvoir la soulever et la fragmenter un peu plus, pour permettre un chargement
plus aisé et une diminution notable des reprises. Ceci pourrait être fait en
combinant harmonieusement trous verticaux et trous inclinés de relevage. Au
moins un marteau léger, équipé d'un simple pousseur pneumatique, pourrait le
permettre.
Mises à part
ces quelques remarques concernant la technique même de la foration, il faut
signaler que l'inexpérience des mineurs employés est responsable pour une
certaine part, du manque de rendement des explosifs. La répartition des trous
est plus due à l'inspiration du moment, qu'à la connaissance des effets qu'elle
pourrait avoir.
Le bourrage
aussi n'est pas suffisamment soigné ; le sable simplement vidé dans les
trous de mines n'a qu'un effet restreint surtout si on ne le tasse pas ou que
le diamètre du bourroir est largement inférieur à celui du trou. Il faudrait
posséder des bourroirs adéquats et éventuellement préparer des sachets de sable
dans de la gaine plastique comme cela se pratique en carrière.
Un peu plus
de soins et de méthode dans les tirs d'avancement pourrait diminuer le nombre
des reprises à effectuer, et surtout diminuer considérablement les difficultés
de chargement rencontrées en terrain mal foisonné.
Chargement - Nivellement
L’efficacité
et la qualité du chargement et le nivellement dépendent de deux facteurs :
-
L'adaptation de l'engin
- La
compétence du chauffeur
Ø
L'engin
Dans un terrain
si difficile sa qualité essentielle réside dans sa maniabilité. L'INTERNATIONAL
HARVESTER 175B est suffisamment puissant pour le travail qu'on lui demande, et
suffisamment petit pour passer partout, bien que sa force de pénétration en
butte soit peu importante et sa rapidité de chargement assez faible.
Son
adaptation vient du fait qu'il assure pratiquement l'équilibre du cycle de
travail vis à vis du minage. L'essai d'un CATERPILLAR 977 a été évidemment
concluant d’un point de vue puissance, mais l'engin avait tendance à être trop
souvent arrêté par manque de travail et il talonnait d'un peu trop près les
mineurs.
Rappelons à
ce sujet un bon principe d'organisation : « Il est inutile d’utiliser une pelle mécanique quand une simple
petite cuiller suffit" » (Detoeuf).
Les qualités
de l'engin sont une chose, son état de fonctionnement en est une autre. Le
chargeur qui a été monté à la Pierre St Martin consomme en moyenne 30 litres
d'huile hydraulique par jour à cause des fuites multiples au niveau de vérins
et du sertissage des flexibles. Il serait peut être nécessaire, surtout pour
des chantiers éloignés et difficiles d'accès, d’affecter un engin en état de
marche satisfaisant. Les arrêts trop nombreux dus aux pannes ont certainement
pour cause un manque d'entretien général de l'engin. Ils grèvent le budget du
chantier, car vu les difficultés de communication il faut un temps assez long
avant de voir apparaître un mécanicien, qui ne peut d'ailleurs pas exécuter sur
place de trop gros travaux.
Ø
Le Chauffeur
L'adaptation
au travail sur un chantier tel que celui de la Pierre St Martin est assez
longue pour un chauffeur qui n'a jamais eu l'occasion de manipuler des gros
blocs, c'est à dire de travailler en carrière.
Suivant
l'habileté des chauffeurs, les rendements du chargement peuvent varier du
simple au double. Or en quelques semaines, trois chauffeurs différents ont été
employé sur le chantier. Dés que leur période d'adaptation était terminée, dés
qu'ils semblaient avoir leur engin bien en main, ils étaient envoyés ailleurs
pour conduire des engins divers.
Il y a
certainement de bonnes raisons à ces changements brutaux ; pénurie de
chauffeurs, période des congés, etc. mais les conséquences en sont malgré tout
désagréables pour le chantier qui n'arrive pas à trouver son rythme et son
équilibre vu les variations aléatoires
du rendement des chauffeurs.
De plus, dans
le cas d'un chantier routier, le travail de nivellement à effectuer est très
important. Nous avons déjà dit que ce travail demande de la part du chauffeur
une bonne connaissance du profil final de la route. Je pense que le chef de
chantier doit à ce sujet laisser le chauffeur organiser son travail lui-même au
maximum : Il m'a semblé en effet qu'un chauffeur ayant une personne
derrière lui, commandant à tout instant une variation de cap pour rogner tel
bloc ou disloquer tel autre, perdait une partie de ses moyens.
Le travail du
chef de chantier à la Pierre Saint Martin consiste pour une bonne part à matérialiser
la chaussée. Il me semble qu'il y ait là un peu de temps perdu ; la
matérialisation de la route est faite à la peinture sur son tracé même.
Evidemment, dès le tir de mine, ces repères disparaissent, si bien que le
travail est à refaire et surtout, le conducteur d'engin se trouve un peu dans
le vague pour son nivellement puisqu'il lui faut attendre les ordres du chef de
chantier pour savoir où il en est exactement.
Cette
remarque est valable également pour les reprises, qui semblent être effectuées
par endroit en plusieurs étapes parce que justement personne ne sait exactement
où doit se trouver la chaussée finale.
Un piquetage
sérieux et pérenne est donc absolument indispensable, à réaliser par exemple
suivant le schéma suivant :
|
Celui-ci doit
être fait à quelques mètres à l'extérieur de la chaussée pour éviter d'être
détérioré à chaque tir de mine. Le cordeau tendu est tiré en travers de la
route et indique lorsque l'on en a besoin, sans recours au théodolite et à la
complexité de son emploi pour une personne qui en a peu l'habitude, la position
finale de la route. En position de repos, ce cordeau est simplement enroulé
autour de l'un des piquets.
D'autres
remarques de moindre, importance pourraient s'ajouter à celles qui viennent
d'être faites, en particulier au sujet de la sécurité des différentes
opérations concernant le minage. Mais le problème est trop épineux pour se
prêter à de grands développements dans un rapport qui ne restera sans doute pas
confidentiel.
C'est
certainement le caractère même du chantier, un peu perdu dans la montagne, à
l'abri des regards trop indiscrets qui peut entraîner certaines libertés. Mais
tout en sachant que le travail parfait n'existe pas, et que s'il fallait suivre
mot pour mot les législations, réglementations, prescriptions ou
recommandations administratives, travailler deviendrait pratiquement
impossible, certains fondamentaux en manière de sécurité devraient être
respectés.
Chantier de la Pierre Saint-Martin – Eté 1967 |
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Minage à l’avancement La foration à sec est réalisée au
moyen de marteaux MONTABERT. La nature des terrains, ici mise en évidence,
est responsable pour une grande part des grandes difficultés rencontrées |
Minage des reprises Le minage des reprises s’effectue
dans un terrain déjà ébranlé, d’où un manque de rendement lors des tirs |
|
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4 photos prises au même endroit –
N°1 Préparation du tir : Le chef mineur
sertit un détonateur à l’extrémité de 60 cm de mèche de sûreté. Dans la zone
du tir 250 trous ont été forés pour 150 kg d’explosif. |
4 photos prises au même endroit –
N°2 Tir : Les hommes et le matériel
sont à une distance relativement courte (100 à 150 mètres) |
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4 photos prises au même endroit –
N°3 Deux minutes après le tir : Une
dérivation du cordeau détonnant a été malheureusement défaillante. Situation
scabreuse, les mineurs cherchent les cartouches non explosées avant d’envoyer
l’engin de chargement. Noter les gros blocs projetés en haut sous les sapins |
4 photos prises au même endroit –
N°4 Deux jours après le tir : Le
chargeur a déblayé les roches foisonnées et les reprises qui ont été nécessaires.
Un tracé grossier de la future route apparaît |
BILAN DE STAGE
Les travaux publics
Le stage intégré
dans la scolarité des élèves de seconde année de l'Ecole des Mines de Douai a
pour objet de leur « faire découvrir
l'industrie des travaux publics » et de leur faire acquérir la «connaissance des attributions et des
responsabilités qui s'attachent à l'emploi d’agent de maîtrise ».
L'importance
de la connaissance du milieu travaux publics pour les élèves réside surtout
dans le fait qu'après deux stages miniers et un stage de métallurgie il leur
fallait connaître cet autre métier pour avoir en main des éléments de choix
objectifs pour les options qui leur sont proposées par l'Ecole.
Malheureusement,
les travaux publics peuvent se présenter sous des aspects bien différents, et
il est difficile après un seul stage de se faire une idée de ce qu'ils sont
exactement : Le néophyte pense immédiatement aux grands travaux, à la
grosse cavalerie des engins modernes et hétéroclites évoluant sur des chantiers
tels que celui du barrage de Serre-Ponçon ou du Mont Cenis, ou aux calculs
savants des ouvrages d'art tels que le pont de Tancarville ou de la voûte du
Palais de la Défense.
Il m'a fallu
ce stage pour comprendre que dans la carrière de beaucoup d’ingénieurs des
travaux publics, ces gros travaux devaient rester le plus souvent à l'état de
rêves utopiques et que la petite routine courante de petits chantiers
classiques et anodins devait être plutôt la règle.
Je ne
parlerai ici que des travaux routiers puisque ce sont quasiment les seuls que
j'ai pu observer à Pau.
Il y a deux
types de travaux routiers : Les travaux neufs et les réfections.
Les travaux neufs
Il s'agit
d'ouvrir une ou des routes en terrain vierge. C'est le cas en particulier des
autoroutes, des nouvelles routes, des déviations destinées à contourner une
agglomération ou alors, des implantations de lotissements.
Les
opérations suivantes sont en général effectuées :
-
Implantation
-
Terrassement grossier, piquetage
- Travaux de
voirie : Egouts, drains...
- Pose de
bordures, de caniveaux, de bouches d'égout (pour les lotissements)
- Passages busées
-
Empierrement par du tout-venant
- Réglage
définitif par 0-40
- Cylindrage,
compactage
- Revêtement
par enrobés ou revêtement superficiel tricouche
- etc.
Pour réaliser
ces différents travaux, les engins et les matériels suivant peuvent être nécessaires :
- Bulldozer,
traxcavator, motor-scraper et parfois matériel de minage (terrassement)
- Bétonnière
(pose de bordures)
- Niveleuse,
cylindre, compacteur, camions (empierrement)
- Finisseur,
poste d'enrobage mobile
- Epandeuse,
camion-gravière
- Pelle-rétro
(creusement des fouilles)
- Chargeur
-etc.
Répartis sur
une longueur de 500m à 2 000m, ces différents travaux peuvent être
effectués simultanément si le chantier est important. On observe alors le cycle
complet des opérations.
Pour des
chantiers plus petits, ces opérations sont accomplies les unes après les
autres.
Il est
évident que de nombreuses particularités, pour chaque chantier, viennent
modifier le processus général qui a été dégagé ici : Pour des chantiers
difficiles d'accès, ou loin du dépôt, par exemple, des stocks de graviers
peuvent être réalisés, d'où un problème nouveau de transport. De la même
manière, le concassage du 0-40 peut être effectué sur place, d'où une
infrastructure et une organisation encore différente.
Les réfections
Les
réfections des routes, sont des travaux neufs simplifiés.
Il n'y a
alors plus de problème de terrassement et de voirie : Il s'agit seulement
d'étaler une nouvelle couche de revêtement.
Malgré toutes
ces petites variantes tout à fait normales, les travaux publics routiers ont
donc toujours pour finalité l'étalement d'un revêtement à base de bitume ou de
matériaux analogues. Les difficultés techniques du travail traditionnel
semblent faibles. Son intérêt en subit les conséquences ; il est voisin
pour moi de celui que l'on peut prendre à étaler du beurre sur une tartine.
Seuls, les
opérations de terrassement et nivellement des travaux neufs peuvent semblent
engendrer des problèmes sur lesquels il faut réfléchir et travailler et apporter
ainsi aux cadres et agents de maîtrise un sentiment de créativité. Mais le
pourcentage des réfections prime de beaucoup celui des travaux neufs.
Responsabilités des cadres et
des agents de maîtrise
Le stage qui
m'a été proposé, ne m'a pas permis de contacts avec un Ingénieur chef de
secteur, et je le regrette. De la même manière, le temps passé avec les
conducteurs de travaux ne m’a donné qu'une vision superficielle de leurs
attributions. Par contre, au contact direct des chefs de chantier, j'ai pu me
faire une idée de leurs fonctions et de leurs capacités.
Je ne veux
parler ici que du cas particulier de la S.C.R.E.G. ; mon ignorance de la
gestion des autres entreprises ne me permettant pas de tirer la moindre
conclusion générale.
Les Chefs de Chantier
Les chefs de
chantier effectuent leur poste complet de travail sur le chantier, de la même
manière qu'un surveillant dans une exploitation minière.
Il n'est pas
question pour eux de travail de bureau ; ils n’en ont pas !. Leur seul
point d'attache est une camionnette Renault 4 ou 403 Peugeot bâchée, mise à
leur disposition par la société pour le transport des ouvriers, des outils et
du petit matériel.
Ils peuvent
avoir de 5 à 15 ouvriers sous leurs ordres.
Certains
d'entre eux ne sont pas trop dépaysés si par hasard, il leur faut se servir
d'un niveau et d'une mire, mais pas tous. Le seul travail intellectuel qui leur
est d'ailleurs demandé, consiste en un rapport journalier et au pointage des
heures de travail effectuées par les ouvriers qui leur sont affectés.
Leur
provenance est diverse ; la plupart sortent du rang de la société. Des
anciens chauffeurs de camions ou d'anciens maçons assument ainsi actuellement
les fonctions de chef de chantier. Quelques uns, cependant, ont une formation
technique plus poussée, dont l'origine est presque toujours des cours du soir
ou des cours par correspondance.
Le fait que
de nombreux chefs de chantier sortent du rang, entraîne un climat de travail et
de relations professionnelles assez particulier. Il m'a semblé en effet qu'une
grande méfiance entre ouvriers et chef de chantier en découlait. Les uns se
demandent par quel stratagème l'autre a pu gravir les échelons de la hiérarchie
et l'autre tire profit de sa situation pour s'affirmer et semble complètement
avoir oublié sa carrière précédente en étant d'une rudesse surprenante avec ses
anciens collègues.
Ceci est
peut-être voulu en haut lieu, pour pouvoir tirer profit au maximum d'une main
d'oeuvre la plus souvent peu formé, peu motivé et mouvante et qu'il faut
constamment surveiller pour voir le travail avancer dans des limites
acceptables.
Cependant,
j'ai rencontré un chef de chantier, ancien chef de poste d'une importante
compagnie française de sondages pétroliers, qui forçait l'admiration de tous en
obtenant de ses ouvriers, ce qu'il voulait, en quelques mots, avec gentillesse,
tact et discrétion.
La conclusion
à tirer de ces faits est connue : « Il ne faut pas diviser pour
régner » et c’est par la formation qu’on obtient le meilleur d’un ouvrier,
pas par la contrainte.
Mis à part
les problèmes liés au commandement des hommes, le travail des chefs de chantier
n'est pas des plus sorciers. De plus, il est rendu plus facile par la routine
qui semble être installée depuis longtemps à tous les degrés de la hiérarchie
et des opérations.
On pourrait
aussi parler des tentations qui sont grandes dans le métier de profiter de sa
position en s’écartant plus ou moins consciemment des règles de déontologie,
sujet sur lequel il faut tendre un voile pudique…
Comparés aux
autres industries que je connais à ce jour, les travaux publics routiers sont
manifestement celle où les modes opératoires semblent évoluer le moins vite.
Certes, les engins ont été améliorés, mais ce sont les mécaniques qui changent et
non les manières de les utiliser. Le travail est fait peut être de plus en plus
rapidement et dans le meilleures conditions de confort et de sécurité mais il
reste toujours le même. La technologie du « Power-Schift » par
exemple, ou boîte de vitesse hydraulique associée à un convertisseur de couple
a complètement modifié, pour les chauffeurs d'engins, leur manière de conduire,
en la rendant plus facile et plus harmonieuse. Mais on fait toujours les mêmes
travaux avec les mêmes engins alors qu’il y a fort à parier que c’est au niveau
justement du choix des machines, donc du choix des méthodes, qu’il y aurait le
plus à gagner.
Le chef de
chantier n'a donc jamais eu à vraiment se recycler, à s'informer sur de
nouveaux problèmes et à modifier certaines habitudes. Petit à petit il s'est
enlisé dans une tranquillité passive engendrée par une routine vieille de
parfois plusieurs décennies.
Il répartit
le travail chaque matin, ce qui est presque inutile, puisque les ouvriers, à
force d'habitude savent très bien ce qu'ils vont avoir à faire. Il commande le
matériel et les matériaux, quand le conducteur de travaux ne l'a pas fait, il
fait placer les passages busés aux distances réglementaires et parcourt le
chantier le reste du temps au volant de sa voiture, constatant d'un oeil
satisfait que « l'ordre » auquel il est habitué, semble respecté.
La S.C.R.E.G.
est parfaitement armé pour les travaux routiers classiques. La compétence des
chefs de chantier, qui découle de longues années de pratique, n'est pas à
mettre en doute. Mais des problèmes d'encadrement se posent, dés qu'un chantier
nécessite l’emploi de techniques un peu particulières. L'exemple du chantier de
la Pierre Saint-Martin, développé précédemment est révélateur à ce sujet. La
société a préféré sous-traiter à une entreprise spécialisée un travail un peu
particulier, car son personnel n'était plus suffisamment compétent. Pourtant la
S.C.R.E.G. a les reins assez solides pour s'équiper pour de nouveaux travaux.
Sa volonté de le faire est manifeste : La division Entreprise Générale
doit faire preuve d'opiniâtreté pour se mesurer à une concurrence considérable
dans cette spécialité.
Il faudrait
donc, que cette volonté de dépasser la routine traditionnelle, seul moyen d'atteindre
l'expansion, se traduise non seulement par un effort d'équipement mais aussi
par un effort d'adaptation du personnel, et surtout des chefs de chantier, aux
nouveaux travaux qui pourraient leur être confiés.
L’esprit de
formation permanente des subordonnés par chaque échelon hiérarchique dans une
société est certes encore peu habituel, mais il est indispensable. C’est le
seul moyen d’être certain de la bonne répercussion des ordres donnés et pour
avoir le temps de penser aux problèmes qui se situent à son niveau plutôt que
de faire de celui de l’échelon hiérarchique inférieur.
Les Cadres : Conducteurs de Travaux et Ingénieurs
Comme il a
déjà été dit plus haut, les contacts que j'ai pu avoir avec ces personnes ont
été minimes.
Toutefois,
deux faits ont particulièrement retenu mon attention :
1) L'origine
des conducteurs de travaux est souvent la même que celle des chefs de chantier.
Leur connaissance et leur pratique des chantiers routiers sont excellentes,
mais leur qualification pour d'autres travaux semble problématique. De plus,
s'ils sont à l'aise sur le chantier, l'organisation de leur travail est moins
bien orchestrée. J'ai été surpris d'apprendre, que les conducteurs de travaux
bâtissaient chaque soir leur programme du lendemain. Ce « planning »
à court terme, qui est en fait une absence de planning est surprenant pour des
personnes qui doivent synchroniser le travail d'une quarantaine d'ouvriers et
le déplacement de nombreux engins divers, sur quatre à cinq chantiers. La
conséquence directe de cette absence de programme, se traduit par des centaines
de kilomètres parcourues en pure perte et un temps perdu considérable.
2) En deux
mois de stage, je suis passé ou resté sur 18 chantiers différents. Je n'ai
assisté qu'une seule fois à la visite d'un chantier par l'ingénieur chef de
secteur. Il m'a semblé en effet, que la partie administrative du travail de
l'ingénieur représentait sa principale source d'activité. La régularité de ses
horaires de travail contribue à le prouver.
L'ingénieur des
travaux publics routiers semble se comporter beaucoup plus en
« commerçant » qu'en « entrepreneur ». Les plans des
travaux qu'il aura à faire effectuer ne sont généralement pas de lui :
Toutes les routes sont dessinées par les services des Ponts et Chaussées de
l’Etat qui sont leur principal client, pour ne pas dire « le seul ».
Souvent d'ailleurs, quand il s'agit d'étaler un revêtement, aucun plan n'est à
consulter ! Seul le prix reste donc à négocier. Mais rien de l’empêche
ensuite de mettre les bleus et les bottes plus souvent pour faire un véritable
travail d’ingénieur dont les chantiers paraissent avoir bien besoin. Ce serait
certainement le meilleur moyen pour faire face aux prix très bas auxquels les
chantiers sont attribués.
Faut-il dire
pour conclure que le travail de l'ingénieur des travaux publics routiers est
inintéressant. Chacun est évidemment libre de trouver intéressant ce que bon
lui semble, cependant, dans la gamme étendue des travaux publics, ceux qui
concernent les routes font un peu figure de parent pauvre. L'exaltation du
travail bien fait, pour ma part, ne suffirait pas à être une motivation
suffisante.
A mon sens,
celui qui a goûté au plaisir d'affronter chaque matin les difficultés toujours
nouvelles des chantiers miniers n'a aucune hésitation à avoir au moment du
choix.
Intégration du stagiaire
A la lecture
de ce présent rapport, certaines remarques ou allusions tendent à démontrer que
des difficultés sont apparues dans les rapports de la Société qui accueillait le
stagiaire et celui-ci. Le stage, certes, n'a pas été négatif, mais le stagiaire
ne se félicite pas du résultat obtenu. Peut-être aussi que la qualité
exceptionnelle de son stage précédent où il avait été totalement intégré avec
profit dans l’organigramme de la mine qui l’accueillait, l'a rendu trop
exigeant.
Un professeur
de l'Ecole des Mines, lui avait justement fait la réflexion suivante, avant le
stage, alors que le stagiaire lui faisait part de ses appréhensions : « Il n'y a pas de bons ou de mauvais
stage, il n'y a que des bons ou des mauvais stagiaires ! ». J'en viens
à espérer que cette réflexion ne m'avait été faite que pour m'inciter à fournir
l'effort maximum pour un stage qui ne se présentait pas sous les meilleurs
augures. Sinon, je devrais me forcer à croire qu'au cours de l'été 1967 je suis
passé du mauvais coté de la barrière…
J’ai essayé
tout au long des deux mois de stage de le faire évoluer vers une situation plus
normale en essayant de me cantonner dans les limites de la courtoisie et de la
politesse, mais bien sincèrement j’ai toujours eu l’impression de déranger.
La réussite
d'un stage devrait être due à un double effort :
De la part du stagiaire
Monsieur
DOUCET, directeur régional de la Société COLAS à Lille nous avait donné à ce
sujet, l'essentiel des conseils à respecter :
- Ne pas
perdre de temps (c'est à dire ne pas se faire aiguiller vers une voie de
garage, ou rester le « boy » d'un ingénieur ou d'un conducteur de
travaux), en sachant s'intercaler, en bon rang, dans la hiérarchie de la
société
- Avoir un
planning et le respecter, en recherchant malgré tout les opportunités qui
méritent un débordement
- Copiner
avec les conducteurs de travaux et les chefs de chantier
Monsieur
DOUCET, fixait au stage, les buts suivants :
- faire le
point, en confrontant l'esprit scolaire et l'esprit de l'entreprise
- connaître
l'ingénieur, ses responsabilités et son « personnage »
- connaître
le panorama de la profession d’un point de vue technique et hiérarchique
- connaître
ses goûts»
De la part de l’entreprise
Monsieur
DOUCET avait ajouté la « remarque
importante » suivante, qui pour le stagiaire prend maintenant toute sa
valeur : « Pour réussir ce
stage, et pour atteindre les buts que vous vous êtes fixés, il faut évidemment
un patron compréhensif »
Du 10
juillet, au 9 septembre 1967, je me suis heurté à Pau, à un mur d'indifférence,
sans doute parce que le stagiaire leur avait été imposé par la direction
parisienne. L'indifférence ne peut pas engendrer la compréhension.
Les dossiers
présentant le stage fournis par l'Ecole à la société, sont bien parvenus à Pau.
Malheureusement ils n'ont pas dépassé le stade du secrétariat. Présentés par
mes soins à la Direction (Directeur régional et Ingénieur Travaux), ils ont
repris aussitôt le chemin des archives, sans consultation.
Une lettre
courtoise avait été expédiée par mes soins le 02/06/1967, pour demander des
explications sur les modalités d'hébergement pendant le stage. La saison
estivale faisait prévoir en effet quelques difficultés à ce sujet dans une
région telle que le Sud-Ouest. Cette lettre est restée sans réponse. Comme
prévu, les difficultés d'hébergement furent considérables, et le furent
d'autant plus, suite aux nombreux déplacements imposés par le programme de
stage. Ainsi je ne dus qu'à l'hospitalité d'un chef de chantier de pouvoir me
loger à Biarritz. A titre anecdotique j’ai trouvé la porte de ma chambre
d’hôtel close le jour de l’arrivée de l’étape du tour de France à Pau parce
quelle avait été réquisitionnée sans avertissement pour les suiveurs !
Bien m’avait pris de prévoir dans mon paquetage une petite tente et un duvet
qui ont été également les bienvenus à Saint-Jean de Luz. !
|
Sous la tente - Chantier du C.E.G.
de Saint-Jean de Luz |
Aucun des chefs
de chantier qui reçurent ma visite, ne fut prévenu de mon arrivée. Aucun
n'avait donc d'instructions à mon égard, et je fus ainsi la plupart du temps
placé sur la touche. Qui plus est, je dus me créer moi-même les
« occasions » de transport pur me rendre sur certains chantiers
isolés en montagne. Parti un lundi matin de Pau, je suis arrivé le mardi soir
au chantier du Mont-Arzamendi, en pleine montagne, dans le pays basque.
Aucune
assurance pouvant couvrir les dommages que j'aurais pu commettre sur un
chantier, ne fut contractée à mon égard.
Il est
inutile de poursuivre plus avant cette énumération, pour démontrer que
l'Intégration du stagiaire fut un échec retentissant.
Ma position sur
les chantiers était des plus ingrates. Les chefs de chantier, ne purent, sans
ordres, m'occuper à la moindre tâche. J'ai bien proposé de travailler à un
problème d'organisation ; mais il m'a semblé que personne de songeait à
améliorer quoi que ce soit.
Comme il est
malgré tout pénible, de rester deux mois sans rien faire en regardant les gens
travailler, j'ai essayé en désespoir de cause de me rendre utile en effectuant
de petits travaux. Je sais maintenant :
- Tenir un
piquet, pendant que quelqu'un l'enfonce à la masse
- Enfoncer un
piquet, pendant que quelqu'un le tient
- Tailler des
piquets en biseau
- Tenir une
mire, un plan, un mètre ruban
- etc. etc.
Bref, il est
facile de tourner le déroulement de ce stage à la plaisanterie, après coup.
Mais je dois avouer avoir traversé des périodes de découragement. Découragement
d'autant plus sincère, que je fais partie de ceux qui croient à
l'indispensabilité des stages, qui veulent en tirer le maximum et qui passent
leurs périodes scolaires à attendre le moment du départ en stage, pour enfin
s'extérioriser, s'affirmer et se mesurer aux réalités du monde industriel et
technologique.
Il est
pénible d'avoir la volonté d'aboutir à un résultat et d'enfoncer des portes
ouvertes à longueur de journée. J'ai pourtant eu l'occasion, tout au long de ce
stage, d'atteindre un des buts qui avaient été fixés par M. DOUCET c'est celui
de connaître mes goûts. Le goût des travaux publics m'a semblé amer.
Mais les
conditions de dégustation, n'étaient peut être pas les meilleures !
Conclusions
Je n'oublie
pas cependant, que ce que j'ai vu des travaux publics, a pour cadre restreint,
UN secteur d'UNE entreprise de TRAVAUX ROUTIERS. En aucun cas, mon opinion sur
les travaux publics ne se fondera sur ce seul stage que je viens d'effectuer.
Il est exclu,
certes, que je puisse un jour prendre le moindre goût à la manière d'exécuter
des travaux que j'ai constatée à Pau. Faits dans un autre esprit et si les
difficultés d'emploi dans une Entreprise Minière devenaient trop grandes, le
secteur des travaux publics pourrait cependant devenir intéressant.
Mais pour
cela il faudrait mettre bas les vieilles routines, en imposant des techniques
de commandement nouvelles et adaptées. Un grand vent de modernité a besoin de
déferler sur les travaux publics routiers : Je n'ai jamais vu en effet un
planning de travaux, un programme d'entretien des engins, une fiche de
poste-clé, un programmes de formation, une feuille d’analyse et de préparation
d’un travail, etc. etc. Nos professeurs d’O.S.T. (Organisation Scientifique du
Travail) auraient donc de quoi faire !
Ce stage ne
m'a donc pas permis d'atteindre tous les buts fixés. Aucune expérience de
commandement ne fut possible, et je ne fus en aucune manière, utile à
l'Entreprise. Sur le plan technique, par contre, la visite de nombreux
chantiers a permis d’aiguillonner ma curiosité et de découvrir un éventail
assez complet de techniques nouvelles, ne qui n’est finalement pas si mal.
Je remercie,
la Société Chimique, Routière et d'Entreprise Générale de Pau de m'avoir
autorisé à observer ses chantiers.
Rapport
écrit pendant le stage sur une machine à écrire portative
François-Xavier
Bibert – Eté 1967
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PDF du texte ci-dessous
ANNEXE
Le
tremblement de Terre d’ARETTE du dimanche 13 août 1967
Arette (Pyrénées atantiques)
– Vers 1935
Souvenirs…
Le samedi
12 août 1967 le chantier de la Pierre Saint-Martin s’interrompt pour que les
ouvriers puissent profiter du pont du 15 août en rentrant pour une fois chez
eux en fin de semaine.
Cependant,
quelques bergers béarnais employés occasionnellement comme ouvriers par la
S.C.R.E.G. ou la Société BLOUIN sont restés tout comme moi au petit
« Hôtel-relais de la station ». Cet établissement très simple n’est
ouvert ordinairement que l’hiver mais cet été il héberge exceptionnellement ceux
qui travaillent sur le chantier. Il sera démoli dans les années 1990.
En fin de
soirée, nous sommes seulement 4 ou 5 à table, lorsque débarque un jeune couple
arrivé dans ce lieu désert par on ne sait quel hasard puisque la route conduisant
à l’hôtel n’est pas ouverte. En rougissant tous les deux ils expliquent qu’ils
viennent juste de se marier et qu’ils aimeraient bien passer là deux ou trois
nuits en toute tranquillité. En altitude pour se rapprocher du ciel, sans
doute…
Le patron
ému se laisse faire. Il leur sert une bonne soupe, quelques charcuteries et met
sur la table la traditionnelle tome de fromage de brebis. Il leur ouvre ensuite
une des chambres libérées par ceux qui sont descendus pour le week-end où ils
vont rapidement s’enfermer.
De bonne
heure le dimanche matin, les bergers et moi-même sommes bien silencieux en
prenant notre petit-déjeuner ; nous avons tous une tête un peu bizarre et
les yeux particulièrement bouffis. En fait, nous n’avons guère dormi. Nous nous
étions bien sûr couchés un peu tard après avoir pas mal chanté et vidé quelques
bouteilles, mais une fois au lit nous avons profité toutes les deux heures des
vocalises étonnantes de la jeune épouse qui semblait mettre un cœur d’enfer à
faire profiter tout l’hôtel de la joie qu’elle avait à s’être mariée, sans se
rendre compte que les frêles cloisons de bois séparant les petites chambres ne
nous faisaient rien perdre de ce qu’il se passait derrière !
Le jeune
couple apparaît vers midi, lui sifflotant les yeux en l’air, elle nous
regardant avec un sourire gêné, rouge comme une pivoine ! Tout le monde prend
son déjeuner sans trop rien dire assis autour de la même grande table, et après
le café les tourtereaux repartent vite dans leur nid d’amour. L’après midi de
ce dimanche 13 août, les bergers reprennent leurs magnifiques chants béarnais
traditionnels à plusieurs voix, sans pouvoir couvrir tout à fait les montées de
gammes de la jeune mariée qui a déjà gagné près d’un octave depuis la veille.
Cela dure
tout l’après-midi, toute la soirée, et tout le monde chante et chante encore à
la nuit tombante… Devant un amoncellement de bouteilles vides et plusieurs
tomes odorantes de fromage de brebis entamées qu’on m’a fait goûter une à une,
prétexte officiel à la beuverie, je ne sais plus où je suis vraiment et,
abandonnant mes rudes compagnons, je vais me coucher. J’occupe l’étage
supérieur de deux lits métalliques superposés dans une petite chambre spartiate
que je partage avec un de ces braves béarnais, bergers de profession, chanteurs
par tradition et mineurs d’occasion.
Et puis
tout va alors très vite : La bâtisse se met à trembler, des vitres se
brisent, le lit se démonte et je me retrouve à l’étage du dessous, ébahi mais
indemne J’avais déjà vécu un léger tremblement de terre douze ans plus tôt,
quand j’habitais en Allemagne dans la vallée du Rhin, et malgré le flou qui
régne dans mon cerveau embué par l’alcool et la fatigue, je comprends
immédiatement ce qui vient de se passer.
Dans la
grande salle de l’hôtel plongée dans une pénombre lunaire, les bergers ne
chantent plus ; on entend seulement quelques bouteilles vides tombées
intactes qui roulent encore sur le sol.
Je déclare
péremptoirement : « C’est un tremblement de terre ! »
Les bergers
semblent rassurés, car regardant médusés la jeune mariée qui a évacué sa
chambre en toute hâte sans prendre de très grandes précautions vestimentaires,
ils semblent lui reprocher d’avoir cette fois poussé le bouchon un peu trop
loin !
Plus
d’électricité, pas de téléphone encore installé ; je ne me rappelle plus
vraiment comment on a fini la nuit, par contre je suis absolument certain que
le jeune couple s’était cette fois totalement calmé !
Le
lendemain matin, le lundi 14 août, c’est par la radio sur un transistor à piles
qu’on a eu enfin quelques informations. On prend de bonne heure le camion du
chantier pour quitter notre cul de sac montagnard et descendre par l’étroite
route jusqu’à Arette à l’entrée de la vallée, à 22 Km de là et 1350 mètres plus
bas. Nous devons slalomer plusieurs fois entre des petits éboulis rocheux qui
se sont formés sur la route, mais celle-ci reste néanmoins praticable.
Quarante
ans plus tard, les souvenirs s’estompent et on peut en toute bonne foi
s’écarter un peu de la réalité des choses quand on les raconte, mais quelques
impressions fortes subsistent néanmoins.
Je ne sais
plus quelle heure il était exactement quand nous sommes arrivées à Arette, mais
je me souviens encore qu’il y régnait un silence étourdissant. Il y avait peu
de monde dans les rues. Nous avons compris ce qui s’était réellement passé en
découvrant avec désolation le clocher de l’église brisé en vrille exactement
comme lorsqu’on casse un bâton de craie en le tordant entre ses doigts.
Tremblement de terre d’Arette – Matinée du 14 août 1967
© F-X. Bibert 1967 – Reproduction interdite
Je me
rappelle aussi la tristesse de la jeune femme qui devait tenir le magasin
d’alimentation situé juste en face de l’église, regardant la belle maison toute
blanche qui semblait intacte de loin, mais dont la façade gonflée était
traversée par des fissures où l’on pouvait passer le bras !
J’ai
également gardé en mémoire le visage d’un vieux du village, sa casquette et sa
grande moustache, les yeux fixés sur le monument au mort près de l’église. Il
semblait ne pas comprendre pourquoi les noms des victimes du conflit de 14/18
se trouvaient maintenant quasiment sous l’inscription « A nos morts de 39/45
».Tout avait été entraîné par le séisme dans un pivotement d’environ 90°, et la
pierre posée sur le socle du monument avait cherché elle aussi à faire son ¼ de
tour ! « Borthelle, Borthelle, il n’est pas mort en
39 ! » disait-il en tendant le doigt ! Un peu surpris par son
langage, j’ai été voir de plus près, et j’ai bien lu « Borthelle »… !
Avec un T !
Il y avait
aussi cette jeune fille racontant à tout le monde qu’à l’heure du tremblement
de terre elle servait encore de l’essence je ne sais plus où et qu’elle ne
parvenait plus à maintenir le pistolet dans l’orifice du réservoir parce
qu’elle était irrémédiablement entraînée comme une toupie.
Avec
l’innocence de mes 22 ans j’ai proposé aux autorités de mettre à leur
disposition les engins du chantier qui se trouvaient là haut dans la montagne…
Grosse erreur. On m’a vite fait comprendre coté direction que j’aurais du me
taire ou fixer à l’administration un tarif horaire avec un coefficient
multiplicateur de 3, 4 ou 5, je ne sais plus bien, puisque vu l’urgence cette
dernière aurait été bien obligé de l’accepter !
C’est peut
être ce jour là que je me suis dit que je ferrai finalement ma carrière dans
les mines plutôt que dans les travaux publics !
Le
directeur régional de l’agence paloise m’y a peut être un peu aidé, puisque sur
ma fiche d’appréciation de fin de stage on peut lire « Sans doute pas
fait pour les travaux publics, à orienter de préférence vers la
mine » !
Ceci dit
mon rapport de stage a été lu en haut lieu par la direction parisienne qui m’en
a fait compliment et qui a embauché pas mal de douaisiens par la suite…
Pour
conclure, si le tremblement de terre a bien eut lieu a 23h 07, je peux
seulement affirmer que l’horloge de l’église d’Arette avançait de 8 minutes
comme le prouve la photo ci-dessus que j’en ai faite en cette matinée du 14
août, avant que le clocher ne soit abattu par sécurité le lendemain.
Arette – Au même endroit - 40 ans plus tard
© F-X. Bibert 2006 – Reproduction interdite
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Si leurs
noces d’émeraude passées un « vieux » couple se rappelait de ce
dimanche 13 août à la Pierre Saint Martin, je me ferais un plaisir de leur
envoyer une copie de la mini-K7 « des chants béarnais » que j’ai
enregistrés ce jour là sur mon petit magnétophone portable Philips qui ne me
quittait jamais ; elle doit bien encore traîner quelque part !
FXB
– 05/2009
Télégramme envoyé d’Arette par l’auteur à ses parents le 14
août à 10h40- Retrouvé récemment
version imprimable
PDF de l’annexe ci-dessus
ALBUM DE PHOTOGRAPHIES -
PAU – LA PIERRE SAINT-MARTIN – SAINT-JEAN DE LUZ – FXB 1967
ALBUM DE CARTES POSTALES ANCIENNES – ARETTE - LA PIERRE
SAINT-MARTIN