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122 – Chartres – Souvenirs »
faisant partie du « Site personnel de François-Xavier BIBERT »
dont une
partie est consacrée à « l’Histoire des Hommes du GC III/6 »
Le Centre
d’Instruction à la Chasse (C.I.C.) de CHARTRES
09/1939 –
05/1940
Témoignage
de Jean MENNEGLIER
(*) Quelques éléments de la biographie
des personnages cités ou des informations complémentaires se trouvent en notes
Carnet de vol de Jean Menneglier au C.I.C. de Chartres
Annexe 1 : Un vol
sur MORANE SAULNIER 406 par Jean Menneglier
Annexe II : Le MORANE SAULNIER
406 par Jean Menneglier
Annexe III :
Composition du C.I.C. .de Chartres
DEWOITINE 520 : Jean Menneglier
raconte son premier contact avec cet appareil
MORANE SAULNIER 406 : Photographies au C.I.C. de
Chartres et à Montpellier
André CHAINAT : Jean Menneglier
raconte deux anecdotes
A la déclaration de guerre, le jeune sous-lieutenant Jean
MENNEGLIER est encore en formation. Il fait partie de la promotion MÉZERGUES (*) de l’Ecole de l’Air. Après des
cours théoriques à Salon de Provence, lui et ses camarades aspirants ont appris
à voler à Avord où ils sont brevetés. Début juin 1939, ils arrivent à « l’Ecole
de Romilly » qui a la mission
d’assurer le perfectionnement des officiers pilotes, étape intermédiaire pour
eux entre le Brevet et les CI (Centre d’Instruction). En août, la tension avec l’Allemagne est à son
paroxysme et des bruits de mobilisation se font entendre. La promotion aurait du terminer son stage sur la base
aérienne de Romilly en septembre, mais la guerre devenant inévitable, et cette
base se trouvant en « zone des Armées », l’aérodrome doit être
transformé en « Terrain d'Opérations ». « L’Ecole de Romilly »
est ainsi contrainte à se replier en « Zone de l'Intérieur » et plus
précisément sur le célèbre terrain d’Etampes-Montdésir,
ce qu’elle fait les 27 et 28 août 1939. Elle va être rebaptisée « Ecole
d'Etampes » et c'est donc aux confins de l'agglomération parisienne et des larges
plaines de Beauce que le stage de perfectionnement des
élèves de la promotion « Mézergues » se
termine 15 jours plus tard. Les jeunes sous-lieutenants, qui avaient été nommés
officiers à Romilly avec 2 mois d’avance, quittent alors Etampes pour les C.I.
Ceux qui sont destinés à la chasse gagnent le C.I.C. de Chartres qui vient
d’être créé et où ils ne constituent qu’une petite partie de l’effectif de ceux
qui y sont affectés et qui viennent d’autres horizons. Les bombardiers pour
leur part sont envoyés à Toulouse et ceux de la reconnaissance à Tours.
Eté 1938 - Jean MENNEGLIER aux commandes
d’un Dewoitine 500 à Romilly
Toujours à Romilly, un de ses camarades de
la Promotion MÉZERGUES, aux commandes d’un Nieuport-Delage NiD
622,
décolle correctement mais réalise un magnifique
cheval de bois à l’atterrissage...
Jean MENNEGLIER, qui termina sa carrière dans l’Armée de
l’Air comme colonel est décédé en 2001, mais on a la grande chance qu’il ait
couché sur le papier ses souvenirs quelques années auparavant.
On trouvera ci-dessous le témoignage précieux de son
passage à Chartres - Champhol d’octobre 1939 à février 1940 pour être formé sur
Morane Saulnier MS 406, avant d’être affecté à la sixième escadrille du GC
III/6 qui se trouvait alors en semi léthargie à Wez-Thuisy,
sous la neige et dans le froid...
Jean MENNEGLIER – C.I.C. CHARTRES Hiver
1939/1940
« ...CHARTRES
Autant que je me souvienne, nous rejoignîmes
Chartres par la route.
Nous vîmes apparaître la cathédrale au-dessus
des champs qui, à cette saison, étaient nus et nous ne vîmes la voir surgir de
"l'océan des blés" comme dit Péguy. Cette cathédrale devait régner
sur tout notre séjour. Nous la côtoyions au décollage ou à l'atterrissage et
quand nous ne savions plus très bien où nous étions après des exercices de
combat prolongés, il nous suffisait de descendre près du sol et de regarder
autour de nous pour l'apercevoir à l'horizon et mettre le cap sur elle pour rentrer.
Je la visitai. Elle était dépouillée de ses vitraux remplacés par du banal
« vitrex ». Mais j'admirais son
architecture et ses statues du déambulatoire. Je ne me souviens pas si
j'invoquai ND de Chartres pour le succès de nos armes mais j'ai bien dû la
prier pour m'aider à sortir de la guerre sain et sauf.
A Chartres nous fûmes aussi chez l'habitant.
Mon billet de logement m'envoya dans une famille aisée où je ne restai pas
longtemps car, d'après ce que j’appris plus tard, le maître de maison aurait eu
peur pour sa fille de la présence d'un aviateur chez lui. Finalement je logeai
rue Chanzy chez une vieille dame qui était aux petits soins pour moi. Tout le
monde ne pouvait pas être comme Mousset (*) qui logeait chez la femme d'un médecin
mobilisé et avait le privilège d'aller prendre le tilleul tous les soirs, ou
presque, dans sa chambre. Lui-même faisait la réflexion qu'elle avait de la
chance d'être tombée sur lui car un autre aurait pu profiter de la situation.
Peut-être a t'elle été déçue après tout ! Ou
bien avait-elle compris à qui elle avait à faire pour se permettre cette
familiarité.
Nous nous retrouvions à peu près tous les
soirs au bar de l'Hôtel de France sur la place des Epars. On pouvait y voir le
capitaine Labit (*), alors célibataire, en train d'ingurgiter apéritif sur apéritif,
ce qui ne l'empêchait pas de marcher dignement. Seul son regard un peu fixe
trahissait son état réel. Nous avions établi notre popote du soir dans un
restaurant situé dans une petite rue près de la cathédrale. Nous y étions bien
traités. A midi nous mangions au mess sur la base. Le C.I.C. avait été mis sous
le commandement du commandant de Saint-Albin (*). Il y avait deux escadrilles sur MS 406, une sur Bloch 152 et une
autre sur Curtiss P-36 qui s'appelait en France H.75. J'appartenais à la 2ème
escadrille commandée par un E.O.A de notre promotion, le sous-lieutenant Pissotte (*) qui comme E.O.A. était plus ancien que nous. Démoulin (*), Madon (*),
Porodo (*), Fouchier (*), du Boucher (*) entre autres étaient avec moi. Il y avait
aussi quelques réservistes venus se réentraîner comme le capitaine Schneider (*) qui était d'Air France et le lieutenant Dubonnet (*), inventeur d'une suspension portant son nom, qui appartenait à la
famille du fameux apéritif. Il logeait à Chartres avec sa famille et son
chauffeur l'amenait tous les jours au terrain. Un jour il lui avait dit :
« Il faut que Monsieur soit bien habile pour conduire des engins
pareils ». A l'escadrille des Curtiss il y en avait un qui, le jour de son
lâcher, fit son tour de piste train sorti, se méfiant de ce dispositif nouveau
pour lui.
Il y avait aussi tout un groupe de tchécoslovaques
qui avaient fui leur pays après son occupation par les Allemands et étaient
venus offrir leurs services à la France. On les avait tout d'abord engagés à la
Légion Etrangère, puis à la déclaration de guerre, intégrés à l'Armée de l'Air.
Ils portaient notre uniforme mais gardaient leur insigne de pilote, une épée
dans une couronne surmontée par des ailes. Parmi eux il y avait le grand Kuhlanek le petit Cizek (qu'on
prononce tchijek), Beran
aux gros sourcils et coureur de jupons endiablé, Novak l'as de la voltige qui
l'avait emporté sur Détroyat à un récent concours
mais qui manquait un peu d'allant et devait mourir d'un ulcère à l'estomac. Je
crois qu'il se faisait beaucoup de soucis pour sa famille restée en
Tchécoslovaquie. Il y avait aussi Decastello (*) qui était dans notre escadrille et que Démoulin
appelait le « Pitchoun ». Parmi les sous-officiers il y avait le
pilote personnel de Bata, le fabricant de chaussures. Nous nous entendions bien
et je crois qu'ils s'étaient bien intégrés. Ils nous ont appris quelques unes de leurs chansons, nous leur avons appris les
nôtres.
Insigne des pilotes tchèques
Ils avaient quelques difficultés avec le
champagne quand nous faisions des arrosages abondamment pourvus par Démoulin dont les parents travaillaient chez Irroy à Reims. En général les arrosages comportaient une
bouteille par personne. Un jour les tchèques ont voulu nous honorer en nous
chantant la Marseillaise en choeur à plusieurs voix.
C'était très beau surtout avec les basses profondes qu'ont les slaves mais
tellement lent qu'on aurait cru entendre un hymne religieux. Nous eûmes vite
fait de leur donner le bon rythme. Tous ces tchèques se comportèrent
remarquablement dans nos groupes de chasse. A l'armistice ils passèrent avec
les polonais en Grande-Bretagne et participèrent à la bataille d'Angleterre. Je
crois que peu s'en sortirent. Decastello devait se
tuer en France dans un accident d'avion inexplicable. Avant de nous séparer
nous avions décidé de nous retrouver après la victoire au café Mánes (*) à Prague.
Mais les choses ne se passèrent pas comme nous l'avions espéré.
Champagne IRROY
Prague – Café Union dit aussi café « Mánes »
Le travail au C.I.C. consistait en exercices
de combat sur les avions que nous allions trouver en formation ; exercices
d'attaque et d'esquive, patrouilles de surveillance, combat tournoyant, etc.
Nous essayions aussi de nous familiariser avec la radio mais le RI 535 qui
équipait nos avions n'avait pas la fiabilité de ceux d'aujourd'hui. Nous
n'avions que deux fréquences disponibles et préréglées et bien qu'on puisse
pratiquer l'alternat (émission et réception sur la même fréquence) et même
l'alternat automatique (il suffisait de parler pour bloquer la réception et
mettre en route l'émetteur) la règle était d'utiliser le duplex (émission sur
une fréquence et réception sur une autre) ce qui ne permettait pas d'entendre
la conversation du CP (chef de patrouille) avec le sol ni de communiquer avec
lui. Mais nous nous familiarisions avec cet appareil.
Il y avait aussi, laissé là par la 6ème
Escadre, un D.501 (D.500 avec un canon tirant dans l'axe de l'hélice), un Caudron
C.690 d'entraînement à la chasse, une petite merveille de pilotage mais avec un
train si fragile qu'il fut vite détérioré et ne put être réparé faute de
rechange. Il y avait aussi un Potez 63 bimoteur sur lequel on vola peu et un MS
230 sur lequel on s'amusait. Il faut ajouter un Simoun qui servait aux
exercices de navigation. Un jour le MS 230 fut l'objet d'un incident curieux.
Un camarade, Sagon (*), partit faire un vol avec un sous-officier. Il était à la place
arrière et, bon prince, laissa les commandes au sous-officier en lui
disant : « Quand je voudrai prendre les commandes je secouerai le
manche.» Ils partirent. A un moment le sous-officier, à la suite d'un coup de
tabac ou d'un mouvement involontaire de Sagon, eut
l'impression que celui-ci voulait prendre les commandes et lâcha tout. L'avion
livré à lui même se mit en spirales serrées en
descente. Chacun de son côté trouva la manoeuvre
curieuse et un peu longue mais se garda bien d'intervenir croyant l'autre aux
commandes. A force de descendre l'avion finit par se trouver face à une ligne à
haute tension. Sagon reprit les commandes trop tard
pour éviter la ligne dont les fils se rompirent en prenant contact avec une
aile dont ils entamèrent le bord d'attaque jusqu'au longeron. Heureusement
l'avion put continuer à voler, hélice intacte, jusqu'au terrain. Se non e vero... (*) !
- Profils à la même échelle des avions cités -
Dewoitine D.501
Longueur : 7,56 m
CAUDRON C.690
Longueur : 7,96 m
POTEZ 63
Longueur : 11,06 m
Morane Saulnier 230
Longueur :6,98 m
Caudron C.635 Simoun
Longueur : 8,70m
Morane Saulnier MS 406
Longueur : 8,15m
Comme je l'ai dit, le Simoun nous servait à
des exercices de navigation. Un jour je faillis bien couper le bras de Fouchier
lors d'une mise en route. Normalement on démarrait le moteur à l'aide du fameux
démarreur Viet qui équipait tous nos avions. Sur Simoun, comme sur MS 406 la
bouteille était regonflée en vol par un compresseur. Après un ou deux essais
infructueux, la bouteille étant presque vide, Fouchier proposa de le lancer à
la main. Après un ou deux essais infructueux, je lui criai que j'allais faire
encore une tentative avec le démarreur. Il ne comprit pas ce que je lui disais,
je ne surveillai pas ce qu'il faisait croyant qu'il avait compris et le moteur
démarra alors qu'il avait la main à quelques centimètres de l'hélice. Nous en
fûmes quitte pour une bonne peur.
Dans ce genre d'incidents qui heureusement se terminent
bien (ce ne seraient d'ailleurs plus des incidents) je dois mentionner celui
qui m'arriva sur MS 406. La pluie avait rendu le terrain très lourd. Je venais
de me poser et roulais au sol en direction des hangars quand un avion qui
décollait, la queue un peu basse pour contrer le freinage de la boue,
s'embarqua et me passa dessus. J'entendis le bruit de son moteur et sentis un
choc. L'avion continua son décollage et rentra son train devant mes yeux.
Arrivé sur l'aire en ciment je constatais après l'arrêt du moteur qu'une des
trois pales avait l'extrémité recourbée vers l'avant. Celui qui m’avait décollé
dessus avait dû le faire avec sa roue. Je frémis rétrospectivement à la pensée
de ce qui me serait arrivé si j'avais été une dizaine de mètres plus en
arrière. Pensant que son pneu était endommagé je surveillai les avions à
l'atterrissage mais il ne se passa rien. De l'enquête que je fis je déduisis
que ce devait être mon camarade Laurant (*) qui m'avait accroché. Il avait bien senti
quelque chose au décollage mais avait pensé que c'était une motte de terre qui
s'était détachée. Sa roue en rotation avait à peine touché mon hélice sans
abîmer son pneu.
Une autre fois dans un exercice d'attaque par
l'avant dans lequel je servais de plastron évoluant, je feintai en virant et en
montant vers mon attaquant mais il insista et je le vis arriver sur moi. Je
cessai de manoeuvrer et il me passa dessus si près
que j'entendis le bruit de son moteur et fus secoué par son souffle. Après ces
différents incidents j'aurais pu paraphraser Maurois en disant :
« L'aviation est un métier difficile parfois semé de réels dangers. »
C.IC. de Chartres –
Hiver 1939
Jean MENNEGLIER devant un Morane 406 portant l’insigne qu’il a dessiné pour son escadrille
et avec quelques camarades de la promotion de
l’Ecole de l’Air 1937 Mézergues, à coté d’un Lieutenant non identifié :
s/lts DEMOULIN, du
BOUCHER, MENNEGLIER et FEUILLERAT
Vers la fin de l'année Démoulin
dénicha des chambres à louer dans la rue Chanzy où était ma logeuse. Nous
décidâmes de nous y installer. Nous achetâmes ensemble un poste Ducretet qui
nous permit d'écouter de la belle musique et une bouilloire électrique avec
tasses et petites cuillères pour nous faire le thé. Ainsi équipés nous pûmes
inviter nos deux jeunes mariés de la promo, Pelletier et du Boucher avec leurs
épouses. Ce fut une agréable soirée dont je garde encore le souvenir. Lorsque
nous nous séparâmes pour rejoindre nos affectations je gardai le poste radio et
la bouilloire. Le poste tenait juste au milieu d'une valise que je me procurai
pour lui et je le traînai ensuite partout où j'allai. Il finit son existence à
Lourdes, comme d'ailleurs la bouilloire mais entre-temps il meubla mes loisirs
à Alger ou dans les Alpes.
Un jour nous vîmes arriver à l'escadrille le
commandant Davout d'Auerstaedt (*) qui venait du C.E.V. (Centre d'Essai en Vol) pour s'entraîner sur
MS 406 avant de prendre un commandement. Il était précédé par sa légende.
Le Lieutenant Masson qui avait assuré notre encadrement à Salon nous avait
raconté avec sa gouaille habituelle quelques histoires sur son compte. D'abord
l'affaire du bourricot du Maroc. Il était alors dans une unité de Potez
25 TOE. Un jour qu'il faisait du rase motte dans la campagne il avait
accroché un bourricot qu'il avait tué laissant sur place une roue de son avion.
Il se posa tant bien que mal sur le terrain sans faire trop de casse. A
l'escadrille on étouffa l'incident et on répara l'avion sans mettre le
commandant du groupe au courant. Mais le bédouin propriétaire de l'âne vint
demander réparation en apportant la roue de l'avion comme pièce à conviction.
Il fut adressé à Davout et lui demanda une somme sans doute raisonnable mais
qu'il ne possédait pas, car faisant la foire il était souvent à court d'argent.
Il emprunta autour de lui et pour payer sa dette, écrivit à son père pour lui
demander de l'aide. Il lui aurait expliqué qu'on faisait entretenir le terrain
en le faisant brouter par des moutons et qu'il en avait tué un certain nombre
en se posant sans les avoir vus. Le père envoya la somme demandée. Il devait en
avoir l'habitude. Elle devait dépasser largement ce qu'il avait donné au
bédouin. Mais en même temps qu'il envoyait l'argent il écrivit une lettre au
commandant de la Base pour lui faire observer que la présence des moutons sur
la piste était dangereuse et qu'elle lui coûtait cher. Le Commandant fit son
enquête et n'eut pas de mal à découvrir le pot aux roses. Il fit appeler Davout
dans son bureau et lui demanda des explications, le rase motte étant
probablement prohibé à cette époque. Davout lui expliqua qu'il ne volait pas si bas que çà. Le Commandant lui demanda comment
il avait pu alors tuer l'âne. Davout lui répondit : « C'est
pas ma faute si l'âne à sauté
au moment où je passais. »"
Une autre histoire le concernant se passait à
Dijon où il était pilote dans une escadrille de D.500. Le D.500 avait une
commande de profondeur constituée par un tube reliant le manche à balai à la
gouverne par l'intermédiaire d'une rotule. Un jour au cours d'une séance de
voltige un sous-officier pilote de son escadrille eut une rupture de cette
rotule et se trouva sans commande de profondeur. Il réussi
cependant à ramener l'avion au terrain en jouant avec le régime du moteur et le
réglage du plan fixe. On le décora pour cette action. Davout en fut vexé. Il
partit avec son avion et le maltraita jusqu'à ce que la rotule cède. Il se posa
lui aussi sans encombre. Et le lieutenant Masson concluait : « La
Légion d'Honneur on pouvait pas la lui donner, il
l'avait déjà. Alors on lui a collé quinze pains (quinze jours d'arrêts) ».
C'est lui qui racontait que le même Davout
aurait dit à son mécanicien : « Jules il y a trop de manettes et de
cadrans dans cet appareil. Enlèves-en la moitié ». Après exécution,
rentrant de vol il lui aurait dit : « Jules, il y a encore trop de
machins là-dedans, enlèves le reste !» Et Masson concluait :
« Après çà il pilotait drôlement mieux. ». Je crois qu'il exagérait.
Bref nous vîmes arriver le fameux Davout d'Auerstaedt dont on prétendait qu'au concours d'entrée à
Saint-Cyr il aurait eu comme sujet de dissertation française :
« Dites en quatre pages pourquoi vous voulez entrer à Saint-Cyr » et
qu'il aurait rendu sa copie avec cette seule phrase : « Parce que je
m'appelle Davout d'Auerstaedt. » Mais je crois
que sa légende lui prêtait beaucoup plus qu'il n'avait fait. Nous avons
discrètement essayé de le faire parler. Il n'a ni démenti ni infirmé ces
bruits. C'était, quoique commandant, un élève pilote comme nous. Il participait
à nos vols soit comme équipier soit comme chef de patrouille. Il lui arrivait
même de se perdre en vol et de nous laisser le ramener au terrain.
Après les vacances de Noël, que nous pûmes
passer en famille, nous partîmes le 11 Janvier faire une campagne de tir à
Montpellier. Je faisais partie de ceux qui emmenèrent les avions. Il y avait
plusieurs patrouilles. Celle dont je faisais partie était dirigée par un de nos
moniteurs, l'adjudant Plesnage, un ancien de
l'aéronavale qui était du midi et grignotait souvent des gousses d'ail ce qui
lui donnait une haleine particulière qu'on retrouve chez certains provençaux
comme le curé de Pélissanne qui était aumônier du Piège (appellation
de l’Ecole de l’Air de Salon de Provence) après la guerre. Après un arrêt technique à Lyon pour faire le
plein, nous nous trouvâmes devant une tempête de neige qui nous barra la route
de Montpellier. Nous nous posâmes à Istres où nous passâmes la nuit. Plesnage devait y avoir des connaissances car les autres
patrouilles se posèrent à Marignane. Le lendemain matin après une nuit
glaciale, nous eûmes beaucoup de mal pour faire la remise en route, vidant nos
bouteilles d'air comprimé et essayant de les regonfler à la main avec la pompe
de secours qu'il fallait actionner à l'intérieur de l'avion en s'arrachant les
gants aux multiples aspérités. Je ne sais si nous y arrivâmes seuls ou si nous
avons dû faire appel à des bouteilles d'air comprimé de la Base. Finalement
nous arrivâmes à Montpellier après avoir fait une escale à Marignane où les
autres eurent les mêmes ennuis que nous.
Janvier 1940 – Campagne de tir à Montpellier
– A gauche : culture physique dans un hangar...
A droite : s/lt
tchèque DECASTELLO (tué le 3 juin 1940 sur Bloch 152 au GC I/8 pendant la
campagne de France)
Installation du PC provisoire du C.I.C. de
Chartres sur l’aérodrome de Montpellier pour la campagne de tir de janvier 1940
On aperçoit la queue du MS 406 n°823 du
C.I.C. de Montpellier sur lequel se tua accidentellement le commandant JAPY le
5 mars 1940
Photo de droite : Commandant RABATEL, sgt DELHOMME ( ?), s/lt
MADON, s/lt FEUILLERAT, s/lt
du BOUCHER, s/lt DUBONNET (réserviste, avec son
parachute)
Le terrain était récemment aménagé au sud-est
de la ville en direction de la mer. Nous étions dans le Midi, mais cette
année-là, Janvier était plutôt froid. Le terrain était occupé par une Compagnie
de l'Air constituée en grande partie de réservistes qui se la coulaient douce.
Nous eûmes vite fait de les remuer. D'abord au mess où nous prenions nos repas
avec eux à midi où nous mîmes de l'ambiance en chantant tellement que certains
matins nous étions presque aphones. Tous les chants du répertoire y passaient.
Ils appartenaient tous au genre « corps de garde » et auraient
choqués des oreilles innocentes. Mais si les paroles étaient gaillardes, la
mélodie en était généralement très chantante. Le soir nous nous retrouvions
dans un bar en ville. Nous y rencontrions souvent le commandant Davout qui
était venu avec nous et qui avait déniché une fille à l'allure plutôt vulgaire
se disant « artiste lyrique » (sic) sur sa carte de visite.
Bien qu'étant dans une zone climatique
exceptionnelle pour les vols nous n'avions pas toujours beau temps. Un jour il
souffla une tramontane violente. Deux Le0 20 qui devaient servir pour remorquer
des manches à air cibles et qui avaient été pourtant solidement amarrés au sol
se retrouvèrent l'un sur l'autre et un Potez 63, peut-être celui de Chartres,
qui venait de se poser se retrouva en l'air à la suite d'une brusque et forte
rafale et dut remettre les gaz.
Nous commençâmes la campagne de tir sur manche
remorquée par un avion. Cela se passait sur la mer au large de la Camargue. Je
ne sais plus quels en furent les résultats. C'est d'ailleurs une constante de
tous ces stages que nous avons faits : on n'avait pas l'air d'attacher une
grande importance aux résultats des exercices, ne serait-ce que pour en faire
la critique pour améliorer les performances.
Un jour un de nos camarades, Barbin (*), se tua en mer. Après avoir fait des passages en rase motte sur le
canal du Grau du Roi et faisant un virage pour revenir sur des promeneurs qu'il
avait vus sur la plage il toucha l'eau de l'aile et bascula dans la mer.
C'était pourtant un excellent pilote, peut-être un des meilleurs de la
promotion. Il était ancien élève de Ginette, l'école Sainte-Geneviève des
Jésuites à Versailles.
Un jour, ne devant pas avoir de tirs dans le
programme de la journée, Pissotte décida que nous ferions une séance de vol en
altitude. On remplit les bouteilles d'oxygène et par un temps magnifique, le
masque sur le nez, nous voilà partis pour escalader les nues. Je montai jusqu'à
9000 mètres. La vue était splendide. On pouvait voir la côte, malgré une légère
brume, de Perpignan jusqu'au delà de Marseille, une
bonne partie des Pyrénées et des Alpes. Un de nos camarades qui avait fait de
l'alpinisme identifia même le Mont Rose en Suisse. Un seul eut un incident.
C'était Feuillerat (*). Il avait du
changer d'avion au dernier moment et avait omis de vérifier que la bouteille
d'oxygène était bien ouverte. Vers 6000 mètres il perdit connaissance et vola
près d'une demi-heure dans une inconscience totale. L’avion redescendit en
virant doucement jusqu'à une altitude qui lui permit de se réveiller. Il
continua son vol comme si rien ne s'était passé. Il avait la chance d'être sur
un MS 406 qui volait pratiquement seul s'il avait été bien réglé aux
compensateurs. Avec d'autres avions il aurait peut-être été au tapis avant de
se réveiller.
Nous utilisâmes cependant notre séjour pour
visiter les environs en profitant de dimanches libres pour aller voir Sète et
son cimetière marin immortalisé par Valéry ou Nîmes, ses arènes, la maison
carrée et la tour Magne.
Le stage allait se terminer quand le
commandant Davout reçut son affectation au commandement d'un groupe d'assaut
sur Breguet 693, un bimoteur qui eut pas mal de pertes en s'attaquant aux chars
allemands. Pour lui ce n'était pas la chasse. Il noya sa désillusion dans
l'alcool et nous l'accompagnâmes en gare pour prendre son train. Il était
toujours accompagné de son « Artiste lyrique » et voulût à toute
force boire avec nous un dernier verre au buffet de la gare. Nous essayâmes de
l'entraîner sur le quai. Lui se cramponnait au bureau de la gérante. Nous
arrivâmes quand même à l'en détacher et à le hisser dans son wagon car le train
était en gare depuis un moment. Il sortit alors un flasque de cognac de sa
poche et, remplissant le bouchon qui sert de verre à déguster, en offrit à la
ronde. Il était encore sur le marchepied quand le train démarra et cria en nous
quittant : « Ah les salauds! Vive la chasse! »
Breguet 693
Longueur : 10,30 m
Le stage se termina le 30 Janvier. Je rentrai
à Chartres par le train de nuit en partageant le compartiment au mieux pour
passer une nuit acceptable avec ceux qui m'accompagnaient parmi lesquels était
le grand Kuhlanek. Nous passâmes encore quelques
semaines à Chartres. Les autres escadrilles allèrent faire un stage de tir
ailleurs. Il me semble que certains de mon escadrille allèrent à Rochefort pour
je ne sais quelle raison car Madon qui était avec
nous à Montpellier en revint avec une fille qu'il amena un jour à la popote et
nous bûmes même le champagne dans une de ses chaussures après avoir fait un
concours pour savoir qui embrassait le mieux. Par la suite il y eut un chahut
dans l'hôtel où ils logeaient. Il devait y avoir des camarades envieux dans le
nombre.
Un jour nous fûmes requis pour convoyer des MS
406 du Bourget à Châteaudun (ou l'inverse). Je n'ai plus le souvenir des moyens
de locomotion que nous empruntâmes. Nous étions prêts à faire n'importe quoi
pour voler et ce qu'il y avait de plus étonnant c'est que les réservistes comme
le capitaine Schneider, qui n'étaient plus de la première jeunesse, se
conduisaient en véritables « morpions de carlingue » et étaient
toujours les premiers sur les rangs pour voler.
Nous arrivâmes ainsi à la fin de Février et
nous reçûmes nos affectations en unité. J'étais affecté avec Cavaroz au GC III/6 qui était parti en campagne du terrain
de Chartres et était équipé du MS 406... »
Extraits
des mémoires du colonel Jean Menneglier
Lieutenant
pilote à la 6ème escadrille du GC III/6 en 1940.
Merci à
son fils Philippe de nous avoir transmis ce récit.
- CARNET de VOL de Jean MENNEGLIER au C.I.C. de CHARTRES -
DATE |
FONCTION |
PASSAGER ou INSTRUCTEUR |
TYPE AVION |
NUMÉRO |
ALTITUDE |
ATTERRISSAGE |
DURÉE
(minutes) |
MISSION |
HEURES de VOL |
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Heures
de vol initiales |
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13240 |
|
220h 40 |
NOVEMBRE
1939 |
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jeudi 9
novembre 1939 |
Pilote |
|
MS 406 |
234 |
1200 |
1 |
35 |
T 11.12.13.14 |
|
vendredi 10
novembre 1939 |
Pilote |
|
MS 406 |
752 |
1000 |
2 |
100 |
Chartres - Clermont |
|
samedi 11
novembre 1939 |
Pilote |
|
MS 406 |
752 |
1000 |
1 |
90 |
Chartres - Marignane |
|
mercredi 15
novembre 1939 |
Pilote |
|
D.501 |
188 |
1000 |
1 |
40 |
Tir photo |
|
lundi 20
novembre 1939 |
Pilote |
S/lt PATURLE |
C.635 |
116 |
500 |
1 |
60 |
Navigation |
|
lundi 20
novembre 1939 |
Passager |
|
C.635 |
116 |
500 |
1 |
60 |
Navigation |
|
lundi 20
novembre 1939 |
Pilote |
|
MS 406 |
603 |
1000 |
1 |
65 |
T 31.32.33 |
|
lundi 20
novembre 1939 |
Passager |
Adj
PLESNAGE |
P.630 |
78 |
3000 |
2 |
70 |
Entraînement |
|
mardi 21 novembre
1939 |
Pilote |
|
MS 406 |
626 |
6000 |
1 |
110 |
Montée à 6000m - C 41.43.44 |
|
mardi 28
novembre 1939 |
|
|
MS 406 |
729 |
2000 |
1 |
40 |
Combat |
|
mercredi 29
novembre 1939 |
Passager |
Col
VIGUIER |
P.63 |
78 |
400 |
1 |
25 |
Entraînement |
|
Total mois |
|
|
|
|
|
|
695 |
|
011h 35 |
|
|
|
|
|
|
|
13935 |
|
232h 15 |
DECEMBRE
1939 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
vendredi 1
décembre 1939 |
Pilote |
Adj
PLESNAGE |
P.630 |
4 |
500 |
3 |
30 |
Entraînement D.C. |
|
samedi 2
décembre 1939 |
Pilote |
|
MS 406 |
1018 |
500 |
1 |
75 |
Patrouille |
|
samedi 2
décembre 1939 |
Pilote |
|
MS 406 |
621 |
1000 |
1 |
90 |
M 33.34.35.36 |
|
lundi 4
décembre 1939 |
Pilote |
|
D.501 |
188 |
1500 |
1 |
30 |
N 42 |
|
lundi 4
décembre 1939 |
Pilote |
|
MS 406 |
1018 |
2000 |
1 |
70 |
Tir photo |
|
mardi 5
décembre 1939 |
Pilote |
S/lt FEUILLERAT |
MS 230 |
517 |
500 |
1 |
145 |
Navigation |
|
mardi 5
décembre 1939 |
Pilote |
|
MS 406 |
621 |
1000 |
1 |
40 |
Essai radio |
|
samedi 9
décembre 1939 |
Pilote |
S/lt DEMOULIN |
S.635 |
116 |
800 |
1 |
50 |
M 23 |
|
samedi 9
décembre 1939 |
Passager |
S/lt DEMOULIN |
S.635 |
116 |
800 |
1 |
55 |
M 23 |
|
mercredi 20
décembre 1939 |
Pilote |
|
MS 406 |
445 |
2000 |
2 |
95 |
Radio |
|
vendredi 22
décembre 1939 |
Pilote |
Cal/c
GERMAIN |
MS 230 |
517 |
1000 |
1 |
30 |
Entraînement |
|
samedi 23
décembre 1939 |
Pilote |
|
D.501 |
245 |
1300 |
1 |
40 |
Combat 34.35.36 |
|
mercredi 27
décembre 1939 |
Pilote |
|
MS 406 |
596 |
800 |
1 |
70 |
M 43 |
|
Total mois |
|
|
|
|
|
|
820 |
|
013h 40 |
|
|
|
|
|
|
|
14755 |
|
245h 55 |
JANVIER
1940 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
mardi 2
janvier 1940 |
Pilote |
|
MS 406 |
596 |
1000 |
1 |
60 |
Patrouille |
|
mercredi 10
janvier 1940 |
Pilote |
|
MS 406 |
596 |
1800 |
1 |
10 |
Faux départ |
|
mercredi 10
janvier 1940 |
Pilote |
|
MS 406 |
596 |
1800 |
1 |
110 |
Chartres - Lyon |
|
mercredi 10
janvier 1940 |
Pilote |
|
MS 406 |
596 |
1500 |
1 |
60 |
Lyon - Istres |
|
jeudi 11
janvier 1940 |
Pilote |
|
MS 406 |
596 |
1000 |
2 |
45 |
Istres - Marignane - Montpellier |
|
vendredi 12
janvier 1940 |
Pilote |
|
MS 406 |
596 |
1500 |
1 |
65 |
Combat |
|
samedi 13 janvier
1940 |
Pilote |
|
MS 406 |
596 |
1500 |
1 |
55 |
T 65 |
|
dimanche 14
janvier 1940 |
Pilote |
|
MS 406 |
596 |
2000 |
1 |
120 |
Montée - Combat |
|
lundi 15
janvier 1940 |
Pilote |
|
MS 406 |
596 |
2000 |
1 |
65 |
T 61.62.63 |
|
mardi 16
janvier 1940 |
Pilote |
|
MS 406 |
596 |
1500 |
1 |
50 |
C 42 |
|
samedi 20
janvier 1940 |
Pilote |
|
MS 406 |
596 |
1500 |
1 |
30 |
T ?? |
|
lundi 22
janvier 1940 |
Pilote |
|
MS 406 |
444 |
1500 |
1 |
30 |
Pas tiré |
|
mardi 23
janvier 1940 |
Pilote |
|
MS 406 |
444 |
1500 |
1 |
30 |
Tir |
|
vendredi 26
janvier 1940 |
Pilote |
|
MS 406 |
732 |
1200 |
1 |
40 |
Tir |
|
samedi 27 janvier
1940 |
Pilote |
|
MS 406 |
730 |
1500 |
1 |
60 |
Tir |
|
lundi 29
janvier 1940 |
Pilote |
|
MS 406 |
890 |
1500 |
1 |
35 |
Tir GM |
|
lundi 29
janvier 1940 |
Pilote |
|
MS 406 |
889 |
1500 |
1 |
40 |
Tir GM |
|
Total mois |
|
|
|
|
|
|
905 |
|
015h 05 |
|
|
|
|
|
|
|
15660 |
|
261h 00 |
FEVRIER
1940 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
jeudi 1
février 1940 |
Pilote |
|
MS 406 |
885 |
1500 |
1 |
45 |
Tir |
|
vendredi 23
février 1940 |
Pilote |
|
D.501 |
188 |
3000 |
1 |
70 |
Combat |
|
vendredi 23
février 1940 |
Pilote |
|
MS 406 |
572 |
1000 |
1 |
65 |
Radio |
|
samedi 24
février 1940 |
Pilote |
|
MS 406 |
559 |
1500 |
1 |
65 |
C. de. P. |
|
mercredi 28
février 1940 |
Pilote |
|
MS 406 |
619 |
2000 |
1 |
85 |
Chartres - Lyon |
|
Total mois |
|
|
|
|
|
|
330 |
|
005h 30 |
|
|
|
|
|
|
|
15990 |
|
266h 30 |
MARS
1940 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
samedi 2 mars
1940 |
Pilote |
|
MS 406 |
621 |
1500 |
1 |
65 |
Patrouille |
|
lundi 4 mars 1940 |
Pilote |
S/lt DU BOUCHER |
C.635 |
116 |
800 |
1 |
125 |
Navigation |
|
Total mois |
|
|
|
|
|
|
190 |
|
003h 10 |
Total
heures de vol |
|
|
|
|
|
|
16180 |
|
269h 40 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Total
C.I.C. |
|
|
|
|
|
|
2940 |
|
049h 00 |
Remarque : Jean MENNEGLIER a perdu son premier « livret de
vol » à Constantine fin juin 1940, dans la grande pagaille que fût le
repli en en A.F.N. d’une bonne partie de l’aviation militaire française qui
venait de participer à la « Campagne de France ». Celui dont sont
extraites les informations ci-dessus commence début novembre 1939. A son
arrivée à Salon de Provence à la mi-novembre 1937 (rentrée retardée parce que
les infrastructures d’accueil de la toute nouvelle Ecole de l’Air, déplacée de
Versailles à Salon, n’avaient pas été prêtes à temps pour accueillir sa
troisième promotion), Jean Menneglier n’avait jamais
volé. Si on estime à une dizaine d’heures les vols qu’il a pu faire en octobre
1939 au C.I.C. de Chartres, on en conclu qu’avant d’arriver en escadrille sur
le front il avait déjà volé 270
heures depuis son baptême de l’air 2 ans plus tôt, dont environ 70 heures de formation à la chasse au
tout nouveau C.I.C. de Chartres. Mais si on analyse bien le tableau ci-dessus,
on peut s’apercevoir que les exercices de combat ne représentent qu’une petite
poignée d’heures et les exercices de tir réel sur cible tractée que quelques
chargeurs vidés d’ailleurs en quelques secondes sans grands résultats...
Quand le jeune sous-lieutenant Jean MENNEGLIER a posé en
A.F.N. son Dewoitine D.520 flambant neuf, ayant volé juste 10 heures dont une seule en mission de guerre (décollage sur fausse
alerte le 17 juin), il totalise 55
heures de vol pendant ses 4 mois de
guerre avec la 6ème escadrille du GC III/6, dont 45 heures sur Morane Saulnier MS 406, à
Wez-Thuisy (près de Reims), Chissey-sur-Loue (près de
Dijon), Coulommiers (70 km à l’ouest de Paris) et finalement Le Luc en
Provence. Sur ces 55 heures de vol, 15
concernent des déplacements, 15 des
vols d’entraînement ; 25 sont
effectivement des « missions de guerre », pour la plupart des
missions de « couverture à priori » ; le reste étant des
« décollages sur alerte ». Mais Jean Menneglier
peut écrire avec une certaine amertume dans ses mémoires qu’il n’eut jamais
l’occasion d’approcher un avion ennemi d’assez près pour ouvrir le feu ou
d’être approché par l’adversaire d’assez prêt pour le subir.
FXB (01/2009)
Notes rassemblées par
FXB
1) Personnes citées
(par ordre d’apparition dans le texte)
MÉZERGUES : Albert Edmond Mézergues,
fils de gendarme, est né le 5 novembre 1886 à Saint-Chaptes (Gard). Engagé
volontaire dans la cavalerie en 1904. Breveté pilote n°537 le 30 août1914, il
est affecté au groupe de bombardement n° 4. Abattu et fait prisonnier en août
1917, il s'évade 6 mois plus tard, reprend le combat et termine la guerre avec
7 victoires, commandant de l’escadrille BR 132 et avoir pris part aux durs combats de la réduction de la poche de Saint Mihiel. Il participe ensuite aux opérations du Levant et du
Maroc où il meurt des suites de ses blessures reçues au combat le 15 mai 1925.
Il commandait alors le 37ème régiment d'aviation. A ne pas confondre
avec son frère Marcel Elie, né le 26 juillet 1892 à Labastide Murat (Lot),
aussi breveté pilote, n°2073 le 13 décembre 1915, adjudant, décédé le 06
octobre1984 à Carpentras (Vaucluse).
MOUSSET : Camarade de
chambre à l’Ecole de l’Air et très bon copain de Jean Menneglier.
Sous-lieutenant au GC II/8 en 1940 ; il est grièvement blessé lors d’un
accident avec son Bloch 152 le 27 mai 1940 qui capote à l’atterrissage lors du
transfert du Groupe de Villacoublay à Deauville Saint-Gatien.
Commandant à l’E.L.A.54 en Indochine en 1952, il est victime d’un accident
mortel le 30 mai suite à une panne de moteur d’un NC 701 Siebel (voir sa biographie sur ce site).
LABIT : Le capitaine
Georges Labit prend le commandement de la 4ème
escadrille du GC II/2 le 11 juin 1940. Il est commandant en 1943 quand il
prend le commandement du GC III/6 Roussillon en novembre. A ne pas confondre
avec Henri Labit (1920/1942) des F.A.F.L.
RAGUENET de SAINT-ALBIN :
On retrouve le commandant Gaston de Saint-Albin,
commandant le GC I/4 dont il prend la tête le 15 mai 1940 suite au décès
du commandant Hertaut en combat aérien près d’Anvers,
puis le Groupement de Chasse 25 au Maroc (GC I/5 et GC III/5) au moment du
débarquement américain en A.F.N. le 11 novembre 1942.
PISSOTTE : Le lieutenant
Georges Pissotte est au GC III/2, 6ème escadrille, à partir du 21
mars 1940 ; 3 victoires sûres et une probable pendant
la campagne. On lui confie le commandement de la 1ère escadrille du GC I/3
« Corse en 1944. Il est As, avec 8 victoires à la fin de la guerre, et
termine sa carrière militaire comme colonel.
DEMOULIN : (Photo
ci-contre de 1940) Il avait un don du
dessin humoristique remarquable. Il faisait des dessins à la Dubout dans
lesquels les personnages grouillaient. Né à Paris le 9/11/1917, il avait été
reçu à Navale mais avait préféré l’Ecole de l’Air. Il faisait partie de ceux
qu'on appelait les « Air Inté ». C'était un
fana de musique. En janvier 1944 il est capitaine et prend le commandement de
la 2ème escadrille du III/6 « Roussillon » (masque
rieur). Il est tué le 21/11/1944 aux commandes de son P-47 qui est abattu par
la flak alors qu’il mène une attaque en piqué sur le
pont de Gaïola en Italie (voir sa biographie sur ce site).
MADON : Michel Madon a été élève au
lycée Carnot de Dijon avec Jean Menneglier et ils se
sont retrouvés à Salon de Provence. Il a fait ensuite la campagne de France
avec le GC I/3 où il s’illustra comme As avec 7 victoires aérienne sûres et 3
probables à la 1ère escadrille, sur MS 406 puis D.520. Le groupe rebaptisé
III/3 fait face au débarquement anglo-américain le 11 novembre 1942 en A.F.N.
et le lieutenant Madon, commandant la SPA 88, obtient
4 nouvelles victoires contre des appareils alliés. Successivement affecté au
2/7 et au 1/7 à partir de 1943 il termine la guerre avec une victoire
supplémentaire en abattant un Dornier 217 en 1943. Après avoir été promu
général de corps aérien en 1967, il est inspecteur général de l’armée de l’air
quand il décède en 1972 suite à un accident de la circulation.
PORODO : Emmanuel Porodo est lieutenant au GC I/8 pendant la campagne de
France. Le 20 juin 1940, après avoir abattu un Heinkel 111 en collaboration, il
survit miraculeusement au dessus à Saujon lors d’une
collision frontale entre son Bloch 152 et un appareil du même type du
GC I/1 piloté par le sergent/chef Robert STARKE qui périt carbonisé. Ce
dernier avait gagné le titre d’As avec 2 victoires individuelles et 3 en
collaboration. On retrouve le capitaine Porodo,
commandant la 1ère escadrille du GC 2/3 « Dauphiné » sur
P-47 Thunderbolt, à partir d’août 1944 et ce, jusqu’à
la fin de la guerre. Colonel en retraite, décédé en 1994.
FOUCHIER : Le lieutenant
André Fouchier est affecté le 15 mai 1940 à la 5ème escadrille du
GC III/3 sur Morane puis Dewoitine. Il est au au GC 2/7 « Nice » en 1943 où il obtiendra
2 victoires en collaboration sur son Spitfire, aux cotés
des célèbres Gabriel GAUTHIER et Georges VALENTIN.
du
BOUCHER : Le sous-lieutenant
Jacques du Boucher vole sur Morane 406 à partir du 8 mars 1940 avec la 1ère
escadrille au GC III/1. Le 21 mai 1940, ayant décollé de Plessis-Belleville, il
doit se poser en campagne et il est accueilli au sol par des paysans français
qui le prennent pour un ennemi. L’affaire aurait pu mal tourner. Deux victoires
sûres pendant la campagne (voir le profil de son Morane-Saulnier 406).
DUBONNET : André Dubonnet, né le 28 juin 1897,est le
fils de Joseph Dubonnet, fondateur de la célèbre entreprise d’apéritif. Il a
hérité d’une fortune considérable et mène la grande vie. Sergent à l’escadrille
SPA 3 des cigognes en 1917/1918 sur SPAD XIII, il est crédité de 6
victoires ; légion d’honneur, croix de guerre et médaille militaire.
Durant les années 1920, il participe aux jeux olympiques de 1924 avec l’équipe
de France de bobsleigh, et à des courses de voitures sur Bugatti et des Hispano-Suiza qu’il s’est fait spécialement
construire. Il est lieutenant de réserve en 1939 et participe à la campagne de
France avec le GC I/2 et obtient deux nouvelles citations. André Dubonnet fut
également un inventeur et il a ainsi vendu un système de suspension automobile
à Général Motors. L'entreprise familiale a été cédée à Cinzano dans les années
1960 et André Dubonnet porta tous ses efforts vers l'énergie solaire en
engloutissant toute sa fortune dans ses recherches. Il est mort à 82 ans, le 20
juillet 1980.
André Dubonnet en 1918 et 3 de ses
automobiles : Bugatti Type 35 au GP d’Alsace – Hispano Suiza
Targa Florio 1924 – Hispano Suiza
Xenia 1937
SCHNEIDER : Le capitaine Jean Schneider
avait obtenu une victoire confirmée en 14-18. Il est affecté dès décembre 1939
à la 1ère escadrille du GC I/3 (SPA 88) et vole sur MS 406 puis sur
D.520 avec Madon pendant la campagne de France. Il
remporte 3 victoires avant d’être abattu et gravement brûlé le 23 mai 1940.
DECASTELLO : (Photo
ci-contre de 1919) Le lieutenant
tchèque Josef Decastello né le 24 juin 1910 à Sokol
vole sur Bloch 152 au GC I/8 pendant la campagne de France. Appelé « Le
Pitchoun » par ses camarades de la promotion « Mézergues »
de l’Ecole de l’Air. Il se tue le 3 juin 1940 à Claye-Souilly, officiellement
« pour des raisons assez mystérieuses en essayant un avion neuf » (Note de FXB : en fait un accident
stupide puisqu’il tenta de réaliser un tonneau lent à basse altitude –
Témoignage de Roger Démoulin d’août 1940.)
SAGON : Emmanuel SAGON, né
à Toulon le 2 mai 1917, fils d’un officier de marine, promotion « Mézergues » de l’Ecole de l’Air 1937, breveté n° 26732
le 20/02/1939, MSAC (Mort en Service Aérien Commandé) le 22 juin 1943 au Maroc
alors qu’il était affecté au Groupe de Chasse 1/4 basé à Meknes.
A ne pas confondre,
comme initialement, avec son frère aîné Henri :
SAGON : Henri SAGON, natif de
Quimper, Polytechnicien promotion 1932, breveté n° 26623 le 16/08/1935. En
1939, il est au Groupe de Reconnaissance GR II/33 dont Antoine de
Saint-Exupéry raconte magnifiquement l'histoire dans son roman « Pilotes
de guerre ». Le lieutenant Sagon qui pilote un
Potez 63-11 est abattu par la flak le 22 novembre
1939 mais réussit à ramener son appareil endommagé. Un mois plus tard, le 21
décembre 1939, son Potez 637 confondu avec un Messerschmitt 110, est abattu par
deux Hurricane anglais, tuant le mitrailleur et l'observateur. Seul Sagon survit à cette triste méprise, grièvement blessé.
Guéri, avec une jambe raccourcie, nommé capitaine, il prend le commandant de la
3ème escadrille du II/22 le 23 mai 1940 en remplacement du capitaine
Fouché et il est de nouveau abattu au commande d’un
Potez et fait prisonnier le 14 juin 1940. Prisonnier, Sagon
se retrouva ensuite en forteresse pour tentative d’évasion...
LAURANT : Michel
Laurant, élève officier, brevet n°26881, le 25/02/1939 à Avord. C’est sans
doute lui qui fait la campagne de France avec le GC I/2 avec le grade de
sous-lieutenant. On le retrouve à Madagascar après l’armistice, où il est
abattu et se pose sur le ventre près de Diégo Suarez le 7 mai 1942 lors de
l’opération Ironclad déclenchée par les Anglais
contre la grande île. Le célèbre Jean Assollant
(première traversée française de l’Atlantique Nord en 1929) est tué lors de la
même mission. Colonel honoraire décédé en 2009.
A ne pas confondre
avec :
1) le lieutenant
Pierre Lucien LAURENT (ex F.A.F.L) qui est abattu par la flak
le 11 octobre 1944 à Kaprijke (à l’ouest d’Anvers) alors qu’il procédait à un
bombardement en piqué avec son Spitfire IX du GC III/2 « Alsace » et
qui s’en sort indemne après un atterrissage forcé. Il terminera sa carrière
Général (CR).
2) le sergent
Alexandre LAURENT, également à l’E.C 565 de Madagascar en 1942, nommé Aspirant
pour rejoindre le « Normandie-Niemen » en mai 1943.
DAVOUT D’AUERSTAEDT :
Léopold Henri Jean Jouis Marie Davout est le 5ème Duc d’Auerstaedt et descend du Maréchal d’Empire. En 1924, il est
entré à 20 ans à l’école polytechnique. Pilote de chasse, il participe à la
campagne de pacification du Maroc, commande ensuite au Niger et se bat
courageusement en 1939-1945 à la tête du GBA II/51, équipé de Breguet 693
et Potez 63. Il gagne l’Indochine en février 1941 avec le dernier convoi venant
de métropole. Il est commandent du GAA 42 de février à
mars 1941, puis commandant du Groupe de Chasse n° 2 (escadrilles 2/595 et
2/596) de mars 1941 à juillet 1942 (en mai 1942, ce Groupe de Chasse est devenu
Groupe Mixte avec la dissolution de la 2/596 et son remplacement par la 1/42).
Il termine sa carrière militaire en 1946, comme colonel, attaché de l’Armée de
l’Air au Japon. Il est décédé en 1985.
BARBIN : Michel Joseph Barbin, né le 16 septembre 1916, fils de
Jean Barbin, médecin, ancien maire de Batz-sur-Mer (Loire-Atlantique). Ancien
élève de « Ginette » à Versailles, il rentre à l’Ecole de l’Air et se
tue accidentellement au Grau du Roi le 29 janvier 1940 sur le Morane 406 n°881
pendant un stage de tir alors qu’il était sous-lieutenant en formation au
C.I.C. de Chartres.
FEUILLERAT : Le lieutenant André Feuillerat
est aux commandes d’un Morane 406 du GC III/7 pendant la campagne de France. Le
25 juin 1940, décollent de Toulouse trois Dewoitine D.520 nouvellement affectés
à ce groupe avec aux commandes, Feuillerat,
l’adjudant Albert Littolff et le sergent-chef Adonis Moulène, qui répondant à l’appel du 18 juin, gagnent
l'Angleterre malgré la signature de l’armistice. Engagé F.A.F.L. sous le n°
30328, Feuillerat est d’abord affecté avec quelques
camarades officiers au 7 OTU à Hawarden du 27
juillet au 7 août 1940 pour un stage sur Spitfire. Après avoir participé à
l’expédition de Dakar, il se tue accidentellement à 21 ans sur un D.520 le 19
novembre 1940 à Douala, suite à une perte de vitesse en ayant voulu imiter son
camarade Littolf, ancien membre de la patrouille
acrobatique d’Etampes. Médaille de la Résistance.
L’épave du Dewoitine 520 n°409 d’André Feuillerat à Douala le 19 novembre 1940 (James Denis collection Many
Souffan)
Albert Littolff
devant le Dewoitine 520 n°302 arborant la Croix de Lorraine au Liban en octobre
1942
Profils :
T.L.M « Ailes Françaises n°7 »
et Thierry Dekker
2) Lieux cités -
Divers
CAFE MÁNES : Les célèbres cafés
pragois étaient connus dans toute l’Europe pour être les dieux de rencontres
privilégiés pour les artistes. Dans l’intimité de ces endroits ils pouvaient
faire des lectures de leurs propres écrits, en débattre ou lire les journaux
internationaux que les cafés mettaient à leur disposition.
Le groupe Mánes fréquentait le
Café Union. Il avait pour but depuis 1887 d’organiser des conférences sur l’art
moderne tchèque et international. Ses membres tchèques les plus célèbres
étaient des écrivains ; les frères Karel, Josef Čapek
et František Langer. En ce qui concerne les autres
artistes, on peut noter les architectes Josef Gočár
et Pavel Janák, le sculpteur Otto Gutfreund
et le dessinateur Vratislav...
SE NON E VERO, E BENE TROVATO : Si cela n'est pas vrai, c'est du moins bien trouvé....
(Proverbe italien)
3) Autres
informations concernant le C.I.C. de Chartres :
WADDINGTON : Le
colonel Robert Waddington est né le 28/10/1893. Au cours de la première guerre
mondiale, il obtient 12 victoires homologuées : en mars 1915, il quitte
les tranchées de Verdun pour devenir mitrailleur au sein de l'escadrille
N 67, puis il est breveté pilote a Buc en 1916 et
combat successivement au sein des escadrilles SPA 12, SPA 154 et SPA 31. Il
reprend du service en 1939, comme commandant du deuxième groupe du Centre
d'Instruction de la Chasse à Chartres. Il est grièvement blessé en mai 1940, au
cours d'un bombardement aérien. Il est décédé le 11 février 1986.
ANNEXE 1
Un vol sur
Morane Saulnier 406
par Jean Menneglier
J'étais alors en stage au Centre d'Instruction de Chasse (C.I.C.) qui
avait été créé à Chartres dès la déclaration de guerre en septembre 1939. Un
détachement comprenant une grande partie de la 2ème escadrille avait
été envoyé à Montpellier pour y faire l'entraînement au tir aérien réel. Nous
avions naturellement convoyé sur cette Base les Morane 406 qui équipaient cette
escadrille. Le Commandement y avait envoyé deux Lioré
et Olivier LeO 20, des vieux biplans bimoteurs,
destinés à remorquer les manches à air sur lesquelles nous aurions à tirer.
Grâce au marquage des balles de nos chargeurs avec des couleurs différentes il
devait être théoriquement possible de distinguer les impacts à attribuer à
chacun des tireurs. En fait on s'apercevait que ceux à qui on attribuait des
cartouches non marquées faisaient généralement de meilleurs scores que les
autres.
Ce jour-là, qui était magnifique, sans un
nuage, un jour de Janvier 1940, le sous-Lieutenant Pissotte qui commandait
l'escadrille décida de nous faire tous exécuter un vol en altitude. Il
s'agissait de monter aussi haut que nous pourrions. C'était une bonne
préparation aux vols que nous aurions à faire dans nos futures unités où on
devait intercepter des avions de reconnaissance qui volaient au-dessus de 8000
m à la fois pour échapper à la DCA et aux intercepteurs.
Je pris place dans l'avion après avoir vérifié
que le mécanicien avait bien ouvert la bouteille d'oxygène car j'allais avoir à
l'utiliser dès lors que je dépassais l'altitude de 4 000 m. J'avais revêtu des
vêtements chauds car, bien qu'ayant un habitacle fermé, le MS 406 n'avait aucun
chauffage. Mais je n'avais pas de vêtements chauffants c'est à dire possédant
des résistances électriques qu'on utilisait surtout quand les vols duraient
longtemps. Je m'installe donc sur le siège avec le parachute dorsal dans le
harnais duquel je m'étais sanglé avant de monter. L'habitacle toujours ouvert
je procède à la mise en route du moteur après avoir reçu du mécanicien
l'indication qu'il n'y avait personne devant l'hélice. Pour mettre en route il
fallait ouvrir la bouteille d'air comprimé et tirer la manette de commande du
démarreur Viet après avoir, bien sûr, mis la manette des magnétos en position
« "contact » (1). Le démarreur envoie dans les cylindres de
l'air comprimé mélangé d'essence. En général, après avoir fait un tour, le
moteur démarre. Je le règle à un régime permettant au moteur de chauffer.
Pendant ce temps je fixe les bretelles, relie écouteurs, micro laryngophone,
tube d'oxygène de l'inhalateur sur le boîtier relié à l'avion par un gros
câble, sorte de cordon ombilical. On y raccorde aussi, quand on les utilise,
les prises de courant des vêtements chauffants. En cas d'éjection il suffit de
tourner une manette pour se désolidariser du câble.
A gauche se trouve une manette à deux
positions pour la commande du pas de l'hélice car cet avion est équipé d'une
hélice Chauvière. En position avant on envoie de
l'air comprimé qui freine une couronne qui diminue le pas de l'hélice. En
position arrière on l'augmente. Je donne un coup de grand pas, le régime du
moteur chute, donc la commande fonctionne. Un coup de petit pas et le régime
reprend sa valeur initiale. La température d'huile a atteint la valeur minimale
permettant de faire l'essai du moteur. Manche au ventre pour ne pas passer sur
le nez, je tire la manette des gaz jusqu'à plein gaz. Le moteur donne le nombre
de tours prévus. Je sélectionne les magnétos ; le régime ne change pas sur
l'une ou l'autre des magnétos. Tout va bien. Je réduis les gaz. Un petit coup
de débit forcé à la commande de l'inhalateur : je sens un courant de gaz
arriver dans le masque. Là-haut le régulateur m'enverra la quantité d'oxygène
nécessaire pour compenser la raréfaction de l'air.
Je fais signe au mécanicien d'enlever les
cales. Augmentant les gaz et soulageant légèrement le patin de queue en
poussant le manche en avant je fais rouler l'avion. Pour le diriger au sol je
dispose des freins sur les roues que je peux commander à l'aide d'un bouton
situé au sommet du manche à balai. Grâce à un répartiteur commandé par le
palonnier je peux freiner la roue droite ou la roue gauche. Palonnier au milieu
je freine sur les deux roues. Mais il faut éviter de freiner en déplaçant le
palonnier car on risque d'endommager le répartiteur. Je rejoins la bordure du
terrain à l'opposé du vent. Il y a un avion devant moi. Nous pourrions décoller
en patrouille, c'est pour nous une manoeuvre
courante, mais aujourd'hui nous volons individuellement. Je le garde sur ma
gauche et attends qu'il ait décollé. Je ferme l'habitacle et le verrouille. Je
mets les gaz doucement en soulageant un peu le patin de queue, je prends de la
vitesse en contrôlant au palonnier ma direction, la queue se soulève, l'avion
se met en ligne de vol et pratiquement l'avion décolle tout seul. Je rentre le
train d'atterrissage. La commande est sur le côté gauche. Il faut d'abord tirer
le levier vers soi pour envoyer une pression d'air dans le vérin qui fait
soulever le verrou puis tirer le levier vers l'arrière pour envoyer la pression
hydraulique dans le vérin qui va faire escamoter la jambe de train dans l'aile.
On peut vérifier que le train rentre bien en voyant s'allumer les lampes d'un
petit tableau. Quand les lampes rouges s'allument le train est rentré. L'avion
prend de la vitesse, le régime moteur se met à augmenter. Je le fais revenir à
la valeur prévue en augmentant le pas de l'hélice. A l'aide du volant situé à
gauche je règle le plan fixe pour neutraliser la commande de profondeur (2).
L'altimètre grimpe et indique déjà 1 000 m. Je vois la côte du Languedoc avec
ses nombreux étangs. Montpellier est tout près. Un coup d'oeil
au débitmètre me montre que le débit d'oxygène a déjà commencé.
Je monte en tournant large. 3 000, 4 000
m. L'air est calme. Bien compensé l'avion vole pratiquement tout seul. La vue
porte de plus en plus loin. Nîmes, Sète paraissent tout proches. Malgré une
légère brume on peut distinguer les Pyrénées et les Alpes. 6 000,
7 000 m, l'avion monte toujours quoique moins vite. Il commence à faire
frais dans l'avion. 9 000 m, j'arrête la montée et réduis légèrement les
gaz. Je dois mettre encore du grand pas pour ramener le régime moteur à sa
valeur. Heureusement que j'ai bien réglé le plan fixe car le froid a bloqué le
volant de commande. Cette fois-là je ne constaterai pas de points durs dans le
débattement de la commande de profondeur comme je le ferai par la suite. Le
moteur tourne rond. Je fais quelques évolutions plus ou moins serrées. L'avion
répond bien quoique en devenant un peu plus mou. J'admire le paysage.
Maintenant les Pyrénées et les Alpes enneigées sont bien visibles. On peut voir
la côte pratiquement de Marseille à Port-Vendres. Un camarade identifiera le
Mont Rose en Suisse. L'inhalateur fonctionne bien. Je sens même le courant
d'oxygène sur mon visage. Le froid est supportable. On a l'impression d'être
immobile dans l'air. Je ne me lasse pas de regarder le paysage. Au nord
l'altitude où je suis écrase le relief du Massif
Central qui parait plat. Je suis seul, il n'y a pas d'avion à portée de vue...
Je réduis enfin les gaz et me laisse descendre
en longeant la côte. A 4 000 m je me mets en palier et essaie de voir si
j'aperçois quelqu'un mais je ne vois personne. Je rejoins le terrain de
Montpellier sans avoir trouvé quelqu'un pour faire avec lui un combat
tournoyant (3).
Je me présente vent arrière à vitesse réduite.
Je fais la manoeuvre inverse de celle de la rentrée
de train. L'indicateur lumineux que nous appelons dans notre jargon le
« cinéma » montre que le train descend. Les deux lampes vertes
s'allument : le train est verrouillé. Je mets l'hélice au petit pas en prévision
d'une remise de gaz et virant vers le terrain je sors les volets d'intrados
avec le levier situé à gauche. Je vais me poser sur la partie droite du terrain
face au vent. Le sol approche, je tire sur le manche pour briser sa ligne de
descente. L'avion se pose trois points (4). Manche au ventre j'appuie la
béquille de queue sur le sol pour freiner l'avion. Dès que la vitesse a
suffisamment diminué je rentre les volets pour éviter qu'une pierre vienne les
endommager et je me dirige avec les freins vers le parking où m'attend le
mécanicien. Il me guide pour m'amener à la position prévue, mets les cales
devant les roues et vient m'aider à me détacher. Le compte rendu de vol est
vite fait. Tout s'est bien passé.
Notes de
Jean Menneglier :
(1)- Le
dialogue entre le mécanicien et le pilote s’établissait ainsi :
Pilote :
« Personne devant ?»
Mécanicien
: « Personne »
Pilote :
« Contact !»
Mécanicien
: « Contact ».
Suivait la
mise en route.
(2) - Neutraliser
la commande : Régler les compensateurs de manière qu'il n'y ait plus besoin
d'agir sur celle-ci pour garder la ligne de vol. Si la commande n'est pas
neutre le manche pousse ou tire dans la main. La neutralisation de la gouverne,
outre la suppression de l'effort à exercer sur la commande, donne une traînée
moindre donc une plus grande vitesse.
(3) - Le
combat tournoyant consiste à virer le plus serré possible pour arriver à se
mettre dans la queue de son adversaire et donc de pouvoir le tirer si c'est un
ennemi. Cela dépend des caractéristiques de l'avion et de la finesse du
pilotage. Aussi faut-il s'entraîner souvent à pratiquer cette manoeuvre. Les Anglais l'appellent le « Dog fight » (combat de chiens).
(4) -
Trois points : C'est à dire simultanément sur les deux roues et le patin
ou la roulette de queue.
Le Morane Saulnier 406 n°677 que pilotera
Jean MENNEGLIER quelques mois plus tard au GC III/6 – 6ème escadrille
Dessin
d’Olivier Ledermann – Collection Menneglier
Jean MENNEGLIER en tenue de pilote en 1939
Collection Menneglier
ANNEXE 2
Le Morane
Saulnier 406
par Jean Menneglier
Le Morane 406 est un avion de construction mixte.
Le fuselage a une ossature de tubes en dural raidie par des haubans et
recouverte de toile. L'avant jusqu'à la place du pilote est revêtu de tôles de
duralumin. Les ailes ont un revêtement de contreplaqué et de tôles. L'avion
reçoit une peinture de camouflage sur le dessus. Le dessous est peint en gris
bleu.
Le moteur est un Hispano-Suiza de 12 cylindres
en V faisant environ 860 CV.
Grâce à un réducteur on a placé dans le V du
moteur un canon Hispano de 20 m/m tirant dans l'axe de l'hélice. Le canon a un
chargeur de 60 obus explosifs et tire à 800 coups/min, soit moins de 5 secondes
de tir continu.
Dans les ailes se trouvent 2 mitrailleuses MAC
de 7,5 mm alimentées par un chargeur cylindrique de 350 cartouches. Les armes
ne sont pas réchauffées et doivent être soigneusement dégraissées pour ne pas
être bloquées par le froid. La vapeur d'eau produite par la décomposition de la
poudre vient souvent sous forme de glace, boucher le trou évent qui envoie la
pression des gaz au moment du tir dans le cylindre qui actionne les pièces
mobiles ; piston, culasse, etc, enrayant l'arme.
La mitrailleuse MAC tire 1 500 coups/min.
Le chargeur est vidé en 14 secondes de tir
continu.
Le train d'atterrissage est maintenu escamoté
par la pression hydraulique. En cas de perte de celle-ci (fuite à la suite d'un
impact de balle sur le circuit) le train sort tout seul et l'avion perd toutes
ses qualités de vol. Le Messerschmitt 109 le dépassait en vitesse de 100
km/heure.
ANNEXE 3
La
composition du C.I.C. de Chartres
(recherches complémentaires en cours)
Commandant du Centre :
Commandant Raguenet de Saint-Albin :
rappelé au commandement du GC I/4 le 15 mai 1940.
Lieutenant-colonel Nuville :
signe en temps que « commandant l’Escadre de
Chasse » début juin à Cazaux.
Section d’entraînement :
Commandants : Lieutenant Perron
jusqu’en janvier 1940, puis capitaine Malinvaud
de février à
juin.
Matériel : 1 ou 2 MS 406, D.500-501, MS
230, NAA 57, Potez 25, etc.
1er groupe :
Commandants : Commandant Rabatel jusqu’en mai 1940 – Capitaine Goubault (signe les carnets
et registre début juin).
1ère escadrille :
Commandants : Lieutenant Ozanne
(de septembre 1939 au 18/04/40 : mutation au GC III/10) – Lieutenant Boissel (du 25/02/40, en
provenance du GC II/3, au 17/05/40 : mutation au C II/2) – Successeur
inconnu.
Matériel principal : MS 406.
2ème escadrille :
Commandants : Lieutenant Pissotte
(de septembre 1939 au20/03/40 : mutation au GC III/2 – Sous-lieutenant Odobez.
Matériel principal: MS 406
2ème groupe :
Commandants : Capitaine Waddington
3ème escadrille :
Commandants : Capitaine ????
(illisible sur les carnets de vol, peut-être LENFANT) jusqu’en mars 1940. – Sous-lieutenant Cuffaut (à partir du
27/03/40)
Nota : Cuffaut passe en Afrique du Nord entre le 20 et le
25/06/40, après le départ du C.I.C. à Cazaux.
Matériel principal : Curtiss H.75, plus
des Bloch 151 après le 02/05/40.
4ème escadrille :
Commandants : Sous-lieutenant Troyes (de septembre 1939 au 07/03/40 : mutation
au GC II/3) - Lieutenant Bugnet (du ??/ ??/ ??, en provenance du GC
II/2)
Nota : Bugnet est connu au C.I.C. à partir de février 1940)
Matériel principal : MS 406 et Bloch
151.
Nota :
1) Toutes les escadrilles
utilisaient aussi pour l’entraînement quelques D.500 (ou 501) et des Simoun.
2) Le C.I.C. a
reversé la plupart de ses chasseurs modernes en renfort aux groupes au front
vers la mi-mai 1940 et n’a plus fonctionné à Cazaux qu’avec des D500 (ou 501).
Il a perçu cependant quelques nouveaux MS 406 à partir du 13/06/40.
3) Le transfert du
Centre d’Instruction à la Chasse de Chartres sur Cazaux a commencé le 23 mai
1940 et les réserves d’essence de la base auraient été finalement incendiées le
14 juin 1940, sur ordre de Jean Moulin alors préfet d’Eure et Loir selon Léon CUFFAUT,
mais il semble bien aujourd’hui que cet épisode ne soit qu’une légende...
Liste des
pilotes du C.I.C. de Chartres
A partir des R.J.S.A. (Registre Journal des Services
Aériens), consultables au S.H.D. (Service Historique de la Défense) à Vincennes,
il a été possible :
1ère escadrille |
registre absent |
2ème escadrille |
du 18/09/39 au
31/05/40 |
3ème escadrille |
du 08/02/40 au 18/06/40 |
4ème escadrille |
du 12/02/40 au
15/06/40 |
Escadrille de tir |
du 01/01/40 au
02/04/40 |
Section
d’entraînement |
du 01/10/39 au
14/06/40 |
1) de dresser une liste non exhaustive des pilotes qui
sont passés au C.I.C. de Chartres, de sa création au début de la guerre jusqu’à
son départ pour Cazaux, quelques semaines avant l’armistice : attention, l’orthographe des patronymes ne
peut être garantie et les prénoms ne figurent pas dans ces registres : Listes
des pilotes ayant volé au C.I.C. de Chartres en 1930/1940,
2) d’établir au jour le jour le détail des vols et
missions de guerre du C.I.C. pendant la « Campagne de France », du 10
au 24 mai 1940, avant que cette unité soit repliée sur Cazaux, ainsi que la
liste des appareils dont elle a disposé depuis le début de la guerre en
septembre 1939 (Alain Coste) :
Missions
et appareils du C.I.C. de Chartres en 1939/1940.
Merci à Alain
COSTE, José FOURNIER, Lucien MORAREAU et Lionel PERSYN pour leur aide
Photographies
de la collection originale MENNEGLIER – Droits réservés
Bloch MB. 151 n°392 du C.I.C. de Chartres,
replié d’abord à Cazaux puis ensuite à Toulouse avant l’armistice
Il appartenait à la patrouille tchèque et
arborait le célèbre « Donald au gourdin »