LA BOÎTE à SOUVENIRS
du
CAPITAINE JEAN JOUQUANT
Février - Avril 2017
Pour
bien comprendre comment cette biographie a été rédigée
Dans un premier temps (février
2017), j’ai eu la chance d’entrer en possession de la « boîte à
souvenirs » du capitaine Jean JOUQUANT : quelques dizaines de
photographies pas ou peu documentées et quelques documents annexes, sans
informations sur le déroulement de sa carrière...
A partir de ces sources, j’ai
donc reconstruit au mieux le parcours du pilote dans l’aviation et rédigé une
première biographie, ce qui m’a permis de transmettre à la famille du pilote un
livret illustré de 70 pages sur papier glacé, avec cependant quelques
conditionnels et aussi quelques erreurs d’interprétation.
Dans un second temps (avril
2017), j’ai pu avoir accès aux 7 carnets de vol de Jean JOUQUANT détaillant
jour par jour depuis le mardi 8 juin 1926 jusqu’au 8 août 1946 les 1988 heures
de vol accomplies par le pilote.
J’ai décidé de conserver intact
la rédaction initiale dans ce document (texte en bleu) et de
faire apparaître (texte en brun) les rectifications et compléments apportés par
l’étude de ces carnets de vol.
Cela permettra sans de doute de
faire comprendre que dans bien des études historiques le conditionnel devrait
être plus souvent utilisé...
Cette page est une annexe à :
Souvenirs de la Base aérienne de Chartres
faisant partie du domaine :
Les Hommes du
Groupe de Chasse GC III/6
du :
Site personnel de
François-Xavier BIBERT
Voir 4 annexes à ce document :
Carnets
de vol n°1 à 4 de Jean JOUQUANT – 1926/1939
Carnet de vol n°5 de
Jean JOUQUANT – 1939/1940
Aide-mémoire
pour piloter un Nord 2501 « Noratlas »
Jean Baptiste JOUQUANT
Pilote au
22ème RABN à Chartres
puis au
Groupe de Reconnaissance I/22 à Orléans
1907 -
1981
Une trace du passage de Jean
JOUQUANT à la BA 122 de Chartres apparaissait, sur la page consacrée à cette
base aérienne sur ce site (lien) Chartres–BA 122–L’album
du souvenir, pour sa participation au tour de France aérien fait par 6
Bloch 200 de la demi-brigade de Chartres début 1935. Son nom étant mal
orthographié, une de ses petites filles m’a
« Ce sont les petites poussières d’histoires qui font
l’Histoire... »
L’examen d’un nouvelle « boîte à chaussures de
souvenirs » est toujours pour un passionné des Hommes et des choses de
l’aviation, un moment d’intense émotion et de grande excitation. Qui était cet
aviateur ? Vais-je trouver des documents totalement inédits, des
photographies originales et jamais publiées, des nouvelles pièces de puzzle qui
pourraient permettre de débloquer la connaissance de la carrière d’un autre
pilote, de l’histoire d’un Groupe Aérien, d’une Escadrille, ou d’un avion
particulier ?
En quittant la descendante de
l’aviateur qui savait si peu de choses de la carrière militaire son grand-père,
j’ai parfaitement mesuré le trouble qui devait être le sien en se séparant de
ce témoignage bien personnel de l’histoire de sa famille et de ses
racines : je lui ai dit « Croyez
bien que j’apporterai à Jean-Baptiste JOUQUANT une affectueuse attention
pendant l’élaboration du témoignage de mémoire que je vais lui dédier. En
l’absence de son livret militaire et de ses carnets de vol, je vais d’ailleurs
devoir vivre avec lui pendant quelque temps
pour examiner les documents, situer chacun d’entre eux dans le temps
avec assez de précision pour déterminer une rigoureuse chronologie : comme
aucune des photographies, en vrac dans la boîte, n’est légendée, ceci se fait
souvent par la découverte de tout petits détails, avec l’aide d’amis passionnés
comme moi, chacun spécialisé dans certains sujets particuliers, et par beaucoup
de patientes recherches dans nos documentations personnelles et aussi sur
Internet, mais on va y
arriver ! »
Voici par exemple trois
agrandissements originaux au format 9X14 trouvés dans la boîte à souvenirs :
Depuis près de 80 ans des petites
souris s’étaient peut-être attaquées à leur emballage en carton et/ou un peu
d’humidité accidentelle n’avait pas arrangé les choses : les sels
d’argents des émulsions photographiques ont ainsi perdu de leur couleur d’origine
et de leur éclat et les rares légendes existantes ont été bien souvent écrites
longtemps après la prise du cliché, soit par le pilote dont la mémoire n’était
plus forcément fidèle, soit par des personnes de bonne volonté, certes, mais
pas forcement au courant des détails de sa carrière
et formées à la documentation et à la conservation de documents
historiques !!!
Il y a deux écoles pour la
présentation d’une image : « dans
son jus » ou « restaurée ».
Pour ma part je scanne avec un appareil professionnel en haute résolution, ni
trop, ni trop peu, et m’armant de patience et de persévérance, pas trop
maladroit avec différents logiciels de traitement des fichiers numériques, je
restaure, d’où finalement les belles images qui suivent :
Farman Goliath F.60 (*) accidentés à Chartres
– 1925/1930
(*) lire par la suite « série des
F.60 » : F60BN2 – BN3 (1921) –F.60BN4 (1925)
Goliath
codé « 21 » – Mis en pylône - Mars 1929
(date en légende d’une autre photographie déjà connue de l’auteur)
Goliath
codé « 29 » – Accident initialement indéterminé
Voir deux autres photographies de la même série plus bas
dans cette page.
Cette
photo a été identifiée depuis la première mise en ligne de cette page : Il
s’agit du FARMAN
GOLIATH F.63 Bn4 de la 3ème escadrille (VB 101
« Tête de hibou ») du 2ème Groupe. Le capitaine pilote Louis de MURARD de
SAINT-ROMAIN et le sergent mitrailleur Voir sur la page consacrée à
Chartres : « La
longue liste des accidents à Chartres » à la
date du 23 juin 1930 |
Jean
JOUQUANT -19 ans – A droite au dessus de l’hélice
d’un SPAD 13
1926 –
Ecole de pilotage « Richard » à Angers
Information de M.
En recoupant avec d'autres
portraits de Louis ROULAND, j’ai pu acquérir une certitude : la photo ci-dessus
est le groupe des élèves pilotes boursiers de la 2ème série de 1926
à Avrillé. Elle a été prise en octobre 1926. Sur cette photo, apparaissent
(très probablement) le directeur Roger DUCHESNE, le chef pilote DEGLISE,
l'instructeur pilote CHAIMBAUX, l'instructeur technique DE FEYTER, les 10
élèves pilotes boursiers : Jean LE BAIL, René CHAILLOU, Louis DALIBON,
Marcel DAY, Jean JOUQUANT, Joseph KULLING, Auguste MAGNER, Marcel PERDEREAU,
Louis ROULAND et
Ces élèves étaient arrivés à
l'Ecole d'Avrillé le 7 juin 1926. Ils ont tous passé, avec succès, leur examen
technique le 19 octobre 1926 et leurs épreuves pratiques du brevet de pilote
militaire au cours du mois d'octobre.
Je trouve assez émouvante cette
photo de jeunes gens qui viennent de franchir la première étape avant d'accéder
à leur rêve !
·
CHAILLOU, instructeur et pilote d'essais en
1930 chez Morane Saulnier à Villacoublay
·
DEGLISE, avec DETROYAT et ROULAND, formèrent
en 1931 la Patrouille Tricolore.
Compléments :
·
KULLING : né à Belfort le 01/08/1907, il
fut incorporé en 1929 et fut breveté pilote d’hydravion à Hourtin le 05/05/1930
(n° 1663). Après une brève affectation à Karouba, il
suivit le cours de chasse à Fréjus – Saint-Raphaël et retourna en Tunisie, à
l’escadrille 4C1 à Sidi Ahmed cette fois ci. En 1933, la 4C1 émigra en
Métropole, devint du coup la 3C3 et s’installa à Marignane. KULLING suivit le
mouvement. Le 1er janvier 1936 les escadrilles 3C1, 3C2 et 3C3
furent transférées à l’Armée de l’Air au sein de laquelle elles constituèrent
la 8ème escadre de chasse. KULLING changea d’uniforme avec un galon
de plus… mais aussi avec un nouveau brevet, le n° 24730 (celui qui était chargé
de la transformation des brevets Marine n’a pas dû s’apercevoir que KULLING
était déjà titulaire d’un brevet AA…) - Merci à
M. Lucien Morareau :
·
KULLING (suite) : avec le GC III/6 en
septembre1939 (chef de patrouille confirmé et pilote de multimoteurs), au
centre de transformation de Romilly en avril 1940, rejoint la France Libre en
avril 1943 radié du PN le 18/08/1945. Il est décédé à Ranchot dans le Jura, le
29/07/1955 à seulement 48 ans.
·
Liste des brevets délivrés à cette promotion
de l’école Richard - Merci à M. Lucien Morareau :
René CHAILLOU Jean-Baptiste Le BAIL Joseph KULLING Jean JOUQUANT Marcel PERDEREAU Auguste MAGNER Jacques TOUTAIN Louis ROULANT Marcel DAY Louis DALIBON |
26/10/1926 27/10/1926 27/10/1926 27/10/1926 27/10/1926 28/10/1926 28/10/1926 28/10/1926 01/11/1926 09/11/1926 |
n° 21230 n° 21231 n° 21232 n° 21233 n° 21234 n° 21235 n° 21237 n° 21236 n° 21245 n° 21256 |
Maquette
et plan 3 vues du Spad 13 - Avion des
« as » de 14/18
Appareil
construit à plus de 8 000 exemplaires largement utilisé dans les écoles de
pilotage dans les années 20
Ensuite, pour les dates et les
légendes : « y-a-plus-qu’à... »,
tenant compte du fait que plus aucune personne sensée n’envisage d’aller perdre
son temps au Service Historique de la Défense de Vincennes, qui fait tout pour
ne plus être importuné par ceux qu’il considère comme « des Historiens du
Dimanche », pourtant vraiment les seuls à avoir à cœur de porter
témoignage des incroyables carrières des aviateurs des années 1930/1940, devoir
de mémoire oblige !
Très sincères remerciements à mes
amis Henri GUYOT (Site « Traditions Air »),
Lucien MORAREAU qui gère une monumentale base de données des pilotes de l’Armée
de l’Air et de l’Aéronautique Navale, Olivier BAILLON et Franck ROUMY,
spécialistes de la base d’Orléans-Bricy,
1926 – ANGERS
(voir la photographie ci-dessus)
|
Auguste JOUQUANT (1869/1907), de
Sainte-Anne sur Vilaine où il était facteur-receveur n’a pas vu naître son
troisième enfant, Jean Baptiste, car il décéda à l’âge de 38 ans, 4 mois
avant la naissance de celui-ci. Son épouse Philomène, née HOUSSIN
(1878/1947), âgée de 29 ans, accoucha le 26 août 1907 de son deuxième fils
Jean-Baptiste, qu’elle éleva seule avec son frère Auguste né en 1900 :
une petite fille, Philomène, née en 1898 n’ayant vécu que 21 jours. Philomène fut factrice, comme
son défunt époux, et fit de son mieux pour ses deux garçons, avec son petit
salaire. On ne sait pas comment
Jean-Baptiste attrapa le virus de l’aviation, mais à cette époque pour
beaucoup d’enfants de son âge, Guynemer et tous les « as »
légendaires de la première guerre étaient des héros à imiter. Voler était
leur rêve... |
Pour les plus modestes, les écoles
civiles d’aviation populaire et les bourses qui pouvaient leur être attribuées
alors, étaient une chance exceptionnelle pour combler leur désir de
gloire : ces écoles avaient en effet pour mission de délivrer aux boursiers
de l’Etat un brevet d’aviation « militaire ». L’ascenseur social
existait à cette époque !
C’est ainsi que Jean JOUQUANT,
dans sa dix-huitième année, entra le 7 juin 1926 à l’école
« Richard » d’Angers et qu’il y obtint le brevet militaire n°21.233
le 27 octobre 1926, juste 2 mois après son dix-neuvième anniversaire.
Carte
d’identité de pilote militaire d’avion de Jean JOUQUANT
avec la
mention de son brevet n°21.233 du 27 octobre 1926
Première page du premier carnet de vol de Jean JOUQUANT
Arrivée
à l’école Richard d’Angers
Après un premier vol le 8 juin
1926 de 10 minutes avec son moniteur M Déglise,
le jeune élève est resté au sol pendant un mois et, en plus des cours
théoriques, s’est entraîné 10 minutes tous les jours sur un
« rouleur », appareil Morane Saulnier qui ne peut plus prendre l’air,
pour apprendre à le manœuvrer sur le terrain.
Au bout de quatre mois d’école
et 50 heures de vol, d’abord en double commandes puis seul à bord, il peut
alors passer le brevet.
Page
d’octobre 1926 du premier carnet de vol de Jean JOUQUANT
Épreuves
du Brevet
Les épreuves du brevet
comprenaient donc en 1926 :
- épreuve
de « huit » : cinq huits à moins de
200 m. de hauteur, autour de deux poteaux distants de 500 m., avec
atterrissage à moins de 50 m. d’un point fixé,
- épreuve
d’altitude et de vol plané : montée à 1 500 mètres et vol plané avec
atterrissage dans un cercle de 150 m. de rayon fixé à l’avance,
- épreuve
d’altitude : montée à 4 000 mètres,
- 3 vols
en ligne droite dans des directions différentes,
- 1 vol en
triangle.
le tout représentant près de 10
heures de vol.
Dépouillement
des 4 premiers carnets de vol de Jean JOUQUANT
12/1926 – 02/1927 - ISTRES
Aucune
photo ne permettait de connaître l’activité de Jean JOUQUANT immédiatement
après l’obtention de son brevet. Son premier carnet de vol permet de savoir
qu’il a rejoint mi-décembre 1926 l’École Pratique d’Aviation d’Istres où il a
été affecté à la première section, ceci au titre de son service militaire. Il y
est resté deux mois pour se perfectionner, volant sur Breguet XIV, pendant près
de 20 heures, avec 88 atterrissages sans la moindre casse.
Page de
décembre 1926 du premier carnet de vol de Jean JOUQUANT
Début
du service militaire à Istres
Graphe
de contrôle d’une l’épreuve d’altitude
Montée
à 3500 mètres
1927 - THIONVILLE
Jean
JOUQUANT aux commandes d’un Breguet XIV
pendant son
service militaire à Thionville
|
Cette photo est l’exemple
parfait des difficultés rencontrées pour légender correctement un vieux
cliché. Il porte l’indication manuscrite « Angers » sans doute
assez récente, et en première approximation on va penser à une photographie
faite à l’Ecole de Pilotage d’Angers, donc à l’année 1926. Or celle-ci était
une école civile : les élèves ne pouvaient donc pas porter un uniforme
de soldat et de plus, l’avion est un Breguet XIV « militaire ». Un
examen plus minutieux permet de lire le chiffre « 38 » sur un
béret. Conclusion : on est au 38ème Régiment d’Aviation Mixte
de Thionville. Jean JOUQUANT a donc accompli
ses obligations militaires en Lorraine et non pas en Anjou, comme la personne
qui a légendé la photographie le croyait et risquait de nous le faire croire. |
A cette époque le 38ème
RAM de Thionville Basse-Yutz est alors composé de 8 escadrilles : *
1er groupe de reconnaissance doté de 2 escadrilles équipées de
Breguet XIV - 1ère escadrille héritière des
traditions de la SAL 51 qui adopte la tête de Napoléon. - 2ème escadrille héritière
des traditions de la SPAbi 54 qui adopte la tête de
gaulois. *
2ème groupe de chasse doté de 4 escadrilles équipées de
Nieuport-Delage NiD 29 : - 5ème escadrille héritière
des traditions de la SPA 95 qui a conservé son martinet. - 6ème escadrille héritière
des traditions de la SPA 153 qui conserve son gypaète. - 7ème escadrille héritière
des traditions de la SPA 62 qui conserve son coq de combat. - 8ème escadrille héritière
des traditions de la SPA 73 qui conserve sa cigogne. *
3ème groupe d'observation doté de 2 escadrilles équipées de
Breguet XIV : - 11ème escadrille héritière
des traditions de la BR 260 qui adopte un perroquet. - 12ème escadrille héritière
des traditions de la SAL 22 qui adopte une cigogne dans son nid. (Albin
Denis) |
Le 38ème
RAM sur le site « Traditions Air »
|
En fonction de ces informations
et de la portion d’insigne visible sur la photo du Breguet XIV qui semble
correspondre à celle dite « Buste de Napoléon », on pourrait
éventuellement conclure que Jean JOUQUANT faisait partie en 1927 de la 1ère
escadrille du 1er Groupe de Reconnaissance du 38ème
Régiment d'Aviation Mixte (RAM) de Thionville. Cet insigne a d’ailleurs été
créé de toutes pièces dans le régiment, sans rapport avec des traditions
d'escadrilles 14/18 : il a été supprimé en 1932 pour faire place à celles
de la SAL 51 et son insigne aux « ancres croisées ». « Buste de Napoléon » 1ère escadrille du 38ème
RAM de Thionville Peut-être la première unité de Jean JOUQUANT ? |
En fait, le carnet de vol montre
que cette hypothèse n’était pas exacte. Arrivé fin février 1927 au 38ème RAM,
sans doute après une courte permission, il a été d’abord affecté à la Section
d’ Entraînement et les deux premières semaines de mars ont été consacrées à une
série d’épreuves, sans doute assez voisines de celles du Brevet, se terminant
par un vol de confirmation le 15 mars.
C’est à ce moment qu’il a
rejoint une des deux escadrilles du troisième Groupe. En effet, les signatures
(illisibles) du carnet de vol sont celles du « Chef d’escadrille »
(sans précision), du « Commandant du 3ème Groupe » et du
« Chef de Corps ».
Des zones d’ombre existent
d’ailleurs encore pour les spécialistes des traditions de l’aviation militaire
au sujet du 3ème Groupe du 38ème RAM de Thionville.
Cependant, une image d’époque précise la représentation des insignes de ses 11ème
et 12ème escadrilles :
Il s’agit d’un
« Perroquet » pour la 11ème et de ce qui semble être un
« Flamant rose » pour la 12ème, plutôt qu’une
« cigogne dans son nid » comme indiqué par certains auteurs (voir
plus haut). Et il est inexact à cette époque de parler de la BR 260 pour
la 11ème et de la SAL 22
pour la 12ème, traditions adoptées seulement en 1932 ou 1933 (cf : B. Palmieri).
1 et
2. Dessins du commandant Moreau-Bérillon (1968) –
11ème et 12ème escadrilles 3. Interprétation récente – 12ème
escadrille 4. Insignes d’époque peinte sur un
Breguet XIV – 11ème escadrille 5. Insigne métallique d’époque – 11ème
escadrille |
Donc pour le moment, une incertitude subsiste sur le fait de
savoir quel insigne Jean JOUQUANT a pu éventuellement porter à Thionville.
Il n’est pas certain d’ailleurs
que ce qu’on distingue sur le flanc du Breguet XIV de la photo soit un insigne
et surtout l’insigne de « son » escadrille. Difficile d’y retrouver
le « Perroquet » ; éventuellement un bout du « Flamant » ?
Mais on trouvait fréquemment sur les Breguet XIV, des marques de peinture
blanche, pas toujours de la même forme, figurant un étrier pour souligner les
marchepieds d'accès (voir la troisième petite photo du Breguet XIV n°18403 de
la 2ème escadrille du 36ème RAO de Hussein Dey
- VR 547) (cf : J-P. BONORA).
On connaît par contre maintenant
les numéros des appareils sur lesquels Jean JOUQUANT a volé de mars 1927 à
avril 1928 à Thionville. Reste à trouver à quelle escadrille ils étaient
affectés...
Arrivée
de Jean JOUQUANT à la Section d’Entraînement de Thionville
Signatures :
Chef d’escadrille – Commandant du 3ème Groupe – Chef de Corps
Heures
de vol de Jean JOUQUANT à Thionville
Jean
JOUQUANT
Service
militaire à Thionville au 38ème RAM
On peut penser que la médiocre photographie
ci-dessous d’un Breguet XIV en mauvaise posture, malheureusement sans
identification possible, est celle d’un appareil de ce régiment.
.
La ville
de Chartres et sa cathédrale (vue aérienne est-ouest)
et les
installations de l’aéronautique militaire en 1927
Collection F-X. Bibert
1929 1930 / 1936
CHARTRES
|
Dans l’état de nos
connaissances, on ne peut pas préciser à quelle date Jean JOUQUANT a quitté
le 38ème de Thionville pour le 22ème de Chartres. Le fait que sa boîte à souvenirs
contienne des images d’avions à Chartres ne signifie pas que le pilote y
était déjà affecté à la date de leur prise de vue. Les photographies, rares
et chères, étaient souvent retirées à quelques dizaines d’exemplaires et
diffusées ou vendues à titre de souvenir pendant plusieurs années. Par exemple, l’accident de ce
Farman Goliath F.60 qui a « atterri » au milieu du cimetière
Saint-Chéron, à quelques centaines de mètres du terrain d’aviation, a eu lieu
le 15 octobre 1925. Jean JOUQUANT n’était pas encore à Angers et l’image figure
également dans la collection « Barthe » présentée sur la page Chartres–BA 122–L’album
du souvenir de ce présent site. Le caporal ERNOUF qui le pilotait
s’en sortit indemne, tout comme les deux autres caporaux de l’équipage et
deux soldats qui se trouvaient on ne sait pourquoi dans l’avion. |
Le Goliath F.60, codé
« 21 », mis vraisemblablement en pylône par son pilote suite à une
fausse manœuvre à l’atterrissage, que l’on voit sur la photo placée en tête de
cette page est vu sous un autre angle sur une photographie légendée « mars
1929 », déjà placée sur cette même page. Pas la moindre information sur
cet accident n’a pu être trouvée dans la presse locale ou nationale : sans
doute un simple « incident » bien banal pour l’époque ne méritant pas
de communiqué.
|
|
Goliath
F.60 – Cimetière de Saint-Chéron – 15 octobre 1925 |
Seconde
photographie du Goliath F.60 codé « 29 » - 23
juin 1930 |
Par contre, heureuse trouvaille
dans la boîte à souvenirs de Jean JOUQUANT, quelques images de Farman
accidentés qui semblent inédites, malheureusement sans pouvoir initialement les
dater autrement que « entre 1925 et 1930 environ », puisque ces
« monstres préhistoriques » ont été par la suite remplacés par des Lioré et Olivier LeO 20, qui
eux, ne méritent que le qualificatif de « monstres inadaptés ». Depuis,
trois de ces photographies d’une même série concernant le Goliath codé
« 29 » du 22ème RA (la première est placée au début de cette page, en
exemple du travail de restauration qu’elle a nécessité) ont été
identifiées : il s’agit de l’accident du « Goliath »
F.63 Bn4 de la 3ème escadrille (VB 101 « Tête de
hibou ») du 2ème Groupe dans lequel le capitaine pilote
Louis de MURARD de SAINT-ROMAIN et le sergent mitrailleur
|
|
Troisième
photographie du Goliath F.60 codé « 29 » - 23
juin 1930 D’autres
photographies de cet accident, sous d’autres angles de prise de vue, avec la
cathédrale de
Chartres en arrière plan sur l’une d’entre elles,
se trouvent sur la page déjà citée : |
Autre
photographie d’un Goliath accidenté de la collection « Jouquant » Farman
F.60 inconnu au milieu d’un verger de pommiers |
|
|
Autre
photographie d’un Goliath accidenté de la collection « Jouquant » Légende
au dos non déchiffrée Peut être : CHASSALET – Compagnie d’Ouvriers de
l’Aviation (C.O.A.) |
Dernière
photographie d’un Goliath accidenté de la collection « Jouquant » Goliath
F.60 codé « CIV » encastré dans une habitation 14
juillet 1928 - Rue Saint-Chéron à Chartres |
Les Farman F.60BN3 (3 hommes
d’équipage), puis F.63BN4 (4 hommes d’équipage) de Chartres ont été
initialement répartis dans deux groupes de trois escadrilles : trois
groupes de deux escadrilles ensuite.
|
|
|
I/22 RABN Escadrille N°1 - VB
109 |
I/22 RABN Escadrille N°2 - VB 125 |
I/22 RABN Escadrille N°3 - VB
101 |
|
|
|
II/22 RABN Escadrille
N°4 - BR 113 |
II/22 RABN Escadrille
N°5 - CAP 130 |
II/22 RABN Escadrille
N°6 - CAP 115 |
Toutes
les escadrilles basées à Chartres entre les deux guerres
Le code « CIV » que
porte l’avion accidenté (ci-dessus à droite : lire « C » quatre)
correspond normalement à un appareil du troisième groupe (C) : escadrille
CAP 130 ou CAP 115 avec l’insigne du gypaète. On en a la confirmation par
deux photos de la collection « Warconsin »
déjà présentées sur la page Chartres–BA 122–L album du souvenir où l’avion est vu de
l’avant, sans qu’on en connaisse le code, mais où l’insigne est apparent, ce
qui permet aujourd’hui d’avoir des compléments d’information sur cet accident
survenu le 14 juillet 1928 dans la rue Saint-Chéron de Chartres. Le propriétaire
de la maison, M. MANCEAU, fut tué et le sergent pilote LE BAIL, indemne tout
comme son équipage, fut sanctionné par un conseil de guerre le 18 octobre de la
même année.
Figure également dans la
collection cette photographie d’un accident qui a pu être identifié. Il s’agit
d’un appareil de chasse de passage à Chartres : le 12 juillet 1928, un Gourdou Lesseure LGL.32, du 3ème
RAC de Châteauroux qui était en manœuvres, heurta le sol alors qu’il volait en
rase-mottes à près de 200 km/h au dessus du terrain
du 22ème d’aviation Le
Gourdou Lesseure LGL.32 du
3ème RAC de Châteauroux -12 juillet 1928
(sans
doute avant l’arrivée de Jean JOUQUANT à Chartres)
Jean JOUQUANT est en fait arrivé
à Chartres un an plus tôt que ce qui a été envisagé initialement. Son service
militaire était terminé en 1928. L’année suivante il s’est réengagé et a
recommencé à voler le 17 avril 1929 à Chartres : 22ème régiment
d’aviation, encore doté de Farman F.63 BN4.
Profil du
Farman Goliath F.60
Jean JOUQUANT a t’il piloté des
Farman Goliath à son arrivée à Chartres ? Aucune image ne le prouve. Le
doute était est permis, puisqu’à la fin des années 30 les antiques
Goliath, faits de bois, de toile et de corde à piano, qui ont tué tant de
valeureux équipages, ont été peu à peu remplacés par un avion similaire, un peu
plus performant, le Lioré et Olivier LeO 20 . Pour la structure, certes, le métal
avait remplacé le bois, mais cet appareil était déjà dépassé, car sa conception
avait été faite à partir des mêmes principes tactiques de la guerre de
1914/1918 que l’état-major n’avait pas su faire évoluer.
|
Farman F.63 BN4 |
Lioré et Olivier LeO 29 BN3 |
Envergure |
26,50 m |
22,25 m |
Longueur |
14,33 m |
13,81 m |
Surface
portante |
161 m2 |
105 m2 |
Equipage |
4 |
3 |
Masse |
3 000 – 5 200 kg |
2725 -5460 kg |
Motorisation |
2 Gnome et Rhône - 450 ch |
2 Gnome et Rhône - 420 ch |
Vitesse
maximale |
160 km/h |
198 km/h |
Profil du Lioré et Olivier LeO 20
Deux très belles photographies
originales de Jean JOUQUANT avec une casquette devant un Lioré
et Olivier LeO 22 avec des membres de son Escadrille
et/ou de son Groupe existent : l’avion est tout neuf et sans marque, on
doit être au début des années 30, peut-être en 1933.
D’autres photographies
intéressantes font partie de la collection « Jouquant »:
Sur cette photographie, Jean
JOUQUANT porte maintenant son brevet de pilote sur la poitrine. Elle a été
prise sans doute peu après les deux premières, car c’est le même lieutenant
qu’on retrouve sur les trois clichés : il s’agit sans doute du Commandant
de bord de l’avion qui devait en être le navigateur tandis que Jean JOUQUANT
tenait les commandes. Plusieurs soldats peuvent d’ailleurs être reconnus sur
les trois clichés, sans doute des membres de leur équipage et des mécaniciens.
Sur
celle-ci, Jean JOUQUANT est le 4ème à droite au second rang
(médaillon également en tête de ce chapitre « Chartres »). Elle doit
représenter son escadrille et a sans doute été prise peu après son arrivée au
22ème RA puisqu’il est encore coiffé d’un képi et qu’il ne porte pas
son brevet.
... tout comme sur celle-ci, prise
dans un hangar du 22ème RA, avec des bombes d’exercices : image
assez inquiétante quand on pense qu’on est à moins de 10 ans de la seconde
guerre mondiale ! Ces bombes d’exercice des années 1920 étaient
constituées d’un tube en acier (h 260 mm – Ø 93 mm)
contenant un sachet de toile rempli de poudre de craie et d’un empennage
(h 252 mm – Ø 132 mm) constitué de 4 éléments en tôle
d’acier assemblés avec du fil de fer. Une fusée à refoulement pour cartouche
fumigène venait les coiffer avant qu’elles ne soient lancées... à la
main !
Sur cette dernière photographie de
groupe avec képi, donc plus ancienne, on ne reconnaît pas Jean JOUQUANT :
y sont présents pour la plupart des pilotes et des navigateurs portant leur
brevet.
Dépouillement
des 4 premiers carnets de vol de Jean JOUQUANT
Grâce aux carnets de vol, on
sait que le sergent Jean JOUQUANT a fait cinq vols en tant que second pilote
sur Farman à la 6ème escadrille (2 groupes de trois escadrilles en
1929) à son arrivée à Chartres en avril avant d’être affecté définitivement
début mai à la 1ère Escadrille
du 1er Groupe. En 1929, il a volé au total 36 heures sur
Goliath (13 appareils différents) et a fait en outre quelques vols à la Section
d’Entraînement sur Caudron C.59 et sur Hanriot H.32.
En 1930, il a effectué encore
une trentaine d’heures sur Goliath : son dernier vol sur l’appareil n°461
datant du 9 mai. Ce fut le 29 mai 1930 qu’il fit la découverte du nouveau Lioré et Olivier LeO 20, ce
qui permet de préciser la date des deux belles photographies précédentes,
faites sans doute à la réception des appareils. Il n’y avait pas
« un » appareil affecté à « un » équipage à cette
époque : il a donc pris les commandes de 9 LeO 20
différents jusqu’en décembre, pour un total de 57h 22 (le détail des
équipages ne figurant pas sur le carnet de vol), auxquelles il faut ajouter une
douzaine d’heures à la Section d’Entraînement.
avec la
nouvelle tenue de l’Armée de l’Air
Vers
1933/1934
Chez lui,
à Sainte-Anne sur Vilaine vers 1933/1934
Le 8 août 1931, c’est le
lieutenant-colonel MAGNIAC, (il faut bien être lieutenant-colonel pour
cela !), qui, en tant que « Président de la commission
d’examen » signe le permis de conduire des véhicules militaires du sergent
Jean JOUQUANT, matricule 2544, pour des camions de plus de trois tonnes, des
tracteurs et des motocyclettes side-car.
Trois jours plus tard, le 11 août,
Jean Baptiste JOUQUANT et Paulette BRARD convolent en justes noces à Pantin.
On aurait pu pensé
qu’un événement exceptionnel avait du se passer dans
sa carrière au début de 1932 car on trouve (via Gallica) :
Dans le
Journal Officiel et l’hebdomadaire aéronautique « Les Ailes »
28
avril 1932
Dans
l’Aéronautique nationale
Décoré
de la médaille militaire
Jouquan
JOUQUAN
sans « T »: si l’on n’a pas trouvé la trace d’un homonyme dans l’aéronautique
militaire de cette époque et si l’orthographe des patronymes était souvent
aléatoire, Jean JOUQUANT n’avait pas encore 25 ans et il n’avait pas encore été
admis dans le corps des sous-officiers de carrière. Ce n’est donc pas de lui
dont il s’agit : il recevra bien la médaille militaire, mais plus tard
comme on le verra plus loin...
Toujours grâce au Journal Officiel
on peut de suivre la suite de sa carrière :
Journal
officiel :
17
août 1932
Admission
dans le corps des sous-officiers de carrière (2ème trimestre 1932)
22ème
Régiment d’Aviation
Personnel
navigant
Jouquant
(Jean), sergent
Il obtient son permis de conduire civil en septembre 1933 : il
est alors domicilié 11, rue du faubourg Saint-Jean à Chartres.
Tout change, la page est
tournée : la maison située à cette adresse au pied du talus de la voie
ferrée existait encore en 2015. Elle a été démolie en 2016 dans le cadre de
l’importante rénovation du quartier de la gare de Chartres entreprise par la
ville. Coïncidence, c’est aussi en 2016 que tous les vieux bâtiments de l’Armée
de l’Air en ruines (casernes Neigre et d’Aboville datant des années 1870), qui, faute d’avoir été
entretenus – et c’est bien dommage -, avaient fini par défigurer le paysage en
arrivant de Paris dans la belle ville de chartres, ont été impitoyablement
rasés par la municipalité.
Un peu d’histoire...
Collection F-X. Bibert
La caserne « Neigre », aussi
appelée « Cachemback » du nom du cabaretier
qui tenait un débit de boisson à proximité, a hébergé initialement les soldats
du 4ème escadron du Train des Equipages Militaires d’où la présence
de beaucoup de chevaux à Chartres, mais il ne s’agissait pas, comme écrit
souvent par erreur, d’un régiment de cavalerie.
Collection F-X. Bibert
Le quartier d’Aboville pour sa part était
une annexe du quartier Rapp installé dans les bâtiments de l'ancienne abbaye
Saint-Père (attribuée à la ville de Chartres après la confiscation des
bâtiments conventuels pendant la révolution). Il abritait avant la première
guerre l’important 26ème régiment d’artillerie.
Journal
officiel :
6
avril 1934
Ministère
de l’Air
Nomination
Personnel
navigant
2ème
tour au choix
Jouquant
(Jean), sergent, base aérienne n°122
C’est à l’automne de cette même
année que les premiers exemplaires du nouveau bombardier Bloch 200, moteur
Gnome Rhône Mistral-Major, destinés théoriquement à remplacer progressivement
les Lioré et Olivier LeO 20,
arrivent à Chartres. Comme déjà indiqué en haut de cette page, Jean JOUQUANT
est aux commandes d’un des six appareils qui vont faire un tour de France de
présentation du 12 au 18 octobre 1934, par Reims, Nancy, Metz, Dijon, Lyon,
Istres, Toulouse, Cazaux, Châteauroux, Avord et Tours, avec escale sur chacun
de ces terrains et démonstration aux officiers des formations visitées.
Avril
1929 - Arrivée à Chartres de Jean JOUQUANT
Vols
d’acclimatation sur bimoteurs à la 6ème escadrille
Octobre
1934 – Tour de France sur Bloch 200
Jean JOUQUANT a placé dans sa
collection la photographie ci-dessous, qui est bien celle de deux Bloch 200,
mais rien n’indique que ce sont réellement les appareils en question de la 22ème
demi-brigade.
Bombardier
Bloch 200 – 1934
|
|
Dans la collection de Jean
JOUQUANT figurent aussi quelques images qui n’ont sans doute pas toutes de
rapport direct avec la carrière du pilote : des appareils de passage à
Chartres, appareils qui ont attiré son attention, photos aériennes.
|
|
Morane
Saulnier MS.230 – Vers 1932 |
Potez
390 A2 |
|
|
Douglas
DC-2 « PH-AJU » néerlandais - Accidenté le 20/12/1934 |
Photographie
aérienne prise à partir d’un appareil du 22ème RA Vers
1932 - Château et chapelle Royale de Dreux |
Jean
JOUQUANT – Années 30
Le Bloch 200 n’était toujours pas
l’avion moderne dont l’Armée de l’Air française avait besoin, tout comme son
développement, le Bloch 210 avec train d’atterrissage rétractable, à peine plus
rapide et plus stable. Les avions de Monsieur Marcel BLOCH, futur Marcel
DASSAULT à son retour des camps en 1945, furent rapidement surnommés « les
cercueils volants » et d’ailleurs, une fois la guerre arrivée 4 ans plus
tard, ceux qui furent en désespoir de cause et stupidement envoyés en zone de
guerre se firent massacrer.
L’Amiot 143 qui avait été
développé à la même époque était-il la solution miracle ? Il n’équipera
finalement que quelques unités françaises avant la guerre, dont le 22ème
de Chartres à partir de mi-1935. Ce « belvédère volant » ne valait
guère mieux. Il relevait du même concept complètement obsolète: « il ne faut pas aller trop vite pour
bien viser et si les mitrailleuses de défense de l’avion balayent tout
l’espace, aucun chasseur ennemi ne pourra s’approcher ! » On sait
que les équipages se posaient bien des questions ; beaucoup, dans ce qui
avait été rebaptisé alors « L’Aviation
Lourde de défense » tentèrent d’obtenir une autre affectation ;
les hommes n’étaient pas dupes, surtout que le mot « Bombardement » avait été proscrit par le front
populaire pour ne pas faire passer la France pour belliciste aux yeux du
Chancelier du Reich, qui, dans le même temps, réarmait sans vergogne son pays
sous le regard de tous en mettant au point des appareils modernes bientôt
testés avec succès en Espagne, sans que
l’Etat Major français en tire les conclusions qui s’imposaient. Qui s’est
préoccupé en France de Guernica ?
Amiot 143
- Première escadrille du GB I/22 (1er Groupe de la 22ème
EB)
Chartres -
1935
Traditions
VB 109
« Diable,
les ailes déployées, qui lance une grenade enflammée »
Descriptif
technique de l’Amiot 143
Cependant, dans le même temps où
l’Amiot 143 devait venir remplacer le LeO 20,
une évolution quadrimoteurs de ce dernier, le LeO
206, avait vu le jour et quelques uns de ces monstres
furent justement affectés à la première escadrille du GB I/22 où servait le
sergent-chef Jean JOUQUANT.
Il fit son dernier vol sur Bloch
200, le n°15, en décembre 1935 et se retrouva aux commandes de différents LeO 206 pendant l’année 1935 pour près de 80 heures,
entrecoupées de quelques vols sur LeO 20,
Breguet 19 et Potez 25 de liaison (environ 20 heures).
Le 7 mai 1935, il eu l’honneur de faire découvrir le quadrimoteurs au Général
MOUCHARD, commandant de la 12ème Brigade Aérienne, venu assister le
5 aux obsèques du s/c LAMIELLE, un pilote de chasse, qui s’était tué 3 jours
plus tôt sur son Nieuport.
Le 7 août 1935, il embarquait le
colonel DE GREFFIER, commandant de la 52ème escadre aérienne dans le
cadre des grandes manœuvres de la D.A.T (défense Aérienne du Territoire).
Le LeO
206 ne s’averra pas être encore la bonne solution
pour l’état-major...
Le 16 janvier 1936, Jean
JOUQUANT commença donc à se familiariser comme second pilote sur Amiot 143 et
vola comme premier pilote à partir de mi-février jusqu’à la fin de
l’année : 106h 40, auxquelles il faut ajouter une vingtaine d’heures
sur des LeO 20 pendant les quelques semaines ou
les Amiot étaient cloués au sol pour des problèmes de mise au point.
Jean
JOUQUANT et son équipage sous l’aile de son Amiot 143
Pour les hommes de la 22ème
EB, les coups durs ne furent malheureusement pas moins nombreux avec ce nouvel
avion. Jean JOUQUANT a conservé dans sa boîte à souvenirs les photos d’un
tragique accident qui a pu être identifié : c’est celui d’un appareil de
son escadrille, le n°26, qui eut lieu le 28 juillet 1936 à Aunay-sous-Auneau,
15 km à l’est de Chartres. Quatre des hommes d’équipage furent tués :
Les escadrilles de Bombardement de
Chartres devant faire de la place pour celles de la Chasse et les installations
étant insuffisantes pour y maintenir 6 escadrilles équipées de ces gros
appareils nécessitant des effectifs importants, une nouvelle réorganisation de
l’Armée de l’Air fut décidée. Le second groupe (VB 101 et BR 113) fut
déplacé à Avord pour former la nouvelle 15ème escadre en décembre
1935 et les premier et troisième groupes, devenant GB I/22 (VB 109 et
VB 125) et GB II/22 (CAP 130 et CAP 115) quittèrent
Chartres en septembre 1936 pour s’installer 70 km au sud, sur le terrain
d’Orléans-Bricy. Jean JOUQUANT, fit partie des 30
officiers, 280 sous officiers, 350 hommes du rang et
leurs familles qui subirent cet exode.
Épave de
l’Amiot 143 n°26 codé « 2 » du GB I/22 – 1ère escadrille –
VB 109
Aunay-sous-Auneau
– 28 juillet 1936
C’est à bord de l’Amiot n°35 que
Jean JOUQUANT quitta Chartres pour Orléans-Bricy le
23 décembre 1936 avec le s/lt BEAUDOUIN : un
petit vol de 35 minutes.
Décembre
1936 – Janvier 1937 : de Chartres à Orléans
1937 / 1939 ORLÉANS
Base
d’Orléans-Bricy – Mars 1939
Collection Franck Roumy
Toujours grâce au Journal Officiel
(sur Internet via Gallica) on peut
suivre l’évolution de la carrière de Jean JOUQUANT.
Journal
officiel :
2
février 1937
Ministère
de l’Air
Inscription
au tableau d’avancement
Pour
le grade d’adjudant
Personnel
navigant (pilotes)
n°132
- Jouquant (Jean), sergent-chef, base aérienne de Chartres
Journal
officiel :
19
juin 1937
Ministère
de l’Air
Nomination
Au
grade d’adjudant
Personnel
navigant (pilotes)
2e
tour (choix), Jouquant Jean, sergent-chef
A Orléans-Bricy,
au cours des deux années ½ qui vont conduire à la guerre quelques faits
marquants ont concernés Jean JOUQUANT.
1) Tout le mois de novembre 1937, il est
détaché à Meknès à la 63ème Escadre de Bombardement. Il y a convoyé
au départ de Romorantin, via Kairouan, le LeO 206
n°32, a fait quelques allers-retours entre Meknès, Rabat, Casablanca et
Marrakech, et a ramené finalement à Bricy, via Alger,
Tunis et la Corse, l’Amiot 143 n°61 : un périple de plus de 7400 km.
Date |
Altitude |
Heures de vol |
Trajet |
LeO 206 n°36 |
|
|
|
29/10/1937 |
1000 |
2h 40 |
Romorantin - Lyon |
30/10/1937 |
800 |
2h 25 |
Lyon - Istres |
09/11/1937 |
3000 |
6h 50 |
Istres - Kairouan |
12/11/1937 |
2000 |
6h 20 |
Kairouan - Alger (Maison Blanche) |
13/11/1937 |
2500 |
5h 55 |
Alger (Maison Blanche) - Meknès |
15/11/1937 |
1500 |
2h 30 |
Meknès - Marrakech |
|
|
26h 40 |
|
Amiot 143 n°51 |
|
|
|
26/11/1937 |
1500 |
2h 05 |
Marrakech - Meknès |
27/11/1937 |
1500 |
4h 40 |
Meknès - Alger |
29/11/1937 |
700 |
3h 45 |
Alger - Laghouat - Ouargla |
30/11/1937 |
600 |
4h 35 |
Ouargla - Touggourt - Tunis |
06/12/1937 |
500 |
4h 00 |
Tunis - Bastia |
07/12/1937 |
1800 |
2h 30 |
Istres - Bastia |
07/12/1937 |
1500 |
2h 25 |
Istres - Avord |
08/12/1937 |
200 |
0h 40 |
Avord - Bricy |
|
|
24h 40 |
|
Profil
du Lioré et Olivier LeO 20
2) Le 14 juillet 1938, il
participe au grand défilé aérien au dessus des
Champs-Élysées à Paris aux commandes de l’Amiot 143 n°63.
3) Le 14 juillet 1939, toujours au
dessus des Champs-Élysées à Paris il participe encore au dernier défilé
aérien de l’avant-guerre, mais cette fois
aux commandes d’un Bloch 131, le n°105.
Le
Figaro - Défilé du 14juillet 1939 à Paris
Pas de trace de la nomination de
Jean JOUQUANT comme adjudant-chef dans la collection du « Journal
Officiel », mais c’est à ce grade qu’il est cité au printemps 1940 dans
l’historique de son groupe ; il a sans doute été nommé en 1939.
De cette époque les seules autres
images conservées par Jean JOUQUANT sont les deux magnifiques photographies
ci-dessous : un Potez 540 du Groupe de Reconnaissance GR 1/52 - traditions
BR 220 - basé à Nancy qui s’est peut-être posé un jour à Orléans-Bricy...
Potez 540
- GR 1/52 - BR 220 - Basé à Nancy
Pour en revenir aux Amiot 143 que Jean
JOUQUANT a pilotés à Orléans-Bricy, on peut se
reporter à l’excellent ouvrage de Jérôme RIBEIRO et
En octobre 1938, nouveau
changement d’appareil et de spécialité. La 22ème Escadre
devient unité de reconnaissance et vole dorénavant sur Bloch 131.
Nous n’avons pas trouvé de
photographie de cet appareil dans la collection de Jean JOUQUANT. Celle qui est
présentée ci-dessous, avec un insigne du deuxième groupe (GR II/22), fait
partie de la collection de M. J-P. BONORA que nous remercions.
Bloch 131
– GR II//22 - 3ème escadrille – CAP 130 (Gypaète bleu) – Orléans-Bricy – 1939
Collection J-P. BONORA
Descriptif
technique du Bloch 131
5ème
carnet de vol de l’adjudant Jean JOUQUANT
Novembre
1938 – Février 1942
En dehors de son aller-retour au
Maroc ; 26h 40 sur LeO 206 et 24h 40
sur Amiot 143, jean JOUQUANT a volé près de 80 heures en 1937, en majorité sur
Amiot 143, dont un peu plus de 6 heures sur des Potez 25 de liaison.
Il a totalisé 127h 15 de vol en
1938 ; 119 heures sur Amiot 143 (dernier vol sur le n°63 en octobre), 5h
30 sur Bloch 131 (premier vol sur le n°105 en novembre) et 2h 45 sur Potez
25.
La guerre s’annonçant,
l’entraînement s’est intensifié légèrement en 1939, puisque jusqu’au départ de
son escadrille vers les frontières du nord-est fin août 1939, le pilote a volé
près de 120 heures sur Bloch 131.
Dans le journal officiel du 26
juillet 1939 on trouve dans la liste ces candidats admis à subir les épreuves
orales du concours d’admission à l’école de l’air (élèves officiers de l’air,
cadre navigant) : Première série - Jouquan (sans « T ») Jean. On n’en sait
malheureusement pas plus.
Il totalise à cette date près de
1 300 heures de vol dont plus de 230 heures de vol de nuit.
Il a 32 ans et il est le père
depuis le 16 août 1936 d’un petit
Le 25
septembre, sur le Bloch 131 n°125, avec le lieutenant COUZINET comme chef de
bord, le lieutenant GASCHET et le sergent WITTMANN, observateurs et
mitrailleurs, il va effectuer son premièr vol de
guerre, avec pour mission de ramener des photographies de nos frontières avec
la Belgique et le Luxembourg.
1939/1940 - LA GUERRE
M. Olivier
BAILLON a publié un bel ouvrage fort détaillé « Historique
de la Base Aérienne d’Orléans-Bricy – 1932 -1940 – Du
centre d’essai à la Base Aérienne 123 (premier tome) ». Il y
écrit :
« Compte tenu du contexte international et des menaces de
guerre avec l'Allemagne, l'Armée de l'Air se prépare et met en place son
organisation du temps de guerre. Pour cela de nombreuses unités d'observation
et de renseignement partent vers les terrains de l’est de la France. Le 27
août 1939, le Groupe de Reconnaissance I/22 (GR I/22) est prêt au
départ ; les onze avions Bloch 131 qui représentent le potentiel de
guerre du Groupe sont rangés sur la piste devant les hangars. Le GR I/22
s'envole pour le terrain de Châtel-Chéhéry, il est
mis à disposition de la 2ème armée. Entre les hangars sur l’aire
cimentée, s'alignent en deux colonnes, les seize véhicules dont cinq avec
remorques qui constituent l'échelon roulant. Le 1er septembre
1939, l'Allemagne envahit la Pologne, c'est le début de la seconde guerre
mondiale. Le 3 septembre, la France et la Grande-Bretagne entrent en guerre
contre l'Allemagne, ainsi débute ce que l'on appellera la « drôle de
guerre ». Durant cette période, le GR I/22 va effectuer des missions
photos sur les régions frontalières des Ardennes, de la Lorraine avec des
incursions en territoire ennemi sur les vallées de la Sarre et de la
Moselle... » |
Dans
l’historique officiel du GR I/22 (SHAA - Service Historique
de l’Armée de l’Air) on en apprend un peu plus :
Groupe
de Reconnaissance I/22 Terrain de
Châtel-Chéhéry du 1er
septembre 39 au 10 février 1940 « ...Le terrain de Châtel-Chéhéry, au
sol marécageux bien que situé sur un plan élevé, ne comporte aucune
installation particulière. Ses dimensions sont assez réduites (environ 800 m.
x 600 m). Il est bordé à l'ouest par la route Nationale 46 de Varenne à
Grandpré. A proximité de cette route se trouve une ferme où le commandant
LUCQUES installera son P.C. A 100 m. de là, un petit bâtiment libre de tout
occupant recevra les bureaux ainsi que le matériel d'équipement du P.N. des
deux Escadrilles. Les avions ont été dispersés sur le pourtour du terrain et des
équipes s'emploient, à les camoufler à l'aide de branchages. A environ
800 m. à l'ouest, en contre bas, et à mi-chemin entre le terrain et le
village de Châtel-Chéhéry se dresse au milieu d’un
nid de verdure, un château dit « l’Abbatiale » (1) dont la façade, de même qu'à l’intérieur de splendides salons,
portent encore les traces des furieux combats qu'y s'y déroulèrent en 1918
pour en chasser les Allemands. Présentement il est occupé exclusivement par
une vénérable châtelaine (2) aux cheveux d'argent et au coeur d'or qui mettra sans réserve à notre disposition
tout ce qui nous paraîtra désirable pour améliorer, sur son domaine, les
conditions d'existence de tout le personnel...» (1) Confusion : il existe un château et
une abbaye (2) plus loin dans le texte : « Madame GUYONNET » |
Jean
JOUQUANT et tout le GR I/22
devant la
porte de l’Abbaye de Châtel-Chéhéry – Hiver 1939
Localisation
de Châtel-Chéhéry entre Reims et le Luxembourg
Les
appareils du GR I/22 camouflés sous des hangars agricoles
Châtel-Chéhéry – Hiver
1939
Collection Olivier Baillon
Les équipages qui vivent à Châtel-Chéhéry dans un inconfort total doivent également se
familiariser avec un nouvel appareil, le Potez 63-11, beaucoup plus rapide et
qui commence enfin à ressembler à un appareil moderne. Il remplace les Bloch
131 progressivement dès octobre 1939.
Profil 3
vues du Potez 63-11 - Avion de reconnaissance – 1940
Potez
63-11
Faits
marquants au GR I/22 (adapté de
l’historique officiel du Groupe)
17 septembre 1939 :
perte d’un équipage de Bloch 131 n°86 composé des lt
LEROY (pilote), lt ROUSSET (chef de bord,
observateur), s/lt CAPDEVILLE (second pilote,
observateur), adj SARON (mitrailleur).
10 décembre 1939 : le
commandant LUCQUES est remplacé par le commandant NAST.
16 décembre 1939 :
départ « sans regrets » des derniers Bloch 131.
23 février 1940 : le
GR I/22 permute à Metz avec le II/22 et est intégré aux Forces Aériennes 103 de
la IIIème Armée.
16 avril 1940 : le
groupe ne dispose plus depuis son arrivée à Metz que de 6 pilotes : cne FLECK, LAINEY, lt HATIER,
MERCOEUR, a/c JOUQUANT, adj ROULLIN, s/c HIMMELSPACH (le 7ème, s/c
HIMMELSPACH vient d’effectuer sa première mission le 16 avril) confirmés sur
Potez 63 pour assurer des missions de guerre. Aussi sont-ils soumis à des
fatigues intenses. Le tour de chacun revient vite, surtout qu’il faut encore
compter avec les permissionnaires. L’ordre de départ d’une mission est attendue
quelquefois deux jours et plus, si les conditions atmosphériques s’y opposent,
mais l’équipage reste en alerte sur le terrain de l‘aube au crépuscule, à
proximité de son hangar, car entre la réception du coup de téléphone ordonnant
le départ et le décollage, il ne doit pas s’écouler plus de 10 minutes.
10 mai 1940 : la
« drôle de guerre » est terminée. La guerre éclair annoncée par
Hitler est déclenchée ce matin. L’aérodrome de Frescaty est attaqué par des
vagues successives d’avions ennemis (1 avion et 1 camion détruit). Un Potez 63
et son équipage ne rentrent pas d’une des 7 missions du jour : s/lt CHAUMONT (observateur), s/lt
PETTETIER (pilote) et s/c CATTOËN (mitrailleur).
12 mai 1940 :
disparition de l’équipage du Potez 63-11 n°444 composé des cne
LAINEY (pilote), cne PRESSARD (observateur), lt DETRIE (observateur), adj GRES (mitrailleur). Bonne
nouvelle 3 semaines plus tard, le 1er juin ces hommes sont annoncés
prisonniers au Luxembourg. Ils ont été mitraillés à 5 500 mètres
d’altitude par le Messerschmitt 109 de l’as allemand Heinz « Pietzsch » BRETNÜTZ du 6./JG53 (35 victoires), mais
ont pu poser leur appareil désemparé avant d’être capturés. Ils ont été
mitraillés à 5 500 mètres d’altitude par le Messerschmitt 109 de l’as
allemand Heinz « Pietzsch » BRETNÜTZ du
6./JG53 (35 victoires), mais ont pu poser leur appareil désemparé avant d’être
capturés.
13 mai 1940 : le
personnel pilote restant disponible au groupe se trouve réduit à 2 officiers, cne FLECK et lt MERCOEUR et 3
s/officiers, a/c JOUQUANT, s/c HIMMELSPACH et a/c SARRAUTE (ce dernier très
fatigué physiquement et nerveusement).
Jusqu’à l’armistice :
très nombreuses missions, beaucoup d’accrochages, quelques pilotes arrivent en renfort. Ordres
et contre-ordres se succèdent pour la nouvelle destination du Groupe, vers
Toul-Ochey (Meurthe et Moselle) où les avions se posent dans l’après-midi du 12
juin, puis vers Auzainvillers (Vosges) où ils
arrivent dans la matinée du 13 pour finalement re-décoller
dans le mauvais temps vers Ambérieu (Ain) en fin d’après-midi, ville que
l’échelon roulant finit par atteindre le 16 au matin après quatre jours
d’errance et de conduite presque ininterrompue. Mais la folle course au sud
avant l’armistice qui se profile va continuer vers Montélimar (Drôme) le 17
juin, vers Lézignan (Aude) le 18 juin,
avec un nouveau contre-ordre en cours de route : retour sur ses
pas, direction Marseille cette fois.
Le détail de l’activité aérienne
de l’adjudant JOUQUANT est donné sur une page annexe représentant (lien) le dépouillement complet de son carnet de
vol n°5.Toutes ses missions de guerre y figurent.
Jean JOUQUANT a vécu l’épisode du
repli de son Groupe vers la Méditerranée d’une façon plus originale. Au départ
de ses camarades, il est resté en fait à Metz-Frescaty avec un mécanicien,
l’a/c GELOUX et un radio, le s/c TRUCHOT pour tenter de sauver un Potez 63 dont
on était en train de changer un des moteurs. L’opération n’a pas pu aboutir et
l’appareil est devenu inutilisable. L’équipage s’est mis spontanément à la
disposition d’un G.A.O. (Groupe Aérien d’Observation) également en cours de
repli et a convoyé un de ses appareils. Après maintes péripéties, ces trois
hommes ont retrouvé quelques éléments épars du GR I/22 le matin du 19 juin au
moment ou ceux-ci s’apprêtaient à quitter Lézignan
(Aude) pour Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône). C’est dans cette ville, au
cours du déjeuner, que les hommes hébétés entendirent le vieux Maréchal
annoncer la demande d’armistice à leur grand désespoir.
Ordre est donné au Groupe de
gagner l’Algérie. L’échelon roulant gagne Marseille pour trouver un
embarquement, l’échelon volant rejoint Perpignan le 20.
Mais il est dit que le GR I/22
sera malheureux jusqu’au bout : les lt MERCOEUR
(pilote), adj/c GUARNERI (observateur) et sgt/c
JOCQUEL (mécanicien), partis de Metz quelques jours avant la débâcle pour
convoyer un avion, se sont posés en panne dans la nature. Après bien des
péripéties pendant 10 jours, ils rejoignent l’échelon roulant à Marseille le 21
juin. Le lieutenant MERCOEUR et ses camarades se proposent pour convoyer un Lioré et Olivier LeO 45 de
Salon-de-Provence en A.F.N. L’avion s’écrase au décollage et prend feu :
tous tués !
Le lieutenant HATIER, un pilote
détaché momentanément au Groupe et n’ayant pas pu récupérer un LeO 45 à Marignane (équipages au complet), arrive lui aussi
à rejoindre Marseille le même jour. Il se trouve en voiture avec le lt GIMONET, responsable de l’embarquement du matériel
roulant, l’a/c MONTEIL, commandant cet échelon roulant et un chauffeur, le
soldat ROUSSILLON, quand des avions italiens bombardent la ville à 18h 50
et atteignent leur automobile : l’a/c MONTEIL est tué, les autres sont
blessés.
A ce moment, ce 21 juin, l’échelon
roulant est déjà en mer depuis deux heures sur le « Champollion » qui
a échappé aux avions de la « Regia Aeronautica », tandis que les Potez du Groupe, après
une traversée impeccable et 2h 50 de vol, se trouvent depuis la fin de
matinée sur le terrain d’Alger Maison-Blanche, totalement saturé par les débris
de l’Armée de l’Air française.
L’épopée
du Potez 63 de Jean JOUQUANT vers l’A.F.N
et la Peugeot 302 dans laquelle
l’a/c MONTEIL a été tué le 21 juin 1940 Collection Olivier Baillon
– Droits réservés
Après l’armistice – DAKAR
Le 22 juin 1940, les Potez 63 du
GR I/22 quittent Alger pour Rabat. Le premier groupe, avec Jean JOUQUANT,
faisant une escale à Oran, et le second groupe à Fès. Le lendemain 23 juin les
pilotes et les membres des équipages, épuisés autant physiquement que
moralement, enfin en sécurité, découvrent au Maroc le terrain de Oulad-Okba (un petit terrain de desserrement mal connu
situé quelques kilomètres au sud de Rabat, à ne pas confondre avec la localité
de Oulad-Okba, 200 km au sud de Meknès à la frontière
algérienne, qui disposait d’un terrain
d’aviation plus connu). Le 24 juin le
« Champollion » accoste à Oran : les hommes de l’échelon roulant
y passent la nuit avant d’être dirigés vers Rabat. La désastreuse campagne de
France est terminée pour ces hommes, bousculés par l’Histoire d’une manière
imprévue, épisode incompréhensible pour eux, incompréhension qui deviendra
totale quelques jours plus tard avec le drame de Mers el-Kébir.
Ordre
« C » n°70 Le
Général Commandant en Chef VUILLEMIN commandant en chef des forces aériennes cite à
l’ordre de l’ARMÉE AÉRIENNE le
GROUPE DE RECONNAISSANCE I/22 « Sous l’énergique impulsion de son chef, le lieutenant-colonel
SAVART, s’est dépensé sans compter pendant 8 mois de guerre fournissant au
commandement des renseignement les plus précis, recueillis souvent très loin
en territoire ennemi. En particulier, pendant les mois de mai et juin 1940, malgré une
chasse et une D.C.A. ennemies très actives, malgré plusieurs bombardements
intenses de sa base, a accompli avec brio, des reconnaissances stratégiques
profondes, tous les équipages, commandant de groupe en tête, faisant preuve
d’un cran et d’un dévouement au-dessus de tout éloge. A effectué plus de 3 000 clichés photographiques chez
l’ennemi. » |
Quelques jours après son installation
en terre marocaine, le Groupe toucha de nouveaux appareils. Il s’agit cette
fois de Glenn Martin 167 « Maryland » de fabrication américaine. Ce
bombardier moyen avait fait l’objet de trois commandes par la France aux
Etats-Unis au cours de l’année 1939 pour environ 330 appareils. 5 Groupes de
bombardement en étaient équipés lors de l’attaque allemande du 10 mai
1940 : ils eurent des résultats convenables et peu de pertes. En juin 1940
près de 250 appareils neufs étaient soit montés, soit en cours de montage, soit
encore en caisse à Casablanca.
Glenn
Martin 167 « Maryland »
Si la silhouette de cet appareil
ressemble à s’y méprendre à celle du Bloch 131 que le Groupe utilisa pendant
quelques mois en 1939, il possède en fait des performances bien
supérieures : moteurs de 1 200 Cv (+ 30%), vitesse de 480 km/h
(+45%), plus petit, moins lourd, beaucoup mieux armé, même rayon d’action de
1 000 km mais pouvant être doublé avec des réservoirs supplémentaires et
un même emport de bombes de (800 kg). Après l’armistice, quelques
« Glenn » de le France de Vichy furent utilisés au cours de la
tragique campagne du Levant contre les forces anglo / australo / Français
libres. (mai-juin 1941 : perte de plusieurs appareils). Ensuite beaucoup
furent désarmés, les autres servant seulement d’avion de liaison. Quelques
exemplaires étaient encore en service à la fin des années 1940 au GLAM.
Après l’attaque anglaise de Mers
el-Kébir des bombardements de représailles furent effectués sur Gibraltar par
l’Armée de l’Air française d’A.F.N. Le GR I/22 accomplit quelques missions de
reconnaissance pour en observer les résultats, puis petit à petit, faute
d’essence et en fonction des restrictions de vol fixées par la commission
d’armistice franco-italienne le Groupe I/22, comme toutes les unités aérienne
hétéroclites présentes ou évacuées dans toute l’A.F.N., entra en léthargie.
Ce fut le temps de la rédaction
des citations et la distribution aux hommes et aux unités de médailles et de
promotions.
Rien dans l’état actuel de nos
connaissances ne permet d’en dire plus sur ce que fut l’activité de Jean
JOUQUANT en A.F.N. hormis une photo de août 1944 notée au dos « Service
des Liaisons Aériennes » démontrant qu’il ne faisait plus partie à cette
date du GR I/22 (1) et de connaître les circonstances de son retour dans l’hexagone.
Seules les photographies présentes dans sa collection, ne pouvant pas être
datées, en donnent la trame.
|
(1) Une réorganisation de l'aviation d'Afrique
du Nord aboutit, le 1er janvier 1943, à la fusion de la 2ème escadrille du
groupe I/52 avec le I/22, qui subit une profonde restructuration en février
1944. Volant maintenant sur Lioré et Olivier LeO 45, commandé par le commandant Esparre, le groupe gagna Oued Zem, puis Biskra en avril
pour prendre part à la campagne de Tunisie. En mai et juin 1944 les équipages
se sont familiarisés à Rabat-Salé avec les B-26 « Marauder »
américains. Le 1er septembre 1944 le groupe devient Groupe de Bombardement
Moyen I/22 « Maroc ». |
|
|
Cérémonie de remise de
décorations sur l’aérodrome de Rabat-Ville (hangars parfaitement
reconnaissables). Le sous-officier à droite, en tenue d'été, porte l'insigne
de la 3ème escadrille du GC II/4 (SPA 160 –
« "Diable rouge ») qui après Meknès se trouvait aussi à Rabat
en août 40. Le GR I/22 participait à cette cérémonie : Jean JOUQUANT est
le 5ème en partant de la droite. Il vient de recevoir la médaille
militaire : on est donc à l’automne 1940 (voir plus bas) |
Devant un
Glenn Martin 167, Jean JOUQUANT et toute la première escadrille du GR I/22,
sans doute début 1942. Le pilote porte sa médaille militaire et la croix de
guerre qu’il vient sans doute de recevoir. Sur le fanion de l’escadrille, les
traditions de la VB 109 : « Diable, les ailes déployées, qui
lance une grenade enflammée ». On est donc au début de l’année 1942 (voir plus bas).
24
octobre 1940
Médaille
militaire
« JOUQUANT
(Jean), adjudant-chef (active), groupe de reconnaissance I/22: sous-officier ancien,
dévoué. Malgré la fatigue, la dépression due à une santé parfois déficiente, il
a fait tout son devoir et s'est distingué à plusieurs reprises dans l'exécution
de missions qui lui ont valu deux citations. »
Journal
officiel :
2
janvier 1942
Nouvelle
Croix de guerre instituée par le décret du 29 mars 1941
JOUQUANT (J) A.C. (G.R. I/22) 1 B
A cette date les insignes du GR
I/22 ont déjà été transformés légèrement : la première escadrille
VB 109 se voit attribuer de nouvelles couleurs et le « Pierrot »
de la seconde escadrille est maintenant dessiné à l'intérieur d'un ovale étoilé
avec la mention VOI 125.
|
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1ère escadrille GR I/22 –
VB 105 Ancienne représentation |
2ème escadrille GR I/22
–VB 105 Nouvelle représentation |
|
|
1ère escadrille GR I/22
–VB 125 Ancienne représentation |
2ème escadrille GR I/22 –
VB 125 Nouvelle représentation |
6ème
carnet de vol de l’adjudant Jean JOUQUANT
Novembre
1938 – Février 1942
Avec un
dessin original à la gouache du « Diable, les ailes déployées, qui lance
une grenade enflammée » - Traditions VB 109 de la 1ère
escadrille du GR I/22
Jean JOUQUANT a fait son premier
vol sur Glenn Martin le 24 juillet 1940. Il a accompli jusqu’en octobre moins
d’une heure de vol par mois, 4 à 6 heures de novembre à Février 1941 et aucun
vol en mars et avril. A partir de mai, avec la crise syrienne, le GR I/22 a pu
reprendre un entraînement plus intensif, avec l’accord de la commission
d’armistice, en prévision d’un éventuel départ vers cette zone de conflit.
Cette fâcheuse « campagne
du Levant » (plus de 3 000 morts et autant de blessés), totalement
ignorée de nos jours par les jeunes générations, a opposé de mai à juillet 41
les forces françaises de Vichy à la coalition Anglo / Australo / Francais Libres qui voulait s’emparer des protectorats
français de la Syrie et du Liban, afin de couper la route de l’Egypte aux
forces allemandes et italiennes présentes en Sicile et en Grèce. La situation
des forces vichystes était devenue sans espoir début juillet. Malgré cela le GR
I/22 de Rabat eut pour mission d’envoyer 5 avions en renfort. Jean JOUQUANT
pilotait un des 5 appareils.
Les 5 Glenn Martin firent escale
sur des terrains d’aviation italiens à Brindisi et allemands à Athènes pour
arriver à Alep le 6 juillet 1941...
... avec l’ordre pour 4 d’entre
eux de repartir aussitôt pour éviter d’être capturés par les Anglais !
Carnet
de vol n°6 de Jean JOUQUANT Les deux pages de juillet et d’août
A noter
en juillet : vers la Syrie - Escales à Brindisi et à Athènes
A noter
en août : vols sur des Bloch 131 utilisés comme avions de liaison
Jean
JOUQUANT pour sa part a été rapatrié comme passager en métropole dès le 8
juillet à bord d’un avion de ligne Dewoitine 338 (le fleuron d’Air France à
l’époque) jusqu’à Athènes, puis jusqu’à Marignane sur un Farman 222, un des
rares et monstrueux quadrimoteurs français de ce type encore en état de voler.
Dewoitine
338
Farman
222
Rien ne précise dans son carnet
individuel comment il est revenu à Rabat, mais il n’a revolé sur Glenn Martin
au Maroc que le 30 juillet 1941.
Il a sans doute du rester sur Marseille, en attendant un bateau ou un avion
pour l’A.F.N., du 9 juillet jusque vers le 20 ou 25 juillet 1941.
Il n’est pas impossible que la
photo ci-dessous, dans une ville qui semble européenne, où il est en tenue
d’été avec des chaussures claires, ait pu été faite à Marseille ou aux
alentours à cette période.
Après la signature de
l’armistice de Saint-Jean d’Acre du 14 juillet, les 30 000 hommes français
qui étaient encore au Levant, dont des aviateurs ayant eu moins de chance que
Jean JOUQUANT, se trouvèrent prisonniers des alliés. Très peu rejoignirent la
France Libre au grand désespoir du Général De Gaulle, et ils furent peu à peu
rapatriés sur Marseille en août et septembre, en particulier par le paquebot
« Maréchal Lyautey ». Il existe beaucoup de photographies de ces
militaires qui vécurent ces quelques jours à Marseille comme de « petites
vacances » après le traumatisme du à cette nouvelle campagne militaire
perdue !
Date et
lieu non déterminés
Peut-être
en juillet 1941 à Marseille
Avec les carnets de vol, le
passeport de Paulette JOUQUANT, son épouse, a été aussi retrouvé. Née à Pantin
en 1910, mariée dans cette même ville en 1936, elle résida après l’armistice à
Issoudun, en zone libre, avec son jeune fils
« Passeport n°1470, visé par la
Préfecture de l’Indre pour permettre à Mme. Jouquant née Bard, accompagnée de
son fils Mme JOUQUANT est autorisée à entrer en
zone française du Maroc par Oran, Oudjda, à
destination de Rabat (autorisation de visa n°6225 accordée le 4 novembre 1940
par B.C.U. à Rabat (Maroc). Châteauroux, le 8 décembre 1940. |
Bien entendu elle ne rentra pas
et elle put ainsi passer le reste de la guerre avec son mari, dans des
conditions, certes précaires, mais cependant meilleures que celles qui n’eurent
pas l’audace de braver l’administration.
Le 31 mai 1945, la guerre enfin
terminée, une prorogation de son Passeport fut établie et elle put s’embarquer
à Oran le 16 mai 1945 pour rejoindre l’hexagone.
Après son « escapade »
en Syrie, Jean JOUQUANT n’a pratiquement plus volé : une quinzaine de vols
pour une dizaine d’heures, entre le 30 juillet et le 14 octobre 1941. Il
faisait toujours partie du GR I/22, mais son carnet de vol porte les mentions « n’a pas volé » pour les mois
de novembre 1941 à juin 1942.
Aucune indication ensuite
jusqu’au 8 décembre 1943. Après cette date, aucune mention de son affectation,
mais il a accompli une douzaine de petits vols comme « observateur »
jusqu’en avril 1944 sur des Caudron C.445 « Goéland » ou des Caudron
C.635 « Simoun » : les immatriculations et les numéros
permettent de savoir que c’était des appareils du « Service des Liaisons
Aériennes » mis en place par l’Etat Français à l’automne 1940 et qui
étaient encore opérationnels en A.F.N. après le débarquement anglo-américain de
novembre 1942.
Nous ne savons pas à ce jour ce
que fut l’activité de Jean JOUQUANT de novembre 41 à décembre 1943 et les
raisons pour lesquelles il fut affecté au « Service des Liaisons Aériennes
Air Maroc », mais à partir du 19 juin 1944 il pilote de nouveau, quasiment
tous les jours, pour transporter des passagers entre Rabat et les principales
villes du Maroc, et ce, jusqu’à un accident, le premier depuis 1926, dont il
fut victime le 26 octobre 1944 (voir
plus bas).
Passeport
de Paulette JOUQUANT – De Marseille à Oujda (Maroc)
(Voir plus haut)
Janvier
1943 - Caudron C.445 « Goéland » n°233 – F-BAGJ
C’est
justement sur cet appareil que le 8/12/1943 que Jean JOUQUANT vola à nouveau
(comme « observateur ») après 2 ans d’inactivité aérienne
Partie de
Chasse - Rabat – Date indéterminée
A/c Jean
JOUQUANT – Rabat – Date indéterminée
Jardinage
– Rabat – Date indéterminée
A 150 km à
l'ouest de Rabat, vol au dessus des ruines de
Volubilis,
ville
antique berbère puis romanisée, capitale du royaume de Maurétanie
A/c Jean
JOUQUANT - Rabat – Date indéterminée
Date et
lieu non déterminés
Jean
JOUQUANT au « Service des Liaisons Aériennes » (noté au dos) - 24 août
1944 (notée à la craie sur la cahute)
26 octobre
1944 – Rabat - Accident de l’adjudant-chef JOUQUANT - Caudron C.635
« Simoun » n° 482
Le 26 octobre 1944 Jean JOUQUANT décolla de
Rabat dans le Caudron Simoun n°482 avec le commandant OHROIX et le s/c CHALARD
comme passagers. Cinq minutes plus tard, probablement suite à un incident
technique, l’avion s’abîma dans un jardin potager à proximité du terrain. Le
pilote était encore adjudant-chef.
Sur la première page de son
dernier carnet de vol en date du 19 mai 1945, il est sous-lieutenant :
signature du lieutenant JACOB, commandant la S.L.A.A.M. (Section des Liaisons
Aériennes Air Maroc).
On sait par sa famille qu’il a
eu la mâchoire fracturée, ce qui lui vaudra d’ailleurs la médaille des blessés
de guerre (voir plus bas).
Il a repris son service en
février : deux vols comme second pilote avec son chef, le lieutenant
JACOB, aux commandes du Cessna C-78 n°849, appareil américain, puis du Caudron
C.445 Simoun n°276. Il a été de nouveau premier pilote à plein temps à partir
du 9 mars 1945 et a volé très régulièrement
(21 h en mars, 53 h en avril, 36h en mai).
Il a été muté en France au GLAM
(Groupe des Liaisons Aériennes Ministérielles à Villacoublay) et a quitté le
Maroc en juin, concomitamment à son épouse et son fils : il a été passager
d’un Simoun militaire jusqu’à Alger et d’un Dakota jusqu’au Bourget (date exacte non indiquée).
Aux commandes de Caudron Goéland
et Simoun, de Cessna C-78, de Nord 1000, et de Siebel 204
« Martinet », il a alors parcouru l’hexagone intensivement (45 à 80 h
par mois jusque fin septembre) et a eu une activité réduite pour le reste de
l’année (moins de 10°h par mois).
|
Insigne
du GLAM |
Pour l’année 1946, le carnet de
vol est vierge, à part deux navettes sur le Junkers 52 n°287 de l’équipage s/lt PERRIN, adj. GENSON et SIMON : Villacoublay- La
Rochelle – Villacoublay le 7 août avec 10 et 11 passagers, Villacoublay – La
Rochelle - Salon de Provence – Villacoublay le lendemain 8 août avec de 2 à 3
passagers. Les raisons de ces deux navettes aériennes risquent de rester
longtemps mystérieuses, mais cela ne changera pas la face du monde !
Le s/lt
Jean JOUQUANT au GLAM effectuait les mêmes missions, sur les mêmes appareils,
que la célèbre aviatrice Maryse HILSZ,
également s/lt au GLAM à la même époque. Détentrice
entre 1931 et 1937 d’un nombre impressionnant de records dont le plus célèbre
est celui du 23 décembre 1937, en 92 heures 31 minutes et 30 secondes avec un
Caudron Renault « Simoun » de 220 chevaux, elle bâtit en effet le
précédent record d'
C’est aux commandes du Siebel
NC 701 « Martinet » n°26 du GLAM que Maryse HILSZ se tua près
de Bourg-en Bresse le 30 janvier 1946, victime du mauvais temps, avec les s/lt BETOU, MERLIN et ROUSSET.
Un très beau portrait de
l’aviatrice a été retrouvé dans la « boîte à souvenirs » de son
camarade Jean JOUQUANT.
|
Cessna
C-78 « Bobcat » |
|
Nord
1000 « Pingouin » |
|
Siebel
204 « Martinet » |
Nota : ces profils ne correspondent
pas forcément aux couleurs du GLAM |
Carte
d’accréditation de Jean JOUQUANT au GLAM
En 1949, Jean JOUQUANT était en
retraite militaire quand la Légion d’Honneur lui fut décernée le 15 juillet. Sa
Croix lui sera remise le 11 novembre de la même année.
11
novembre 1949 – Sur le parvis de l’ancienne gare d’Orléans
Jean
JOUQUANT en civil reçoit sa croix de la Légion d’Honneur
Nouveau drame de l’aviation le 6
juillet 1952 dont fut victime une autre Maryse, aussi aviatrice célèbre,
qui a du toucher notre pilote : Maryse BASTIÉ, était
titulaire de plusieurs record dans les années 1930 et sa traversée de
l’atlantique sud de Dakar à Natal, le 30 décembre 1936, seule à bord d'un
Caudron Simoun, un mois à peine après la disparition de Mermoz avec qui elle
avait déjà fait ce parcours, avait eu un retentissement mondial. Elle était
entrée au « Service de Relations Publiques du Centre d'Essais en
Vol » (C.E.V.) en 1951 et trouva la mort avec 5 autres personnes dans
l'accident du du Nord N.2501 « Noratlas » n°02 F-WFUN, à l’issue d’un meeting aérien
à l'aéroport de Lyon-Bron.
Des obsèques grandioses furent
organisées le 11 juillet 1942 aux Invalides en présence de très hautes
Personnalités, dont le Général
Martial VALIN, Général de Corps Aérien (4 étoiles), Inspecteur Général
de l’Armée de l’Air.
Dans la « boîte à
souvenirs », ce superbe agrandissement d’une photographie mythique de
l’aviatrice et une vingtaine de tirages 13x18 des clichés officiels de l’Armée
de l’Air pris lors de cette cérémonie.
Lieutenant
Maryse Bastié
Voir les
photographies des obsèques de Maryse BASTIÉ
Reprise de service...
On retrouve
Jean JOUQUANT en 1956 à Orléans-Bricy. Il a déjà pris
sa retraite, mais il rempile pour « donner un coup de main » pendant
la guerre d’Algérie. Il est lieutenant et terminera définitivement sa carrière
militaire capitaine, comme on peut le voir sur sa nouvelle carte d’identité militaire.
Il est alors adjoint à l’officier des ordinaires.
Dernière carte d’identité militaire de Jean JOUQUANT
Signature :
Colonel BARTHÉLÉMY et Colonel HABEZ –
Commandant de la base 123
A cette
époque Jean JOUQUANT possède une Salmson G72
Jean JOUQUANT en 1956 à Orléans-Bricy -
Photographie faite devant le mess de la troupe
Pour terminer en beauté l’évocation de la carrière de Jean JOUQUANT
et en savoir plus sur sa personnalité, on a la chance de posséder un témoignage
le concernant, écrit par Robert CHAUVIN (décédé au début de 2016) et publié
dans un vieux numéro de l'ANTAM (Association Nationale du Transport Aérien
Militaire).
Une Mission à
Madagascar Après être
rentré de Chypre (Opération 700) le 24 décembre 1956 et avoir pris quelques
jours de permission bien mérités, je vis à mon retour, en consultant les
ordres de vol, que j'étais désigné pour une belle mission : Orléans - Le
Bourget - Alger - Aoulef -Zinder - Bangui - Entébé - Dar es Salam – Tananarive Ivato -
Saint-Denis-de-la-Réunîon et retour par
Elisabethville (Lumumbashi) - Stanleyville
(Kisangani) - Fort-Lamy (N'Djamena) -Tamanrasset, le tout avec le N 2501
n°49, F‑RAND. À belle mission,
équipage « retaillé » : ·
Chef de bord (NCB) : cne MAUBERT (le regretté Joany) ·
Pilotes : sgt MARTIN et sgt GHILARDI ·
Mécaniciens navigant (MecNav) ADJ THÉVENNOT assisté de l'ADJ BENOÎT (alias La
Seringue) du GERMaS ·
Convoyeuse, Miss Marie-Aimée
CALVEL (alias Pépita) ·
Radio, votre serviteur (alias
l'Autruche) - et surtout un
passager service, le lieutenant JOUQUANT, qui se présentait ainsi : « Jean
JOUQUANT je veux, breton, petit, trapu et sobre, breveté en 24 à
Thionville ». C'était un
ancien pilote retraité, qui avait rempilé à plus de 50 ans pour se rendre
utile pendant la guerre d'Algérie. Il remplissait à Bricy
les fonctions d'adjoint à l'officier des ordinaires. Personnage haut en
couleurs, il ne passait pas inaperçu. Il descendait à Tana pour voir le
caporal L’équipage à Saint-Denis
de la Réunion – A droite, A sa gauche Marie-Aimée
CALVEL (Pépita) (1) En approchant
Tana, j'avais par radio, fait prévenir son fils de notre arrivée; les
retrouvailles à la descente de l'avion furent émouvantes. Mais au cours de la
soirée, le fils expliqua à son père que normalement, il devrait être en
convalescence à Antsirabé, malheureusement il n'y
avait pas de véhicule pour l'y transporter. « On verra
ça demain » dit le père. Le lendemain,
alors que nous étions au bureau de piste, le lt
JOUQUANT arrive donc avec son fils et demande à la cantonade : « Qui c'est
le patron ici ? » Après s'être
consulté du regard, un des contrôleurs (il y avait un lieutenant et trois ou
quatre sous-offs) lui répond : « Le chef
des moyens généraux est le commandant X... » « Ça ne
m'intéresse pas. C'est le grand patron que je veux » « Alors
c'est le colonel Y... qui commande la base » «Je m'en fiche. C'est le
grand patron que je veux » « Mais Mon
Lieutenant, au-dessus du colonel, il n'y a que le général FLEURQUIN » «Voilà ce qu'il
fallait me dire tout de suite. Passez-moi votre téléphone. Allo
Central ? Passez-moi le général FLEURQUIN ». « » « Non, pas
son secrétariat, le général lui-même ». « » « Allo !
Ah, c'est le secrétaire ? Passez-moi votre patron ! » « » « De la
part du lieutenant JOUQUANT » « » «Allo !
C'est toi FLEURQUIN ! Dis donc, c'est pas facile pour t'avoir ». « Ben oui,
c'est moi, Jean JOUQUANT, lequel veux-tu que ce soit ? Bon, dis donc,
voilà ce qui m'amène, je suis à Ivato avec mon fils qui fait son service ici
et qui doit partir en convalescence à Antsirabé et
il paraît qu'il n'y a pas de véhicule pour le transporter. Est-ce que tu peux
m'arranger ça ? » « » « Je suis
au bureau de piste » « Dans un
quart d'heure ? OK ! ». Un bon quart
d'heure plus tard, le téléphone sonne et un sous-off se précipite pour
décrocher : « Mes
respects mon Général, je vous le passe » « C'est
pour vous » dit-il à JOUQUANT en lui tendant le combiné. « Allo !
Alors tu m'as trouvé une voiture ? » « » « Comment ?
Y a pas de voiture ? Mais dis donc... » « Ah !
Bon ! Un avion du G.L.A. Demain matin. OK. Un Ju 52 ? Moi tu sais
je m'en fiche, du moment que le gamin part en convalo ». « » « OK !
On bouffe ensemble ce soir. Ça va nous rajeunir». Et se retournant
vers nous il nous dit « Vous voyez ! Il
suffit de frapper à la bonne porte». Il faut dire, à
la décharge du personnel du bureau de piste qui était dans ses petits
souliers, que le général FLEURQUIN avait la réputation de ne pas être
commode. Or nous devions
décoller le matin même pour la Réunion, mais le moteur gauche qui avait déjà donné
des signes de faiblesse à Zinder décida de décalaminer au décollage. Le
dépannage demandé à Bricy ne devant arriver que
deux jours plus tard, nous avons profité de l'occasion, et c'est un équipage
de Noratlas au grand complet qui a accompagné le
caporal JOUQUANT à Antsirabé, où nous avons passé
une excellente journée après un bon repas au centre de repos qui n'était
autre que l'hôtel que Sa Majesté Mohamed V, roi du Maroc, avait quitté peu de
temps auparavant avec toute sa smala. Le Ju 52 à Antsirabé – Jean JOUQUANT à gauche – Cne
MAUBERT en short J'ignorais qu'un
an et demi plus tard, j'aurai le plaisir d'en refaire quelques centaines
d'heures au GSRA 78. Cette belle
mission le fut en réalité bien plus que prévu. En effet, arrivés à Tana le 20
janvier, nous en sommes repartis le 29 pour Saint-Denis et, après avoir
redécalaminé au décollage de Saint-Denis, nous n'en sommes repartis que le 27
février, bien malgré nous, même si l'on nous a fortement soupçonnés d'avoir
provoqué une panne de château. Mais ceci est une autre histoire. Robert CHAUVIN Le Noratlas
n°49 de Robert CHAUVIN en panne à la Réunion Photographie
Robert CHAUVIN - Collection Olivier Baillon –
Droits réservés (1) Pour l'anecdote, Pépita (la convoyeuse) avait fait un chèque d'un gros
montant en francs métropolitains lors de leur passage à la Réunion. et
s'était aperçu après coup que le franc qui avait court était le franc
« colonie » qui avait 100 fois moins de valeur. (information :
Franck Roumy) |
De sa main, le détail des vols de retour de Jean JOUQUANT
De Madagascar, Tananarive / Ivato à Orléans-Bricy
4 jours – 34h 35 de vol
Comme l’attestent ces documents officiels pour des vols de retour,
Jean
JOUQUANT a effectué au moins deux voyages à Madagascar en 1957
Aide mémoire pour piloter un Nord 2501
Voir et
télécharger ce document en haute définition
Une permission du Lieutenant Jean JOUQUANT
30 jours
en janvier 1958
|
|
Légion d’Honneur Médaille militaire Croix de guerre : le vert ayant viré au jaune Croix du combattant : décolorée... Médaille des blessés de guerre : décolorée |
Accessoires
d’un uniforme de Jean JOUQUANT |
La
barrette de décorations du capitaine Jean JOUQUANT |
Pour ceux qui voudraient en savoir
éventuellement plus, des éléments du dossier militaire de Jean JOUQUANT peuvent
être consultés au S.H.D. (Service Historique de la Défense) de Vincennes.
JOUQUANT, Jean-Baptiste capitaine 26/08/1907 AI 1 P 38858 1 |
Soyez
patients pour avoir un rendez-vous, et bon courage !!!
Compléments de la collection JOUQUANT
Cérémonie
de remise de médailles
Unité,
date et lieu inconnus
SNCASO
SO-4050 « Vautour » dé présérie
Juillet
1957 – Orléans-Bricy
Cette photo a été utilisée pour la
rédaction d’un livre consacré au « Vautour »
Carte
postale : « L’Armée de l’Air en Indochine – À l’E.R.O.M. 80 »
Grumman
F8F-1 Bearcat - Mission de reconnaissance
photographique
La marche
des disciplinaires
A.S.F. 4107
le 13/12/43 La marche des
disciplinaires Il
est sur la terre africaine Mais
qu’es que ça fout après tout on s’en fout REFRAIN En
marchant sur la grand-route Mais
qu’es que ça fout après tout on s’en fout 2iéme Couplet Mais
comme on n'a jamais eu d'veine |
Ayant pour croix une baïonnette Mais
qu’es que ça fout après tout on s’en fout 3iéme Couplet Aux
confins de tripolitaine Contre
une bande d’Italiens Ils
sont partis une trentaine Dans
le désert brûlant sans fin Mais
bientôt aux flingots solides C’est
aux couteaux plus meurtriers Que
la bagarre se décide Entre
joyeux et réguliers Mais
qu’es que ça fout après tout on s’en fout 4iéme Couplet J'ai
vu tomber un pauvre gosse Mais
qu’es que ça fout après tout on s’en fout |
J'AI REVU CE JOUR-LA J'ai
revu ce jour-là des figures de vingt ans Qui
s'étaient égrenées au vent du souvenir Et
avec les amis j'ai retrouvé le temps Ou
nous ne pensions pas au verbe devenir. Ce
fut comme un retour des heures d'autrefois Et
les amours perdues reprirent leur emprise Et
les amis perdus, qu'on oublie trop parfois, Etaient
là, avec nous, malgré nos tempes grises. J'ai
entendu de partout jaillir des boutades, Des
: «C'était la fois où.. Tu t'en souviens du Jour ?..» Et
ce qu'on a pu rire au rappel d'un bon tour Journée
des disparus, journée de ceux qui furent, Journée
de retrouvailles au parfum d'aventures, Merci
d'être le lien de tous nos camarades. Commandant P. TRIQUET |
SOUVENIR SOUVENIR Il
vous en souvient les anciens Des
vieilles trapanelles à hélices, Elles
ont longtemps fait nos délices Quand
on comptait le temps pour rien, Vous
en souvient'il les copains Des
Morane, Potez, Hispano ? Des
haubans et des cordes à piano, Du
parfum subtil du ricin ? Du
bas de soie des jolies filles Porté
sous le casque de cuir ? Mais
les cheveux ont pu s'enfuir, Il
reste les histoires d'escadrilles ! Du
Goéland qui plus tard fait sérieux Avec
ses quatre cent quarante bourriques, Et
même des hélices électriques ! Et
qui paraissait tellement mieux. Du
temps du pilotage aux fesses? Qui
meurt lorsque naît Q.D.M.! Beau
et triste métier qu'on aime, Avec
doigté, avec adresse. Eparpillés
sur bien des pistes, Des
camarades malchanceux ?, Du
faux plaisir d'être de ceux, Qui
n:ont pas allongé la liste ? Le
souvenir est seul témoin, Et
ces années qu'on croyait folles, N'étaient,
il s'en faut, pas très drôles ; Hais
nous avions trente ans de moins. Et
tout cela se concrétise, Une
fois l'An quant Juin revient, On
rajeunit, on se souvient, On
revit les mêmes bêtises |
Souvenirs d’
Recto-verso
d’un morceau de nappe en papier d’une table de restaurant où des camarades de
Jean JOUQUANT ont festoyé le 30 mai 1967
AUGER –
GARAN – GRANDJEAN – HIMMELSPACH
2004 –
Lettre d’
vieux
camarade de Jean JOUQUANT
« Vous ferez lire ça à ses
descendants » : vœux exaucés par cette page Internet !
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