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Les HOMMES du
GROUPE de CHASSE GC III/6
(3/6) La guerre
de Joseph Adolphe BIBERT 1939-1944 Première
partie I. de CHARTRES à BOUILLANCY |
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Lien : MORANE SAULNIER MS
406 |
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Lien : DEWOITINE D.520 |
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Lien vers la seconde partie :
II. de
WEZ-THUISY au LUC-en-PROVENCE NOUVEAU (02/03/2020) |
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Page relookée et
complétée en janvier 2020
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« Les Hommes du GC III/6 » AVERTISSEMENT Ce site n’est pas le
« Site Officiel » du GC III/6. C’est un simple témoignage, un
peu documenté, rédigé par le fils d’un mécanicien de ce Groupe de Chasse, qui
regrette de n’avoir pas pu en savoir plus du vivant de son Père, resté
toujours pudique sur « sa guerre ». On comprend toujours trop tard
que c’est la somme des « petites histoires » qui font l’
« Histoire », comme l’a si bien écrit le neveu du commandant
Castanier. Je suis entré à l’Ecole des Pupilles de l’Air de Grenoble en 1955,
j’avais 10 ans, et j’ai passé toute mon adolescence loin de mes parents,
parce qu’ils avaient pensé à juste titre que cette belle école de l’Armée de
l’Air me donnerait de bonnes armes pour réussir dans la vie. J’ai donc été
élevé dans l’environnement d’Officiers et de Sous-officiers aviateurs, dont
beaucoup avaient été meurtris par la guerre de 1939/1945, puis par celle
d’Indochine et qui cependant faisaient de leur mieux pour que les jeunes fils
de leurs camarades, dont beaucoup avaient perdu la vie lors de ces conflits, puissent
s’épanouir. J’ai un souvenir précis de l’année 1958, lorsque le général de
Gaulle est revenu au pouvoir, mais je n’ai compris que beaucoup plus tard ce
qui s’était passé à l’Ecole, ces Officiers qui ont été brutalement appelés
ailleurs, ceux qui sont arrivés bizarrement sans être attendus, les rumeurs
qui courraient, les histoires que les plus grands racontaient. Je n’ai
compris que beaucoup plus tard que les milliers d’Aviateurs qui avaient
soutenu le Maréchal trop longtemps et les quelques centaines de ceux qui
s’étaient trouvés dans le bon train de l’Histoire avec le Général, soit par
pur engagement personnel, soit par un heureux concours de circonstances, ne
s’étaient pas encore complètement retrouvés si longtemps après la défaite
de 1940 et la victoire de 1945. Je n’ai compris que beaucoup plus tard que de
nombreuses blessures n’étaient pas refermées, que le degré de satisfaction
des uns n’avait d’égal que celui de la frustration des autres. Je n’ai
compris que beaucoup plus tard que les événements d’Algérie seraient pour ces
hommes une nouvelle épreuve qui allait encore fractionner les différentes
mouvances. J’ai voulu alors essayer de comprendre ce qu’un petit militaire de
carrière comme mon Père, et par extension tous ces français anonymes comme
mes parents, avaient dans la tête pendant leur traversée des années de
guerre. J’ai réuni les quelques archives familiales qui existaient encore et
j’ai commencé à fouiller l’Histoire en général et celle de l’aviation en
particulier. Puis, j’ai entrepris d’écrire cette « poussière
d’histoire » et chemin faisant, je me suis dit que j’avais finalement
autant de crédibilité qu’un autre pour aller au-delà des simples faits et
tenter l’analyse. J’ai eu envie de parler du soldat
armurier Marchal qui est mort sous les bombes allemandes lors du
bombardement de l’aérodrome de Coulommiers où stationnait le GC III/6 le
26/04/1940, de montrer quelques images inédites des
obscurs mécaniciens qui faisaient chaque nuit des miracles pour que les
avions blessés puissent voler le lendemain, d’évoquer aussi le destin des
jeunes pilotes qui ont malheureusement perdu la vie et non pas seulement
celui des Gloires du Groupe, la partie émergée de l’Iceberg. A côté du
célèbre mais décrié Le miracle d’Internet est que rien n’est figé, que tout peut être
modifié et que rien n’est jamais terminé. Merci à tous ceux qui par
leurs travaux précédents m’ont permis d’en arriver là. Merci d’avance aussi à tous
ceux qui ouvriront ces pages et qui pourraient m’aider à corriger
d’inévitables erreurs et à les enrichir par de nouveaux témoignages ou
documents. |
SOMMAIRE de la
PREMIÈRE PARTIE Cliquez sur les liens ci-dessous |
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Avant le départ en guerre du 27/08/1939 |
27/08/1939
– 3/09/1939 |
3/09/1939
- 15/11/1939 |
Pour quitter cette page et aller directement à
a seconde partie de « l’Histoire du GC III/6 » - Wez-Thuisy |
L’histoire
du GC III/6 rédigée ici, fruit de plusieurs années de travail, ne se lit pas comme un livre ! Si
elle est présentée en trois parties, sur trois pages Internet principales
constituant simplement le squelette de ce récit, de multiples pages complémentaires (une centaine) s’ouvrent en
cascade à partir des liens soulignés (de couleur bleu-vif) : album de
photographies, biographies, articles de presses, etc. etc. A chacun d’ouvrir
ces pages comme un dictionnaire,
dont on n’a jamais fait complètement le tour, d’où le besoin et l’envie d’y revenir pour compléter son information
et, je j’espère, son plaisir... |
Ces trois
pages principales, pour ne pas les surcharger, ne contiennent qu’une partie
des photographies mises en ligne. La plupart de celles prises par Joseph
Bibert, plus personnelles, se trouvent dans les pages annexes « Album de Joseph Bibert »
ou dans les pages de biographies de
pilotes accessibles par différents liens posés chapitre par chapitre. De
même, si le récit est chronologique, ce n’est pas un « journal »
puisque l’historique du Groupe et
les livres de marche de ses deux
Escadrilles, documents officiels au jour le jour, ont été retranscrits et
mis en ligne dans trois pages annexes accessibles par les liens
suivants : |
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Joseph BIBERT – JEUNESSE et ENGAGEMENT
1913 : MARCKOLSHEIM – 1931 :
BORDEAUX – 1933 CHÂTEAUROUX...
Au début de l’été 1939 le sergent-chef Joseph Adolphe BIBERT a 26
ans. Il est alsacien et orphelin. Né avant 1914 à Marckolsheim,
il a été « réintégré de plein droit dans la qualité de français » le
19 février 1920 en exécution du traité de paix du 28 juin 1919. Ce 19 février
1920 d’ailleurs, Raymond Poincaré venait de céder son poste de Président de la
République à Paul Deschanel et la France passait du septennat de la victoire à
celui de la reconstruction. Xavier BIBERT, le père de Joseph Adolphe, allemand
puisque né après 1870, était tailleur d’habits. Il n’avait pas manié un fusil
depuis bien longtemps quand il a été tué en 1918, à l’âge de 45 ans, dans les
rangs de l’armée allemande le dernier mois de la guerre, après avoir été
rappelé pour le front malgré son âge. Engagé dans l’armée de l’air en 1931 à
Sélestat, Joseph a été breveté mécanicien avion le 6 août 1932 à
Bordeaux où il a appris le métier au « Centre des Spécialités de
l’Aviation Militaire », Camp Guynemer. Son brevet porte le numéro 643.
Plaque d’identification
militaire de Joseph BIBERT – Sélestat - 1933 – N° 286
1932 : CHATEAUROUX –
1934 : CHARTRES
1936 : DJIBOUTI
Il vient de passer un séjour
continu de 27 mois ½ à Djibouti au sein de la Formation Aérienne de cette
petite colonie française de la mer rouge, équipée de Potez 25 TOE et de Potez 29. Ceux-ci assurent des
missions de reconnaissance, de protection et de transport sanitaire le long des
frontières des colonies italiennes de Somalie au sud et de l’Erythrée au nord,
et surtout de l’Ethiopie à l’ouest, pays que vient de conquérir sauvagement
l’Italie de Mussolini, sans que la Grande Bretagne présente à Suez et à Aden et
la France présente à Djibouti ne lèvent le petit doigt, comme ces pays le
feront encore à Munich quelques années plus tard.
Il a été nommé sergent-chef
le premier janvier 1939.
Pour son retour en France il
s’est embarqué le 17 avril sur le « Bernardin
de Saint-Pierre » et après une traversée de 12 jours, le passage du
Canal de Suez et une escale à Port-Saïd, il a débarqué à Marseille le 29 avril
pour rejoindre Chartres où il a été affecté à la 6ème escadre
aérienne, sur l’importante BA
122.
Album des photographies n°1 de Joseph Bibert -
De mars 1914 à avril 1939
Cliquez sur le bandeau des
miniatures ci-dessus pour ouvrir la page contenant ces photos
Nouveau – Février 2019 – DJIBOUTI L’album des photographies n°1 de Joseph Bibert, accessible par
le lien ci-dessus, n’est qu’un petit résumé de son enfance et de son parcours
dans l’armée de l’air avant le début de la seconde guerre mondiale. Du fait que les débuts de l’Aviation Militaire à Djibouti
(1933/1939) est un sujet très peu étudié et donc peu connu, une page
spécifique a été mise en ligne en février 2019, pour partager avec le plus
grand nombre la collection exceptionnelle de photographies de cette période
faites (à) ou ramenées de Djibouti par le sergent Joseph BIBERT. Des recherches approfondies sur l’histoire de la colonie de la
« Côte Française des Somalis » ont été menées entre-temps et sont
résumées dans cette nouvelle page (lien
ci-dessous) pour légender et replacer ces images inédites, accompagnées
de nombreux documents complémentaires, dans leur contexte historique et
développer celui-ci. Quelques pages annexes, liées à cette nouvelle page, sont
accessibles dans celle-ci pour encore approfondir le sujet. Le sergent
Joseph BIBERT à DJIBOUTI – 1936/1939 |
1939 : CHARTRES
Lien vers les pages de ce site consacrées à :
l’Aviation
militaire à Chartres d’avant-guerre
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1939 – Julienne CHÉDEVILLE et sa carte de
visite |
Avant son départ pour Djibouti,
de 1934 à 1936, Joseph BIBERT avait déjà été affecté à Chartres (BA 122) à la
seconde Escadrille du GC 1/6, SPA 12, équipée de Nieuport Delage 629.
C’est dans cette ville qu’il connut Julienne CHEDEVILLE,
également orpheline de guerre puisque son père Julien avait été tué le premier
mois de la guerre, quelques jours après la naissance de sa fille. Elle habitait
rue Saint-Chéron, juste à proximité du terrain d’aviation... Sans être
officiellement engagés l’un envers l’autre, ils correspondirent cependant
régulièrement tout au long de ces deux années, et finalement, pendant les
quelques heures qu’ils pourront passer ensemble en cette fin du mois d’avril
1939 pour leurs retrouvailles, ils feront le projet de se marier avant la fin
de l’été. Aussi loin que l’on puisse remonter dans les archives d’Eure et Loir,
vers 1600, les CHÉDEVILLE ont été tâcherons vignerons. Mais à la fin du 19ème
siècle, quand le vignoble chartrain a été définitivement vaincu par le
phylloxera et la concurrence des vins du midi de la France rendue possible par
les chemins de fer, les vignerons durent se reconvertir.
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1939 – Le
terrain d’aviation de Chartres à proximité de la rue Saint-Chéron |
Groupe de
Chasse GC I/6 - 1ère Escadrille SPA 96 (tête de gaulois) et 2ème Escadrille SPA 12 (fanion
bleu et blanc) |
Joseph bénéficie d’un congé
de fin de campagne de 3 mois et ½ et il regagne son village natal de
Marckolsheim en Alsace où sa mère Elisabeth BIBERT, veuve depuis 1918 vit seule
et difficilement de ses maigres allocations et de ce qu’elle peut retirer de quelques
petits travaux ménagers, avec sa fille Elisa BIBERT âgé de 29 ans, serveuse
dans un hôtel, et sa petite fille Marie Jeanne BIBERT âgée de seulement un an.
Le trois juin, Marcel Cerdan devient champion d’Europe de boxe à Milan…
Mais ses congés seront de
courte durée car la situation internationale se dégrade et l’orage gronde déjà.
Le 22 mai à Berlin Ribbentrop et Ciano signent le pacte d’acier
germano-italien. Par circulaire du 24 mai tous les militaires de carrière en
congés voient leur permission annulée ; le 12 juin 1939, Joseph BIBERT
doit regagner précipitamment le bataillon de l’air 122 de la base de Chartres
commandée alors par le Général PINSARD, glorieux pilote de la guerre 14/18..
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Après son
séjour de 2 ½ ans à Djibouti, Joseph BIBERT bénéficie d’un congé de 4
mois... |
... mais les
évènements internationaux le rappellent au bout de 6 semaines à reprendre du service
au GC III/6 |
La toute
petite solde d’un sergent mécanicien de l’Armée de l’Air française en 1939 ! |
Il rejoint le Groupe de
chasse III/6, nouvellement créé qui vient d’être équipé de Morane Saulnier 406
flambant neuf, venant de l’entrepôt de Châteaudun. Le GC III/6 est
constitué de deux Escadrilles ; la 5ème, masque tragédie qui se
rendra particulièrement célèbre avec Le GLOAN, futur As français
de la « Campagne de France » et la 6ème, masque comédie. Pour
l’histoire, il faut savoir que les insignes de ce nouveau Groupe aérien ne
seront choisis par le commandant CASTANIER
et peints sur les Morane qu’en février 1940. En effet le capitaine DE PLACE,
qui commande alors le Groupe nouvellement créé, a considéré qu’en la matière,
il ne peut y avoir de droits acquis et que ses pilotes « feront eux-mêmes
leurs traditions ».
A cette époque, vanité
française habituelle, le Morane
Saulnier 406 est considéré par les responsables politiques et militaires et
les médias comme « le meilleur chasseur du monde ». Mais sa mise en
fabrication a tardé, les installations industrielles permettant de le produire
en grande série sont désuètes et il faudra l’expérience des premiers combats
pour comprendre ce qu’il en est vraiment, avec sa vitesse et son armement tout
à fait insuffisants ; il ne vole qu’à 450 km/h à 5000 mètres d’altitude,
et, tirant 1200 coups à la minute, les deux mitrailleuses d’ailes M.A.C. 34 de
7,5mm vident leur chargeur à barillet de 300 cartouches en 15 secondes !
De plus, elles gèlent en altitude à cause de leurs commandes pneumatiques et
leur système de fixation dans les ailes prend rapidement du jeu, d’où une
précision aléatoire. Le canon Hispano-Suiza type 9 de 20mm installé dans l’axe
du moteur tire 350 coups à la minute. Il dispose généralement d’un barillet de
70 obus, dont 60 utiles tirés en 12 secondes. Cette arme aux bonnes
performances est malheureusement peu sûre et elle sera remplacée par le fameux canon HS 404.
Celui-ci est une belle et bonne arme qui tire maintenant 700 coups à la minute
avec le même chargeur, ce qui lui confère une grande puissance de feu mais
pendant seulement 6 secondes, temps bien court pour ajuster correctement sa
cible ! Malheureusement les obus utilisés sont de médiocre qualité car ils
ont une fusée trop sensible qui explose au moindre
|
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1939 – Le Morane 406 n’est pas le meilleur
chasseur du monde ! |
On était pourtant prévenu ! |
1939 – Les Groupes de Chasse disposent d’un
ou deux Potez 630 de liaison |
L’entraînement du
GC III/6 est intensif et les permissions sont rares. L’Armée de l’Air
manque d’ailleurs cruellement de pilotes et de spécialistes instruits et
l’arrivée de nouveaux éléments se fait au compte-goutte, malgré les promesses
faites par le général
d’HARCOURT, Inspecteur Général, qui a visité le Groupe le 3 mai.
Pour les pilotes, le passage
du Dewoitine 500 ou du Loire 46 au Morane 406 est une certaine révolution. Il
faut qu’ils s’habituent au pilotage en conduite intérieure, au train
d’atterrissage escamotable, à l’utilisation d’une hélice à pas variable, aux volets
d’intrados et à une vitesse d’atterrissage beaucoup plus élevée. Mais ils
apprécient grandement la mise en route du moteur au démarreur de carlingue et
le meilleur confort général de leur appareil. Pour les mécaniciens, par contre,
toutes ces technologies nouvelles sont souvent un casse-tête et elles
nécessitent de longues heures de formations spécifiques accélérées.
C’est le passage d’un avion à
aile haute à un avion à aile basse qui pose en fait le plus de problèmes aux
pilotes car la vision de leur environnement est toute différente ; pour le
vol en patrouille, la position des équipiers devra être longuement étudiée et
modifiée pour permettre des évolutions rapides et le décalage en hauteur
sensiblement augmenté.
Profil du Morane Saulnier MS 406 n°174 affecté
en 1939 à la 6ème escadrille du GC III/6 à Chartres
Les avions de ce Groupe ne portent pas encore d’insigne : les
« Traditions » n’ont pas été encore choisies
Pendant tout le mois de juin
les vols sur Morane sont suspendus. En effet plusieurs accidents où incidents,
dus d’ailleurs tout autant à l’inexpérience de certains pilotes qu’au matériel,
font que les mécaniciens sont mis à contribution 7 jour sur 7, pour réparer les
appareils froissés et faire les modifications nécessaires sur tous les autres.
Pendant ce temps les pilotes continuent à s’entraîner sur des 4 POTEZ 630 dont
le Groupe dispose.
Mais quand les vols
d’entraînement reprennent, ce n’est pas encore la fin des incidents ou
accidents ! C’est ainsi que le 26 juillet le sergent-chef Joseph KULLING,
pourtant expérimenté, met en pylône le Morane 406 n°169. Les images extrêmement spectaculaires de cet
accident ont fait l’objet de nombreuses publications (Photos : G. GAUTHIER – Droits réservés).
Voir : Le
spectaculaire pylône du MS.406 n°169 réalisé par le sergent-chef KULLING
Du 26 juillet au 13 août, le
III/6 participe avec le II/6, également basé à Chartres, à de grandes manœuvres
de tir à Perpignan La Salanque. Les mécaniciens sont du voyage et sont fiers de
se faire photographier devant les magnifiques Morane 406 du Groupe encore
flambant neufs.
Le 23 août 1939 Hitler et
Staline signent le pacte germano-soviétique. La messe est dite…
Album des photographies n°II
de Joseph Bibert – d’avril 1939 à août 1939
Cliquez sur le bandeau des
miniatures ci-dessus pour ouvrir la page contenant ces photos
VILLACOUBLAY
27/08/1939
– 3/09/1939
Lien vers la page :
Les
aérodromes du Groupe de Chasse GC III/6 de la campagne de France
Les faire-part du mariage de
Joseph BIBERT et de Julienne CHÉDEVILLE étaient imprimés pour la date du 31
août, mais celui-ci ne pourra bien sûr pas avoir lieu. Le dimanche 27 août
1939, à deux heures du matin, c’est l’alerte générale pour le GC III/6, en
application de la mesure 582, la première du plan de mobilisation. La ville est
réveillée par les motocyclettes, les voitures et les camions envoyés
« ramasser » dans l’obscurité les officiers et les sous-officiers qui
logent à Chartres. Tout se passe en bon ordre et à 6 heures précises,
c'est-à-dire comme prévu à H+4, le long convoi des véhicules de l’échelon
roulant s’ébranle en direction de Rambouillet et de Versailles, pour gagner la
base aérienne de Villacoublay, où l’état-major a décidé de positionner le
GC III/6 préventivement : voir carte.
Témoignage d’un officier
de la BA.122 «...éveillé à 2 heures du matin par cette lugubre sonnerie «
La générale » tout le personnel se présente une fois de plus pour la nième
répétition de mise en route qui sera la ...der-des-der ce coup-ci. Dès 3
heures, les hangars prennent l'aspect de véritables usines. A 6h 30, les Matford s'ébranlent ; derrière eux, deux breaks cognent
lamentablement, mais disparaissent à leur tour, emportant on ne sait où tout
le personnel non navigant Puis c'est l'équipement ultra-complet de tous les
appareils qui semblent pleurer une dernière fois leur belle piste de repos.
Harnachés comme des scaphandriers, les pilotes attendent à leur tour le
signal du départ. Attente nerveuse toute la journée.16h 10 : ordre de
décollage. Dans un vrombissement peu commun, cent appareils tour à tour
saluent une dernière fois la cathédrale, sous l'œil plus inquiet que surpris
de la population...» |
L’échelon roulant
comprend :
o
1 motocyclette avec side-car
o
3 voitures de liaison
o
6 camions de 2,5 t.
o
4 camions de 5 t
o
1 camion électricité
o
5 remorques :
·
2 armureries
·
1 ordinaire
·
1 réservoir à eau
·
1 cuisine roulante
L’échelon volant quitte Chartres dans l’après-midi et s’installe sur
le terrain de la Société Morane Saulnier, situé au nord du terrain en bordure
du « Bois du Rocher ».
|
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Prélude à la guerre - 2 septembre 1939 - Sur
le terrain de Villacoublay, l’échelon roulant et l’échelon volant du
GC III/6 sont en attente des ordres... |
Photographies Georges GAUTHIER – Droits réservés
Le 1er septembre l’Allemagne
envahit la Pologne et la France entre en guerre le 3 septembre. Le 4 septembre
1939 le GC III/6 prend possession de l’aérodrome de campagne de
Betz-Bouillancy dans l’Oise, à côté de Nanteuil-le-Haudouin, à mi-distance
entre Compiègne et Meaux : voir carte.
La guerre du sergent-chef BIBERT et du Groupe de Chasse GC III/6 vient de
commencer !
Le capitaine DE PLACE,
qui est donc son commandant de Groupe, a déjà 18 ans de service. Il est âgé de
36 ans et compte 15 années de pilotage, dont 10 dans la chasse. Nommé capitaine
en 1930, il a été fait chevalier de la légion d’honneur en 1934. Il a passé
trois ans en Syrie et a été blessé deux fois en service aérien. Au moment où il
a pris en main le nouveau Groupe, début mai 1939, il était l’adjoint du colonel
commandant la 8ème escadre de Marignane, après avoir déjà commandé
sept Escadrilles différentes.
C’est grâce à son ardeur
inlassable que les personnels du III/6 vont pouvoir faire face avec
professionnalisme à l’entrée en guerre. Au cours des quatre mois de vie en
commun, leur commandant a multiplié les exercices et les manœuvres, dont la
bénéfique campagne de tir de Perpignan la Salanque, et a poussé à une cadence
accélérée l’instruction des jeunes pilotes, ce qui permet à certains d’entre
eux de tenir honorablement leur place dans une patrouille de combat. Il a
également porté beaucoup d’attention à la formation des mécaniciens, à leur
dotation en matériel et à la logistique en général. Il a réussi en peu de temps
à bien souder ses équipes, malgré la forte personnalité de certains, et il a
été aidé pour cela par un vieux de la vieille, le capitaine CHAINAT, qui
est son officier adjoint tactique.
Le « père CHAINAT »
est l’un des as de la guerre de 1914/18, titulaire de neuf victoires, dont la
plupart obtenues en 1916 pendant la bataille de Verdun. Il pilotait un SPAD de
la SPA 3, l’immortelle « Escadrille des Cigognes » et avait comme
camarade de combat et ami Georges
GUYNEMER. Il a ensuite participé aux opérations aériennes du Maroc et était
avant son affectation à Chartres chef moniteur à l’école de pilotage d’Avord.
Il a rapidement acquis une grande autorité sur l’ensemble du personnel. C’est
un vrai guerrier. Tous sont fiers de servir à ses côtés, heureux et rassurés de
pouvoir profiter de son expérience.
Le vrai patron du personnel
non navigant, est le
lieutenant MIRAND, en charge de l’équipe administrative du Groupe. C’est un
ancien pilote réserviste qui sera un autre collaborateur extrêmement précieux
pour son Commandant. C’est un meneur d’hommes de bon sens et de grande
expérience. Boute-en-train, il ne ménage pas sa peine et il est en permanence
attentif à celle des autres. Il saura se préoccuper du moral de ses
« troupes » pendant toute la campagne, en portant une attention
particulière aux problèmes personnels desplus humbles
(voir son résumé de carrière sur sa fiche matricule).
On trouve également à
l’État-major du Groupe le s/lt BRAUDEAU, jeune
officier de réserve, qui est l’officier mécanicien, auquel le sergent-chef
BIBERT est directement rattaché à l’entrée en campagne, et le lieutenant MELTZ
qui est le médecin. Par contre le capitaine DE PLACE ne dispose ni d’officier
chargé des transmissions, ni d’officier de renseignement.
Le lieutenant
JACOBI qui commande la 5ème Escadrille est un officier de
réserve servant en situation d’activité. Ses officiers pilotes sont les s/lt MARTIN et DE ROUFFIGNAC, déjà expérimentés et les s/lt SALAÜN et COLONGE qui le sont moins. Les s/c GOUJON (voir
un résumé de sa biographie), LE GLOAN et
KULLING (pilote de multiplace) sont
des chefs de patrouille confirmés, chasseurs de grande classe. Les trois autres
jeunes sous-officiers pilotes, le s/c CHARDONNET, les sgt
LAURENT et MERTZISEN,
ont encore une formation insuffisante.
Le lieutenant
GUERRIER qui commande la 6ème Escadrille est un officier de
l’active, sorti de l’école polytechnique, qui a la grande chance d’avoir pour
second le lieutenant LEGRAND, venant des sous-officiers, « vieux
soldat » toujours jeune, chasseur de grande classe, aussi bon chef que
parfait exécutant, sachant avec modestie et discipline transmettre son
expérience et sa foi aux jeunes qu’il entraîne. Parmi les sous-officiers, le sgt DIAZ, déjà excellent chef de patrouille, se distingue
par son dynamisme et son esprit d’initiative. Il est passionné par la mise au
point de l’armement et y consacre beaucoup de son temps au sol. Le s/c ROUSSEL,
le sgt LE GUENNEC et le sgt
GAUTHIER, pilotes de formation récente, n’ont pas encore l’expérience du
travail en équipe. Le s/lt STEUNOU, qui sort de
l’école de l’air, très prometteur, et le sgt
GROSDEMANCHE, qui ont pris en main leur Morane depuis peu, devront encore
compléter leur formation.
Plusieurs pilotes du Groupe
n’ont pas encore un niveau suffisant pour partir en guerre. A la 5ème,
les sergents CASANEUVE,
CAZAC, FAVOTTE, LAURENT et RIGALLEAU sont restés à l’escadron d’entraînement de
Chartres le 27 août 1939, et seul le sergent LAURENT rejoint son escadrille le
3 septembre. Pour sa part, l’aspirant HOUDE de la 6ème est muté à
l’École de Versailles.
Le GC III/6 est une
unité de type II qui devrait posséder théoriquement par Escadrille neufs avions
en ligne et trois de réserve, plus deux avions pour l’état-major, soit 26
avions. Mais il commence la campagne avec seulement 17 appareils ; 8 à la
5ème Escadrille et 9 à la 6ème. Sept MS 406 ont dû être
laissés à Chartes, faute de pilotes confirmés, soit sur le parc, soit dans les
ateliers où certains sont en attente de leur canon !
Cependant le Groupe dispose
de trois Potez 631 de commandement. Comme ils sont susceptibles de rencontrer
l’ennemi, ils ont été équipés de 6 mitrailleuses. Cet appareil a des
performances sensiblement identiques à celles du Morane 406.
Pilotes
du GC III/6 à l’entrée en guerre le 4/09/1939 |
||
État-major |
5ème Escadrille |
6ème Escadrille |
Cne DE PLACE Cne CHAINAT |
Cne JACOBI S/lt
MARTIN S/Lt COLONGE S/lt
de ROUFFIGNAC S/Lt SALAÜN S/c CHARDONNET S/c GOUJON S/c KULLING S/c LE GLOAN Sgt LAURENT Sgt MERTZISEN |
Lt GUERRIER Lt LEGRAND S/Lt
STEUNOU S/c DIAZ S/c ROUSSEL Sgt GAUTHIER Sgt GROSDEMANCHE Sgt LE GUENNEC |
Effectifs
complets (officiers, sous-officiers et homme de troupe) du GC III/6
jusqu’en mai 1940
Même si les titres des journaux sont quasiment
les mêmes, la question semble déjà posée : « Constater et
subir » ou « Anticiper et agir » ?
BETZ - BOUILLANCY
3/09/1939
- 15/11/1939
Lien vers la page :
Les
aérodromes du Groupe de chasse GC III/6 de la campagne de France
LES MISSIONS DE LA CHASSE EN 1939 Afin de rendre plus compréhensibles certains termes techniques,
peut-être n'est-il pas superflu de mentionner brièvement les principales
missions auxquelles l'aviation de chasse doit faire face, selon le règlement
de l'Armée de l'Air qui se trouvait en vigueur en 1939. Les
deux grandes missions de la chasse sont : 1°
de défense aérienne du territoire (D. A. T.) ; 2°
de chasse aux Armées. DÉFENSE
AÉRIENNE DU TERRITOIRE Cette
mission peut être : —
en couverture directe (sur un seul point sensible), sur alerte ou a priori ; —
en couverture orientée (sur une zone ou un ensemble de points sensibles) :
toujours sur alerte ; —
en manœuvres de destruction. L'opération se passe en deux temps : d'abord
prise de CHASSE
AUX ARMÉES Cette
mission est effectuée par les groupes organiques, qui sont affectés à une
grande unité terrestre (comme le G. C. 1/5 affecté à la IIe Armée). La
chasse aux Armées peut être : —
de couverture (et de destruction), soit aux vues de l'ennemi (contre des
avions de reconnaissance ou des ballons), soit aux coups (contre des
bombardiers) ; —
de protection sur zone : quand il s'agit de protéger des avions de
reconnaissance et d'observation ; —
de chasse libre. Enfin,
signalons certaines missions exceptionnelles parfois demandées à la chasse : —
protection spéciale de missions particulières (pour un seul avion). C'est
alors une protection rapprochée. —
attaque des troupes au sol (aviation d'assaut exclusivement pratiquée par les
appareils munis de canons, tels que Bloch et Morane) ; —
reconnaissance. Extrait
de « Un Groupe de Chasse au Combat » de Henri Menjaud
– Arthaud - 1941 |
|
A
Bouillancy en septembre 1939 une des premières photographies : s/lt TANDILLE (?), s/lt de
ROUFFIGNAC (3/6), s/lt COLONGE (3/6), lt BRAUDEAU (3/6) lt MARTIN (3/6), s/lt
STEUNOU (3/6), s/lt de SEYNES (2/6) (de
passage) » |
Les aérodromes de campagne,
qui avaient été préparés « en secret » dans les années 30 par l’état-major,
étaient nombreux en France, mais ils figuraient cependant sur toutes les cartes
Michelin de l’époque alors qu’ils n’étayent pas mentionnés sur les cartes de
l’armée. On racontera d’ailleurs par la suite que des cartes routières Michelin
ont été trouvées dans des épaves d’avions allemands abattus. Situés
généralement en bordure d’un bois pour pouvoir y camoufler les avions et les
échelons roulants, ils étaient constitués sommairement d’une prairie d’environ
800 mètres de long, ce qui suffisait à faire décoller et atterrir les avions de
l’époque, et de citernes de carburant enterrées. Sur certains, un petit abri en
béton pour s’y réfugier pendant les éventuels bombardements avait été cependant
prévu. C’était à peu près tout ! Les pilotes étaient le plus souvent logés
chez l’habitant, comme quelques sous-officiers mécaniciens quand c’était
possible, mais le reste du personnel au sol ne bénéficiait que d’un
cantonnement rudimentaire de campagne.
A Bouillancy, « base
secrète 16J6 » aussi appelée « base Mangin », rien ou presque
n’a été prévu pour le fonctionnement normal d’une unité de chasse en temps de
guerre, et en particulier pour la protection du personnel et du matériel. Faute
de poste de commandement aménagé pour l’état-major, c’est l’autocar du Groupe
qui en fait office. Les Escadrilles bricolent comme elles le peuvent un
semblant de PC. Les appareils sont dispersés sur des bandes de luzerne tout
autour de la plate-forme principale et des deux terrains de desserrement et
simplement recouverts avec les filets de camouflage réglementaires. Les
mécaniciens travaillent donc en plein vent…
On essaye cependant de
procéder au camouflage des lieux suivant les consignes de l’état-major. Les
ordres sont de créer de fausses routes, de fausses haies, de fausses
plateformes, de fausses alvéoles, mais faute de moyens peu de choses seront
finalement réalisées.
Cependant, c’est à
Betz-Bouillancy que seront créées les plus belles « meules
camouflées » connues et dont il n’existe que de rares images. Réalisées en
balles de paille pressée réquisitionnées pour la circonstance, elles ne
résisteront malheureusement pas longtemps à la pluie. Les belles photographies
que Joseph BIBERT en a pris en septembre 1939, avec son superbe appareil Voigtlander 6x9 à soufflet, acheté lors de son séjour en
Côte Française des Somalis, ont donc une valeur historique certaine. Mais ces images
semblent provenir d’une autre époque et témoignent cruellement de la grande
pauvreté des moyens dont les aviateurs français disposaient.
La défense du terrain ne sera
assurée que fin septembre par les moyens de la compagnie de l’air 140/104 ayant
la charge d’administrer le Groupe qui dépend en effet pour ses ravitaillements
du parc 6/104 de Dugny, situé en bordure de l’aérodrome du Bourget. Cette
compagnie met en œuvre deux mitrailleuses Hotchkiss
et un jumelage de mitrailleuses Lewis, qui s’ajoutent aux quatre jumelages de
mitrailleuses Lewis dont dispose en propre le GC III/6, le tout étant
installé sur les quatre coins du terrain. Montées sur des affûts de fortune et
pourvues de lignes de mire Reille-Soult hors d’âge, ces armes sont
malheureusement impropres aux tirs ajustés et ne peuvent effectuer que des tirs
de barrages. En outre, elles vont souffrir beaucoup de la pluie et seuls les Servants
du Groupe GC III/6 ont fait jusqu’à présent quelques exercices de tirs
réels sur des manches remorquées. Il est donc heureux que le terrain n’ait
jamais été attaqué.
Il n’existe pas non plus de
dépôts de munitions. L’infatigable capitaine DE PLACE, dont ce n’est pourtant
pas la responsabilité, envoie en conséquence des voitures chercher des
munitions dans un fort de Paris, puis à Soissons…
Pour héberger les hommes, la
livraison au Groupe de trois tentes-abris A.16 sera réclamée d’urgence par le
Commandant du Groupe et sera finalement prescrite… un mois plus tard par la
note 629 4 MAT TEC RS EMG du 2 octobre, preuve que
l’administration militaire, avec sa lourdeur traditionnelle, ne s’est pas
encore tout à fait adaptée à la situation de guerre ! Personne ne saurait
que ces fameuses tentes sont finalement parvenues à Bouillancy avant que le
GC III/6 en soit parti, si Joseph Bibert n’avait pas écrit dans une lettre
du 26 octobre « ... je reviens de la
nouvelle popote. On a fait une partie de carte. On est très bien le soir au
bar. Un poste de T.S.F. et un bon feu de cheminée. Pourvu que cela dure. Dans
la journée beaucoup de travail. On déménage encore un coup. On nous a monté une
tente : une fois installé on sera mieux que sous la meule de paille. Cela
me fait croire qu’on ne bougera pas d’ici... ».
Extrait du journal de marche
de l’unité administrative du Groupe lors de l’arrivée du Groupe à Bouillancy le
5 septembre : « … nous nous
installons sous un hangar à fourrage situé en plein champ, nous y passons
quelques jours désagréables ; nous quittons ce logis un peu hostile pour
nous installer dans le village de Bouillancy, nous habitons la maison du maire,
notre bureau est installé dans le garage duquel nous transformons le grenier en
chambre à coucher… »
Deux cantonnements seront
finalement organisés pour le personnel et la majeure partie des voitures à
Fosse Martin et à Bouillancy. Mais les ressources sont médiocres, d’autant plus
qu’à cette époque de l’année les récoltes ont déjà été engrangées et que la
compagnie de l’air, arrivée avant le Groupe, occupe déjà les rares bonnes
places ! Il est donc impossible de trouver des lits pour tout le personnel
navigant ! Quant aux autres, pendant les deux premiers mois c’est un peu
le grand n’importe quoi...
Dans ses lettres d’octobre
Joseph, tout en essayant de rassurer les siens sur son sort, leur réclame quand
même un sac de couchage, une paire de gant et des bottes d’aviateur en cuir
fourré... Difficile de maintenir le moral des troupes quand l’hiver approche,
lorsque les grandes fermes des alentours fument le soir pour chauffer les
civils, pas ravis d’avoir l’armée à leurs portes, et que les soldats essayent
de se réchauffer tant bien que mal dans leurs cantonnements de fortune, sans
que le moindre équipement adapté leur soit fourni ! Extraits de lettres de
Joseph :
11
octobre :
Je t’écris ce mot Chérie
pour te rappeler mes besoins :
1) Voir l’adjudant Barreau pour la culotte
2) Finir mon sac de couchage
3) Une paire de gant comme Lulu en a fait une pour Georges
4) Te renseigner sur le prix d’une bonne paire de botte genre
aviateur
14 octobre
J’ai reçu le sac de couchage. Je l’étrennerai ce soir. Je t’en
prie, ne travaille pas trop pour moi, les gants et le passe montagne peuvent
attendre. Il ne fait pas encore si froid. Pour les bottes, c’est d’accord,
essaye d’en avoir une bonne paire, en cuir, pas avec une languette fixe,
pointure 40. Tu peux mettre jusqu’à 350 francs pour avoir quelque chose de
potable. Pour toi Chérie, je t’en prie, ne te prive pas. Achète toi, et les
bottes, et les chaussons, j’y tiens absolument, on s’en sortira toujours...
24 octobre
... j’ai étrenné les bottes ce matin. Je les ai gardé aux pieds.
Elle sont à présent beaucoup plus souple et le ressens moins de gêne...
25 octobre
... il n’y a pas de feu. Je n’ai pas trop chaud...
9 novembre
... je viens de faire une courte lettre pour Maman. Je serais
heureux chérie si tu pouvais lui expédier 500 francs. Je te les rendrai à ta
prochaine visite. Maman a dû avoir beaucoup de frais, surtout pour l’achat du
bois...
La mission générale du
Groupement de Chasse 21, commandé par le général PINSARD installé à Chantilly,
dont dépend le GC III/6, est de couvrir en première urgence la région
parisienne ainsi que la basse Seine de Rouen à Port-Jérôme et au Havre, et en
seconde urgence certains tronçons de voies ferrées stratégiques. Les autres
Groupes qui font partie du 21 sont le III/1 à Chantilly, le I/2 à
Beauvais-Tillé, le III/2 à Cambrai-Niergnies, le II/2 à Clermont-Les-Fermes
avec une Escadrille de guet et les Escadrilles Régionales I et II/561 à
Rouen-Boos et III/561 à Calais Saint-Inglevert. Le général Amand PINSARD, as de
la grande guerre aux 27 victoires, « gonflé à bloc », pilotant
lui-même son Morane 406 surnommé « Le Pirate » aux couleurs de la SPA
23 et célèbre pour ses « bonnes colères », rend visite au Groupe le
15 octobre. Il peut ainsi se rendre compte de la grande misère dans laquelle se
troupe ses aviateurs et les félicite pour les travaux de camouflage entrepris.
Il a pu sans doute aussi informer ceux du III/6 que dès le 8 Septembre 1939 les
Curtiss H75 du GC II/4 basé à Xaffévillers dans les Vosges avaient obtenu
les deux premières victoires de la chasse française en en abattant deux
Messerschmitt Bf 109, mais que le même jour, l'Armée
de l'air avait aussi enregistré son premier avion abattu par la Flak au‑dessus de l'Allemagne, un Mureaux 115 du GAO
553 basé à Strasbourg.
Profil de Srecko Bradi |
Maquette de Régis Biaux |
Le Morane Saulnier 406 personnel, baptisé
« Le Pirate », du Général PINSARD Celui-ci échange le n° 978, qui sera
affecté au GC II/7, contre le n°1019 en novembre Son appareil porte d’insigne de la SPA 26,
la cigogne aux « ailes allongées », où il combattit pendant la
grande guerre |
... à cette époque, vanité française
habituelle et propagande : « tout va très bien Madame la Marquise
... ! » Le Figaro du 5
octobre 1939 LES SUCCÈS DE L' Du 1er septembre au 1er
octobre, notre aviation de reconnaissance, diurne et nocturne, a parcouru les
arrières ennemis à toutes les altitudes comprises entre 50 mètres et 8.000
mètres, pénétrant chaque jour à plusieurs centaines de kilomètres. Toutes les missions de reconnaissance confiées aux
équipages ont été remplies malgré la défense antiaérienne et l'aviation de
chasse ennemie. Les plus profanes peuvent apprécier la valeur d'un tel
résultat et comprendre ce qu'il implique d'héroïsme quotidien. La grande majorité de nos reconnaissances aériennes
ont dû combattre à l'aller et au retour et subir des tirs de barrage parfois
denses et précis. Néanmoins, nous sommes en droit de dire que nos pertes,
toujours douloureuses, hélas sont restées minimes par rapport au nombre des
expéditions et aux résultats obtenus. Quant à notre aviation d'observation, opérant
quotidiennement au-dessus de la ligne de feu pour le compte de l'infanterie
et de l'artillerie, son travail singulièrement méritoire a fourni aux troupes
terrestres tout l'appui qu'elles demandaient, malgré des combats nombreux et
une défense antiaérienne intense. Des milliers de photographies ont été prises. La
ligne Siegfried est ainsi depuis longtemps connue de nos états-majors et les
travaux nouveaux qui y sont effectués sont enregistrés chaque jour. Cette action de nos observateurs n'a été possible
que grâce à l'intervention de notre aviation de chasse et grâce à
l'affirmation de sa supériorité. Depuis le début des opérations actives, tant de
combats aériens ont été livrés par nos chasseurs protégeant notre aviation
d'observation, qu'il est pratiquement impossible de les dénombrer. Quelques
chiffres néanmoins parleront d’eux-mêmes. Du 1er au 30 septembre inclus, près de
trente avions ennemis ont été abattus, soit dans nos lignes, soit plus ou
moins loin dans les lignes ennemies. En outre, il est certain qu'au cours de nombreuses
rencontres, des pertes ont été infligées aux équipages ennemis, dont nous
n'avons pas eu connaissance beaucoup des appareils contre lesquels les nôtres
ont combattu, ont dû rentrer à leur terrain gravement endommagés. Pendant la même période, ainsi que nous l'avons dit
hier, notre aviation de chasse a perdu huit appareils dont quelques pilotes
ont eu la vie sauve grâce à leur parachute, Que ceux qu'inquiétait le rôle attribué à
l'aviation française dès les premières heures de cette guerre, soient donc
rassurés. Notre armée de l'air sent planer sur elle l'esprit de Guynemer; au
cours du premier mois de guerre, elle s'est montrée digne de lui et capable
de lui préparer des émules. Le Figaro du 13
octobre 1939 Comment nos pilotes réalisent chaque jour de brillants exploits à bord d’un matériel très moderne qui surclasse
le plus souvent celui de l’ennemi M. GUY LA CHAMBRE a fait un impressionnant exposé à la Commission de l'Aéronautique
La puissance de l'aviation allemande a été un des
facteurs déterminants de la politique hitlérienne depuis mars 1938. Le
maréchal Gœring l'a reconnu. Il s'en est vanté à
plusieurs reprises, et encore au mois d'août dernier. Or, il ne semble pas, jusqu'à présent, que, dans la
guerre aérienne qui depuis six semaines met aux prises aviateurs français et
anglais, d'une part, et aviateurs allemands de l'autre, l'avantage soit allé
souvent à nos ennemis. Au contraire Sir Kingsleg
Wood l'a dit mardi dernier, en séance publique, à la Chambre des Communes. M. Guy La Chambre l'a affirmé avant-hier et hier au sein des commissions de l'aéronautique du Luxembourg et du Palais-Bourbon, devant lesquelles il a fait un exposé précis, complet et impressionnant. Le ministre de l'Air a eu deux fois en deux jours l'occasion de vanter le courage et l'habileté de nos pilotes, la valeur du matériel qui leur est confié. Il ne fait plus aucun doute que nos chasseurs, par exemple, surclassent les chasseurs allemands.
Nos appareils,
qui sont beaucoup plus maniables, disposent d'une puissance de feu nettement supérieure. Les équipages sont remarquablement entraînés.
Et même les observateurs, qui utilisent nécessairement un matériel depuis plusieurs mois en service, ont toujours rempli avec un plein succès leurs missions. Les précisions données par le ministre de l'Air en ce qui concerne l'accélération
de la production ont donné aussi pleine satisfaction
aux commissaires. M. Daladier disait, l'autre soir, devant le micro, que la Grande-Bretagne et la France étaient maîtresses des mers. Des déclarations de M. Guy La Chambre et de sir Kinqsley
Wood, il n'est pas prématuré de conclure que les Alliés possèdent déjà la maîtrise du ciel et ne cesseront d'affirmer
leur puissance
dans les airs. E. S. Le communiqué La Commission de l'Aéronautique de la Chambre des députés, réunie sous la présidence de M. Lucien Botsoutrot, a entendu M. Guy La Chambre, ministre de l'Air, sur les questions générales
de personnel et de matériel résultant de la situation en cours. L'exposé du ministre sur les opérations aériennes a permis à la Commission d'exprimer son admiration pour la valeur du personnel navigant et son plein accord concernant les programmes de développement de l'armée de l'air. Après avoir remercié le ministre pour son complet exposé, la commission lui a renouvelé son vif désir de collaboration très étroite. « Après la séance de la Commission, qui s'est prolongée assez tard, l'impression dans les couloirs était des plus favorables. Les commissaires, naturellement tenus
à une grande
discrétion étaient unanimes à qualifier de « loyales » et de
« satisfaisantes » les déclarations du ministre de l’Air. Certain
ont tenu à préciser qu’ils étaient pleinement rassurés. » La
sous-commission sénatoriale a entendu M. Guy La Chambre et M. Raoul Dautry. La sous-commission sénatoriale de la Défense
nationale s’est réunie hier sous la présidence de M. Joseph CAILLAUX.
Assistait à cette séance, M. Daniel Vincent, président de la commission de
l’armée. Elle a entendu M. Guy La Chambre, ministre de l’air, M. Dautry,
ministre de l’armement, sur l’état de nos armements. |
Installation
du Groupe III/6 sur le terrain de Betz (Bouillancy) Rapport manuscrit
non daté, non signé (sans doute) suite à une liaison d’un membre de
l’État-major de Groupement de Chasse 21, commandé par le général PINSARD,
installé à Chantilly ; peut-être lors
de la visite que celui-ci a faite le 15 septembre à Betz). Le capitaine DE PLACE a pris des dispositions fort judicieuses et a tiré le meilleur parti possible des ressources locales. Le capitaine commandant la Compagnie de l’Air (Capitaine MÉNARD) lui apporte une aide efficace Terrain : Très dégagé, plateforme excellente. Pas de couvert. Installations : Toutes les voitures (*), P.C., magasins, abris ont été remarquablement camouflés, principalement au moyen de balles de paille réquisitionnées. (*)
Dénomination règlementaire pour « avion » Des tranchées ont été creusées, recouverte de rails et de paille et sont peu visibles. Un transformateur a été réquisitionné qui alimente en lumière les escadrilles et en énergie la voiture. Les avions de la 6ème Escadrille sont tous proches d’une voie de 60 sur laquelle circule un wagonnet qui amène munitions et ravitaillement nécessaires au ravitaillement d’une escadrille. Le P.C. et les Escadrilles ont pu construire (au moyen de madriers et de paille) des salles de pilotes et des abris pour quelques hommes. Un hangar, situé non loin du terrain (avec voie d’accès aménagé) permet d’abriter 2 ou 3 avions sur lesquels il y aurait lieu de procéder à des réparations. Matériel : 20 Morane disponibles armées (1 amené aujourd’hui même de Chartres). Le Groupe compté aussi faire venir éventuellement les avions qu’il a laissé, soit : · 5 avions disponibles à Chartres · 1 en réparation au Parc de Chartes · 1 en réparation au Parc de Reims Potez 631 : 2 disponibles (laissé à Chartres : 3 Potez 630) Une butte de tir va être organisée. Le Groupe a réussi à percevoir 280 obus inertes Personnel : 22 pilotes · 2 : commandant de Groupe et adjoint · 8 chefs de patrouille · 7 équipiers ou élèves équipiers confirmées · 4 jeunes qui ont à peu près 15 h. de Morane mais qui n’ont pas tiré ; s/lt COLONGE, s/lt STEUNOU, sgt LAURENT, sgt GROSDEMANCHE qui ont fait le stage de chasse à Romilly · 1 pilote de Potez 630 Les pilotes qui devaient aller aux colonies ont rejoint. Les E.O.A. (anciens chasseurs) ont rejoint. Un sous-officier mécanicien (HOULES) vient d’être reçu E.O.A. du P.N. Il a été nommé aspirant : quid ? Divers : Pas de courrier depuis 11 jours. Manquent toujours : · 4 mitrailleuses de terrain · 4 F.M. au GC III/6 et 2 autres à la Compagnie de l’Air (défense du terrain) · Masques à gaz – Effets 2 collectifs · Camion électricité. Le Groupe a fait plusieurs missions spéciales à Paris et s’est procuré chez Olagier, Hispano etc... un grand nombre de rechanges. |
|
Installation
du Groupe III/6 sur le terrain de Betz (Bouillancy) Rapport manuscrit
du 12 octobre 1939, non signé (sans doute suite à une seconde liaison d’un
membre de l’État-major de Groupement de Chasse 21, commandé par le général
PINSARD, installé à Chantilly).. Installation : La dissémination remplace le camouflage impossible. Plusieurs bandes d’envol situées à 5 à 600 m. du terrain sont prêtes pour un desserrement éventuel ; des cheminements permettent d’y rouler les avions. Une position nouvelle du P.C., éloignée du terrain, est étudiée et sera réalisée avec dérivation des fils téléphoniques. Défense du terrain : · 12 mitrailleuses seulement, c’est insuffisant Surveillance de nuit : Bien précaire, les effectifs dont dispose un Groupe avec sa Compagnie de l’Air ne permettent pas de consacrer assez d’hommes à la garde de nuit des avions et installations. Aujourd’hui l’Air Régional a annoncé que la Compagnie de l’Air serait renforcé à 50 hommes. Personnel : Pilotes : · E.M. Groupe : 2 officiers · Escadrilles :
On peut donc tabler sur 18 pilotes en Escadrille, dont 17 sur monoplace. Avions : · 25 MS 406 · 2 Potez 631 Tous armés en 404, tous équipés de plaques de blindage (en cours de montage). Le blindage est en 2 pièces ; la pièce inférieure (dossier) est soutenue par des ferrures qui semblent bien fragiles pour le poids de la pièce métallique. Si elles se rompaient la plaque tomberait en tranche sur les commandes (de profondeur d’abord). Le Groupe possède maintenant (après échange des H59 contre 404) 23/24 MS 606 neufs. La peinture des ailes et empennages s’en va par plaques au cours des vols. Même observation sur un 406 de perçu récemment ailleurs. Il faut donner aux Groupes les moyens de réparer : peinture, pinceaux, etc. État-major du Groupe : · capitaine DE PLACE · capitaine CHAINAT Il faudrait au commandant du Groupe : · un capitaine adjoint de l’active déjà ancien dans la chasse et dans le grade · un officier de renseignement Pilotes : · sergent GROSDEMANCHE : accident MS 406 à l’atterrissage, jambe cassée. Il est hospitalisé à Senlis · sergent LAURENT : après plusieurs incidents, et un Morane cassé, le commandant de Groupe a proposé sa radiation et son renvoi dans une autre subdivision d’Armes. |
Deux
rapports d’officiers de l’État-major du Groupement de Chasse 21 ayant fait une
liaison à Betz – Bouillancy, rédigés à 1 mois d’intervalle : mi‑
septembre et mi-octobre
Témoignage
accablant des moyens dérisoires des unités de la Chasse française en 1939 et de
leur impréparation au conflit !
On
notera : en septembre « remarquables camouflages » (double
soulignage) et en octobre « camouflage impossible » !!!
Le GC III/6 restera deux
mois à Bouillancy dans ces conditions précaires et démoralisantes, en alerte
permanente faute d’effectifs suffisants, en n’apercevant pas l’ennemi, en
volant peu, en s’ennuyant ferme malgré les chasses au lapin et au perdreau
organisées par les spécialistes que sont le capitaine CHAINAT et le lieutenant
GUERRIER, en attendant le courrier qui ne vient pas, en subissant des
conditions météorologiques exécrables, en enviant les premiers exploits de
leurs camarades des Escadrilles plus proches de la frontière, en creusant avec
difficulté un inutile abri souterrain qui finira par s’ébouler... Quelques
problèmes surviennent aussi avec le sourcilleux garde champêtre du village qui
surprend un jour les aviateurs braconniers avec une dizaine de perdreaux cachés
dans le coffre de leur voiture de liaison. Les volatiles sont confisqués ;
guerre ou pas guerre, le règlement est le règlement et on ne fait pas de
cadeaux particuliers aux militaires !
On perd aussi quelques avions
par accident ! Ainsi le 23 septembre 1939, le lieutenant LEGRAND et le s/lt STEUNOU de la 6ème Escadrille se rendent
en liaison à Chartres. Manque de chance, un Morane 230 de l’Aéronautique Navale
percute au sol par l’arrière le Morane 406 n°232, juste devant les hangars de
la 6ème Escadre de Chasse. Le biplace de la marine est détruit et
l’appareil du lieutenant LEGRAND fortement endommagé : voir photographie.
Le 26 septembre 1939, jour de
la visite du général
d’HARCOURT, inspecteur général de la chasse française, le capitaine
CHAINAT, qui décolle par erreur dans la petite largeur du terrain de
desserrement de 300 x 400 mètres, en étant victime par surcroît d’une
baisse accidentelle du régime moteur, casse son beau Morane Saulnier 406 n°238
qui arbore la fameuse cigogne « Ailes basses » de la SPA 3 (« l’Escadrile » de GUYNEMER) et la bande tricolore
transversale des As, privilège accordé à ceux-ci pendant la dernière guerre et
maintenu pour la suivante. L’appareil roule sur une roue pendant deux cent
mètres, décolle sur une bosse, fait un bond de cinquante mètres et s’abat dans
un labour. La jambe droite du train d’atterrissage cède, l’avion pivote de 90°
et s’affaisse en perdant la moitié de son aile gauche. Dans les archives, il
est dit que l'avion partira à l'A.R.R.A (Atelier de Réparation de l'Armée de
l'Air), mais comme le démontrent les photographies
prises par Joseph BIBERT, il est quasiment HS et il devra finalement être
réformé.
|
|
Morane MS 406 n°687, du capitaine CHAINAT,
qui remplace le n° 238 (accident du 23/11/1939) Avec la bande des « As » et
l’insigne SPA 3 de « l’Escadrile » de
1914 |
Mémoires de l’adjudant
René COLIN – Mécanicien à la 5ème Escadrille ...Le groupe était commandé par le capitaine De Place qui
avait pour adjoint le capitaine Chainat, un ancien
de 1914-1918 qui conserva comme insigne, durant toute la campagne, la
glorieuse cigogne et la bande tricolore des as : « Il faut que ça
enrobe la tête du pilote » dit-il à son mécanicien, quand celui- ci,
avec une ficelle et un bout de craie, se préparait à tracer la bande sur le
fuselage de son Morane... |
Plus grave, le 30 septembre,
après un exercice de manœuvre et de combat, le sergent GROSDEMANCHE, pilote de
la 6ème Escadrille, se prépare à atterrir avec son MS 406 n°169, mais
il ouvre les volets trop tôt lors d’un dernier virage à environ 100 mètres
d’altitude. Il tente de relancer le moteur mais il est trop tard et c’est le
crash. Le Morane rebondit, plonge sur le nez trente mètres plus loin et capote.
Joseph BIBERT a également pris des
photographies de l’appareil qui est complètement détruit. Malgré l’état du
poste de pilotage, bien que gravement blessé à la face et avec une fracture du
crâne, le pilote qui est transporté à l’hôpital de Senlis survivra. Après une
très longue convalescence, il rejoindra d’ailleurs le III/6 à Alger en avril
1941.
Le 3 octobre, le jeune
sergent LAURENT rentre avec le s/c LE GLOAN, chef de patrouille et le s/lt MARTIN de Châteaudun où ils ont été échangé leur Morane
contre des appareils neufs. A 18h40, la nuit est presque tombée et des feux de
paille ont été allumés pour indiquer la direction du vent qui est assez fort.
Si les deux pilotes expérimentés se posent sans problème, il n’en est pas de
même pour le jeune pilote qui atterrit en bout de piste et capote brutalement
dans un champ de betteraves (voir photographie ci-dessous). Il s’en tire
indemne, mais le Morane n°577 qui n’aura volé que quelques heures partira à la
casse. Le sergent LAURENT sera redirigé vers Chartres à l’escadron
d’entraînement, avant d’être affecté en 1942 à Marignane. Peu à l’aise aux
commandes d’un chasseur, il changera de qualification et donnera entière
satisfaction au Service Général. Comme quoi, tout le monde ne peut pas devenir
pilote de chasse !
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Le MS 406 n°477 du sergent LAURENT qui a
capoté le 3 octobre 1939 |
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Les 4 pages du carnet de vol du sergent-chef
CHARDONNET de la 5ème Escadrille du GC III/6 à Bouillancy
Il vole sur 7 MS 406 différents : les
n°71, 143,163, 239, 279, 457, 547
6h 25 en septembre – 5h 30 en octobre – 4h 30
en novembre (sur 15 jours)
Le carnet est signé par le capitaine DE PLACE
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Les 4 pages du carnet de vol du sous-lieutenant
STEUNOU de la 6ème Escadrille du GC III/6 à Bouillancy
Il vole sur 11 MS 406 différents : les n°
85, 134, 169, 175, 273, 430, 524, 658, 677, 682 et 684
13h 45 en septembre – 7h 10 en octobre – 3h 00
en novembre (sur 15 jours)
Le carnet est signé par le capitaine DE PLACE
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Le sgt pilote
GAUTHIER de la 6ème et le MS-406 n°689 (son second) baptisé
« Mektoub ! II »» |
Le s/c mécanicien ROUSSEL de la 6ème
et le MS 406n°195 baptisé « Mon p’tit Lou » |
Photographies Georges GAUTHIER – Droits réservés
|
Profil du Morane MS 406 n°689 du sergent
GAUTHIER baptisé « Mektoub ! II» |
Lire :
« Le destin du Mektoub – MS 406 n°689 » (Avions HS n°34)
Lire :
« du MS 406 au Mirage III – Souvenirs d’un pilote de chasse) (Militaria
n°375)
A cette date Varsovie s’est
rendue depuis quelques jours et les troupes françaises prennent possession de
la ligne Maginot, puisque, conformément à la doctrine, l’occasion de surprendre
les allemands à l’ouest, en infériorité numérique absolue pendant que le gros
de leur armée était concentré en Pologne, n’a même pas été envisagée par
l’état-major et les gouvernants français.
Cet état d’esprit purement
défensif est manifeste dans les journaux de marche des deux Escadrilles du
GC III/6. On « attend les
nazis » sans trop se préoccuper du
rapport de force en présence, à priori sûr de sa supériorité, et on s’étonne de
ne pas les voir venir. A aucun moment on ne semble envisager une incursion la
plus minime soit-elle vers le territoire ennemi. Savent-ils seulement, ceux du
III/6 que le général
Vuillemin, héros de la
croisière noire à la fin de l’année 1933, le commandant en chef de l’Armée
de l’Air, s’étant
rendu compte de visu en août 1938 de l’état des forces aériennes allemandes,
a parfaitement conscience que les Ailes françaises ne disposent pas des
bombardiers modernes, toujours promis mais jamais livrés, capables d’affronter
la chasse et la D.C.A. ennemies. Les Escadrilles de la Chasse française ne
seront donc pas sollicitées jusqu’en mai 1940 pour des missions de protection
de bombardiers, d’autant plus qu’aucun plan d’ensemble ne coordonne l’actions
des forces aériennes françaises et britanniques. Qui plus est, les deux
gouvernements ont pris la résolution de s’interdire réciproquement toute action
de bombardement sur le territoire adverse, de peur que les Allemands ne se
livrent à des représailles massives sur leur propre sol !
Quelques
photos publiées par « Match » à l’automne 1939
Le vendredi 29 septembre
Joseph BIBERT écrit à sa fiancée : «... Hier à 11 heures, j’ai appris que le capitaine De Place
était seul au P.C. Un coup de brosse et je fonce. Discussion sur notre mariage.
Il m’accorde une perm de 24 heures. Il est très chic en prenant la
responsabilité de m’accorder cette perm. Donc Chérie j’ai décidé que jeudi 5
octobre sera notre nouvelle date de mariage. Je partirai d’ici le mercredi soir
si je peux : le capitaine De Place m’a proposé de me faire emmener en
voiture jusqu’à Paris... ». A Julienne la
charge de se débrouiller pour tout organiser en moins de deux jours !
Comme prévu, le mercredi 4 octobre, Joseph BIBERT quitte Bouillancy dans la
soirée et rejoint Paris, puis il gagne Rambouillet par des moyens de fortune.
Chez un garagiste ami, il est près de minuit quand il achète pour 7 128
francs une petite Peugeot 201 cabriolet d’occasion de 1933, qu’il n’a pu
choisir qu’à la lumière d’une lampe de poche. Il peut ainsi gagner Chartres,
mais son petit pactole résultant de ses deux années de colonies à Djibouti
n’est plus qu’un souvenir... Quelques courtes heures plus tard, Joseph BIBERT,
26 ans, épouse Julienne CHÉDEVILLE, 25 ans, en l’église Saint-
Les journaux et livres de
marche des deux Escadrilles du GC III/6 ne comportent aucune indication de
cette courte escapade. C’est normal, puisque Joseph était encore affecté à
cette date à l’état-major du Groupe et non à l’une des deux Escadrilles. En
fait, le capitaine De Place a fait profiter son mécanicien d’une
« permission » beaucoup plus tacite qu’officielle. De plus, Joseph a
un tantinet débordé sur les 24 heures qui lui avaient été accordées !
L’adjudant mécanicien AUGST, mis devant le fait accompli, s’en plaignit à son
chef, le Lieutenant BRAUDEAU, et tous les deux, vexés d’avoir été
court-circuités par leur commandant de Groupe, en tiendront rigueur à leur
subordonné pendant quelque temps...
Depuis son départ à Djibouti
en décembre 1936 Joseph n’a finalement pu passer que quelques heures avec
Julienne, et à part quelques rares rencontres volées par la suite pendant ce
qu’on appellera la « drôle de guerre », grâce à la Peugeot que Julienne
conduisait pour aller retrouver son jeune époux et à leur débrouillardise. Ce
n’est qu’en août 1940 à Alger, après l’armistice et bien des péripéties que les
jeunes mariés pourront enfin avoir une vie de couple pratiquement normale. Mais
le débarquement américain du 11 novembre 1942 modifiera rapidement bien des
choses. La Peugeot 201, cachée dans une grange, survivra par miracle à la
guerre et à partir de 1945, elle sera utilisée avec bonheur par Joseph et
Julienne et leurs deux enfants jusqu’en 1953...
|
Dernière lettre adressée par Joseph Adolphe
BIBERT à sa fiancée Julienne CHÉDEVILLE en F.M. (Franchise Militaire),
oblitérée le 30 septembre 1939.
Après le mariage du 5 octobre, première lettre
adressée à sa nouvelle épouse, Madame Adolphe BIBERT (le second prénom est usuel en Alsace)
Coïncidence absolue, cette lettre écrite le 8
octobre 1939 à Bouillancy, transportée par un tiers et oblitérée à Paris le 10,
porte une flamme totalement adaptée à la circonstance :
« L’
A Bouillancy, Joseph
participe comme tous ses collègues mécaniciens aux travaux de mise à niveau des
Morane, rendus nécessaires par l’expérience acquise dans les différents Groupes
qui en sont équipés. C’est ainsi que sont remplacées, avec l’aide d’équipes
spécialisées, les plaques de blindage destinées à protéger les pilotes des tirs
arrière. Si les plaques d’origine suffisaient bien à arrêter un tir ordinaire
de plein fouet, elles étaient cependant percées par les balles perforantes. De
même les habitacles des Morane n’étaient pas encore tous équipés de l’arceau de
sécurité dont la pose avait été décidée mi-1939 après plusieurs accidents
graves lors de capotages ayant entraînés un écrasement du poste de pilotage. Il
faudra aussi remplacer tous les pneus des Morane qui avaient la particularité
d’éclater à l’atterrissage, ce qui causa un jour une belle frayeur au capitaine
CHAINAT et des dégâts légers à son appareil. Toutes ces modifications influent
positivement sur le moral des pilotes qui apprécient grandement le travail de
leurs mécaniciens.
Le 14 octobre un sous-marin
allemand coule le cuirassé britannique Royal-Oak en
baie de Scapa Flow, la plus grande base de la Royal-Navy dans l'archipel des
Orcades au nord de l'Écosse. Sur les quelques 1 200 hommes d'équipage,
seulement 378 sont rescapés.
La guerre est donc bien là,
mais pour tout le mois d’octobre, la 5ème du GC III/6 ne
totalise que 70 heures de vol et la 6ème moins de 45, dont 20 heures
dans chaque Escadrille uniquement pour les convoyages d’appareils entre
Bouillancy et Châteaudun ! Une misère !
Les contraignants travaux
d’aménagement du terrain de Bouillancy, que mènent les différents personnels,
dont ceux du III/6, sous l’impulsion énergique du capitaine DE PLACE et de ses
adjoints finissent par porter leurs fruits. La situation matérielle du Groupe
et ses capacités opérationnelles s’améliorent peu à peu. Après le s/lt CAPDEVIOLLE à la 6ème en septembre, des
nouveaux pilotes viennent augmenter son potentiel en octobre ; l’adjudant
LE TALLEC et le s/c LAMAZOU à la 5ème Escadrille, le s/c BOYMOND, et s/lt VILLEMIN, l’adjudant JAPIOT et le sergent PIMONT à la 6ème.
Début novembre c’est le célèbre Jean BERNACHE ASSOLLANT ;
le premier français à avoir traversé l’Atlantique sur « l’Oiseau
Canari » en 1929, qui arrivant de Madagascar où il a organisé la fameuse
« Ligne Impériale », est affecté à l’État-major du Groupe comme
officier de renseignement. Joseph BIBERT, toujours alors affecté à l’État-major
du Groupe, bichonnera l’appareil de cette gloire de l’aviation française avec
un soin jaloux. Des nouveaux Morane sont reçus ; le GC III/6 devient
plus opérationnel.
A cette date, c’est 27
pilotes au GC III/6 qui ont à leur disposition 33 Morane 406 et 3 Potez
631. La tension est plus grande depuis que les Dornier allemands pénètrent de
plus en plus souvent et de plus en plus profondément dans le ciel de l’Ile de
France et les mises en alerte se multiplient. La surprise, la vitesse et
l’altitude à laquelle volent ces hostiles, ne permettent pas aux chasseurs
français de s’en approcher souvent. Les 9 et 10 novembre l’État-major croit à
l’imminence d’une attaque généralisée. Mais une fois de plus les Dornier, venus
jeter des tracts exaltants la puissance allemande, ne seront pas vus ou
interceptés par le faible rideau de protection des patrouilles françaises
|
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Enveloppe, début et fin de la lettre adressée par Joseph BIBERT à
son épouse 11 novembre 1939
Cette crainte ne semble pas
inquiéter outre mesure ceux du GC III/6. On possède un effet une lettre de
Joseph datée du mercredi 9 novembre, soit un mois après son mariage : « J’ai travaillé tard hier soir à faire des demandes de
matériels. Aujourd’hui par contre ce fut une journée plus tranquille. Agst (l’adjudant
mécanicien AUGST en fait, mais la censure interdit de citer des noms !), comme tous les mercredis, est à Paris pour le ravitaillement et
quand il n’est pas là tout le monde en profite… On parle beaucoup de
permissions en ce moment. D’après la note officielle les départs auront lieu à
partir du 15. Mon tour de départ sera certainement pour début décembre. Des
permissions de 24h00 il n’en ait pas question… Donc on se voit le 18, il
faudrait que tu t’occupes d’avoir des tickets d’essence, on ne peut en avoir
ici sans ticket… Je ne sais pas encore où on ira le 18. Je crois qu’on restera
à N le H (Nanteuil-le-Haudouin, en fait, la
censure interdisant aussi de citer des lieux !)…. Ici rien de nouveau, j’attends une chose, c’est le 18 ou alors
l’armistice… »
Pour éviter la censure de la
poste aux armées, on confie souvent une lettre au pilote du Potez 631 qui
assure « les liaisons » entre le terrain de campagne du GC III/6
de Bouillancy et sa base arrière de Chartres. Toutes les occasions sont bonnes
pour déclencher une « mission » vers Chartres. Certains pilotes qui
n’ont pas réussi à installer leurs épouses ou conquêtes dans le petit bourg de
Nanteuil‑le‑Haudouin aux environs de Bouillancy, se relaient ainsi
pour aller passer une nuit à Chartres... Les rampants pour leur part cherchent
des occasions pour avoir la chance de les accompagner. Un certain sergent-chef
Le GLOAN, pas encore célèbre, connaît particulièrement bien le parcours... « J’apprends à l’instant qu’un Potez part pour Chartres.
Reçois mon chéri mes caresses, mes baisers, mes pensées de cette journée. Ici
tout va bien, on parle de coups durs prochains... Le voyage à Chartres pour
chercher le side-car est provisoirement suspendu... Si tu as le temps donne le
fusil et les cartouches au porteur... (pour
la chasse au lapin sans doute !)...
Félicitations pour avoir obtenu ton laissez-passer : pour le moment tu es
la seule ici à en avoir un... C’est dans ta lettre ramenée par Le Gloan que j’ai appris cette bonne nouvelle... ». Un peu plus tard cependant, ces petites entorses au règlement
doivent cesser : « On nous a défendu de faire partir les lettres par avion.
Donc chéri fait comme tout le monde, ne donne plus tes lettres à l’avion
officiel : évidemment par une autre occasion tu pourras toujours me faire
parvenir des affaires et mon courrier... ». On est bien en France :
à tout règlement un peu excessif on trouve toujours un bon moyen pour pouvoir
le contourner !
La guerre semble finalement
bien loin ; la préoccupation première parait bien être la prochaine
permission et la préparation de la prochaine rencontre, volée à l’armée, avec
sa jeune épouse grâce à la vaillante petite Peugeot, en attendant l’armistice
qui ne saurait tarder. Celui-ci arrivera bien, mais 66 mois plus tard… Très
grosse déception sans doute, la tendre rencontre du 18 novembre n’aura pas lieu
puisque le GC III/6 reçoit entre temps l’ordre inattendu de faire ses
bagages. L’échelon roulant et Joseph quittent Bouillancy via Château –Thierry
et Reims le 15 novembre, pour rejoindre Wez-Thuisy,
120 Km à l’est, où les Morane se sont déjà posés : voir carte.
Le Groupe à Bouillancy n’a
effectué en deux mois que 24 missions de surveillance. Peut-être qu’un peu plus
près de la frontière, les pilotes assez frustrés jusqu’alors, auront enfin
l’occasion d’apercevoir des avions à croix gammées...
Notons que depuis l’entrée en
guerre jusqu’à son départ de Bouillancy le 15 novembre 1939, 8 nouveaux pilotes
ont rejoint le Groupe :
12 septembre 1939 |
sous-lieutenant |
CAPDEVIOLLE |
6ème |
17 octobre1939 |
adjudant |
LE TALLEC |
5ème |
|
sergent-chef |
LAMAZOU |
5ème |
19 octobre 1939 |
sergent-chef |
BOYMOND |
6ème |
21 octobre 1939 |
sous-lieutenant |
VILLEMIN |
6ème |
|
adjudant |
JAPIOT |
6ème |
|
sergent |
PIMONT |
6ème |
3 novembre 1939 |
lieutenant |
BERNACHE-ASSOLLANT |
E.M. |
Album des photographies n°III de Joseph
Bibert – De septembre 1939 à novembre 1939
Cliquez sur le bandeau des
miniatures ci-dessus pour ouvrir la page contenant ces photos
Album des photographies n°IV de Joseph
Bibert - Jeudi 5 octobre 1939 – Mariage avec Julienne CHÉDEVILLE
Cliquez sur le bandeau des
miniatures ci-dessus pour ouvrir la page contenant ces photos
Qui sait encore aujourd’hui qu’il
y eu à proximité du petit village de Bouillancy dans l’Oise, 55 km au nord-est
de Paris, un de ces rudimentaires terrains d’aviation de campagne, d’abord
utilisés par des Escadrilles de l’Armée de l’Air de septembre 1939 à juin 1940,
puis par la Luftwaffe pour certains jusqu’en 1944, et rendus à leur vocation
première de terres agricoles dès 1945...
J’ai été passé une
demi-journée à Bouillancy en 2009 à la recherche de vestiges et de témoignages.
Par chance, j’ai pu visiter les deux fermes où les personnels du III/6 ont
cantonné, sous la conduite des fils des propriétaires de celles-ci en 1940. Ils
ont pu me montrer les champs maintenant cultivés où les Morane 406 décollaient
et se posaient en cahotant, manœuvre qui pouvait de terminer des fois sur le
dos ou par un superbe cheval de bois du III/6, et quelques vestiges ; une
superbe carte des implantations du terrain (sur page en
annexe), deux cuves d’essence
déterrées et transformées en citerne d’eau, quelques graffitis émouvant sur les
murs d’une grange où dormaient les moins gradés sur de simples
paillasses... !
|
Ancienne cuve à essence enterrée du terrain
de Bouillancy |
|
|
|
Graffitis
sur les murs d’une grange de Bouillancy réalisés par des aviateurs en 1939 et
1940 A gauche les noms de CHAMBRIAS et de HERITIER
de l’Escadrille de chasse de nuit 4/13, à Bouillancy en avril et mai
1940 et au centre un Potez 63-11, avion de cette Escadrille. |
Merci à Monsieur
Mais j’ai surtout pu
enregistrer le témoignage rare et émouvant de la doyenne du village, Madame Jacqueline
LEWKO, retranscrit dans cette page qui contient aussi les photographies faites
à Bouillancy ce jour-là. Une petite histoire comme beaucoup d’autres qui
contribue à raconter la Grande Histoire, sans doute mieux que celle que l’on
peut lire sous la plume de certains Historiens...
Qui est historien ?
Celui qui a acquis une telle notoriété médiatique que tous ses écrits
deviennent « La Vérité » ? Celui qui se prévaut d’un magnifique
diplôme mais qui peut avoir avalé sans sourciller les cours d'un
idéologue ? Celui qui a vécu l'événement de près et qui en témoigne
beaucoup plus tard pour des motivations diverses avec un discours
« adapté » puisqu’il connaît la fin du film ? Celui qui n'est
pas du sérail mais qui, s’étant penché avec soin sur des événements pour
lesquels il se sent concerné, relate les faits pour les faits, sans analyser
assez leurs origines et leurs causes, ce qui reste stérile, ou en voulant les
interpréter, ce qui est fatalement subjectif ? De tous il faut se
méfier ; c’est au lecteur de se forger sa propre perception des événements
en sachant que tout rédacteur ne peut s’empêcher d’écrire avec sa propre
sensibilité ! L’objectivité de l’histoire est-elle directement liée ou non
à l’impartialité de l’historien ? La réponse n’est pas aussi tranchée
qu’on peut le penser ! Lire quelques réflexions à ce sujet (lien
ci-dessous)...
« Ce
n'est pas parce qu’on y était qu’on ne s’est pas trompé… »
Pèlerinage
à Bouillancy en 2009 - Témoignage de Jacqueline LEWKO, doyenne du
village
II. de WEZ-THUISY au LUC-en-PROVENCE
Les INSIGNES du GROUPE de CHASSE GC III/6
A la création du Groupe GC
III/6 en mai 1939 ; l’État-major avait décidé d’attribuer du Groupe GC
III/6 les traditions SPA 89 (guêpe en vol de profil) et SPA 162 (tête de
tigre), mais le commandant du Groupe, le capitaine De PLACE a passé outre, considérant
qu’en matière de traditions « il n’y
avait pas de droits acquis et que le Groupe ferait ses propres
traditions ». Les discussions entre les pilotes furent âpres et
longues, et ce n’est après que le capitaine De PLACE ait été remplacé par le
commandant CASTANIER que les insignes du Groupe furent choisis définitivement
le 15 février 1940, dessinés par un des pilotes et peints sur la carlingue des
appareils. Des insignes métalliques furent mis en fabrication ensuite et
apparurent tardivement sur les uniformes des aviateurs. Ceux qui subsistent
aujourd’hui s’arrachent par les collectionneurs à des prix délirants : ils
s’agit des célèbres masques « rieurs » et « sévères »
réalisés s’après les masques « tragédie » et « comédie » du
théâtre antique grec : « Tragedia et comedia, Totta la caccia ! » ...
C’est en 1952 que l’Escadron
de Chasse EC I/12 « Cambrésis » fut créé à Cambrai avec deux
Escadrilles auxquelles ont été finalement attribué les traditions de la SPA 89
et de la SPA 162 de la Grande Guerre...
Il y a bien d'autres cas
concernant l'attribution malencontreuse de traditions d'Escadrilles ; SPA
102, SPA 75, etc. Au cours des époques, les « autorités » ont octroyé
des traditions mais les unités n'obtempéraient pas forcément ; elles
reprenaient ou ignoraient les traditions, reprenaient l'insigne ou en
choisissaient un autre. Parfois elles s'octroyaient même un insigne de
traditions ne leur appartenant pas... Par la suite, à la restitution, ce que
l'on retenait était bien souvent à mi-chemin entre l'officiel et l'officieux,
d'où toutes sortes d’anomalies dont l’histoire n’est pas toujours connue...
Merci à
M.
Dans le « Moreau-Bérillon » |
Dans le « Moreau-Bérillon » |
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Dans le « Moreau-Bérillon » |
Dans le « Moreau-Bérillon » |
Cne De Place et cdt
Castanier (02/1940) |
Cne De Place et cdt
Castanier (02/1940) |
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« Tragédie » et « Comédie », celui qui pleure
et celui qui rit, masques du théâtre antique grec ; insignes masque
« Sévère » et « Rieur » des deux Escadrilles du
GC III/6
75 ans plus tard : un souvenir familial
retrouvé après le décès de Julienne BIBERT en 2015 Moment
d’émotion Sept ans après le décès de mon
père en 2008, je me suis mis tardivement au travail pour essayer, à partir
des quelques documents retrouvés à l’époque, d’écrire l’histoire de sa
guerre, alors que sa vie durant il n’en avait jamais parlé avec ses deux enfants,
ceux-ci sans doute fautifs de n’avoir pas compris à temps les regrets qu’ils
auraient ensuite de n’avoir jamais su lancer la discussion sur le sujet... Et
lorsque j’ai découvert trop tardivement son appartenance à la 6ème
Escadrille du prestigieux Groupe de chasse III/6, le dessin du « masque
rieur », l’insigne de celle-ci, que je croyais ne pas connaître a
subitement rouvert un petit coin de ma mémoire : de 1951 à 1956, nous
habitions en Allemagne, à Lahr, où mon père avait été affecté à la B.A. 139,
et celui-ci avait souvent autour du cou lors de nos balades dominicales,
quand il était habillé en civil, un foulard « blanc » au milieu duquel
figurait un drôle de personnage... Un jour, je devais avoir environ 8 ou 9
ans, j’ai du vouloir y toucher... et j’ai été alors
sévèrement réprimandé, incapable de comprendre que cette pièce de tissus
froissé devait avoir pour lui une grande valeur sentimentale... et j’ai
totalement zappé cet épisode ! Quand j’ai fait la relation entre le vague
souvenir de ce foulard et le GC III/6, j’ai demandé à quelques passionnés
d’aviation, mes nouveaux amis, si dans les Escadrilles le paquetage
comprenait « un foulard avec le dessin de son insigne », mais cette question
a eu avant tout pour effet de les convaincre qu’ils avaient affaire à un «
amateur »... Je me suis mis en quête de
retrouver ce foulard chez ma vieille mère à la mémoire déclinante, et elle me
déclara plusieurs fois ne pas en avoir le souvenir, si ce n’est que
peut-être..., pendant la guerre..., il était possible qu’elle eut brodé un
jour quelque chose pour l’offrir à mon père... On oublia, et elle est décédée
au printemps 2015 dans sa 101ème année... En vidant la maison, dans la
dernière vieille malle découverte au grenier, se trouvaient sans doute depuis
la retraite militaire de notre père en 1956, deux uniformes d’adjudant-chef
de l’Armée de l’Air avec leurs galons et leur barrette de décorations et une
pèlerine en très bon état... et dans une poche... un petit morceau de soie
jauni découpé maladroitement autour d’une broderie de 10 par 4,5 cm : le
fameux « masque rieur » ! Beau moment d’émotion ! On a retrouvé aussi, parmi les
reliques familiales, deux foulards coupés et ourlés dans ce même tissu, mais
dont on avait la certitude qu’ils avaient été confectionnés par notre mère en
1943, comme d’autre vêtements, dans la « soie japonaise » d’un
parachute américain récupéré on ne saura jamais où..., fourniture ô combien
précieuse en A.F.N. pendant la guerre, vu la pénurie générale de l’époque. Un
troisième foulard avait donc existé, sans doute tellement abîmé que seule la
broderie du « masque rieur » avait été un jour
conservée ! Je ne
saurai donc jamais, si une quinzaine d’années après la campagne de France,
Joseph BIBERT se promenait le dimanche avec un vieux foulard orné de
l’insigne de la 6ème Escadrille du GC III/6 parce qu’il avait en
lui l’immense fierté d’y avoir appartenu... ou pour faire plaisir à son
épouse qui le lui avait brodé avec amour... On dira finalement, pour que
l’histoire soit belle : « les deux, mon Général ! »... |
APPEL à TÉMOIGNAGES
Ce site a été créée en juin
2008, et le début de « l’Histoire des Hommes du Groupe
GC III/6 » a été mis en ligne en septembre. Depuis, ce sont les
nombreuses annexes à cette page (voir ci-dessous) dont les biographies de
certaines « Figures » de ce célèbre Groupe qui ont été rédigées et
mises en ligne. D’autres pourront encore être ajoutées. Toutes ces pages ne
sont pas figées et elles sont modifiées et complétées au fur et à mesure que
des informations nouvelles sont connues et que de nouveaux documents sont mis à
la disposition de l’Auteur... Merci aux nombreux contributeurs ! C’est
le point fort d’Internet que de pouvoir procéder ainsi pour les études
historiques...
SOMMAIRE
de cette « HISTOIRE DU GC III/6 » Au GC III/6 EN
FRANCE Première partie : Avant la guerre L’entrée en guerre : de CHARTRES à VILLACOUBLAY BETZ BOUILLANCY (3/09/1939 15/11/1939) Seconde partie : WEZ-THUISY (15/11/1939 – 30/04/1940) CHISSEY SUR LOUE (30/04/1940 – 20/05/1940 COULOMMIERS (20/05/1940 – 31/05/1940) LE LUC (31/05/1940 – 18/06/1940) Vers et
en A.F.N. Troisième partie : PERGIGNAN LA SALANQUE (18/06/1940 – 20/06/1940) LE TRANSFERT EN ALGÉRIE ALGER MAISON BLANCHE (20/06/1940 - 24/06/1940) CONSTANTINE (24/06/1940 – 11/07/1940) ALGER MAISON BLANCHE (11/07/1940 – 21/01/1943) AÏN SEFRA (21/01/1943 – 19/06/1943) PORT-SAY – BERKRANE (19/06/1943 – 03/08/1943) LAPASSET (03/08/1943 – 25/04/1944)... Joseph BIBERT : à Alger dans le corps des interprètes... Avec la première Escadre de Chasse GC I/3
« Corse » - GC I/7 « Provence » - GC II/7
« Nice » LA
LIBÉRATION DE LA FRANCE LUXEUIL (21/10/1944 - 25/12/1944) HAGUENAU - BISCHWILLER (25/12/1944 - 01/01/1945) TOUL – OCHEY (01/01/45 - 14/01/45) ESSEY LES NANCY (14/01/1945 - ...) etc... |
PRINCIPAUX DOCUMENTS ANNEXES
Reportage
photographique |
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Quelques articles de presse parlant de
l’aviation française à l’automne 1939
« Le Matin » du 15 octobre
1939 : « L’aviation de chasse française domine nettement
l’allemande »
« Paris
Match » : compilation de deux numéros
Voir
les meilleures pages consacrées au GC III/6 de ce domaine référencées par
Google
Le CD complet de la carrière militaire de Joseph
Bibert
(document
familial - diffusion restreinte)
II. de WEZ-THUISY au LUC-en-PROVENCE
|
Sur le
blog de ce site, le 5 février 2012 : Avec
internet et la diffusion possible à grande échelle d’informations, de
nombreux passionnés ont mis en ligne leurs passions, l’objet de leurs
recherches, le fruit de leur recherche en mettant en consultation des
documents pouvant intéresser d’autres passionnés. Florilège de quelques sites
concernant le patrimoine aéronautique… http://bibert.fr/Joseph_Bibert.htm Merci à |
« Beaucoup de merveilleuses inventions nous ont surpris au
cours du 19ème siècle et le début du 20ème siècle. Mais
la plupart étaient complètement inattendues et ne faisaient pas partie du
bagage historique des rêves que l'humanité porte en elle. Qui avait un jour
rêvé de bateaux à vapeur, de chemins de fer, ou de la lumière électrique ? Nous
avons accueilli toutes ces améliorations avec un plaisir étonné mais elles ne
correspondaient pas à une attente de notre esprit ou un espoir aussi vieux que
le monde : surmonter la gravité, nous arracher à la terre, devenir plus léger,
s'envoler, prendre possession du royaume immense des cieux, entrer dans
l'univers des dieux, devenir des Dieux nous-mêmes. »
Jérôme Tharaud - «Le ciel des dieux» -
1934
« Tout ce que nous avons fait était ordinaire pour nous,
puisque c’était notre métier »
Edmond Marin La Meslée (1912/1945) – 16
victoires en 1940