Mise en ligne complète : 03/2020
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Les HOMMES du
GROUPE de CHASSE GC III/6
(3/6) La guerre
de Joseph Adolphe BIBERT 1939-1944 Seconde
partie II. de WEZ THUISY au LUC en PROVENCE |
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Lien : MORANE SAULNIER MS
406 |
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Lien : DEWOITINE D.520 |
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Retour
vers la première partie : I. de CHARTRES à BOUILLANCY Lien vers la
troisième partie : III. L’A.F.N. NOUVEAU (27/05/2020) |
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SOMMAIRE de la
SECONDE PARTIE Cliquez sur les liens ci-dessous |
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15/11/1939
– 30/04/1940 |
30/04/1940
– 20/05/1940 |
20/05/1940
- 31/05/1940 |
31/05/1940
- 18/06/1940 |
La
Campagne de France du GC III/6 au jour le jour : 10 mai au 18 juin 1940 |
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Pour quitter cette page et aller directement à
a troisième partie de « l’Histoire du GC III/6 » : Alger |
L’histoire
du GC III/6 rédigée ici, fruit de plusieurs années de travail, ne se lit pas comme un livre !
Si elle est présentée en trois parties, sur trois pages Internet principales
constituant simplement le squelette de ce récit, de multiples pages complémentaires (une centaine) s’ouvrent en
cascade à partir des liens soulignés (de couleur bleu-vif) : album de
photographies, biographies, articles de presses, etc. etc. A chacun d’ouvrir
ces pages comme un dictionnaire,
dont on n’a jamais fait complètement le tour, d’où le besoin et l’envie d’y revenir pour compléter son information
et, je j’espère, son plaisir... |
Ces trois
pages principales, pour ne pas les surcharger, ne contiennent qu’une partie
des photographies mises en ligne. La plupart de celles prises par Joseph
Bibert, plus personnelles, se trouvent dans les pages annexes « Album de Joseph Bibert »
ou dans les pages de biographies de
pilotes accessibles par différents liens posés chapitre par chapitre. De
même, si le récit est chronologique, ce n’est pas un « journal »
puisque l’historique du Groupe et
les livres de marche de ses deux
Escadrilles, documents officiels au jour le jour, ont été retranscrits et
mis en ligne dans trois pages annexes accessibles par les liens
suivants : |
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Après
l’A.F.N : Première
Escadre Aérienne
WEZ THUISY
15/11/1939 – 30/04/1940
Lien vers la page :
Les
aérodromes du groupe de chasse GC III/6 de la campagne de France
« On ira pendre notre
linge sur la ligne Siegfried », chanson de Ray Ventura, est le tube
musical du moment en France. On peut penser que les « rampants » du
GC III/6 s’en sont donnés à cœur joie dans leurs véhicules pendant le trajet
les rapprochant de 100km de la frontière, fanfarons inconscients, convaincus
par la propagande, comme tous les français à cette époque, que la guerre pourra
être vite gagnée et que nos troupes seront bientôt en Allemagne à portée de
l'équivalent de notre ligne Maginot !
Ligne Maginot et
« Westwal », (« Le
Mur de l'ouest ») pour les Allemands, baptisé « Ligne Siegfried » par
la propagande alliée. Dans leur délirante obsession de la sécurité, les milieux
dirigeants politiques et militaires français imaginèrent à partir de 1930
qu'il leur suffisait de donner à l'armée française une aptitude exclusivement
défensive pour maintenir la paix ; ce qui est fondamentalement faux car
il n'est pas de meilleure défense que de pouvoir porter la guerre et ses
ravages chez l'ennemi. La guerre de 1914-1918, ayant révélé l'efficacité de
la défensive reposant sur des plans de feu bien disposés et continus, leur
conclusion fût que l'idéal était de constituer un tel front en profitant de
toutes les ressources de l'art de la fortification, marotte de nos militaires
depuis les Gaulois, afin que les envahisseurs trouvent pour les arrêter non
de simples tranchées creusées à la hâte mais un système complet de
constructions bétonnées et souterraines. Ainsi naquit la Ligne Maginot, du
nom d'un ministre des armées de l'époque, combattant de 14-18 où il avait été
blessé dans les tranchées. Bien que la lecture des premiers devis ait obligé
à en rabattre sur les projets initiaux, ce qui fût réalisé de 1932 à 1938 a
été assurément la plus formidable fortification du XXème siècle,
et même de tous les temps. La Muraille de Chine est plus longue, mais plus
simple techniquement et sa construction demanda des dizaines d'années, et,
sauf en de rares endroits, le « limes » romain n'était pas un mur
continu mais une suite de fortins. Le Mur de l'Atlantique ne fût qu'un
pointillé de surface. La Ligne Maginot était composée de gros ouvrages reliés entre
eux par de petits éléments, le tout très soigneusement disposé sur le
terrain. En approchant, l'ennemi devait être gêné, et ses chars arrêtés, par
des obstacles passifs divers, notamment des rails enterrés
verticalement ; par contre il avait été décidé de ne pas miner le
terrain. On pensait donc que les assaillants arriveraient immanquablement sur
des zones de tir parfaitement dégagées, battues par des armes abritées sous
béton à l'épreuve absolue des obus de 210 mm, le calibre lourd allemand de
l'époque ; des tourelles éclipsables étaient également prévues pour
résister à ce gros calibre. Cependant, l'ennemi ne pouvait voir que peu de choses de
l’ouvrage car l’essentiel se passait sous terre : des centaines de
kilomètres de galeries et couloirs bétonnés, pourvus de voies ferrées,
offraient des liaisons faciles et rapides aussi bien avec l'arrière qu'avec
les ouvrages voisins ou avancés. Des lignes téléphoniques enterrées
assuraient les transmissions. Sous terre encore, des casernements complets,
des dépôts de munitions, de pièces de rechange et de vivres, des centrales
électriques, des infirmeries.... Tout avait été prévu pour que les occupants
puissent mener une guerre relativement confortable, et conforme à l'ordre
social de cette époque, car, sans se poser de questions sur les coûts
supplémentaires que cela allait entraîner, les concepteurs avaient prévu
trois cuisines dans chaque bloc ; une pour les officiers, avec réserve
de bons vins et de mets délicats, une pour les sous-officiers, plus simple,
et une pour la troupe avec réserve de picrate et de haricots secs... Le gros défaut de la Ligne Maginot était de n'être construite
qu'à moitié et de s'arrêter à Montmédy. Le débat sur son efficacité, ouvert
depuis le premier coup de pioche, ne trouva jamais de conclusion
incontestable. « Ça n'a servi à rien, disent ses adversaires, puisqu'on
a été envahis ! », « Justement, répondent ses défenseurs, on a
été envahis là où elle n'existait pas ». La « Ligne Siegfried » suivait des principes
diamétralement opposés. Construite beaucoup plus vite entre 1937 et 1938,
elle était composée de petites casemates (jusqu'à 50 au km2) non
reliées entre elles mais échelonnées en profondeur (jusqu'à plusieurs km).
Là, pas d'artillerie en tourelles escamotables, pas de dépôts souterrains,
pas de garnisons permanentes. La Ligne Siegfried était destinée à abriter
temporairement des troupes de campagne et à leur fournir des positions un peu
plus protectrices que le trou individuel, sans plus. Mais contrairement à la
Ligne Maginot, elle était protégée par de nombreux champs de mines. Elle joua parfaitement son rôle en septembre 1939, lors de la
timide offensive que la France mena en Sarre pour contenter son opinion
publique et ses Alliés. A peine arrivés au |
L’échelon roulant du GC III/6 au début de la
guerre est encore équipé de véhicules disparates
Sur ce mauvais cliché, on croit reconnaitre cependant un tracteur
LATIL TL6 de 1935 : voir ce lien
L’arrivée en octobre de
130.000 soldats anglais sur le sol français et de quelques-unes de leurs
escadrilles, et le fait que le Congrès américain ait voté le 4 novembre la loi
« Cash and Carry », qui autorise la vente sous conditions de matériel
de guerre aux belligérants, y est peut-être pour quelque chose.
Mais les premières brutalités
nazies surviennent à Prague le 17 novembre lors d'une intervention contre les
célébrations de la fête nationale de la Tchécoslovaquie, qui se sont
transformées en une manifestation de résistance nationale contre l'occupant. Celui-ci
y répond par la fermeture des écoles supérieures. Neuf leaders estudiantins
sont exécutés et 1200 étudiants sont déportés dans les camps de concentration.
La marche vers l’abîme est
maintenant quasiment irréversible, mais personne n’en a encore conscience,
personne sauf un certain colonel De Gaulle qui, mettant à profit l’exemple
polonais, s’est permis d’écrire au C.Q.G. le 11 novembre : « Le
moteur bouscule nos doctrines… Il faut créer des divisions cuirassées. Nous
avons un matériel excellent ; il s’agit de l’organiser comme les Allemands
et nous aurons la supériorité sur eux ». Le général Gamelin,
Commandant suprême, fait répondre une nouvelle fois : « Si des
chars parvenaient à traverser notre front, leur cavalcade de l’autre côté ne
serait dangereuse que pour eux-mêmes ». La polémique commence, sans
que le rôle qui s’avérera primordial d’une aviation moderne ne soit d’ailleurs
pris en compte, ni par les anciens, ni par les modernes…
La presse pour sa part y va
chaque jour de ses couplets patriotiques et, censure oblige, ne peut que broder
sans grande précision autour des communiqués officiels. Quand on connaît la
suite, cet article du
« Figaro » du 25 novembre 1939 devient une véritable page
d’anthologie : Messerschmitt, Heinkel 111 devenu n°3, un Junkers DO 17, les suspentes
du parachute de l’aviateur allemand abattu qui brûlent, etc. Une belle envolée
lyrique, propre à endormir toutes réflexions sur les vraies valeurs
opérationnelles de notre Armée de l’Air... « la
meilleure du monde », bien entendu !
Le 15 novembre le GC III/6
reçoit l’ordre inopiné de quitter Bouillancy et de s’installer à Wez Thuisy
dans la marne, entre Reims et Mourmelon : voir carte. Le Groupe prend
la place du GC I/4, présent à Wez Thuisy depuis le début de la guerre, qui part
pour Norrent-
Les abords de la plateforme
de Wez Thuisy se prêtent relativement bien au camouflage des appareils et des
installations, mais celles-ci sont relativement éloignées les unes des autres.
Heureusement le réseau de communications fonctionne à peu près correctement.
Par contre la plateforme elle-même, parfaitement nivelée, est parfaitement
identifiable, puisqu’elle contraste terriblement avec les champs et les bois
environnants encore bouleversés par les durs combats de la première guerre
mondiale. Ceux du GC I/4, qui ont trouvé ici en arrivant en septembre la même
misère qu’à Bouillancy, n’ont pas encore réalisé tous les aménagements
nécessaires, dont le camouflage du terrain, et le spécialiste de l’intendance
qu’est le capitaine DE PLACE va s’empresser de remédier à cet état de fait, en
établissant un plan de travaux rigoureux.
Tout le personnel du Groupe
est mis une nouvelle fois à la tâche avec celui de la compagnie de l’air, pour
réaliser en priorité les installations, tranchées et alvéoles, propices à
protéger les hommes et le matériel d’éventuels bombardements aériens. Ils
seront malheureusement peu aidés par « Dame Nature » en ce rigoureux
hiver 1939/1940, car la neige, le gel et de dégel, rendront le travail ingrat
et ses résultats décevants.
Les officiers sont logés dans
les villages de Wez Thuisy et de Prunay où cantonnent également les
sous-officiers. Les pilotes disposent d’une maison à Wez, bientôt dénommé
« La Case », décorée par les artistes du Groupe sous la conduite du
sous-lieutenant SALAÜN où ils se retrouvent quand ils ne sont pas d’alerte au
terrain et où ils prennent leur petit déjeuner. C’est là que les pilotes
pourront bientôt fêter leur premier succès à l’aide d’un produit régional
approprié, le champagne, mais aussi vivre les premiers drames.
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« La Case » : maison mise à la
disposition des pilotes à Wez où ils peuvent passer la journée quand ils ne
sont pas d’alerte |
Le sergent mécanicien Robert
UMBERT, de la 6ème escadrille a témoigné :
Premier « ... notre Groupe est depuis le 15 novembre sur le Terrain
de Wez Thuisy, près de Reims et au pied du mont Cornillet, lequel était
célèbre pour avoir été un champ de bataille pendant la « Grande
Guerre ». Nous trouvions sur le terrain des obus non éclatés de 1917 qui
étaient mis en tas par ci et par là et que les armuriers faisaient éclater de
temps en temps quand une envie les prenait. Mais c’était toujours une
opération clandestine. Nous trouvions aussi des restes de fils de fer
barbelés et un peu partout des tranchées comblées et qui réapparaissaient lorsqu’un
effondrement de produisait. Nous pouvions alors voir les restes de masques à
gaz ou des « boites de singe » qui étaient le corned beef de 1914. L’époque ne se prêtait pas aux pistes sophistiquées, le
matériel « moderne » de 1940 n’était pas très délicat et supportait
tant bien que mal la boue qui se trouvaient dans les cabines. Comment faire
mieux avec des chaussures crottées ? Sur Morane 406, le complément d’huile de faisaient directement
du bidon au réservoir placé latéralement sur une paroi en pente et les pieds
dans la boue. Le radiateur de l’appareil était escamotable. Pour les vols de
routine dans le secteur, le mécanicien démarrait l’appareil avant de laisser
la place au pilote dont les bottes étaient pleines de gadoue. Le Morane avait un plan fixe horizontal fixé par une traverse
profilée qui n’était pas très discrète. Cela ne nous choquait pas et nous
trouvions cet avion beau. Il n’avait pas de roulette de queue, ce qui rendait
beaucoup plus sportif ses déplacements et ses virages dans la gadoue. Le 10 mai 1949, nous avions changé de terrain. Nous nous
trouvions à Chissey. C’était le début de l’offensive nazie aux conséquences
funestes !... » |
(*)
Robert UMBERT, caporal-chef à Chartres en septembre, nommé sergent le 1 janvier
1940, mécanicien à la 6ème escadrille depuis le début de la guerre
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Série de
photographies transmises par la famille BOYMOND que je remercie - Droits
réservés
Page spécifique
consacrée au sergent-chef BOYMOND
Le GC III/6 est rattaché maintenant
au Groupement de Chasse 23, sous les ordres du Colonel CANTON basé à COURMELOIS
à 1,5 km de Thuisy, avec le GC II/2 et le GC I/5. C’est suite à la chaude
alerte des 9 et 10 octobre et à la nécessité de renforcer le dispositif Nord
que le GC III/6 a été déplacé.
Pour comprendre ce qui est dit ici de l’activité du Groupe III/6
à Wez Thuisy pendant la « Drôle de Guerre », il est important de se
référer à la note de l’État-major du 13 novembre 1939, extrêmement complète et
détaillée, qui a fixé le cadre des missions du Groupe et la manière de les
exécuter. De larges extraits de ce précieux document et surtout, une carte
détaillée du théâtre de ses opérations, établie spécialement pour faire
apparaître clairement l’emplacement de tous les terrains d’aviation (français et
anglais) et les zones s’intervention respectives des trois Groupes constituant
le Groupement 23, font l’objet d’une annexe à cette page ; elle est
accessible par le lien suivant :
Les
missions du Groupement 23 et du Groupe de Chasse GC III/6 en décembre 1939
C’est dans ce cadre que le
Page
spécifique consacrée au lieutenant LE GLOAN
La presse de l’époque publie
chaque jour des « informations patriotiques », censure oblige, belles
envolées lyriques propres à endormir toutes réflexions sur les vraies valeurs
opérationnelles de nos Armées, dont l’Armée de l’Air qui est bien entendu « la meilleure du monde » !
Elle ne peut que broder avec exagération et sans grande précision autour des
communiqués officiels. Pourtant, cet article du
« Figaro » du 25 novembre 1939, même s’il contient quelques coquilles,
erreurs et exubérances habituelles (Messerschmitt, Heinkel 111 devenu n°3, un Junkers DO 17, suspentes du
parachute de l’aviateur allemand abattu qui brûlent, etc.), donne pour une fois
des informations se rapprochant de la réalité, et cite en particulier le
Dornier abattu par la patrouille du III/6 (sans nommer le Groupe). Ce jeudi 23
novembre 1939 est devenu en effet le « Schwarzer
Donnerstag », le « jeudi noir » de la reconnaissance allemande qui a
perdu ce jour-là 13 appareils sous les coups des aviations anglaises,
françaises et hollandaises ou par accidents. Monsieur
Romain Lebourg, qui a étudié cette journée, a publié en novembre 2019 un texte avec
le tableau suivant (en vert : l’avion du III/6, en jaune : information
incertaine).
Modèle |
Unité |
Cause |
Dornier
Do 17 P-1 |
3.(F)/22 |
Abattu
par deux Hurricane du No. 1 squadron |
Dornier
Do 17 P-1 |
3.(F)/122 |
Abattu
par un Hurricane du No. 73 squadron |
Dornier
Do 17 P-1 |
4.(F)/122 |
Abattu
par trois Hurricane du No. 1
squadron |
Dornier Do 17 P-1 |
5.(F)/122 |
Abattu par deux MS 406 du GC III/6 |
Dornier
Do 17 P-1 |
1.(F)/123 |
Abattu
par un MS 406 du GC II/3 |
Dornier
Do 17 Z-2 |
Stab/KG
2 |
Abattu par un Curtiss H-75 du GC I/5et
deux Hurricane du No. 73 squadron |
Focke-Wulf
FW 200 V10 |
AufklGr
ObdL |
Accident |
Heinkel
He 111 H |
1.(F)/122 |
Accident |
Heinkel
He 111 H |
1.(F)/122 |
Endommagé
par des chasseurs néerlandais |
Heinkel He 111 H |
1.(F)/122 |
Abattu par la DCA britannique |
Heinkel He 111 H |
1.(F)/122 |
Inconnue |
Heinkel
He 111 H-2 |
2.(F)/122 |
Abattu
par trois Hurricane des No. 1
et 73 sqn et trois Curtiss
H-75 du GC II/5 |
Heinkel
He 111 H-1 |
Stab/KG
53 |
Abattu
par un chasseur du No. 73 squadron |
RAPPEL IMPORTANT : Comme il a été dit plus
haut, cette page n’a pas pour but de raconter un à un les engagements, et une à
une les victoires ou les défaites du Groupe GC III/6, avec la précision
chirurgicale que certains en attendent ; ici, c’est d’abord la vie des
aviateurs pendant le conflit qui est mise en avant. Des ouvrages spécialisés et
des pages annexes sur ce site peuvent être consultés pour cela. Mais la
première rencontre victorieuse avec l’ennemi pour « les hommes du GC
III/6 » mérite d’être détaillée pour bien comprendre dans quelles conditions
un peu misérables les Aviateurs français eurent à exécuter les missions
assignées par les États-Majors.
Le départ de la patrouille
légère de WEZ THUISY a eu lieu à 13h 10, sur une alerte venant du poste de guet
de Mézières qui a détecté un avion ennemi à 6 000 mètres d’altitude. En
prenant en considération les distances entre Mézières et Reims, le temps de
réaction entre l’alerte et le décollage des chasseurs français, les vitesses
respectives des appareils, la trajectoire de « l’hostile » qui peut
avoir changée et le temps nécessaire aux Morane pour monter à l’altitude de
leur adversaire, estimée initialement sans grande précision, il n’est pas
nécessaire d’être polytechnicien pour comprendre que les chances d’interception
sont finalement pratiquement nulles ; si elle peut avoir lieu, la chance
n’y est pas étrangère. Ce jour-là la chance leur a souri !
La patrouille est donc à
6 000 mètres d’altitude, mais elle ne voit rien et s’apprête à rentrer.
Elle reçoit l’ordre lui de surveiller le secteur nord-ouest, et arrivée
au-dessus de la rivière La Retourne, elle aperçoit un point noir à dix
kilomètres volant à environ 5 800 mètres sud/sud- est vers Reims. C’est un
Dornier 17P, appareil rapide et racé, parfaitement adapté aux reconnaissances
lointaines. Sa vitesse et la puissance de son armement défensif en fait un
adversaire particulièrement difficile à rejoindre et à attaquer par l’arrière.
Et pourtant, les deux Morane,
bien placés dans le soleil, peuvent le surprendre et l’attaquer en
« tenaille ». Le Dornier vire plein est et pique vers le sol pour
échapper aux courtes rafales des Morane qui ont si peu de réserve de munitions.
Il passe Suippes en rase-mottes, ce qui ne permet plus à LE GLOAN et à
MARTIN de l’attaquer par en dessous. Après la traversée de la Meuse, ils
peuvent se rapprocher à moins de 100 mètres et tirer leurs dernières cartouches
disponibles. Le bimoteur finit par prendre violemment
Une balle allemande a atteint
la rangée des 6 cylindres droits du moteur Hispano-Suiza 12Y‑31 du
lieutenant MARTIN, une autre a traversé la carlingue sous le siège du pilote et
la jambe gauche du train d’atterrissage du Morane de LE GLOAN a été
endommagée, mais ils rentreront tous deux sans encombre.
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Dornier 17P du 5(F)/122 abattu à
Bras-sur-Meuse le 23 novembre 1939 |
Citations des deux pilotes |
s/c LE GLOAN et lt MARTIN, premiers
vainqueurs de la 5ème du GC III/6 |
Mémoires de l’adjudant
René COLIN – Mécanicien à la 5ème Escadrille ... la première victoire de l'Escadrille — et je crois même du
groupe — a été remportée par le sergent-chef Le GLOAN, qui avait comme
équipier le lieutenant MARTIN, un jeune mais un fonceur. A chaque retour de
mission, nous avions droit à une petite séance d’acrobatie : passage en
rase-mottes avec chandelle, tonneaux en montant, ce qui ne devait pas
toujours plaire au capitaine CHAINAT. Je le vois encore disant :
« M. Le GLOAN, M. GOUJON, au lieu de vos acrobaties, vous feriez mieux
de vous entraîner au tir. Vous avez vingt obus, c’est beaucoup trop. Sur mon
Spad, j'en avais, bien moins : c'était la tête du pilote que je
visais ! »... |
Si cette victoire est bien entendu
fêtée, elle fait naître cependant bon nombre d’interrogations et de
doutes : l’absence de dispositif de réchauffage des armements a fait que
le canon du Morane du s/c LE GLOAN a été enrayé après le 17ème
obus et celui du lt MARTIN après le 26ème. Pire, si on a pu
compter 7 impacts d’obus dans le Dornier, seuls 2 ont éclaté, un dans le
fuselage, l’autre dans un aileron, ne faisant que des dégâts minimes, ce qui
démontre la mauvaise qualité des fusées. Beaucoup de temps sera nécessaire pour
remédier à minima à ces problèmes. On peut lire plus loin le témoignage du
s/lt mécanicien BRAUDEAU et comprendre que la réactivité de l’Armée de
l’Air, face aux insuffisances techniques criantes des matériels, restait
soumise aux procédures administratives tatillonnes qui n’avaient pas évolué
malgré le fait qu’on était maintenant en guerre !
Deux jours plus tard, le 25
novembre 1939, au retour de cinq patrouilles simples ayant décollé à 9h 45
pour le Secteur de la Meuse, le groupe perd bêtement deux pilotes confirmés
dans un accident, les s/c LAMAZOU (MS 406 n°600) et adj. LE TALLEC
(MS 406 n°474), qui, perdus dans le brouillard, percutent le sol près de
Mourmelon.
Même si la responsabilité de
ces deux pilotes ne peut pas être totalement dégagée dans leur accident, ils
seront cités comme à l’habitude à l’ordre de la Brigade Aérienne avec
attribution à titre posthume de la Médaille Militaire.
CITATIONS de l’adj LE TALLEC et du
s/c LAMAZOU « Adjudant LE TALLEC Léon, adjudant pilote de grande classe,
plein de courage et d'abnégation. Blessé mortellement au retour d’une mission
de guerre, le 23 novembre 1939. Totalisant plus de 1 400 heures de
vol. » « |
Joseph BIBERT n’est pas présent
au Groupe en cette fin novembre. Il a enfin pu bénéficier d’une courte
permission qu’il met à profit pour rendre visite à une partie de sa famille
paternelle qui a été évacuée d’Alsace et se trouve à Granville où une de ses
tantes travaille à l’Hôtel Restaurant « Les Gourmets » de la famille
Girard ; il en ramené quelques photographies.
Album des photographies n°V de Joseph Bibert –
Novembre 1939 à mai 1940 – Voyage à Granville
Cliquez sur le bandeau des miniatures
ci-dessus pour ouvrir la page contenant ces photos
Le 7 décembre le capitaine DE
PLACE, commandant du III/6 est remplacé par le Commandant CASTANIER,
polytechnicien, qui occupait jusqu’alors un important poste d’Etat-major, mais
qui voulait participer plus activement au combat. Une prise d’armes a lieu dans
un froid glacial pour cette prise de commandement.
Page
spécifique consacrée au commandant CASTANIER
Les adjoints du Commandant
CASTANIER sont toujours le lieutenant JACOBI pour la 5ème escadrille
et le lieutenant GUERRIER pour la 6ème, ce dernier également
polytechnicien, mais aussi chasseur de lapins et pêcheur émérite ne sera jamais
considéré comme un « foudre de guerre » par ses pilotes !
Comme son prédécesseur, le
Commandant CASTANIER ne souhaite pas reprendre des anciennes traditions pour
ses deux escadrilles, et c’est finalement lui qui choisira le 15 février 1940
les deux insignes du GC III/6, le masque « Tragédie ou Sévère » pour
la 5ème et le masque « Comédie ou Rieur » pour la 6ème,
dessinés sans doute par les lt GUERRIER et s/lt SALAÜN. De l’avis même du
capitaine DE PLACE, « Tragédie » et « Comédie »
correspondent bien à l’état d’esprit du Groupe et selon la formule littéraire, « Tragedia e Comedia, totta la caccia ! »
(Tragédie et Comédie, c’est toute la Chasse !) :
Quelques personnages
importants rendent visite au Groupe : Mr Laurent EYNAC (premier Ministre de l’Air en 1928, sénateur en 1939, il sera de
nouveau Ministre de l’Air du 21 mars au 16 juin 1940) et le Général D’ASTIER,
commandant la Zone Aérienne du Nord, le 12 décembre 1939, l’ Air Marschal A.S.
BARRATT, Commandant en chef de la R.A.F. en France, le lendemain, la commission
sénatoriale, le 28 décembre, M. Guy LACHAMBRE, Ministre de l’Air le 13 janvier
1940, accompagné du Général VUILLEMIN, Commandant en Chef des Forces Aériennes
Françaises. Mais ces visites sont insuffisantes pour rompre réellement la
monotonie des longues journées d’hiver faites surtout de longues
attentes ; les Morane ne volent vraiment pas souvent, au grand désespoir
des pilotes, qui, après des jours et des jours d’entraînement depuis plusieurs
années ne s’attendaient pas, une fois entrés en guerre à vivre cette situation
frustrante !
Il est cependant inquiétant,
en lisant le livre de marche de la 6ème escadrille, de constater que
depuis le début de la guerre, les premiers exercices de tir sur manche tractée
semblent n’avoir été faits qu’au cours du mois de décembre. Les résultats ont
été désastreux, mais cela ne semble pas avoir trop inquiété le rédacteur qui
tourne cela plusieurs fois en plaisanterie...
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Terrain de Wez Thuisy - 12 décembre
1939 : départ de M. Laurent EYNAC après sa visite au III/6 |
Le Général VUILLELIN et l’Air Marschal
BARRATT |
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Lieutenant
ASSOLLANT |
Sous-lieutenant
COLONGE |
Capitaine
JACOBI |
Sous-lieutenant
MARTIN |
Sous-lieutenant
SALAÜN |
Quelques pilotes du GC III/6 à Wez Thuisy
Noël du GC III/6 dans les caves POMMERY à SILLERY
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Mistress
JAMES, la marraine américaine du GC III/6 est nommée « sous-lieutenant
honoraire » du Groupe Lt GUERRIER, s/lt STEUNOU, cne GUERRIER et
cdt CASTANIER |
Mistress JAMES est la
marraine de guerre du Groupe III/6, selon une coutume datant de la guerre
14/18, liée à l’implication de l’escadrille américaine « La Fayette »
dans la grande guerre. C’est Jean ASSOLLANT, qui par ses relations outre-Atlantique,
a pu obtenir le parrainage de cette riche Américaine liée à la Compagnie
« Pan American Airways » et qui vit alors en France. Pour permettre
aux Hommes du III/6 de passer le meilleur Noël possible, elle n’a pas hésité à
affronter une météo exécrable et de verglas des petites routes de campagne
française pour arriver à Wez le 24 décembre. Elle a organisé à Sillery dans la
cave de la célèbre maison de Champagne Pommery, un arbre de noël où tous les
personnels sont conviés et se sont vus offrir un cadeau identique ;
friandises et vêtement chaud. Un film est également projeté. Le colonel ETIENNE
a même trouvé le moyen de faire radiodiffuser cette petite fête en Amérique.
Chacun donne de la voix pour entonner, entre autres, le « Minuit
Chrétien »...
La soirée est
chaleureuse ; Mistress JAMES est promue « sous-lieutenant
honoraire » du Groupe et tout le monde s’en va à WEZ participer à la messe
de minuit ; certaines libations préalables conduisent à ce que les chants
fassent trembler cette nuit-là les voûtes de l’église d’une manière
inhabituelle !
Les pilotes terminent la nuit
à « La Case », décorée pour la circonstance, où un repas froid les
attend.
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Dans la cave Pommery à Sillery, la fête de
Noël organisée par Mistress JAMES, la marraine de guerre américaine du GC
III/6 |
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En haut au
haut second rang, le lt ASSOLLANT et le lt GUERRIER qui chantent avec toute
l’assistance, en bas le col ETIENNE, Mistress JAMES, le cdt
CASTANIER et deux épouses d’officiers |
Jean
ASSOLLANT et Mistress JAMES distribuent les cadeaux |
Page
spécifique consacrée au capitaine ASSOLLANT
Le 31 décembre 1939 ;
Joseph BIBERT écrit à son épouse «... une bonne nouvelle pour nouvel an : je quitte le MGT et
prend la 6ème Escadrille comme « chef de hangar ». Comme
on change d’avions, le pars à Paris pour 15 jours du 8 au 21 janvier 1950 pour
un stage chez Bloch... je me débrouillerai pour partir le 6, donc samedi
prochain, et passerai 2 jours à Chartres ainsi que le dimanche 14.... prépare
« trotinette » (la Peugeot 201). J’ai le cric, as-tu gardé l’eau de
vidange où faut-il que je ramène le l’alcool ?... »
Il faut bien se débrouiller
un peu !
On trouve effectivement dans
les archives du Groupe l’information disant que Joseph BIBERT a permuté avec
l’adjudant PÉRALES le premier janvier 1940 ; Joseph, passant des M.G.T de
l’État-major du groupe au « second échelon » (c'est-à-dire la sixième
escadrille du lieutenant GUERRIER, qui sera d’ailleurs nommé capitaine le 1er
février) avec les fonctions de « Chef de Hangar », et vice-versa. Il
se donnera beaucoup de mal pour faire honneur à ceux qui lui ont confié cette
responsabilité, et quelques mois plus tard il pourra arborer avec fierté sur sa
poitrine l’insigne métallique du « masque rieur », emblème de la 6ème
dont il resta fier sa vie durant.
Quand au début du mois de
janvier le lieutenant GUERRIER et le s/C BOYMOND sont envoyés à Toul pour
renforcer le G.C. I/3 tout le monde pense les rejoindre bientôt et se
rapprocher ainsi de la frontière allemande, mais trois jours après la
patrouille est rentrée et c’est une grosse déception pour les aviateurs avides
de combats.
Le sous-lieutenant STEUNOU
(Pilote) ainsi que les sergents BIBERT, HOULES et ROBERT (mécaniciens) sont
envoyés en mission à Villacoublay le 7 janvier en vue d’une
« transformation » sur BLOCH 152, décision « accueillie très froidement » (SIC). Ils rentrent le 22 « encore plus désenchantés » (SIC). A priori il n’y aura pas de
suite à cette formation. Heureusement pour le Groupe !
Le 17 février 1940 ;
autre lettre «... aujourd’hui j’ai parlé longuement au capitaine (Guerrier) ce
matin. Il est très content de moi. Depuis que le suis en escadrille je me
trouve mieux et je suis vraiment dans mon élément. Avec un peu de courage et
beaucoup de persévérance je crois que je tiendrai très bien ma place... je
t’écris ce soir dans un baraquement de la 6ème escadrille qui sert
de bar, P.C. etc. On n’y est bien chauffé. On dirait une cabane de chasseurs
d’ours (trappeurs)... »
22 février ; « ... je suis
naturellement dans ma cabane. J’ai mis de l’ordre et je suis bien à présent.
Pour aujourd’hui, pas mal de travail en vue ; graphiques des heures de vol
et des vidanges d’huile, tours de service des mécanos. Il y a déjà du mieux à l’escadrille,
mais il reste pas mal de choses à mettre au point, et j’ai honneur à employer
les grands moyens pour faire marcher les gens. Pour le moment de suis
personnellement une discipline assez sévère ; à l’heure fixée, toujours au
travail, enfin, un tas de choses où je suis le premier à donner l’exemple.
C’est je crois une des seules méthodes qui prendra et qui donnera des résultats
parce que personne n’aura rien à me reprocher. Je me trouve même un peu seul,
car tout en étant bon copain avec Jean Emery, Japiot et Diaz, je ne fais plus
partie de leur équipe... je me fais mettre en boîte, me traiter de lâcheur,
mais je tiens bon... ».
Comme on le voit ici, comme
on le sait, être distingué par ses chefs et devenir soit même chef n’est jamais
chose facile ; le manque de tolérance, les critiques, les jalousies, les
petites bassesses... sont souvent des freins au travail harmonieux d’une
équipe !
L’hiver 1939/1940 sous la
neige est très rude et reste donc très calme militairement parlant, mais la
troupe souffre !
Extrait du journal de marche
de l’unité administrative du groupe : « … nous abandonnons la grange de Wez pour une baraque
isolée se trouvant dans un bosquet à 2 km du P.C., nous sommes en plein
cœur des champs de bataille, notre baraque est située entre deux
tranchées ; le sol est jonché de vieux vestiges (obus, casques, bidons,
etc.). Le confort est absent dans notre nouveau logis, le froid, le vent et la
pluie y pénètrent sans difficulté ; nous nous calfeutrons le plus possible
et aménageons petit à petit notre triste intérieur ; nous remplaçons
l’électricité par des bougies et l’eau courante par un tonneau de 200 l que
nous allons remplir à 3km. Nous souffrons beaucoup du froid qui sévit
particulièrement dans cette région désertique, tout est gelé et de ce fait nous
restons quelques temps sans eau ; chose désagréable et peu
hygiénique… »
L’hiver 1939/1940 sous la
neige est très rude et reste donc très calme militairement parlant, mais les
officiers, les sous-officiers et surtout la troupe souffre !
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Terrain
de Wez Thuisy – Février 1940 sous la neige, deux Morane 406 de la 5ème
Escadrille |
Sgt Le
MAT, adj COLIN et sgt PIESVAUX, mécaniciens 5ème Escadrille |
Retour de
mission S/c LE GLOAN , cne JACOBI et s/c CHARDONNET |
Série de
photographies faites par Jules PIESVAUX, transmises par son fils
Le commandant CASTANIER fait
ce qu’il peut pour que la base dont il a le commandement puisse recevoir les
aménagements strictement nécessaires à son bon fonctionnement, comme le
prouvent les demandes répétées, voire les mises en garde, qu’il transmet régulièrement
à sa hiérarchie, mais celles-ci restent la plupart du temps sans réponse...
Installation
du Groupe III/6 sur le terrain de Wez Thuisy Lettre du 10 mars
1940 du Commandant CASTANIER, commandant la base de Wez Thuisy, à Monsieur le
Colonel commandant le Secteur de l’Air 52 Objet :
Aménagements Base Aérienne de Wez Thuisy. J’ai l’honneur de vous rendre compte de ce qui suit : 1) Tous les Hommes (Pionniers de Compagnie et compagnie du 86ème Régiment d’Infanterie) mis à la disposition pour les travaux de la base de Wez Thuisy, rappelés par leur Chef de Corps, ont quitté la base le 6 mars. La compagnie de l’air 73/112 dont l’effectif est par trop insuffisant se trouve dans l’impossibilité de terminer les travaux en cours qui sont d’une importance capitale. Il serait nécessaire que je dispose d’extrême urgence d’une compagnie de travailleurs ou plutôt d’une compagnie de génie avec tout son encadrement. A l’heure actuelle, pas un seul merlon de ceux qui ont été prévus dans le dernier programme des travaux n’est encore terminé ; il en résulte que la majorité de mes appareils ne sont pas abrités aux coups malgré le desserrement effectué. 2) Le montage des 3 baraques du cantonnement des officiers par une entreprise civile va être achevé prochainement. Ces baraques ne pourront être habitées que lorsque leur aménagement intérieur sera exécuté. L’exemple du Foyer du Soldat prouve que le GC III/6 et la Compagnie de l’Air 73/112 ne peuvent assurer cet aménagement rapidement et correctement. En conséquence, il y aurait lieu de donner le travail de peinture, de pose de vitres et des serrures, etc. à une entreprise civile dont le rendement serait bien supérieur. 3) L’électrification de la Base n’est pas encore commencée – alors que je m’attendais à ce qu’elle soit terminée pour mars. 4) Il serait indispensable de faire forer un puits dans le cantonnement des officiers et d’y installer une pompe avec un réservoir. Signé : Castanier |
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Installation
du Groupe III/6 sur le terrain de Wez Thuisy Compte rendu du 12
mars 1940 sur le fonctionnement des postes de guet complémentaires, suite à
demande 1205/3S du 22 février 1940. 1ère Armée Aérienne Zone d’Opérations Nord Secteur de l’Air 52 Groupe de Chasse III/6 Le poste de guet complémentaire est constitué par le poste de la section de Défense et de Sécurité situé à proximité immédiate du P.C. du Commandant de Base (Distance 25 m. voir croquis ci-dessous) PERSONNEL : Le poste de défense qui fonctionne déjà comme poste vigie et comme poste d’alerte a été renforcé de deux hommes afin de pouvoir assurer dans de bonnes conditions sa nouvelle mission. MATÉRIEL : · Abri du poste de défense · Une longue-vue · Une table d’orientation · Un carnet de silhouette · Un carnet de message de guet LIAISON : Le renseignement est inscrit par le chef de poste sur une feuille de message de guet. Ce dernier est remis immédiatement à l’officier de service au P.C. qui en assure la transmission téléphonique au P.C. de Laon et éventuellement à la 14ème batterie et au 5ème Groupe d’Artillerie qui sont reliés par fil direct avec la base. MISSION DU POSTE : Elle est précisée par écrit et affichée dans le poste de guet et dans le P.C., elle consiste à signaler tout avion ennemi ou douteux vu et entendu. Pour les avions amis, des instructions seront données ultérieurement. Signé : Castanier |
Deux notes
du commandant CASTANIER permettant d’apprécier la grande misère de l’aviation
française de 1940...
A deux mois
de l’invasion allemande, il est sidérant de constater la lourdeur
administrative qui règne au niveau des structures de commandement de l’Armée de
l’Air !!
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P.C. de l’État-major du Groupe |
Cantine des sous-officiers de la 5ème |
Tente P.C. |
Sgt PIESVAUX – 5ème |
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Vues générales du terrain de Wez Thuisy début
1940 sous la neige |
La tanière des mécaniciens de la 5ème
Escadrille |
Souvenirs d’un soldat
affecté à l’Unité Administrative du GC III/6 (pour rappeler ce qu’était en 1940 les conditions
de vie de la plupart des militaires de carrière, rappelés ou appelés...) « ...nous quittons Bouillancy le 11 novembre au matin à
destination de Wez Thuisy (Marne) où nous arrivons dans l'après-midi. Notre
cantonnement se trouve au village de Wez ; nous couchons dans une grange
où nous restons une quinzaine de jours ; notre bureau se trouve sur le
terrain à proximité du P.C. Nous abandonnons la grange de Wez pour une
baraque isolée se trouvant dans un bosquet à 2 km du P.C. : nous sommes
en plein cœur des anciens champs de bataille ; notre baraque est située
entre deux ex-tranchées ; le sol est jonché de vieux vestiges (obus,
casques, bidons etc.) Le confort est absent dans notre nouveau logis, le
froid, le vent et la pluie y pénètrent sans difficulté ; nous nous
calfeutrons le plus possible et aménageons petit à petit notre triste
intérieur ; nous remplaçons
l'électricité par les bougies et l'eau courante par un tonneau de 200 l.
que nous allons remplir à 3 km. Nous souffrons beaucoup du
froid qui
sévit particulièrement dans cette région désertique ; tout est gelé et de ce fait nous
restons quelques temps sans eau ; chose désagréable et très peu
hygiénique. Nous vivons en
troglodytes pendant des semaines dans notre petit bois ; nous nous
croyons dans un refuge de montagne perdu dans une épaisse couche de neige. Le Capitaine DE PLACE est muté sur Paris et remplacé par le
commandant CASTANIER, et le sergent-chef NUGUE, venant de l’École de
Versailles, est affecté dans notre Unité. Les distractions sont très rares dans cette région déserte, le
village le plus proche (Prosnes) est à 3 km ; nous y descendons
assez souvent où nous y passons des soirées agréables ; le champagne est
la boisson nationale. Nous pouvons nous rendre à Reims une fois par semaine. A notre grand plaisir nous revoyons les premiers beaux
jours ; la neige a disparu et a fait place aux violettes annonciatrices
du printemps ; notre petit bosquet devient très agréable ; nous
aménageons les abords de notre « villa » et constatons avec joie le
fruit de nos efforts. Notre camarade LANGLINAY nous quitte, il est muté au
Groupe I/16 C'est avec regret que nous quittons notre cottage (le 30 avril)
à destination d'Arc-et-Senans, petit bourg aux confins du Doubs et du Jura.
Notre cantonnement est situé dans une immense propriété appelée « Les
Salines ». Nous avons l'heureuse
surprise de coucher dans un lit, car depuis la mobilisation cela ne nous est
encore jamais arrivé. Nous passons un heureux séjour dans cette splendide
région. » |
Le commandant CASTANIER a
également la charge de reconnaître des sites où l’État-major envisage de créer
un nouveau de campagne pour rapprocher le Groupe de la frontière. On a trouvé
dans les archives du III/6 deux compte rendus signés de sa main concernant une
zone entre Hirson et Rocroi, 50 km au nord de Reims, où des terrains envisagés
à Silly-le-Petit (24 janvier) et au Grand-Douaire (7 mars 1940) ont été
reconnus, mais les avis du cdt CASTANIER sont plus que réservés !
Projet de
terrain de campagne (sans suite) à la
frontière belge entre Hirson et Rocroi reconnus par le commandant CASTANIER
à SIGNY LE PETIT (zone non identifiée) ou dans
la clairière de la ferme du Grand Drouaire (Ardennes)
Les mécaniciens des deux
escadrilles, un peu désœuvrés, commencent à peindre les nouveaux emblèmes du
groupe sur les Morane de leurs pilotes fin février, ce qui permet ainsi de
dater certaines photographies. Quelques appareils devront attendre car le
problème « de la peinture des ailes et empennages qui s’en va par plaques
au cours des vols » (voir rapport du le 12 octobre à Bouillancy (lien) n’a
encore pas été réglé correctement ; ce n’est que début avril que les
derniers Morane concernés, convoyés à Reims pour cela, reviendront avec une
nouvelle « robe », ce qui explique que leur camouflage ne corresponde
plus à celui reçu en usine à Bouguenais.
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Morane 406 de la 5ème Escadrille à Wez Thuisy |
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Le Morane
406 n°413 codé « 2 » du Lieutenant MARTIN, ici avec le sergent de
GERVILLIER à droite Cet appareil, touché en combat, sera perdu par
l’adj GOUJON le 10 mai 1940, et parachuté sur la forêt de Cîteaux |
Le samedi 24 février le
premier rédacteur du livre de marche de la 6ème cède sa plume. Celui
qui le remplace résume ainsi le début de la guerre et semble affirmer que le
moral des troupes reste bon malgré la longue attente : « Samedi 24 février
1940 -Dans une semaine exactement il y aura six mois que nous sommes en guerre.
Ces six longs mois ne furent troublés par aucun incident marquant en ce qui
concerne le conflit actuel, sauf que la « guerre des nerfs » a battu
son plein, dans tous les domaines. Celle-ci heureusement a trouvé des nerfs
bien tendus et insensibles aux vibrations, ces messieurs les nazis auront fort
à faire pour en attaquer la charpente »
Le s/lt mécanicien
Les détentes des armes
des Morane ne fonctionnent pas correctement en altitude... « ... c’était l’époque où le III/6 envoyaient chaque jour
des patrouilles à 8 000 m. où elle se relayaient pour guetter les avions
de reconnaissance allemands. Les pilotes revenaient au terrain furieux et
désespérés de n’avoir pu descendre un Heinkel 111 qui prenait des photos
alors qu’ils l’avaient à bonne portée dans leur collimateur mais leurs armes
refusaient de fonctionner : en altitude, les détentes étaient
gelées !... Ces avions n’avaient pas été faits pour voler aussi haut ! Tout est rentré dans l’ordre avec de nouvelles détentes, en
essai à Cazaux depuis un an ; le Ministère de l’Air n’avaient pas eu le
temps de les homologuer ! Le commandant du Groupe réussit à se les
procurer à l’usine qui les fabriquait. Cette initiative contre nature fut
connue en haut lieu et le commandant CASTANIER reçut la visite d’un officier
supérieur du Ministère de l’Air qui lui reprocha son
« indiscipline » et se ... fit mettre courtoisement à la porte ...
Un mois plus tard tous les Groupes de Morane 406, y compris le III/6,
reçurent l’ordre de monter en urgence cette nouvelle détente, enfin homologué
et disponible sans tous les parcs de matériel de l’Armée de l’Air... » |
C’est sans doute grâce à
cette « indiscipline » du cdt CASTANIER dont parle le s/lt
BRAUDEAU, que le tandem LE GLOAN, MARTIN de la 5ème escadrille,
peut avoir raison le 2 mars 1940, plus facilement que lors de leur difficile
première victoire du 23 novembre 1939, d’un second Dornier 17P de
reconnaissance. Il ne leur faut cette fois que 7 à 8 minutes pour coincer
l’appareil WNr 17360, codé 6M+AM, du 4.(F)/1 et endommager son
empennage ; le pilote allemand est alors contraint à poser son avion sur
le ventre au lieu-dit La Ferme Sainte-Marie, 2 km au sud-est de Bouzonville
(Moselle). Le livre de marche de la 5ème précise avec humour
que : « LE GLOAN a huit
balles dans la queue. » (SIC). On bouchera les trous dans son appareil avec des petits morceaux
de toile sur lesquels a été peinte une croix gammée !
Bien évidemment le
lt MARTIN et le s/c LE GLOAN reçoivent une nouvelle citation pour
leur seconde victoire.
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Dornier
17P WNr 17360, codé 6M+AM, du 4.(F)/11, abattu à la ferme Sainte-Marie -
Bouzonville - 2 mars 1940 par le
lieutenant MARTIN et le sergent-chef LE GLOAN (seconde victoire des deux
pilotes), FF Fw Heinz BÄR et BO Oberlt Adolf LEUPOLT,
BF Fw Karl LEJCZYK, blessés et capturés. |
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X, s/c BORREYE, Y, sgt PIESVAUX |
Sgt Le
MAT et sgt PIESVAUX, deux amis inséparables |
s/c Omer
BORREYE, sgt PIESVAUX, X |
Sgt Le MAT et sgt PIESVAUX |
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Entre
autres... sgt PIESVAUX et sgt De GERVILLIER |
A droite, adj GOUJON, sgt De GERVILLIER, s/c MERTZISEN |
Au premier plan, adj GOUJON |
A gauche, adj GOUJON, sgt De GERVILLIER, s/c MERTZISEN |
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Terrain de Wez Thuisy – Réchauffage du moteur
d’un MS 406 – Sgt PIESVAUX au centre |
Terrain de Wez Thuisy – Quelques Morane 406
de la 5ème Escadrille |
Série de
photographies faites par Jules PIESVAUX, transmises par son fils
Le 10 mars 1940, grande
effervescence à la sixième escadrille, une équipe du Service Photographique de
l’Armée de l’Air débarque sur le terrain avec caméras et appareil
photographiques pour réaliser un reportage, aussi bien au sol qu’en l’air.
Quelques minutes de ce genre de films étaient montées avec des invraisemblables
commentaires de propagande dithyrambiques - « Nous
vaincrons parce que nous sommes les plus forts !» - pour être projetées
en première partie dans les salles de cinéma du pays, non pour informer, mais
pour soutenir le moral des français que cette « dôle de guerre »
anesthésiait ! Heureusement de très beaux agrandissements ont été
distribués plus tard à beaucoup de ceux qui étaient à Wez ce jour-là, et ils
les ont heureusement conservés en souvenir ! Ceux de Joseph BIBERT sont
présentés dans une page en annexe accessible en cliquant sur le bandeau des
miniatures ci-dessous :
Exemple de film du Service Cinématographique
des Armées au service de la propagande gouvernementale
Lien
pour écouter la bande son de ce film de novembre 1339 – Qui pouvait être
dupe ?
10 mars 1949 – Reportage photographique du
Service Cinématographique de l’Armée de l’Air à Wez Thuisy : 6ème
escadrille du GC III/6
26 images scannées d’une exceptionnelle qualité
à partir des agrandissements 13 x 18 qui ont été conservés par Joseph Bibert
Cliquez sur le bandeau des
miniatures ci-dessus pour ouvrir la page contenant ces photos
Le s/lt MENNEGLIER, affecté à
la 6ème ,est arrivé 4 jours
plus tôt au III/6 avec son camarade le s/lt CAVAROZ, affecté à la 5ème
en provenance du C.I.C. de Chartres, tous deux étant sortis de l’École de l’Air
en 1939. Une fois en retraite il a écrit pour sa famille ses mémoires, et ce
texte d’une grande précision est un précieux témoigne pour « l’Histoire du
GC III/6 ». De nombreux extraits en sont reproduits dans les différentes
pages de ce site ; remerciements chaleureux à son fils Philippe qui nous
en fait bénéficier !
Les premiers souvenirs
du s/lt MENNEGLIER après son arrivée au GC III/6 le 6 mars 1940. Le commandant CASTANIER
avait trois adjoints : le cne CHAINAT,
le cne TRAVERS, et le cne ASSOLLANT... Le « Père
Chainat » était une vieille connaissance... (voir ce qu’en dit
Jean MENNEGLIER sur la page du cdt CASTANIER) Le cne TRAVERS
aimait bien lever le coude. Il avait commandé un groupe de l'escadre de
chasse de Dijon. Je ne sais plus exactement quelle catastrophe s'était
produite à l'occasion d'un déplacement de son groupe. Certains avions avaient
été au tapis. On l'en avait rendu responsable et relevé de son commandement
pour l'envoyer comme adjoint au III/6. Quand il avait quelques verres dans le
nez il aimait bien évoquer ses malheurs. Je l'ai revu d'ailleurs bien après
la guerre en AFN. Il était toujours capitaine et manifestement alcoolique.
C'était triste à voir.... Le cne ASSOLLANT,
que nous appelions « Monsieur Jean », était célèbre pour sa
traversée de l'Atlantique nord à bord de « l'Oiseau Canari » avec Lefèvre
et Loti et un passager clandestin qui s'était glissé dans l'avion juste avant
le départ des USA. A l'époque, il devait être un des dirigeants d'Air
Madagascar. Il y retourna après l'armistice et fut descendu par les anglais
lors d'une de leurs attaques contre l'île en 1942. Le Groupe avait deux escadrilles. La première à laquelle
j'appartenais était commandée par le cne GUERRIER,
un polytechnicien au poil roux qui ne devait pas honorer son nom comme nous
pûmes le constater après le 10 mai... ... Parmi les officiers pilotes il y avait le lt STEUNOU, un de nos anciens de la
promo « Astier de Vilatte », le lt LEGRAND, un vieux pilote passé par le rang, grand fumeur de pipe
qu'on appelait familièrement le « Père Legrand ». Il devait être le
plus âgé de tous les pilotes du Groupe. Le s/lt CAPDEVIOLLE (*), un E.O.A. de notre promotion, était un
provençal très fier lui aussi de son crâne romain et plutôt original. Il
s'était procuré un cor de chasse dont il essayait de jouer et promenait avec
lui un cocker noir. Il fumait avec componction une pipe en écume de mer qu'il
affectionnait particulièrement. Le s/lt VILLEMIN,
un autre E.O.A. de ma promotion, complétait le groupe des officiers qui
devait être rejoint plus tard par SATGÉ
de ma promo, en retard sur nous dans son entraînement à Chartres pour des
raisons inconnues. On me donna comme chef de patrouille l'adjudant JAPIOT qui ne se révéla pas, lui
aussi, comme un foudre de guerre. L'autre escadrille était commandée par le cne Jacobi, un
officier de réserve en situation d'activité. CAVAROZ, aussi de ma promo, fut affecté à cette escadrille qui
comptait le lt MARTIN, un de nos
grands anciens qui nous avait encadré à Salon. Il y avait aussi SALAÜN et COLONGE, tous deux de nos anciens et DE ROUFFIGNAC, un autre E.O.A. de notre promotion... MENNEGLIER – STEUNOU – SATGÉ – CAPDEVIOLLE
et son cocker... Les commandants de groupes de chasse avaient une grande
autonomie. Nous étions placés en DAT (Défense Aérienne du Territoire) et
reliés au centre de renseignement le plus proche qui nous transmettait tous
les messages provenant des postes de guet aérien. On les reportait sur une
carte de situation et le commandant décidait lui-même d'intervenir ou non sur
les raids. Ce système avait l'inconvénient de voir des patrouilles de deux
groupes différents attaquer le même avion et se disputer sa destruction. Il
ne permettait ni l'économie des forces, ni la concentration des moyens sur
des raids importants ce que le système anglais des salles d'opérations
autorisera et qui sera décisif lors de la bataille d'Angleterre. Quand j'arrivai à Wez-Thuisy La première escadrille s'était
signalée par deux fois en descendant chaque fois un Dornier Do 17.
C'était la patrouille adj LE GLOAN - lt
MARTIN qui s'était illustrée dans
les deux cas. Les Dornier interceptés à haute altitude avaient piqué jusqu'au
sol pour essayer de regagner l'Allemagne en rase-mottes ce qui facilitait le
travail du mitrailleur arrière qui n'avait plus à défendre le secteur sous le
fuselage. MARTIN et LE GLOAN avaient eu leur avion touché
à tour de rôle dans les deux engagements. On avait rebouché les trous de
balles dans l'entoilage du fuselage à, l'aide de pastilles frappées de la
croix gammée. Je partis à mon tour avec mon C.P. (Chef de Patrouille)
exécuter ces missions. Comme le MS 406 n'avait pas la carlingue
chauffée, on revêtait sous la combinaison des vêtements chauffants, pantalon
et veste, ainsi que « cagoule » en soie sous le casque et gants
chauffants sous les gants fourrés à crispins. Aux pieds on mettait les bottes
fourrées passées sur les chaussures. On avait sur la poitrine un boîtier de
raccordement relié à l'avion par un câble, sorte de cordon ombilical, boîtier
sur lequel on branchait les prises du courant de chauffage, les écouteurs et
le laryngophone pour la radio et le tube de caoutchouc de l'inhalateur. Ainsi
équipés on montait aux environ de 8 000 mètres pour rejoindre notre
secteur de surveillance. Très rapidement le froid nous saisissait. Le volant
de commande du plan fixe se bloquait, la graisse durcissant avec le froid. Le
débattement du manche prenait des « durs » comme s'il y avait des
crans dans la commande. L'avion ne réagissait plus, quand on poussait le
moteur, qu'avec un certain retard, ce qui obligeait à faire attention dans
les manœuvres en patrouille. Ensuite, au retour, il fallait faire très
attention à l'atterrissage car on n'appréciait plus très bien la hauteur
au-dessus du sol et on avait tendance à arrondir un peu trop haut... |
(*) André
CAPDEVIOL, né à Grenoble le 3 avril 1916 (CAPDEVIOL, comme son père, sur son
acte de baptême, mais nom qui devient plus tard CAPDEVIOLLE, comme tous ses
ancêtres paternels : CAPDEVIOLLE sur beaucoup de documents du III/6, dans
toutes les archives de la Légion d’Honneur, sur l’acte de naissance de sa
fille, sur son acte de décès qui est pourtant rectifié plus tard ;
« CAPDEVIOL » en marge, suite à une décision administrative). Élève
mitrailleur en 1934 à Istres, breveté pilote militaire le 27/07/1935 sous le
n°24569, sergent pilote à Istres en 1935 quand il obtient son brevet civil
n°5 014 le 12/12/1935. Il sera admis à l’École de l’Air des sous-officiers
en août 1938 et sera nommé sous-lieutenant en août 1939. Capitaine en 1945,
décédé le 13 septembre 1945.
Page
spécifique consacrée au lieutenant STEUNOU
Le 16 mars Joseph BIBERT, qui
a enfin obtenu sa première permission P.L.D. (2 semaines), quitte momentanément
le Groupe : avec sa voiture personnelle et beaucoup d’inconscience...,
dans des conditions difficiles du fait de la « drôle de guerre », il
se rend en Alsace quelques jours pour présenter son épouse à sa famille qu’il
n’a pas vue depuis le printemps 1939. Sa mère, sa sœur et sa nièce ainsi que
quelques proches de Marckolsheim, ville inaccessible puisque près du Rhin sur
la ligne Maginot, ont pu se réfugier dans le charmant village de Ranspach, dans
la vallée de Saint-Amarin, au pied du col de Bussang, où une tante Religieuse,
Sœur YVO, est Directrice de l’école des filles. Le 30 mars, Joseph est de
retour à Wez Thuisy. Des précieuses photographies de ce périple ont pu être
préservées.
Album des photographies n°V de Joseph Bibert –
Novembre 1939 à mai 1940 – Permission en Alsace
Cliquez sur le bandeau des
miniatures ci-dessus pour ouvrir la page contenant ces photos
Il ne retrouvera sa jeune
épouse à Alger que le 19 août 1940 et il lui faudra attendre l’hiver 44/45, 5
ans ½ plus tard, pour pouvoir embrasser à nouveau sa mère et sa sœur, à Thann,
en pleine bataille pour la libération de l’Alsace : une vraie aventure
racontée dans la troisième partie de ce document.
Les conditions climatiques de
ce début de l’année 1940 restent mauvaises : « Le printemps doit avoir peur de la guerre » écrit le
rédacteur du livre de marche de la 6ème escadrille. De ce fait on ne vole
toujours pas beaucoup !
Le 29 mars 1940 arrive au
Groupe une patrouille de pilotes polonais composée du Capitaine SULERZYCKI, des
Sous-lieutenants RYCHLICKI et KAWNICK. Ils sont affectés à la 5ème°Escadrille.
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Capitaine Mieczyslaw SULERZYCKI (jusqu'en 1930, il
utilisait le nom de Szufel), né le 1er juillet 1905. En 1926, il rejoint la
61ème escadrille (6ème Régiment de l’Air) à Lwow à
l’École de L'armée de l'air polonaise, où il est breveté observateur. En
1932, il suit les cours de pilotage et est affecté à la 122ème
escadrille de chasse, puis à la 123ème. À partir de 1936, il est
commandant adjoint de la 122ème. En 1939 il est instructeur du
CWL 1 à Deblin. En 1940, en France, il commande la section polonaise du
GCIII/6. En Grande-Bretagne, il est contrôleur des salles d'opérations des
302ème et 308ème Escadrons, attaché à la RAF à Northolt
et à la RAF à Tangmere, officier de liaison du Groupe HQ 11 Group.
Crédité d'un avion allemand probablement abattu. Décédé le 6 décembre 1983 à
Mabledon. |
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Sous-lieutenant Erwin KAWNIK, né le 30 avril
1913. En 1927, il est diplômé d'une école de pilotage et affecté à la 121ème
escadrille (2ème Régiment de l’Air) à Cracovie. En 1939, il est commandant
adjoint de la 123ème escadrille de chasse. Le 2 septembre 1939,
début de la campagne, il est commandant de la 123ème. En 1940, en France, il
est pilote à la section polonaise du GCIII/6. En Grande-Bretagne il est
pilote au 308ème Escadron, puis commandant de vol. Tué au combat au –dessus
de la France le 2 juillet 1941. Trois victoires. |
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Sous-lieutenant Boleslaw RYCHLICKI, né le 19 janvier
1915. Officier de réserve, mobilisé en 1939 à la 31ème escadrille (3ème
Régiment de l’Air, appelé « Poznan » Army »). En 1940, en
France, il est pilote de la section polonaise du GC III/6. En Grande-Bretagne
il est pilote au 316ème Escadron. A partir de 1942 pour des raisons
médicales, il est transféré à des fonctions au sol. Après la guerre il a
émigré au Canada. A travaillé à l'Association du Transport Aérien
international (IATA). Décédé le 11 septembre 1994 à Montréal. |
Extraits
de : Extraits de « Montpellier Fighter Squadron » de Bartomiej
Belcarz, que nous remercions pour son aide
Mémoires de Jean
MENNEGLIER – Arrivée de la « Patrouille Polonaise » ...Nous vîmes arriver un jour trois Morane portant le damier
rouge et blanc. C'étaient des Polonais ayant échappé aux Allemands en passant
par la Roumanie lors de l'invasion de leur pays. Ils étaient venus en France
où on les avait regroupés et entraînés. Ils portaient l'uniforme polonais,
leur pays étant toujours en guerre et représenté par un gouvernement en exil.
Il y avait le cne SULERZYCKI,
grand, maigre et taciturne ; le s/lt
KAWNICK, un petit blond, râblé avec une tête ronde de slave qui,
parait-il, avait eu plusieurs victoires sur P.Z.L. et le s/lt RICHLICKI, un nom difficilement
prononçable, qu'on appelait « Rikiki », blond, fin, qui jouait du
Chopin quand il pouvait trouver un piano, ce qui fut le cas un soir où nous
étions allés faire une virée dans la Montagne de Reims. Il leur arrivait
d'avoir le bourdon, ce qui se comprend, car ils avaient laissé leurs familles
au pays et n'en avaient guère de nouvelles. Le soir où le spleen les prenait
on pouvait vérifier ce que voulait dire : « Saoul comme un polonais ! »
Ils volèrent toujours ensemble jusqu’au 10 mai, date à laquelle la patrouille
fut dispersée... |
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A
Lyon-Bron, le 27 mars 1939, très bel alignement des Morane MS 406 préparés, à
leurs couleurs, pour les Pilotes polonais qui vont rejoindre les
différents Groupes de Chasse français dans lesquels ils ont été affectés |
Ces trois pilotes sont
immédiatement rejoints par six compatriotes mécaniciens, dont cinq sont
brevetés avions : les sergents KULIKOWSKI et DARBAK, les caporaux-chefs
MAKOWSKI, DZIEKANSKI et JOSEFOWSKI. Le sixième, le sergent PACULA, est un
mécanicien d’armement. Tous rivaliseront d’ardeur et de dévouement avec leurs
collègues français.
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Si le
capitaine GUERRIER est bien le chef de sixième Escadrille du GC
III/6... |
Le s/c BOYMOND devant son MS 406 n°684
« Homicide » |
Le sgt GAUTHIER sur son MS n°684
« Mektoub ! » |
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... il est aussi un infatigable pêcheur à la
ligne ! |
Ce
jour-là, le sgt GAUTHIER vole avec l’appareil du sgt BOYMOND Sur l’aile, son mécanicien, le sgt LEVÊQUE |
Le sgt
GAUTHIER devant son MS n°684 « Mektoub ! » Photographie prise à Chissey sur Loue après sa victoire du 19 mai
1940 sur un Dornier 17 en collaboration avec le s/lt STEUNOU et le sgt
BOYMOND |
Série de
photographies faites par Georges GAUTHIER, via Lionel PERSYN que je remercie -
Droits réservés
Début avril, petit à petit
les choses bougent, le GC III/6 sort de sa léthargie et l’activité devient plus
soutenue ; il va être de nouveau confronté à l’ennemi. Les « tenus de secteur à priori »
et les « décollages sur
alerte » se multiplient. Des avions allemands isolés sont bien pris en
chasse, mais à chaque fois la vitesse insuffisante des 406 en altitude leur
permet de s’échapper. Cependant la 6ème escadrille connaît son vrai
baptême du feu le 7 avril dans les Ardennes. Le s/lt LEGRAND revendique un
Messerschmitt 110, mais cette victoire sera finalement attribuée seulement à un
autre groupe équipé de Curtiss qui avait également participé à la chasse ;
frustration générale au Groupe ! Mais ce n’est que partie remise...
Quatre jours plus tard, le 11
avril, l’escadrille des masques « rieurs » fête enfin ses deux
premières victoires officielles ; un Dornier 17P (appareil de la 4.F/122)
est abattu à quelques kilomètres du terrain par le lt STEUNOU et s/c BOYMOND,
et un Heinkel 111 (appareil H17A+GL WNr 2305 de la 3.F/121) dans la région de
Sissonne, au NO d’Amifontaine, par les s/lt VILLEMIN, sgt PIMONT et
sgt MAIGRET. On peut imaginer qu’une activité somme toute réduite, deux
victoires sans perte, l’exposition des trophées au bar de l’escadrille et une
fête bien arrosée au champagne donnèrent à ceux du GC III/6 des sentiments de
sérénité et de force peut être disproportionnés par rapport à la réalité des
choses, comme la suite des évènements le démontrera malheureusement.
CITATION du s/lt STEUNOU « Jeune officier pilote plein d’allant. Le 11 avril 1940,
équipier d’une patrouille de chasse, a participé à l’interception d’un avion
de reconnaissance ennemi, puis aux attaques portées contre cet appareil qui a
été abattu dans nos lignes » Croix de guerre avec étoile
d’argent |
CITATION du s/lt VILLEMIN « Chef de patrouille calme et résolu. Le 11 avril 1940, a
très brillamment mené en patrouille l’attaque d’un avion He 111 et l’a abattu
dans nos lignes. » Croix de guerre avec palme |
CITATION du sgt PIMONT « Pilote adroit et audacieux. Le 11 avril 1040 a participé à
un combat aérien qui s’est terminé par la chute d’un He 111 dans nos
lignes. » Croix de guerre avec palme |
Dans le livre de marche de la
6ème, encore à Wez Thuisy le 22 avril : « ... malgré un temps
splendide aucune alerte ne trouble la douce quiétude dans laquelle nous sommes
plongés… », et le 3 mai à Chissey sur
Loue : « ... belle journée dans un cadre montagneux ; se
croirait-on en guerre ?... ». Une semaine plus tard sera
une autre histoire...
Il ne se passera plus rien de
bien important pour le III/6 jusqu’à son départ de Wez Thuisy le 30 avril.
Notons que depuis qu’il est
arrivé en champagne le 15 novembre 1939, 13 nouveaux pilotes ont rejoint le
Groupe :
6 décembre 1939 |
sergent |
THIROUXde GERVILLIER |
5ème |
7 décembre 1939 |
commandant |
CASTANIER |
E.M. |
8 janvier 1940 |
capitaine |
TRAVERS |
E.M. |
6 mas 1940 |
sous-lieutenant |
CAVAROZ |
5ème |
|
sous-lieutenant |
MENNEGLIER |
6ème |
|
sergent |
HARDOUIN |
6ème |
|
sergent |
MAIGRET |
5ème |
|
sergent |
TRINEL |
5ème |
29 mars |
lieutenant |
SULERZYCKI. |
5ème |
|
sous-lieutenant |
KAWNICK. |
5ème |
|
sous-lieutenant |
RYCHLICKI |
5ème |
5 avril 1940 |
sergent |
BOUIN |
6ème |
12 avril 1940 |
sergent |
GABARD |
6ème |
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Wez
Thuisy – Les trophées exposés dans le bar de la 6ème Escadrille du
GC III/6 Hélice et croix noire prélevés sur l’épave du
Heinkel 111 (appareil H17A+GL WNr 2305 de la 3.F/121) abattu à Amifontaine le
11 avril 1940 par les s/lt VILLEMIN, sgt PIMONT et sgt MAIGRET |
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Wez Thuisy – Camouflage du MS 406du s/lt
MENNEGLIER - 6ème escadrille |
Wez Thuisy – Tente du P.C. du Groupe – s/lt
CAVAROZ, STEUNOU et CAPDEVIOLLE |
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Auberge
du Cheval Blanc aux Sept Saulx s/lt CAPDEVIOLLE et STEUNOU, cne TRAVERS et
JACOBI, lt LEGRAND (de dos), cne GUERRIER |
Auberge
du Cheval Blanc aux Sept Saulx A gauche, sans doute des
« invités » - A droite, lt LEGRAND, cne GUERRIER et s/lt STENOU |
Série de
photographies faites par Jean MENNEGLIER, transmises par son fils Philippe que
je remercie - Droits réservés
|
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Le
sergent de GERVILLIER devant son Morane « masque sévère » de la 5ème
et son mécanicien Rare
série de photographies d’un MS 406 sous tous les angles ayant permis aux illustrateurs, artistes et maquettiste
d’en réaliser des représentations parfaitement fidèles |
A Wez
Thuisy, le sergent Arnould Jean Sebran, comte de GERVILLIER à bord de son MS
406 « Le Dahut » Cette photographie permet d’apercevoir à
droite le tragique « Mont CORNILLET » de la guerre 14/18 |
Série de
photographies transmises par la famille de GERVILLIER que je remercie - Droits
réservés
Page spécifique consacrée au sergent De
GERVILLIER
|
Profils,
dessin d’artiste et maquette du Morane Saulnier MS 406 n°803 (L832) « Le
Dahut » (*) du sergent De GERVILLIER (*) Un
dahu : sans « t », est un animal imaginaire. On propose à une
personne crédule de « l’emmener à la chasse au dahu » |
Déplacement
du GC III/6 de Wez Thuisy (Marne) à
Chissey-sur-Loue (Jura)
Le lien ci-dessus permet d’accéder à 5 des notes de l’Armée de
l’Air (classées « SECRET ») qui concernent la décision et l’organisation
du déplacement du Groupe GC III/6 de la Marne au Jura, entre le 27 et le 30
avril 1940, quelques jours avant l’attaque allemande du 10 mai 1940. Elles sont
particulièrement intéressantes pour comprendre l’imbrication de tous les
services et sous-services concernés par une telle opération, et d’en savoir un
peu plus sur les conditions matérielles d’un mouvement de l’échelon roulant
entre deux terrains de campagne.
CHISSEY SUR LOUE
30/04/1940 – 20/05/1940
Lien vers la page :
Les
aérodromes du groupe de chasse GC III/6 de la campagne de France
Document officiel décrivant les caractéristiques principales de la
Base Aérienne de Chissey
Photographie aérienne du 1er avril 1940
PROJET
DE CAMOUFLAGE DE LA BASE DE CHISSEY DU 17 AVRIL 1940 établi par la
Compagnie de l’Air n°23/102 Suivant les ordres de la Note de Service n° 1901/S/ 4T du 4ème Bureau de l'État-major de la ZONE D'OPERATIONS AÉRIENNES SUD, un projet de camouflage a été établi pour la Base Aérienne de Chissey répondant aux questions posées : A - Création de fausses-routes traversant la plateforme En s'inspirant des chemins existants avant l'occupation de ce terrain d'une part, et également en prolongeant des routes ou chemins venant actuellement s'arrêter en bordure du terrain, le projet de fausses-routes a été donc conçu de la façon suivante : 1° En bordure ouest et sud du terrain sur un ancien emplacement de chemins de terre figurant sur la carte au 1/5 000 un faux-chemin a été prévu partant d'un sentier actuellement existant, orienté ouest-est venant de Chissey et s'arrêtant en bordure de la piste. Ce faux-chemin suivrait donc approximativement sur les côtés ouest et sud le sentier disparu pour aboutir à la route des alvéoles nouvellement créés. 2° Un faux-chemin coupant la piste dans le sens longitudinal ouest à est partant du sentier existant ouest-est venant de Chissey (déjà cité ci-dessus) et allant aboutir à 1a patte d'oie de la route des Alvéoles. 3° Une fausse-route coupant en biais la partie nord au terrain faisant suite à une route nord-sud venant de forêt de Chaux aboutissant en bordure du terrain sur la route de Chissey à Arc-et-Senans, cette fausse route irait également aboutir à la patte d'oie. 3° Prolongement en direction de l'est de la route des alvéoles par un faux chemin pour se perdre dans les broussailles de la rive nord de la rivière de la Loue. B - Champs artificiels à réaliser Une étude a été faite à ce sujet, sur le plan au 1/50 000 ci-joint. L’étroitesse des bandes de cultures des terrains environnants a été reproduite dans ce projet sur le terrain, ces bandes allant en général de 30 m., 40 m., 90 m, à 100 mètres maximum, et donnera donc l'aspect des cultures environnantes. Quelques haies ou broussailles ont été également figurées le long des faux-chemins principalement dans le centre de la piste, des broussailles existant dans le paysage des alentours. C - Déplacement éventuel des hangars et leur camouflage La Base Aérienne da Chissey, ne possédant actuellement aucun hangar, la question de leur déplacement et camouflage na se pose donc pas. Il est à signaler à ce sujet, que sur le plan de Base, il a été prévu la construction de deux hangars en lisière ouest du village de Chissey, et très près des maisons de ce pays de façon à en assurer un camouflage dans les conditions meilleures au possible. .../... |
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En plus au sud-est du terrain des alvéoles ont été entreprises dont une est terminée et camouflée et cinq autres en cours de construction ou de camouflage. Ces alvéoles sont réparties en général entre 250 et 300 mètres de distance le long de la rive nord de la rivière de la loue et placées de façon à se confondre le plus possible avec les arbres et les broussailles existants le long de cette rive. D - Emplacement des fausses plateformes Il semble très difficile à première vue de tromper l'ennemi sur l’emplacement du terrain de Chissey par une fausse plate-forme, ce terrain étant entouré de points de repère, très précis, ceux-ci étant les villages de Chissey et d'Arc et Senans, la rivière de la Loue, la forêt de Chaux, la voie ferrée et la route d'Arc et Senans à Chissey. Néanmoins, des recherches ont été effectuées pour la création d'une fausse plate-forme à l'Ouest du village de Chissey, où un terrain a été trouvé semblant pouvoir offrir les aspects d'une vraie plate-forme et dont les dimensions seraient approximativement de 800 x1 200 m. bordé sur le côté par la route de Châtelet à Çhamblay, au nord par un chemin de terre, et à proximité de la rivière de la Loue. MOYENS NÉCESSAIRES POUR L’ÉXECUTION DU CAMOUFLAGE DE LA BASE DE CHISSEY Les moyens, en personnel et en matériel, si l’on se rapporte aux données de l’Exposé sur le camouflage des Bases Aériennes d’Opérations, (stage des Officiers – Coulommiers – Février 1940) sont de 50 hommes et un certain matériel dont la compagnie ne dispose pas, en ce qui concerne : A - Le personnel La Compagnie de l'Air n°23/103, peut avoir dans son effectif propre une soixantaine de travailleurs y compris la section de Défense et de Sécurité dont trente environ pourraient être mis à l’établissement de ces fausses routes, le reste des travailleurs étant occupé à la construction de postes de tir, alvéoles, baraques HPF, baraques Hamont, peintures et poses de grilles etc. etc. et il serait également nécessaire que l'apport des matériaux soit assuré par des camions et du personnel de la compagnie de Transport de Munitions n°4/102 comme il a été fait du reste pour la création de la nouvelle route, des alvéoles. B – Le matériel La compagnie possède deux tracteurs à 3 roues FA5, des brouettes, des pelles, et également 2 camions-bennes prêtés par la Compagnie de l'Air n°32/l02. A ce sujet, une de ces bennes est en transformation en tonne à eau par les soins des services des Ponts et Chaussées, en plaçant sur cette benne un réservoir de 3 000 l. muni d'une rampe d'écoulement. Il faudra donc, que la Compagnie de l’Air n°32/102, par suite de cette transformation, soit dotée d’une nouvelle benne. Un compresseur à moteur pour peinture et ses accessoires et 2 pompes à bitume à pression seraient également nécessaires à ces travaux. Signé : capitaine MONTEILLET, commandant la Compagnie de l'Air n°23/102. |
Deux notes
concernant le camouflage de la Base Aérienne de Chissey datant du mois d’avril
1940, entre le départ du GC I/6 et l’arrivée du GC III/6, particulièrement
savoureuses...
...sachant
que la position du terrain, si elle ne figure pas sur les cartes de l’Armée,
est parfaitement explicite à cette époque sur la carte Michelin détaillée de la
région !
Réunion au 1er mai 1940 à Chissey, de la Commission
prévue par la note de service 2353/S. et T de la Zone d'Opérations
Aériennes Sud pour arrêter le plan de camouflage de la Base (sur propositions
fournies par le Capitaine commandant la Cie. de l'Air, n°2 050 C.A.
du 17/4/40) I°- FAUSES ROUTES Acceptées avec fausses haies. II°- FAUSSE Réduire le nombre des parcelles, n’en colorer que 8 à 10 convenablement disséminées sur le terrain. Pour le reste, procéder par fauchages intermittents, les bords des parcelles étant accusées par une application légère d’émulsion de bitume. III°- HANGARS Les hangars prévus ultérieurement seront disposés et camouflés selon les instructions données par la Z.O.A.S. IV°- FAUSSE PLATEFORME La plateforme proposée étant en culture ne sera complètement uniforme qu'à l’époque des moissons et fenaisons. Néanmoins il sera fait des aménagements de faux- hangars et fausses-constructions en bordure de la route. V°- ALVÉOLES Le procédé de camouflage des alvéoles existantes est à poursuivre dans les mêmes conditions pour les alvéoles à construire. VI°- POSTES DE TIR Camoufler une partie des postes de tir en « meules de paille » par l'application des filets paillés, genre Base Tavaux Signé : Capitaine PEPIN, représentant le Général commandant
la Z.O.A.S. Capitaine MONTEILLET, commandant la Compagnie de l'Air n°23/102. Lieutenant BORDEAU, représentant le commandant du Secteur de
l’Air n°16 |
Pour faire face à la menace
d’une attaque italienne, le GC III/6 quitte Wez le 30 avril 1940 et prend possession
de l’aérodrome de Chissey sur Loue, base 42E4, à mi-chemin entre Besançon et
Lons le Saulnier dans le Jura : voir
carte. C’est là qu’il sera engagé dans la campagne de France en faisant
face, mais d’un peu loin, à l’offensive allemande du 10 mai 1940. Les lettres
de noblesse de l'aérodrome de Chissey seront donc écrites par le GC III/6.
Dès 1924, un petit aérodrome
civil existait à Chissey, à la sortie du village en direction d'Arc-et-Senans.
En 1931, le Ministère de l'Air décide de l'agrandir pour créer un aérodrome de
campagne et procède, à l'époque, à l'achat de deux cent trente-huit parcelles
pour une superficie totale de soixante-neuf hectares permettant d’utiliser une
piste de huit cents mètres sur quarante mètres, suffisante pour les avions de
l'époque. Quelques hectares supplémentaires seront ajoutés en 1935 (déclaration d’utilité publique du terrain de Chissey).
L’aménagement et
l’organisation de la Base aux débuts des hostilités avec l’Allemagne reposent
sur la compagnie de l'air 23/102 qui arrive à Chissey le
28 août 1939, sous les ordres du capitaine Monteillet, avec 120
hommes. En septembre 1939 ce sont d’abord 11 antiques Bloch 200 du 2ème
Groupe de la 32ème escadre de Châteauroux qui sont positionnés
pendant quelques semaines sur ce terrain de campagne, avant d’aller ailleurs,
en novembre, pour se faire heureusement réformer ! C’est le calme plat
ensuite jusqu’au 8 mars 1940 avec l’arrivée du Groupe de chasse GC I/6 du
capitaine TRICAUD et de ses Morane 406, en provenance de Marignane (1ère Escadrille, capitaine
MAUVIER et 2ème Escadrille, capitaine BRUNEAU), qui marque le
vrai point de départ de l’activité aérienne de guerre à Chissey.
Le dispositif de camouflage
prévu peut sembler très sophistiqué d’après les deux notes ci-dessus, mais ce
n’est qu’à l'arrivée du I/6, grâce à la détermination de son commandant et à
l’implication de ses hommes, que les travaux d’équipement de la Base sont
réellement entrepris. La construction d’un P.C. d’escadrille souterrain « dont le toit affleure au ras de
terre » est longuement décrit avec humour dans le célèbre journal de
marche de la seconde Escadrille du Groupe I/6, remarquablement illustré avec
humour par le s/lt DEMOULIN, d’ailleurs futur chef d’Escadrille du III/6
en A.F.N. en 1944.
Illustrations
du livre de marche de la 2ème Escadrille par le s/lt DEMOULIN
La chasse
aux grenouilles – Le PC de l’Escadrille avec ses couchettes superposées – La
victoire du 7 avril 1940 de 10 MS 406 sur un malheureux Junkers 52
Page
spécifique consacrée au capitaine DEMOULIN
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Extrait du
livre de marche de la 1ère Escadrille du GC I/6 : on peut voir
que la construction des baraques HPF est rapidement menée !
« ...cabane en bois aux trois quarts
enterrés et quasi invisible en l’air... on commence à s’installer... on pense
déjà à semer des radis sur la toiture... »
«
au voisinage de la Loue, de grands espoirs aux pêcheurs, car elle est
poissonneuse et la truite l’habite... »
Le poste de commandement du
Groupe est placé le long de la route à la sortie de Chissey et les avions sont
répartis dans des alvéoles le long du bois en bordure de la Loue. Trois soutes
à essence enterrées de 180 hectolitres chacune (540 hectolitres au total)
permettent leur ravitaillement. La piste d’envol est recouverte de grilles
métalliques et un chemin goudronné serpente en bordure pour desservir ces
alvéoles et les différentes installations montées ou construites, tentes,
abris, magasins, armureries et une petite infirmerie en bordure d’un bois. On
crée aussi quelques faux-chemins et la fausse plateforme d’Ounans, dispositions
de camouflage toutefois bien limitées, car il semble difficile de tromper
l'ennemi sur l'emplacement d’un terrain entouré de points de repère si
précis ; villages de Chissey et d'Arc-et-Senans, rivière la Loue, forêt de
Chaux, voie ferrée et route d'Arc-et-Senans à Chissey.
Deux dépôts de munitions ont
été installés, un dans la plaine en face du camp, l’autre à proximité de la
forêt de Chaux. Il existe aussi un petit « bunker » en béton dont on
ne sait plus rien de sa construction et ne figurant pas sur les cartes ;
il reste aujourd’hui, avec une petite zone bétonnée où se trouvait une des
trois citernes, les seuls témoins de la présence en 1939/1940 de la « Base
de Chissey ».
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Chissey sur Loue en 1960 |
Chissey sur Loue en 2006 |
Salines Royales d’Arc et Senans en 2006 |
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Plateforme
bétonnée – Ancienne soute à essence Photographies FXB |
Visite
des vestiges de la Base Aérienne de Chissey sur Loue le 6 février 2006 Le « Bunker », petit abri bétonné
de protection des personnels contre les bombardements |
Le GC I/6 ne restera qu’un
mois à Chissey, sans qu’il se passe grand-chose sur le plan militaire, hormis
la destruction d’un Junkers 52 le 7 avril près de Luxeuil par une meute de
10 Morane comme signalé plus haut ; il est déplacé à Berck-sur-Mer le
11 avril. A noter que le capitaine GUERRIER, commandant la seconde
Escadrille du GC III/6 qui va prendre la suite du GC I/6, lieutenant en 1936,
était alors le commandant en second de ce Groupe...
Les travaux menés se
poursuivent cependant conformément aux projets, et, quand le III/6 s’installe à
Chissey 3 semaines plus tard, le commandant CASTANIER félicite par écrit la
Compagnie de l’Air 23/102 pour la qualité des aménagements et des travaux de camouflage.
La défense du terrain en incluant les moyens propres de la Cie de l’Air et du
Groupe comprend 16 mitrailleuses M.A.C., cinq jumelages de Lewis et quatre
fusils-mitrailleurs. Des emplacements pour des canons de 25mm ont été préparés,
mais ceux-ci n’arriveront que plus tard.
Le Groupe dispose enfin pour ses transmissions du détachement 6/702,
type IV.
Les officiers de l’Etat-major
du Groupe et un certain nombre de pilotes et de sous-officiers sont logés dans
le cadre somptueux des Salines Royales d’Arc et Senans et la région est
attrayante. Tout cela fait que Chissey a été le terrain de campagne le plus
apprécié de la campagne par ceux du III/6, même s’ils n’y sont restés que 3
semaines.
Mémoires de Jean
MENNEGLIER – Chissey sur Loue ...nous apprîmes que
nous allions faire mouvement pour occuper le terrain de Chissey, situé à côté
de ce village du Jura au bord de la Loue. Je fis mouvement le 30 avril avec
mon avion Le Groupe installa son PC à Chissey. Nos prédécesseurs, le
1/6, le groupe, avaient aménagé des abris sur le bord de la Loue. Nous prîmes
leur suite. Nous logions à Arc et Senans, célèbre par les salines construites
par Ledoux dans lesquelles cantonna la troupe. Nous installâmes notre popote
dans le restaurant à côté de l'église. Je logeais chez la sage-femme à
proximité de la gare et du passage à niveau. Elle était mariée à un suisse
qui n'était évidemment pas mobilisé. Le lendemain matin on frappa à ma porte.
Ma logeuse m'apportait sur un plateau une tasse de café noir et un bouquet de
muguet, car nous étions le 1er mai. Je fus très touché de cette délicate
attention. Nous reprîmes l'alerte au terrain. Ceux qui étaient d'alerte
le matin arrivaient avant le lever du jour, s'équipaient et essayaient de
poursuivre le sommeil interrompu à l'intérieur du P.C. d'escadrille. Celui-ci
était occupé en permanence par notre secrétaire, le 2ème classe
Michel, un paysan breton de la région de Rennes. Il laissait son lit à l’un
d'entre nous et essayait de dormir la tête sur les bras appuyé sur la table
portant le téléphone de campagne nous reliant au P.C. du Groupe. C'était un
garçon en or qui participait vraiment à la vie d'escadrille. Un jour le
téléphone sonna. En général c'était pour nous donner l'ordre de décoller.
C'était un sergent fourrier qui demandait qu'on lui envoie quelqu'un pour des
questions d'habillement. Michel le rabroua vertement : « ...un jour, deux
patrouilles trouvèrent un Dornier, dont une emmenée par le chef d'escadrille,
le cne GUERRIER. Il se tint à
l'écart, prétextant que s'il était intervenu c'est à lui qu'on aurait donné
la croix de guerre. Il est vrai qu'à l'époque l'État-major se montrait moins
généreux qu'au début de la guerre pour attribuer les citations. On ne les
donnait plus qu'aux C.P. Cela nous mit la puce à l'oreille mais nous ne
devions avoir confirmation que plus tard du manque d'agressivité (pour
employer une litote), de notre chef d'Escadrille ! Pour l'instant, on
inscrivait à son actif que c'était un enragé pêcheur au lancer et qu'il nous
avait pris une magnifique truite dans la Loue qu'on nous servit cuite au bleu
à la popote ! Le mois de mai commençait à être chaud. Quand nous partions
sur alerte, nous courions à nos avions, parachute sur le dos, engoncés dans
nos combinaisons chauffantes. Nous prenions une bonne suée et nous nous
retrouvions quelques minutes après à 7 ou 8 000 mètres avec une
température de -20 ou -25 dans la carlingue. Je ne sais si c'est à cause de
ces variations de température, mais j'attrapais un rhume de cerveau
carabiné... |
Si le déplacement principal
de l’échelon roulant de Wez à Chissey s’est fait par voie ferrée comme indiqué
dans les archives, il semble bien que certains se sont quand même déplacés par
la route, car quelques photographies faites par Joseph Bibert, non datées et
non légendées, ont été faites à priori dans la vallée du Doubs à cette
occasion. Plus tard, il a pris également quelques clichés sur le terrain de
Chissey.
Album des photographies de Joseph Bibert
n°V -
Novembre 1939 à mai 1940 - Chissey sur Loue
Cliquez sur le bandeau des
miniatures ci-dessus pour ouvrir la page contenant ces photos
Le groupe de chasse III/6 à
Chissey, territoire du Secteur de l’Air 16 (lieutenant-colonel RICHARD) est
affecté au groupement de chasse 24 commandé par le lieutenant-colonel LAMON
(poste de commandement à Dijon-Longvic), tout comme le groupe de chasse II/7
volant aussi sur MS 406 (commandant DURIEUX), stationné à Luxeuil depuis
septembre 1939.
Le groupe II/7 qui est au
service de la VIIIème Armée est chargé de couvrir la Haute
Alsace, la trouée de Belfort et la partie de la région frontière suisse
avoisinant la haute vallée de la Saône.
Le groupe III/6 reçoit la
même mission principale que celle du I/6 ; assurer la défense aérienne du
territoire de la région de Dijon dans une zone d'action limitée au sud par la
frontière suisse, et, au nord, par la ligne Montbard, Langres, Gray, l’Isle sur
le Doubs, Pont de Roide. Les missions secondaires étant :
·
le renfort du Groupe II/7
pour protéger les avions de reconnaissance de la VIIIème Armée,
·
la destruction d’intrus dans
la zone de la VIIIème Armée,
·
le recueil des Potez 63 du
groupe de reconnaissance 1/55 (Commandant BISSON) de la 6ème
Division Aérienne.
Jusqu’au 7 mai, même si le commandement a été informé de
l’imminence de l’attaque allemande, seules quelques couvertures sur alerte ont
lieu. Le 6 mai, un Dornier venant du sud est aperçu par la patrouille légère
JAPIOT, MENNEGLIER, mais ceux-ci ne peuvent pas l’attaquer utilement (voir lien ci-dessous). L’activité est grande le 8
mai, mais de la même façon, une attaque menée sans cohérence sur un Dornier par
la patrouille simple JACOBI, SALAÜN, CAVAROZ reste infructueuse. Le 9 mai, le
temps est mauvais mais c’est quand même le grand calme avant la tempête...
Lire : « Comment
rater un avion ennemi » par Jean MENNEGLIER
Depuis le début des
hostilités le III/6 a accompli 250 missions de guerre en 540 sorties avec 4
victoires homologuées. Mais est-il réellement prêt ? Moralement et
professionnellement, certainement, mais le matériel, l’organisation et les
pratiques de l’Armée de l’Air ne sont certainement pas à la hauteur de la rude
tâche qui s’annonce pour lui !
LA CAMPAGNE DE FRANCE Pour
alléger ce récit, l’activité aérienne
détaillée du GC III/6 au jour le jour entre le 10 mai 1940, début de
l’attaque allemande dans les Ardennes, jusqu’au 18 juin, date à laquelle
l’armistice se profilant, le Groupe a été « exfiltré » vers
l’Afrique du Nord, fait l’objet d’un document particulier mis en annexe. Il
peut permettre à ceux qui sont surtout passionnés par la chronologie précise
des combats, par les numéros des machines, par les décomptes des heures de
vol, des victoires et des pertes de retrouver la trame traditionnelle des
nombreux ouvrages publiés traitant de l’historique d’un Groupe d’aviation.
Mais gardons à l’esprit qu’il n’est pas possible d’être exhaustif sur ce
sujet car trop de pièces du puzzle, malgré les recherches et les archives,
manquent encore... Pour chaque journée, un
résumé des faits marquants de la guerre précède la narration de
l’activité du Groupe III/6... |
Pour
les spécialistes : La Campagne de France du GC III/6 au jour le jour |
Tableau des profils et des caractéristiques des chasseurs engagés
dans la campagne de France – Document de la Luftwaffe
Les
adversaires allemands des Chasses françaises et britanniques pendant la
Campagne de France
Pour chaque journée de la « Campagne de
France » un lien sur la date renvoie vers la page correspondante du
document annexe plus complet « au jour le jour »
Le
10 mai c’est la grande offensive allemande à travers les Ardennes et vers
le nord de la Belgique. Les Allemands vont bientôt franchir la Meuse. La ligne
Maginot ne tombera pas, elle sera simplement contournée !
Les patrouilles du Groupe
III/6 sont en l’air dès 4h40 et voleront toute la journée. Le Groupe effectue
33 sorties et enregistre deux victoires, une pour chaque Escadrille ! Il perd deux Morane, le n°793 du sgt HARDOUIN et le n°413 de
l’adj GOUJON qui peuvent tous les deux
sauter en parachute et rejoindre Chissey. Par contre des Heinkel 111 du 7/KG51
« Edelweiss » (*) venant de Landsberg et Wörishofen sont quand même
passés et ont pu larguer leurs bombes explosives et incendiaires sur la Base de
Dijon-Longvic ; on déplore officiellement 5 tués dont le colonel LAMON
(commandant le Groupement 24), une dizaine de blessés, 2 hangars endommagés et
plusieurs magasins en flammes. A Chissey, pour les pilotes, et pour tous ceux à
terre, mécaniciens, armuriers, médecins, administratifs, simples soldats qui
n’ont qu’un seul but , faire en sorte que les Morane du Groupe puissent
voler dans de bonnes conditions, la journée a été dure et angoissante, mais
finalement tous les pilotes sont rentrés, deux « boches » sont au
tapis et peut être deux ou trois de plus si on prend en compte les différents
récits des combats faits au retour des missions, et les informations sur ce qui
s’est passé à Dijon ne sont pas encore connues, ou plus simplement
évacuées... ; le taux d’adrénaline de chacun est redescendu, le moral
reste haut et la confiance en la victoire est encore totale. Mais les
mécaniciens dormiront peu ; il faudra qu’ils s’y habituent...
|
Mécanicien du GC III/6 au travail sur un
Morane 406 |
(*) Une énorme erreur a été
faite par ce Groupe ce jour-là : plus de la moitié de ses avions qui avaient
été envoyés sur Dijon et Tavaux ont en fait bombardé la ville allemande de
Freiburg-en Breslau, faisant des victimes et provoquant une colossale colère de
Goering. On tentera outre–Rhin de parler de « bombardiers français »,
mais des rapports de la Luftwaffe font état de « ressemblances entre les
terrains de Freiburg, de Dijon et de Tavaux », pourtant distant de 150 km. !
Il n’est pas impossible que l’action de la chasse française en ce premier jour
de guerre totale ait quelque peu perturbé les jeunes aviateurs allemands...
10
mai 1940 : la victoire du s/c BOYMOND et du sgt GAUTHIER (Port-Lesney -
7h 00)
Fernand PROST, depuis
son logement, au dernier étage d'un immeuble rue Pasteur à Dôle a vu le combat qui se
déroulait devant ses yeux le 10 mai 1940 à 7h00 : il raconte... « Ce matin du 10 mai 1940, il était environ 7h 00,
lorsque je fus surpris par le vrombissement de moteurs d'avions et dans le
même temps par des rafales d'armes automatiques. Regardant par-dessus les
toits juste en face, j'ai aperçu un bimoteur Dornier 17 pris en chasse et
attaqué par un Morane Saulnier français. Il faisait un temps magnifique, le
soleil brillait dans un ciel tout bleu. J'ai eu l'impression que le combat se
déroulait au-dessus de la Bourse du Travail à une altitude comprise entre 2
000 et 3 000 mètres. Le chasseur montait, descendait, tournait autour et à
chaque fois qu'il se trouvait en position de tir, envoyait une rafale. Dans
le même temps lorsque le chasseur s'écartait, j'entendais des tirs de D.C.A
et je voyais un panache blanc lorsque l'obus éclatait. A chaque tir, je
m'attendais à voir ce bombardier en difficulté mais il continuait sa route
comme si de rien n 'était à mon grand désappointement. Il remontait le canal
Charles Quint en direction de la forêt de Chaux vers Chissey – Arc et Senans
et là, je l'ai perdu de vue dans la brume matinale mais j'entendais toujours
le crépitement des armes... » |
|
Article de presse envoyé à sa famille par
Georges GAUTHIER conservé dans l’album familial |
|
Le
Dornier 17 abattu le 10 mai 1940 à Port Lesney (Jura) par le s/c BOYMOND et
le sgt GAUTHIER de la 6ème relevé le lendemain par une équipe du Parc
11/101 de Dijon-Longvic à l’aide d’une remorque Boilot |
CITATION du sgt GAUTHIER « Jeune pilote habile et audacieux. Le 10 mai a combattu
avec acharnement un bimoteur ennemi. L’a abattu en collaboration avec le
sergent-chef Boymond. » Croix de guerre avec palme |
10
mai 1940 : La victoire de l’adj GOUJON et du sgt HARDOUIN du 10 mai 1940
(Forêt d’Arbois - 15h 30)
Mémoires de Charles
GOUJON - 10 mai 1940 ...à peine étions-nous installés près des bords du Doubs
que le soleil se levait sur une date que personne n'oubliera : le 10 mai
1940 ! Si nous n'avions pas vu beaucoup d'ennemis dans le ciel
jusqu'à ce jour, tous ceux qui s'étaient tenus loin de nos regards
semblaient, cette fois, s'être donné rendez-vous. Ce furent d'abord, à
l'aube, des avions de reconnaissance. Nous décollâmes, les uns après les
autres, pour leur donner la chasse. Mais sans succès. Lorsque nous arrivions
à une altitude convenable, les Allemands étaient repartis après avoir fait
ample provision de photographies. Puis ce furent les bombardiers. On en signalait du côté de
Dijon. Je décollai une fois encore en même temps que deux autres chasseurs.
Impatient de me battre, je faisais donner tous ses chevaux à mon Morane.
C'est qu'il fallait faire vite. Après quelques minutes de vol, j'avais
distancé mes équipiers. J'étais seul en l'air. Petite erreur de tactique.
J'étais trop impétueux, trop pressé d'arriver. Enfin je les vis. Ils étaient
10, magnifiquement bien groupés. La sagesse eût voulu que j'attendisse mes
amis. Mais allez donc parler de sagesse à un jeune fou qu'enflammé, avant la
lettre, l'odeur de la poudre. Je commençai une première attaque, une première passe. Vingt
mitrailleuses crépitaient dans ma direction. Je fis une deuxième passe. Puis
une troisième... Alors je jouai le tout pour le tout. Il m'en fallait un. A
tout prix. J'attaquai le dernier du peloton, juste dans l'axe, par l'arrière.
Les balles traçantes qu'il m'envoyait dessinaient devant moi comme une toile
d'araignée. Elles commençaient à tambouriner sur mon Morane quand le Heinkel
se trouva à bout portant dans mon collimateur. Enfin ! Je déchargeai toutes mes armes. L'avion ennemi, aussitôt,
décolla du peloton, laissant derrière lui les fumées caractéristiques de sa
mort prochaine (dans la forêt d’Arbois). Au même moment, alors que je dégageais
pour porter une dernière attaque dans les mêmes conditions, le feu se déclara
à bord. Déjà la fumée me montait jusqu'au visage. J'étais touché, moi aussi.
Sans doute par l'une des balles qui tambourinaient tout à l'heure. Je n'avais
plus qu'une ressource : sauter. J'étais à 5 000 m. Je coupai le
moteur, mis l'avion en chandelle et basculai sur le côté pour faciliter
l'évacuation. Et hop. Dehors ! Bien entendu, j'ouvris aussitôt mon parachute. Je devais
rester ainsi, lamentablement pendu entre ciel et terre, durant une douzaine
de minutes. La rage au cœur, je vis les Allemands lâcher leurs bombes sur la
base de Dijon. La lueur que j'aperçus dans le ciel, un peu à l'est, ne me
consola pas. C'était pourtant le bombardier, touché quelques instants
auparavant par mes mitrailleuses, qui explosait. Plus loin, une traînée
noire : mon Morane plongeait vers la terre pour aller s'écraser dans un
bois. À cette époque, la hantise des parachutistes allemands tenait
en haleine tous les hommes au sol. L'un de mes équipiers (le sgt HARDOUIN) qui s'était attaqué après moi (*) aux mêmes bombardiers, et avait été
descendu lui aussi, en fit la dangereuse expérience. À peine arrivé au sol,
le long d'une voie ferrée, il fut appréhendé par une bande d'énergumènes qui,
malgré ses protestations, le rouèrent de coups, lui brisant les dents, lui
fracturant la mâchoire. Mon arrivée au sol fut heureusement moins dramatique. Je
tombai dans des broussailles juste à l'orée d'un petit bois, et me
débarrassai aussitôt de ma combinaison de vol. C'est donc en uniforme
d'adjudant (tout récent) de l'Armée française que je me dirigeai vers les
soldats que je venais de voir, au bout du champ, sauter d'une voiture pour se
coucher à plat ventre. Je devinai que les canons de leurs fusils étaient
braqués sur moi. Alors, les mains en porte-voix et de toute la force de mes
poumons, je me mis à hurler : - « Ohé ! les gars, je suis Français ! Leur attitude prouvait qu'ils ne me croyaient qu'à moitié. Cette
proie qui leur échappait, c'était bien dommage. Tout de même, ils ne tirèrent
pas et me firent signe d'avancer. Quand ils reconnurent leur erreur, ils
m'entourèrent avec sympathie. Un groupe de plus en plus compact se formait
autour de moi ; ces pauvres fantassins n'avaient pas tous les jours une
attraction de ce genre, quand un gros officier, court sur pattes et rouge de
trogne, fendit la foule en hurlant : - « Où est-il ? Qu'on me le donne ! » Quel ne fut pas son désappointement quand il vit que j'étais
Français. Il était venu, en triomphateur, chercher "sa" victime. Le soir même, j'avais rejoint mon
escadrille. Le lendemain, je me battais de nouveau. Cette fois, nous étions 3
contre 5. Nous qui nous étions plaints de manquer de gibier, nous en avions
trop maintenant... Extrait de « Trident » - France
Empire – 1956 (*) D’après les documents retrouvés
dans les archives du III/6 et les souvenirs du sgt HARDOUIN, l’attaque de celui-ci aurait précédé celle de l’adj
GOUJON... |
CITATION de l’adj GOUJON « Brillant chef de patrouille. Le 10 mai 1940, a attaqué
sous un feu intense un peloton ennemi de bombardiers. A abattu un de ses
ennemis avec la collaboration d'un autre chasseur. Puis son appareil en
flammes, a sauté en parachute. » Croix de guerre avec palmes |
Mémoires de Jean
MENNEGLIER – L’accueil des parachutistes au sol ...le 10 mai, HARDOUIN, dut sauter en parachute,
avion en feu. Il atterrit sur ou à proximité d'un passage à niveau et fut
rejoint par un comité d'accueil excité qui se mit en devoir de lui casser la
figure, le prenant pour un parachutiste allemand tant était grande la psychose
développée par la propagande. Finalement quelqu'un en l'entendant crier qu'il
était français se décida à calmer les excités et à examiner calmement son
cas. Il dut faire réparer un bridge descellé par un coup de poing. Encore
heureux pour lui qu'ils n'aient pas eu de fusil. C'était arrivé à un rescapé
d'un avion tombé en parachute dans une rivière qui fut fusillé à bout portant
lorsqu'il arriva à la berge. Dans l'autre escadrille, COLONGE, eut le lendemain des problèmes pour s'éjecter sur le
dos de son avion en flammes et fut, lui aussi, accueilli par un groupe armé
de fourches près de Beaumont-sur-Vingeanne. Heureusement ils étaient moins
excités et il n'eut pas de peine à justifier son identité et reçut un accueil
plus normal... |
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE PRÉFECTURE DE LA HAUTE-SAÔNE Cabinet
du Préfet AVIS À LA POPULATION Les incursions ennemies sur notre
territoire menacent la vie et les biens de tous. L'intérêt de chacun est donc d'aider
les autorités à découvrir et capturer les militaires - aviateurs –
parachutistes et agents ennemis se trouvant pour une raison quelconque sur
notre sol. CONDUITE À TENIR 1° - Un avion ennemi est contraint
d'atterrir pour quelque motif que ce soit : GARDER A VUE L’ÉQUIPAGE ET PRÉVENIR
AUSSITÔT LE MAIRE ET LA GENDARMERIE 2° - Un parachutiste est aperçu
descendant vers le sol : suivre sa descente jusqu'à ce qu'il mette pied
à terre, GARDER A VUE ET PREVENIR AUSSITÔT LE
MAIRE ET LA GENDARMERIE 3° - Militaires ou civils à allure
suspecte : des personnes portant un uniforme français peuvent demander
des renseignements sur la route à suivre, ou tous autres renseignements, avec
un accent étranger, GARDER À VUE ET PRÉVENIR AUSSITÔT LE
MAIRE ET LA GENDARMERIE |
CITATION du sgt HARDOUIN « Jeune chasseur plein de fougue. Le 10 mai 1940, a attaqué
sous un feu intense un peloton serré de bombardiers. A abattu un des ennemis
avec la collaboration d’un autre chasseur, puis, son appareil étant en
flammes, s’est jeté en parachute. » Croix de guerre avec palme |
11
mai 1940 : la victoire des lt LEGRAND, s/lt CAVAROZ, s/lt SALAÜN, adj
LE GLOAN, s/c LE GUENNEC, sgt GABARD, sgt DE GERVILLIER du III/6
et
du s/c DOUDIÈS du GC II/7 (Pirey – 10h 00)°
|
|
|
Pirey –
10h 00 – Le Heinkel 111 codé « 9K + GH », du 1./KG 51 posé sur
le ventre. L’équipage de cinq hommes a tenté sans succès de l'incendier Les aviateurs allemands Zahnle, Lenkeit,
Heyer, Lachmann et Geske ont été capturés |
CITATION du lt LEGRAND « Chasseur audacieux et habile. Le 7 avril s’est engagé avec
un seul équipier contre une formation de quinze multiplaces. Le 11 mai, a
abattu dans nos lignes un bombardier ennemi ». Croix de guerre avec palme |
CITATION du s/lt SALAÜN « Jeune chasseur plein d’allant. Le 11 mai 1940, a pris part
à un combat acharné contre un peloton de seize bombardiers ennemis » Croix de guerre avec étoile de
vermeil |
CITATION du sgt GABARD « Jeune chasseur plein d’allant. Le 11 mai 1940, a pris part
à un combat contre un peloton de seize bombardiers ennemis. » Croix de guerre avec étoile de
vermeil |
Mémoires de
Raymond GABARD (1919/2018)
11 mai
1940 : la victoire de l’adj GOUJON et des s/lt MARTIN et COLONGE (Étuz –
18h 30)
Avion
abattu : |
Heinkel 111 codé « G1 + FR » 2800 » du
7./KG55 |
KEISENHOFFER,
RIEGER, ROSSMANN, SCHENKENGERG, SCHNALL |
Perte : |
Morane Saulnier MS n°963 (*) |
S/lt COLONGE parachuté à Beau mont-sur-Vingeanne |
Perte : |
Morane Saulnier MS n°412 (*) |
Lt MARTIN parachuté à Autrey-les-Gray |
Perte : |
Morane Saulnier 406 n°665 |
Adj GOUJON posé en campagne à Broyes les Pennes |
CITATION du s/lt COLONGE « Jeune chasseur calme et audacieux. Le 11 mai 1940, avec
deux autres chasseurs, a livré à sept bombardiers un dur combat qui s’est
terminé par la chute d’un des avions ennemis dans nos lignes. S’est jeté en
parachute hors de son appareil en flammes. » Croix de guerre avec palme |
CITATION du lt MARTIN « Magnifique officier au caractère droit et énergique animé
des plus belles qualités morales. Au cours d’un très dur combat contre un
peloton de sept bombardiers, a abattu son troisième avion ennemi. A dû se
jeter en parachute, son appareil ayant été mis en flammes par le feu
adverse. » Croix de guerre avec palme -
Chevalier de la Légion d’Honneur |
(*) En 2020,
une verrière de MS
406 a été retrouvé dans le grenier de la mairie du petit village de Saint-Seine-sur-Vingeanne, situé à 6
kilomètres au nord des deux localités où les deux pilotes du GC III/6 se sont
parachutés. En effet, le s/lt Colonge et le lt Martin, poursuivant le Heinkel
111 dont les deux moteurs fumaient, ont dû en effet abandonner en vol leur
appareil atteint par les tirs précis du mitrailleur arrière du bombardier
allemand qui est allé finalement toucher le sol à Étuz (20 km au sud-est).
A ce jour, les lieux de chute des deux Morane, dont les débris ont dû être
rapidement évacués, ne sont plus connus et il semble difficile de savoir avec
certitude à quel appareil appartenait cette relique cachée et oubliée pendant
80 ans ! La commune a cédé cette verrière à un collectionneur passionné qui
depuis une quinzaine d’années travaille à reconstituer un MS 406 non
volant !
Quelques
documents officiels du GC III/6 concernant cet affrontement de la journée du 11
juin 1940
11
mai 1940 : le s/c MERTZISEN met le MS 406 n°143 en cheval de bois à Dijon
– Appareil réformé
|
|
Incertitude
sur le pourquoi et le comment d’un décollage à Dijon du s/c MERTZISEN avec le
MS n°143 le 11 mai 1940 Le
message « codé » signalant l’incident indique « cheval de bois
au départ » et ne prescrit aucune enquête ; l’appareil sera réformé « Vautour ?»
à « Racine ?» : Taquin (= GC III/6) – Avion 14 (=MS 406) |
CITATION de l’adj GOUJON « Bien qu'il ait été, la veille, contraint de se jeter hors
de son avion en flammes au cours d'un combat victorieux contre dix
bombardiers, a Iivré de nouveaux combats, avec deux autres chasseurs, à un
peloton de sept ennemis et abattu l'un deux dans nos lignes » Croix de guerre avec palmes |
Après ces deux première
journées de la Campagne de France, c’est le calme plat le 12
mai (à part l’arrivée du capitaine STEHLIN comme second du commandant
CASTANIER et du s/lt SATGÉ à la 6ème), et le 13 mai dans le secteur de Chissey où les aviateurs ne
semblent pas être au courant des nouvelles ; on lit dans le livre de
marche de la 6ème Escadrille pour le 13 : « Journée calme,
plusieurs décollages sur alerte ont bien lieu sans résultat. En fin de soirée
le s/lt CAPDEVIOLLE fait un essai de résistance de son gouvernail de direction
contre les grilles qui bordent le terrain ! Essai satisfaisant pour les
grilles !!!... » et le 14
mai « Début
de matinée calme… ». Rien à ces deux dates dans
le livre de marche de la 5ème Escadrille…
Mais pour la sixième
Escadrille du GC III/6, ce 14 mai sera quand même journée de deuil : le
sergent-chef BOYMOND, dans la pagaille du désastreux second bombardement de
l’aérodrome de Dijon-Longvic, se retrouve seul, sans protection, et attaque
néanmoins avec courage un groupe de trois bombardiers allemands, tandis qu’au
même moment l’adjudant LE GLOAN préfère conduire un groupe de quatre
Morane à la poursuite d’un seul Heinkel 111, qui sera finalement et
heureusement mis au tapis, mais cette poursuite en valait-elle le prix ?
Le lieutenant-colonel DAUPHINET, dans son rapport (voir plus- bas), ne manquera
pas de faire remarquer à demi-mot l’individualisme de certains pilotes.
14 mai 1940 : la
mort du s/c BOYMOND (Prenois – 12h 00)
Photographie du sergent-chef d’Émile BOYMOND
Offert à l’auteur par Mme. Corinne CEYLERON que je remercie
Page spécifique
consacrée au sergent-chef BOYMOND
|
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Destructions
sur la Base du Dijon-Longvic du 14 mai 1940 infligées par les bombardiers
allemands que le s/c Émile BOYMOND a attaqués seul, courageusement Collection
|
14
mai 1940 : la victoire du s/lt KAWNICK (Preigney – 12h 45)°
|
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Le
Junkers 88-A1 W.Nr.4008 9K+EL 3./KG 51- abattu le 14 mai 1940 à Preigney
par le sous-lieutenant KAWNICK – Les militaires sont des éléments du VIème
Groupe du 294ème R.A.L.P., témoins du combat Archives
|
CITATION du s/lt KAWNICK « Chasseur audacieux et habile. A abattu, le 14 mai, un
bimoteur ennemi ». Croix de guerre avec palmes |
14
mai 1940 : la victoire de l’adj LE GLOAN, du s/lt STENOU et des sgt TRINEL
et DE GERVILLIER (Fougerolles -12h 45)°
|
Heinkel 111
« 9Q + DD » du 3./KG51 abattu à Fougerolles le 14 mai
1940 équipage :
Matt Herbert, Siegfried Barth, Gerhard Schildt et Heinz Kazmirowski. |
Rapport du lieutenant-colonel
DAUPHINET (*) commandant le Sous-Groupement 41 « Dans cette affaire, les éléments du Groupe III/6 engagés contre un ennemi très supérieur en nombre, ont fait preuve d'un allant digne des plus grands éloges. Il est vraisemblable que les résultats obtenus auraient été bien supérieurs si les patrouilles avaient agi avec plus de cohésion. L'examen des comptes rendus montre, en effet, des départs successifs de patrouilles. · Patrouille polonaise 11h05 · s/c BOYMOND 11h35 · adj LE GLOAN 11h 40 · s/lt VILLEMIN 11h45 Exception faite pour la patrouille polonaise décollant sur un renseignement déterminé, les trois autres patrouilles devaient constituer un tout et s'attaquer, toutes forces réunies, à l'expédition de bombardement de la base aérienne de Longvic. Au contraire, les efforts ont été dispersés, le sergent-chef BOYMOND, le sous-lieutenant KAWNICK se trouvant isolés, attaquent chacun un peloton alors qu'une patrouille entière (patrouille de l'adjudant LE GLOAN) s'attaque à un seul Heinkel 111. Il est parfaitement admissible d'excuser cette faute de manœuvre après quatre jours de combats intensifs. Les résultats de l'engagement (deux avions abattus) ont heureusement couronné les efforts individuels ; toutefois, nous avons à déplorer la perte de sergent-chef BOYMOND, qui avec le plus grand courage, s'est porté seul à l'attaque de trois avions ennemis. » (*) Le lieutenant-colonel DAUPHINET a succédé au colonel LAMON (+ 10/05/1940) comme Commandant du Groupement de Chasse 24. A la
date du 15 mai, ce Groupement devient le Sous-Groupement 41. C’est donc lui
qui a la charge d’analyser les comptes-rendus d'engagement des pilotes, avant
de les transmettre au Général commandant la zone des opérations aériennes. Nota : Un nouveau groupement 24 a été formé sous les ordres du colonel TURENNE ; il comprend toutes les formations de l’aviation de chasse de la zone d’opérations aérienne des Alpes. |
CITATION du sgt TRINEL « A abattu le 14 mai 1940, en collaboration avec trois
autres pilotes un bombardier ennemi. » Croix de guerre avec étoile de
vermeil |
Le 17
mai Joseph écrit à son épouse : « Le bruit court que Chartres a été bombardé… je crois
néanmoins en notre force et tout doit bien se passer… ».
Dans ces carnets, Julienne
écrira le Dimanche 19 mai : « bombardement de Chartes à 18 heures »
Le 18
mai, Joseph : «…calme plat – Bon moral… ».
Le 19
mai l’adjudant GOUJON retourne récupérer son Morane n°665 posé à Broyes les
Pesmes après son combat victorieux du 11 mai. Les mécaniciens ont dû beaucoup
suer pu changer sur place le moteur qui avait été atteint par les mitrailleuses
du Heinkel... Au décollage, GOUJON heurte une pierre de bornage et détruit le
train d’atterrissage et l’aile gauche de l’avion qui sera finalement
abandonné... De la même manière qui le 11 mai pour l’accident de MERTZISEN à
Dijon (voir plus haut) un message « codé » est envoyé au même
destinataire « Racine » ? (avec toujours Taquin = GC III/6 et Avion 14=MS 406), par un autre émetteur « Sautoir » ?, mais cette fois le commandant du sous-Groupement demande une
enquête, ce qui entraîne la rédaction d’une note au chef du « 3ème
Bureau, Section, I, Inspection intéressée ». Alors que tous ceux qui sont
sur le terrain, pilotes, mécaniciens, et soldats sont en pleine adversité, on
reste confondu en constatant qu’à l’arrière « la procédure » mobilise
tant de monde et tant d’énergie... comme si on était en toujours en temps de
paix !
Notes
concernant l’accident du MS 406 n°665 de l’adjudant GOUJON du 19 mai 1940
Ce même jour, le colonel DE
GAULLE, que personne n’avait voulu écouter, mis à part les généraux allemands,
fait parler de lui pour la première fois en contre attaquant avec ses chars à
Montcornet, pour l’honneur.
Joseph, comme sans doute tout
le monde au III/6, n’a certainement jamais entendu parler de ce Général, mais
il a perçu la rumeur qui annonce un très prochain déplacement de son Groupe. Il
écrit le 19 mai : « …je crois que je ne resterai pas longtemps ici. Dommage,
c’était un beau pays et les gens étaient très sympathiques. Je n’ai
pas eu un journal depuis 4 jours, je ne sais donc pas ce qui se passe… »
C’est sur des cartes lettres
fournies par la poste aux armées que Joseph écrit dorénavant presque tous les
jours à son épouse. Seules une dizaine de ces cartes lettres ont pu être
sauvegardées à temps car le reste de la correspondance et beaucoup de documents
familiaux, pourtant conservés par Julienne pendant plus de 60 ans, ont été
malheureusement brûlés par elle après la mort de Joseph en 2002, au grand
désappointement de ses deux enfants…
Joseph ne s’était pas
trompé : son Groupe, finalement peu sollicité en cette première semaine de
la Campagne de France, se trouve trop excentré par rapport aux zones de combats
principales. La décision a été prise : il doit remonter le 20 mai
plus au nord et ce sera à Coulommiers.
Pour l’échelon au sol, les
mécaniciens et quelques pilotes, deux Bloch 220 d’Air France sont
réquisitionnés pour leur transfert en fin de l’après-midi du 20
mai. Joseph BIBERT s’est fait photographier avec son appareil pendant ce
vol dans la cabine d’un de ses appareils, rare image...
|
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Chissey –
20 mai 1940 – Départ pour Coulommiers Embarquement des personnels du GC III/6 dans
deux Bloch 220 d’Air France |
Joseph
BIBERT, crâne rasé, et d’autres mécaniciens dans un Bloch 220 pendant le vol entre Chissey et Coulommiers |
Notons que depuis qu’il est
arrivé dans le Jura, seuls 2 nouveaux pilotes ont rejoint le Groupe :
12 mai 1940 |
capitaine |
STEHLIN |
E/M. |
7 décembre 1939 |
sous-lieutenant |
SATGÉ |
6ème |
Par contre le capitaine
TRAVERS, nommé commandant du GC I/10 (note en date
du 2 mai, avec ordre de départ donné le 20 mai par le général ODIC, commandant
la Z.O.A.S) ne suit pas le III/6 à
Coulommiers et part à Oran vers sa nouvelle affectation. Il n’est resté que 4
mois ½ au Groupe et n’a quasiment pas volé. Il commandait le GC III/3 à sa
création, Groupe qui fut victime d’un drame épouvantable le 28 août 1939, lors
de son déplacement de Salon de Provence à Dijon. C’est le capitaine TRAVERS qui
le conduisait, mais il dut faire demi-tour à cause d’une panne de son appareil,
et c’est donc son second qui en prit la tête. Malheureusement celui-ci n’avait
pas participé à la préparation du vol et quand les Morane se sont retrouvés
perdus dans une brume épaisse, la décision prise de voler à vue au ras du sol
fut une erreur. Les appareils se dispersèrent et sept d’entre eux percutèrent
dans une vaste zone de plus de 40 km en Saône et Loire. On déplora trois
pilotes tués et 4 blessés graves. L’Armée de l’Air et le chef du Gouvernement
décidèrent de tirer un voile pudique sur ce tragique évènement au moment de
l’entrée en guerre du Pays, mais la carrière du capitaine TRAVERS, qui ne
reprit jamais le dessus, en subit évidemment les conséquences...
Photographie aérienne de 1960 prise à la
verticale de l’ancienne plateforme de Chissey, entièrement remise en culture
dès 1943
COULOMMIERS
20/05/1940 – 31/05/1940
Lien vers la page :
Les
aérodromes du Groupe de chasse GC III/6 de la campagne de France
Ce furent à Coulommiers 10
jours terribles pour le Groupe GC III/6...
On peut croire que la réalité
de la situation commence à apparaître pour ceux du GC III/6 et le moral semble
devenir plus fluctuant. La censure ne permettant pas de parler géographie,
Joseph écrit à son épouse en la contournant :
Le 21
mai : «…On a liquidé l’ancien quartier. On a été prévenu hier à 10
heures. A 15 heures on était en l’air, pilotes et mécanos. On est parti par un
avion d’Air France. On est à 52 km de la capitale, sur l’horizontale à
l’est. On ne sait quoi faire et je crois qu’on est de passage ici… ».
De fait près les vingt Morane
406 rescapés qui ont décollé le 20 mai en début d’après-midi de Chissey, suivi
un peu plus tard des deux Bloch 220 d’Air France avec les mécaniciens et le
petit chevreau devenu dans le Jura la mascotte de l’Escadrille sont bien
arrivés la veille à Coulommiers.
S’ajoutant à l’inévitable
sentiment de fatigue, une bien désagréable surprise attend à présent les
pilotes du GC III/6 : Coulommiers est loin d’être dans la réalité des
choses la base « modèle » qu’il leur avait été décrite.
Le terrain est situé sur le
territoire du secteur de l’Air 51, commandé par colonel DOMINO. Son poste de
commandement est à Paris. Il est rattaché pour ses ravitaillements techniques
au Parc 12/118 d’Orly.
L’impréparation de la
plateforme est totale alors qu’on vantait partout le camouflage de la Base
réalisé par les meilleurs spécialistes ! Il est vrai que des bandes de
formes et de couleurs diverses ont été mises en culture, mais l’herbe haute,
jamais fauchée, dissimule des bornes en pierre dangereuses, mais surtout, il
n’y a ni postes de commandement enterré, ni tranchées pour abriter le
personnel. Rien n’existe à proximité pour le loger, à part quelques fermes
éloignées. Les officiers et sous-officiers pilotes doivent s’installer à huit
kilomètres dans le village de Faremoutiers, ce qui n’est pas idéal en cas
d’alerte. En effet le colonel Domino a refusé de les loger en hôtel à
Coulommiers. Les mécaniciens sont à Boussois et l’unité administrative dans une
ferme isolée à Voisins !
La Compagnie de l’Air 75/118
du capitaine Pierre COSTANTINI est aux abonnés absents. En matière de
transmissions, il n’y a pas de détachement attaché à la Base d’une part, et
d’autre part, il n’y a même pas de liaison entre les postes de commandement du Groupe
et de ce ceux des Escadrilles, les fils aboutissant en plein champ permettant à
n’importe qui de se mettre à l’écoute !
Il faut enfin ajouter à ce
triste tableau une organisation l’absence de dépôt de munitions et de stock de
bouteilles d’oxygène.
La défense du terrain
comprend :
·
Quinze mitrailleuses M.A.C.
·
Trois canons de 85 m/m
montés,
·
Trois canons de 25 m/m mon
encore montés.
Devant l’ampleur de ces
multiples carences, le commandant CASTANIER du GC III/6 va s’empresser de faire
toutes les demandes nécessaires pour tenter de remédier tant bien que mal à la
situation. Il est d’ailleurs assez curieux de souligner ici que Coulommiers
n’est pas à cette date une base aérienne inactive puisqu’elle abrite déjà une
Escadrille de la RAF, le N°. 212 Squadron de reconnaissance photographique,
équipée de Bristol Blenheim et d’un Spitfire.
|
Coulommiers - Bristol « Blenheim »
MK 4 – Serial L9466 – Codé « PZB » du n°53 squadron R.A.F. |
|
Coulommiers - Bristol « Bombay »
MK 1 de la R.A.F (transport de troupes). |
|
Curtiss
H-75A-1 n°36 du cdt Georges GUYOT commandant le Sous-Groupement de Chasse 43 Photographies de
Robert ROHR, mécanicien de la 5ème Escadrille |
Mémoires de Jean
MENNEGLIER – Coulommiers ...Comme il nous manquait des avions je fis le trajet à
bord d'un Bloch 220 d'Air France réquisitionné pour les transports
militaires. Coulommiers était le terrain d'essai du camouflage. Mais la
proximité d'une fourche caractéristique de routes nationales ne devait pas
rendre son repérage difficile ! On avait même tracé une fausse route
entre un hangar et le Club House converti en P.C. du Groupe. Les bombardiers
allemands qui nous rendirent visite (le 26 mai) durent
s'aligner sur elle pour leur attaque... ...peut-être le camouflage des
bâtiments aurait-il pu tromper des chasseurs, quoique je ne me souvienne pas
d'avoir eu de difficulté pour retrouver le terrain en rentrant de vol... Nous arrivâmes à Coulommiers au moment de la percée de Sedan.
Je vis un jour une unité d'artillerie de 105 « Rimailho » tractée
par des chevaux traverser la ville. Au moment où les chars allemands
déferlaient sur le nord de la France cette vision me surprit un peu. Mais
encore plein d'espoir sur les capacités de nos forces terrestres je ne me
rendis pas exactement compte de ce que ce spectacle avait d'anachronique et
si j'avais réfléchi davantage j'aurais sans doute été pris de crainte sur la suite
des événements. A Coulommiers, nous logions à l'hôtel de l'Ours qui avait été
réquisitionné. Nous y prenions nos petits déjeuners et certains de nos repas.
Le terrain était situé assez loin au nord de la ville. Notre Escadrille était
logée sous deux tentes « Sarrade » noires qui devaient bien se voir
au milieu du champ de blé en herbe dans lequel on les avait dressées. Nous
étions placés en « chasse d'armée », c'est à dire que nous devions
assurer la couverture des troupes... |
Lettre du 21 mai 1940 de la mère de Jean MENNEGLIER, promotion 1937 de l’École
de l’Air jeune sous-lieutenant à La 6ème
Escadrille du GC III/6 |
|
Mardi, 21 mai 1940 Mon Jean, Nous
vivons des instants graves. L’appel ce soir du Chef du Gouvernement a jeté
dans nos cœurs, sinon le désespoir, du moins la minute du danger. Ayons foi
en la miséricorde et attendons avec confiance. De plus en plus notre pensée
est avec toi qui nous en sommes sûrs fais vaillamment ton devoir. Quel rôle
difficile vous avez à remplir ! Ici,
tranquillité relative, trop de lourdes pensées. La vie continue pour papa el moi... |
Notez la flamme postale sur l’enveloppe : « L’
Dès le lendemain matin, le 21
mai, 18 Morane du GC III/6 sont engagés dans le Secteur de Cambrai-Bapaume
où ils doivent rejoindre à 16h 00 des Dewoitine 520 du GC I/3 de
Meaux-Esbly. Le résultat est catastrophique. Les avions du GC III/6
réussissent à éviter les tirs de barrage de la « Flak », mais la
patrouille basse est prise à partie par 6 Messerschmitt Bf 109 ; un
pilote est tué, le sgt THIROUX de
GERVILLIER sur son MS n°803 « Le Dahut », (6ème) un autre est gravement blessé, le
s/lt CAVAROZ (5ème), et un troisième, également blessé, est
fait prisonnier, le s/lt SALAÜN (5ème). Le Groupe perd
finalement 3 avions et 2 autres sont très sérieusement endommagés. Les
Messerschmitt 109 se sont avérés une nouvelle fois plus rapide que les Morane
406.
Page spécifique consacrée au sergent De GERVILLIER
CITATION du s/lt CAVAROZ « Jeune pilote plein d’allant. A contribué, le 11 mai 1940,
à une victoire sur un avion ennemi. Assez grièvement blessé par des éclats
d’obus, le 21 mai, a fait preuve d’un magnifique courage en ramenant en
territoire français son avion très endommagé par des tirs de défense contre
avions. » Croix de guerre avec palme |
CITATION de l’adj GOUJON « Chef de patrouille de grande valeur, a été attaqué, la 21
mai 1940, par trois avions ennemis. Après avoir réussi à dégager son
équipier, a eu son avion gravement endommagé par un obus de la Flak et a dû,
faute d'essence, atterrir à quelques kilomètres des lignes ennemies. A pu
rentrer à son terrain après s'être procuré du combustible, dans des
conditions difficiles, Le 10 mai, a sauté en parachute, son avion en flammes.
Le 11 mai, est revenu avec un avion criblé de balles » Croix de guerre avec palmes |
Joseph, le 22
mai : « …sur ma paillasse, une lampe de poche dans ma main gauche…
dans le secteur, rien de nouveau, santé, moral bon, sans excès… ».
Un groupe de 9 MS 406 du
GC III/6 décolle en début d’après-midi pour effectuer une nouvelle mission sur le
secteur de Bapaume-Cambrai, mais ce jour-là tous les chasseurs rentrent sans
problème.
CITATION du sgt BOUIN « Jeune pilote courageux, équipier d’une patrouille légère,
s’est trouvé engagé à sa première sortie contre quinze Me 110 ; a très
bien soutenu son chef de patrouille qui a contribué à abattre un Me 110 dans
nos lignes. Le 22 mai 1940, après avoir été pris à partie par un violent tir
de Flak, se trouvant seul, a été attaqué par deux Me 110 ; a réussi à se
dégager et ramener son avion sur un terrain français. » Croix de guerre avec étoile de
vermeil |
CITATION du s/lt MENNEGLIER « Jeune officier pilote de chasse qui a effectué de nombreuses
missions de défense aérienne du territoire, le 22 mai 1940 a assuré une
mission de chasse d’armée jusqu’au bout sous un tir violent de D.C.A. » Croix de guerre avec étoile de
bronze |
Mémoires de Jean
MENNEGLIER – Coulommiers – 22 mai 1940 – Première mission ...nous fîmes une première mission le 22 mai au-dessus
de la Somme où les Allemands venaient de faire une percée pour tenter
d'encercler les troupes anglaises et les nôtres engagées en Belgique au
moment de leur attaque le 10 mai. Je me souviens encore de l'angoisse qui
m'étreignait en attendant au sol l'heure du départ. Elle disparut
heureusement quand je me trouvai en l'air. Nous fûmes accueillis par un feu
nourri de D.C.A. Bien qu'évoluant et changeant d'altitude nous fûmes encadrés
par de gros flocons noirs. Nous entendions le bruit des explosions et étions
secoués par leur souffle. Nous parcourûmes ainsi tout le cours de la Somme
jusqu'à la mer. A un moment un obus éclata juste devant moi. Je passai dans
le nuage noir et rentrai instinctivement la tête dans les épaules craignant
de recevoir des éclats alors que tout danger était passé. En évoluant on
pouvait voir notre route jalonnée d'éclatements. Les bougres devaient avoir
avec eux un sacré nombre de pièces de D.C.A. et des munitions en abondance.
Certains prétendirent avoir aperçu des Me 110 mais, même quand nous
sortîmes du champ d'action de la D.C.A à l'embouchure de la Somme, je ne vis
rien. Nous allâmes nous poser sur le terrain de Rouen pour faire le plein
avant de rentrer à Coulommiers. Il faut dire que c'était une sage précaution.
En effet en patrouille de chasse il faut évoluer constamment pour surveiller
les arrières du C.P. et pour cela adopter un régime moteur supérieur au sien,
donc consommer davantage. Aussi ne devait-il pas se fier aux indications de
son jaugeur et penser que ses équipiers auraient la panne sèche avant lui... |
Joseph le 23
mai : «…demain je vais avoir une chambre chez l’habitant…RAS toujours,
j’ai bon espoir… »
Toujours des opérations de
soutien aérien aux troupes françaises qui tentent vainement de freiner l’avance
de la Wehrmacht dans le Nord et en Picardie.
Le 24
mai les choses vont plus mal : « J’ai passé une bonne nuit, dans un bon lit, chez
l’habitant dans un patelin voisin… Les Fritz passent tous les jours. Chez nous,
trois disparus : deux sous/off et le commandant du Groupe, sans nouvelles
depuis 48h... »
C’est en effet au cours d’un
rude combat opposant 12 Messerschmitt 110C à 3 MS 406 du GC 3/3, 2 du GC
III/6 et 3 Dewoitine 520 du GC II/3 que le Morane
Saulnier 406 n° 134 du Commandant CASTANIER a été sévèrement touché près de Cambrai. Grièvement blessé et pris à partie de surcroît
par la DCA française, il saute en parachute alors que son Morane s’écrase en
flammes. Il mourra le lendemain dans un hôpital lillois. Le s/lt COLONGE, avec
le MS 406 n°675, également blessé s’est parachuté et a été fait
prisonnier.
Le Commandant CASTANIER
pressentait la défaite à venir et il avait fait part à certains de ses hommes
que de sa propre autorité il conduirait le Groupe en là où on pourrait encore
poursuivre le combat, ceci trois semaines avant l’appel du Général de Gaulle.
Il est remplacé « casus morti » par le capitaine STEHLIN (33 ans),
qui vient d’arriver le 12 mai à l’État-major du Groupe, après avoir été attaché
militaire à l’Ambassade de France à Berlin de 1935 à 1939 sans avoir beaucoup
volé.
Page spécifique consacrée
au commandant CASTANIER
CITATION de l’adj JAPIOT « Excellent chef de patrouille, a attaqué le 24 mai 1940 une
grosse formation de bombardiers, a atteint deux d’entre eux qui ont été
vraisemblablement abattus. » Croix de guerre avec étoile de
vermeil « Excellent sous-officier. Bon pilote de chasse plein
d’allant et de courage. A participé à toutes les missions importantes du
Groupe. |
CITATION du cne BERNACHE ASSOLLANT « Pilote de grande classe ayant conservé la plus grande
modestie. Excellent chasseur animé du plus bel esprit de sacrifice et de la
plus grande ardeur au combat. A donné la mesure de ses qualités de pilotes
dans les combats aériens des 21 et 24 mai en protégeant ses camarades contre
une chasse ennemie très supérieur en nombre. » Croix de guerre avec étoile de
vermeil |
Mémoires de Jean
MENNEGLIER – Coulommiers – Le 24 mai 1940 ...il y eut une autre mission le 24 Mai vers le nord
avec une formation très importante qui comportait une patrouille triple,
c'est à dire 9 avions. J'étais équipier bas de la patrouille inférieure. Les
patrouilles évoluaient les unes par rapport aux autres pour se protéger
mutuellement. Je vis à un moment passer près de moi l'avion de Kawnick
reconnaissable à son damier. Je ne sais ce qu'il faisait là car il était
équipier haut de la patrouille supérieure. A un moment je vis en dessous de
nous, essayant de se faufiler dans une couche de strato-cumulus, une
formation d'Amiot 143 qui normalement pratiquait le bombardement de
nuit. C'étaient des avions périmés et très lents. Je plaignis de tout mon
cœur les gars qui faisaient cette mission de sacrifice. Je ne me souviens
plus très bien du reste de la nôtre. Il me semble que ma patrouille se trouva
séparée du reste de la formation. J'étais avec Japiot qui, à un moment, se
mit à gigoter devant moi. Je regardai de tous mes yeux mais ne vis rien. Nous
finîmes par nous retrouver avec la patrouille Guerrier-Assolant et rentrâmes
au terrain. Ils prétendirent avoir vu des avions allemands. Ce fut ce jour-là
que le cdt Castanier fut tué, Colonge et Salaün descendus et faits
prisonniers... |
Le 25
mai, les pilotes du III/6 attaquent vaillamment des groupes ennemis malgré
leur grande infériorité numérique et c’est au cours de ces journées que la
fougue des pilotes du GC III/6 s’exprimera le mieux et deviendra légendaire.
Plusieurs appareils sont perdus et plusieurs autres gravement endommagés. Les
Morane du vétéran, le capitaine CHAINAT, et de l’adj. DIAZ sont littéralement à
l’état de passoire quand ils reviennent se poser à Coulommiers. Malheureusement
le sergent MAIGRET a été tué près de Travecy à
bord du Morane n°524 (6ème). Un BF 110
et un Dornier 17 ont été abattus. Les s/lt DE ROUFFIGNAC et VILLEMIN gravement
touchés doivent se poser en catastrophe en Picardie. Le GC III/6 n’a plus que
cinq appareils en état de vol.
Page spécifique consacrée
au sergent MAIGRET
L’épave du MS 406 n° 525 du sergent Charles
MAIGRET de la 6ème Escadrille
à Travecy, 16 km au sud de Saint-Quentin, sous la garde de soldats
allemands
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Le Morane
Saulnier MS 406 n° 627 codé 7 « Pita » du s/lt DE ROUFFIGNAC de la
5ème posé en campagne, mal en point, près de Montdidier le 25 mai
1940 Photographies
Jean MENNEGLIER – Droits réservés |
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Ambleny
(Aisne) – Après le 25 mai 1940 – Dans les lignes allemandes Le Morane 406 n°458 incendié du lieutenant
VILLEMIN, grièvement brûlé ; il a pu cependant poser son appareil en feu
après avoir été abattu |
CITATION du s/lt de ROUFFIGNAC « Jeune officier, brave autant que modeste, excellent pilote
de chasse. Le 25 mai 1940, pris à partie par plusieurs Me 110, son avion
ayant été criblé de balles et d’obus par l’ennemi, a réussi à ramener son
avion dans nos lignes après s’être dégagé par d’habiles manœuvres. » Croix de guerre avec étoile de
vermeil |
CITATION du s/lt CAPDEVIOLLE « Jeune officier courageux et bon chasseur. Le 25 mai 1940,
a très bien soutenu son chef de patrouille engagé contre une formation de Me
110, très supérieur en nombre. » Croix de guerre avec étoile de
bronze |
Joseph le
26 mai : « Donc il parait que c’est aujourd’hui notre bombardement.
Hier déjà 28 méchants ont survolé le terrain. Ils ont tout lâché à plusieurs
kilomètres mis en fuite par autant de chasseurs. A part cela, tout va bien. La
confiance règne et bientôt Hitler aura fini de régner…Chartres a donc eu le
baptême du feu. Soit toujours très prudente et n’aie pas peur de te sauver si
tu vois les nazis… »
Le 27
mai : « Comme prévu, on a bien eu notre baptême du feu. Sous le
coup de 13h30 un des sous-offs voit apparaître une vague d’avions suspects.
Juste le temps de courir dans un fossé. On a été bien arrosé de bombes et même
mitraillé. 70 bombes sont tombées. 1 Morane 406, 2 Simoun (1), 1 hangar, 1 soldat ne répond plus à l’appel. On attend
incessamment la suite. Ne craint rien. Je surveille l’horizon et me débinerai à
temps… »
(1) Caudron
Renault C.635 « Simoun » : appareil de tourisme à aile
basse monomoteur de 1935, aussi utilisé par l’Armée de l’Air comme appareil de
liaison et d’entraînement au pilotage
C’est le 26 mai, au moment où
6 Morane du Groupe rentraient d’une mission d’escorte d’un Dewoitine 338 d’Air
France vers Londres avec le premier Ministre Paul RAYNAUD à son bord, que 30
bombardiers Heinkel 111 volant à 2 500 mètres avec des bombes de 50 et 100
kg, escortés par 4 Messerschmitt 110 ont attaqué Coulommiers. Les archives
militaires situent cette attaque à 13h 15. Les dégâts et les pertes sont
finalement minimes par rapports aux moyens employés et la piste reste
praticable. Un soldat a été tué lorsque l’armurerie de la 5ème
Escadrille a été touchée et un autre blessé. Le Morane 406 n°558 (ci-dessous) a totalement brûlé, et trois
autres, les n° 234, 673 et 925 fortement endommagés seront évacués.
Le MS n°558 de la 5ème Escadrille incendié lors du
bombardement du 25 mai
Photographie
de Robert ROHR, mécanicien de la 5ème Escadrille
Le soldat tué s’appelle Émile
MARCHAL. Il entre en effet à
l’hôpital militaire de Coulommiers le 26 mai où il décède le même jour, mort au
Champ d’Honneur. Il n’y a donc pas que les pilotes qui sont victimes du
conflit. Dans la courte énumération des pertes que le s/c BIBERT fait à son
épouse la perte de « son » Morane et de « son » hangar sont
cités avant celle de ce modeste « troisième couteau » !
Celui-ci, comme bien d’autres, faisait pourtant la guerre avec autant de
détermination et de courage que ceux qui ont été mis en lumière par l’Histoire.
Ces obscurs passèrent cependant à travers les distributions d’honneurs,
médailles et citations ; c’est pour ne pas les oublier, qu’ici en annexe,
une page a été consacré ce valeureux jeune armurier...
Page spécifique
consacrée au soldat MARCHAL
Joseph, comme tous les
autres, eut « la trouille de sa vie » ce jour-là, ce qui le décida à
prendre quelques photographies des hangars détruits. C’est ainsi qu’on dispose
aujourd’hui d’une des rares images du MS 406 du capitaine Jean ASSOLLANT,
le n°673 (L-702) de la SNCAO qu’il toucha à Nantes au début du mois de novembre
1939. Liberté des chefs charismatiques, ASSOLLANT a fait peindre sur la dérive
l'insigne de la S.A.C.M. (Société de l’Aviation Civile de Madagascar) et a
baptisé son appareil « La Pouille ».
|
|
Ces deux
photographies ont été prises par le s/c BIBERT, chef de Hangar de la 6ème
Escadrille après le bombardement du terrain de coulommiers le 25 mai 1940 Sur la
photographie de droite, on voit le MS 406 n° 673 « La Pouille » du
capitaine Jean ASSOLLANT (État-major du
Groupe), reconnaissable à l’insigne de la S.A.C.M (Aviation Civile de Madagascar) Le 25 mai
1940, l’avion était immobilisé dans ce hangar depuis deux jours car un bout
de plan était à changer. Il sera abandonné au départ du Groupe le 31 mai. C’est à partir de ce document exceptionnel
que des illustrateurs ont pu immortaliser cet appareil mythique affecté en
1940 au premier Français à avoir traversé l’Atlantique nord en 1929 ! Photographies
Joseph BIBERT – Droits réservés |
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Morane Saulnier MS 406 n° 673 « La
Pouille » du capitaine Jean ASSOLLANT |
|
Lire : « ASSOLLANT, ses
« Pouilles » et MADAGASCAR » (Avions HS n°34)
Mémoires de Jean
MENNEGLIER – Coulommiers – 26 mai 1940 – Bombardement ...Un après-midi
j’étais sur le terrain dans la tente de l'escadrille. Une formation de
plusieurs avions venait de rentrer de mission et on était en train de faire
le plein quand la sirène d'alerte retentit. Etant sorti, j'aperçus une
formation de Heinkel 111 en deux sections qui se dirigeait droit sur le
terrain. Aucun avion n'était en mesure de décoller à part un Potez 63-11
d'observation qui roulait en se dirigeant vers la soute et prit le parti de
décoller. Comprenant que nos avions allaient être la cible, nous nous mîmes à
courir à travers champs pour nous en éloigner le plus possible car il n'y
avait aucune protection à proximité. Au moment où les bombes commencèrent à
tomber en sifflant nous étions en terrain découvert. Nous entendîmes les
premières explosions. Chacun se jeta dans un sillon. Au lieu de nous éloigner
de la traînée, nous nous étions presque mis dessous car la section qui visait
nos avions rata complètement son tir et envoya ses bombes dans les champs. La
traînée passa à une cinquantaine de mètres de moi. J'étais secoué à chaque
explosion et je sentais les ondes de choc me frôler le dos. A un moment je
reçu un éclat de bombe qui vint me tomber sur la main, me brûlant légèrement.
Nous nous en sortions bien. L'autre escadrille avait été un peu plus secouée.
Quelques avions avaient été touchés et un soldat qui, les jambes coupées par
la peur, avait un peu trop tardé à rejoindre la tranchée-abri, fut tué par un
éclat. Nous n'avions pas eu de dégâts et nos avions étaient intacts. Nous
nous mîmes à creuser des tranchées à proximité de la tente ce que nous avions
complètement négligé de faire auparavant. Nous n'étions vraiment pas préparés
à faire la guerre. Il y avait à côté de nous une batterie de jumelage Hotchkiss
de 12 mm servie par du personnel de la Compagnie de l'Air. Ils avaient
tiré courageusement sur les avions qu'ils ne risquaient pas d'atteindre à
l'altitude où ils étaient et quand nous les avons interrogés pour savoir
comment ils faisaient leur visée ils répondirent qu'ils visaient les croix
noires. Eux aussi étaient mal préparés. |
Sur le front, ce n’est pas
encore la débandade, mais ces trois dernières lettres terribles de Joseph
témoignent bien de l’incompréhension totale des événements que ressent la
majorité des combattants à ce moment de la guerre qui s’avère maintenant
perdue.
Joseph le
28 mai : « Il est 5h10. Je suis au volant de la Matford. On attend d’un
instant à l’autre l’ordre de départ. Les Fritz n’ont pas osé venir hier. Cela
n’empêche que dès qu’on voit des avions suspects on se planque dans notre
terrier. Moi en principe je me débine soit en vélo soit en Matford… ici on
bouche les trous… tu pourrais peut-être tenter de venir ici avec la voiture
mais c’est risqué… »
Une commande de camions Matford prête à être livrée à l’Armée de
l’Air en 1939
Ceci est le dernier courrier
de Joseph à Julienne connu et du fait des mouvements de l’un et de l’autre dans
les semaines qui suivirent, il est fort possible qu’il n’y en ait pas eu
d’autres. Ces courriers sont soumis à la censure militaire et restent donc très
flous sur les pertes. Les victimes sont « disparus » ou « ne
répondent pas à l’appel » : il faut préserver le moral de ceux de
l’arrière…
La mention du vélo, dans le
courrier daté du 28 est intéressante. Joseph et Julienne avaient chacun un vélo
au début de la guerre. Joseph a toujours dit à son épouse : « Quoi qu’il arrive, ne t’encombre pas
de la voiture (leur Peugeot 201 acheté la veille de leur mariage en octobre
1939) parce que tu ne trouveras peut-être pas d’essence, mais ne te sépare
jamais de ton vélo... ». Il a réussi l’exploit de ne pas se séparer du
sien pendant toute la bataille, le transportant dans un véhicule de l’échelon
roulant et à l’embarquer dans le bateau qui évacuera le Groupe en Algérie (21
au 27 juin). La voiture de Joseph et Julienne servit pour l’exode de sa
famille, elle survécut à la guerre, cachée dans une grange à Chartres. Joseph,
Julienne et leurs deux enfants en profitèrent ensuite de 1945 à 1953. Julienne
quitta Chartres dans un convoi militaire quand les personnels civils de la BA
122 où elle travaillait reçurent le 12 juin l’ordre d’évacuation immédiate vers
Cazaux. Ils y arrivèrent le 13 au soir après une nuit passée à la caserne de
Poitiers. Elle avait réussi à charger son vélo sur le toit d’un des autocars de
ce convoi qu’elle put ainsi récupérer en Gironde !
La Mère de Julienne, sa
belle-sœur et ses deux nièces, sa ½ sœur, une tante paternelle et ses deux
petits-enfants, ayant quitté Chartres avec la 201 et une autre voiture dans
lesquelles ils s’entassèrent avec quelques bagages, arrivèrent tant bien que mal
jusqu’à Vodable, charmant petit village au-dessus d’Issoire dans le Puy de
Dôme, où deux veuves charitables purent leur fournir de quoi se loger
sommairement. Après l’armistice Il fut très difficile à Julienne de savoir où
sa famille et son mari, mais quand elle eut le 6 juillet 1940 les informations
nécessaires sur sa présence en Algérie, c’est à bicyclette et au prix
d’incroyables aventures qu’elle effectuera les 500 kilomètres séparant Cazaux
de Vodable où elle arrivera le 29 juillet 1940. Après avoir repris des forces,
c’est avec la même ténacité, ayant décidé contre toute raison de quitter
Vodable et de rejoindre Joseph au-delà de la Méditerranée, qu’elle gagnera un
peu plus tard Marseille par le train... avec sa bicyclette en bagages
accompagnés ! Elle s’embarquera avec culot et en toute illégalité sur un
des derniers bateaux en partance pour l’Algérie, toujours avec sa
bicyclette..., pour retrouver enfin son époux à Alger la blanche le 19 août
1940. A Fort de l’Eau, à quelques kilomètres d’Alger et au bord de la mer, là
où Joseph et Julienne habitèrent dans une petite maison jusqu’à l’automne 1944
pour lui et jusqu’au printemps 1945 pour elle, les deux bicyclettes furent un
luxe particulièrement apprécié. Mais ceci est une autre histoire...
Vodable (Puy de Dôme) en juillet 1940 et juste après la guerre
Fin mai, le Groupe III/6 est
littéralement à bout de souffle et n’a quasiment plus d’avions en état de vol,
mais le moral semble encore bon. Le 29
mai est calme. Le 30
mai, il reçoit pour survivre une dizaine de Morane Saulnier 406 en mauvais
état, en provenance du GC III/2 ; le journal de marche de la 6ème
Escadrille mentionne : « Nous sommes néanmoins très désappointés
d’avoir encore des Morane à casser, quand verrons-nous les Dewoitine 520 ou
Curtiss P-40 ». Les nouveaux pilotes envoyés en renfort n’ont pas encore
l’entraînement nécessaire aux opérations de première ligne.
Le Groupe totalise à ce jour
96 missions de guerre et 324 sorties.
Deux documents
permettant d’apprécier les préoccupations administratives de l’Armée de l’Air
en pleine guerre...
Dans le même temps on
casse des Morane qui coûtent un peu plus qu’un kilo de sucre ou qu’un
caleçon !
|
|
Nombre de
jours |
Effectifs
max. |
Effectifs
min. |
Journées |
Pain |
Pain par
homme |
Vin |
Vin par
homme |
Viande |
Viande
conserve |
Viande par
homme |
Haricots |
Pâtes |
Riz |
Total par
homme |
Sucre |
Sucre par
homme |
Café |
Café par
homme |
Graisse |
Sel |
Sucre |
Sucre par
homme |
Chocolat |
du |
au |
|
|
|
|
kg |
gr. |
litre |
litre |
kg |
kg |
gr. |
kg |
kg |
kg |
gr. |
kg |
gr. |
kg |
gr. |
kg |
kg |
kg |
gr. |
kg |
24-mai |
25-mai |
2 |
115 |
112 |
227 |
110 |
484 |
110 |
0,5 |
88,0 |
|
388 |
|
|
11,0 |
48 |
10,0 |
|
|
|
|
|
10,0 |
|
|
26-mai |
27-mai |
2 |
110 |
110 |
220 |
110 |
500 |
110 |
0,5 |
88,8 |
|
404 |
11,1 |
11,1 |
|
101 |
|
|
|
|
10,0 |
|
|
|
|
28-mai |
29-mai |
2 |
109 |
139 |
248 |
110 |
443 |
110 |
0,4 |
88,0 |
|
355 |
11,0 |
|
11,0 |
89 |
20,0 |
|
22,0 |
|
10,0 |
13,2 |
20,0 |
|
|
30-mai |
31-mai |
2 |
139 |
139 |
278 |
140 |
503 |
140 |
0,5 |
112,0 |
|
403 |
|
14,0 |
14,0 |
101 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
1-juin |
2-juin |
2 |
132 |
132 |
264 |
132 |
500 |
132 |
0,5 |
105,6 |
|
400 |
13,2 |
13,2 |
|
100 |
8,4 |
|
6,1 |
|
8,0 |
5,3 |
8,4 |
|
|
1-juin |
Vivres de route |
4 |
132 |
132 |
528 |
370 |
700 |
264 |
0,5 |
|
158,0 |
299 |
36,0 |
|
36,0 |
136 |
25,0 |
|
19,0 |
|
5,5 |
|
25,0 |
|
27,0 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
TOTAL |
|
|
|
1765 |
972 |
550 |
866 |
0,5 |
482,4 |
158,0 |
363 |
71,3 |
38,3 |
72,0 |
103 |
63,4 |
36 |
47,1 |
27 |
33,0 |
18,5 |
63,4 |
36 |
27,0 |
Bordereau récapitulatif des denrées délivrées à titre gratuit par
la Compagnie de l’Air 75/118 au Groupe de Chasse III/6 pour la période du 24
mai au 6 juin 1940
Le fait que le 1 juin des vivres pour 4 jours de route ont été
distribués semble bien prouver que le déplacement de l’échelon roulant de
Coulommiers au Luc a été beaucoup plus long et chaotique que ce qui en a été
dit dans les « archives officielles », ce qui est confirmé par les
légendes portées au dos des photos du sergent Jules Piesvaux (voir plus bas dans cette page).
DATES |
DETAIL DES EFFETS
REÇUS Inscrire les effets à la suite des uns des autres exemple : 22 chemises, 15 caleçons... |
DATES |
DETAIL DES EFFETS
TRAITÉS Inscrire les effets à la suite des uns des autres exemple : 22 chemises, 15 caleçons... |
15
mai 1940 |
20
vestes de treillis |
13
avril 1940 |
4 capotes AA |
|
20
pantalons de treillis |
|
22
vestes drap |
|
Pour la Compagnie de l’Air 23/102 |
|
12
pantalons drap |
|
|
|
27
pantalons de treillis |
26
mai 1940 |
11
vareuses AA + 16 ceinturons |
|
5 caleçons |
|
5 pantalons AA ° 15 bretelles de fusils |
|
12
vestes de treillis |
|
4 vestes de treillis |
|
38
paires de chaussettes |
|
1 pantalons de treillis |
|
11
bérets |
|
3 chemises |
|
12
sabots (paires) |
|
7 caleçons |
|
20
chaussons (paires) |
|
11
paires de chaussettes |
|
25
chaussures (paires) |
|
Pour le Compagnie de l’Air 75/118 |
|
Effets à réformer à la base de Reims, |
|
|
|
Service Habillement de l’A.R. 52 |
Le
8 juin 1940 |
65
pantalons AA |
|
|
|
15
casques AA |
20
avril 1940 |
8 paires de brodequins |
|
5 chemises AA |
|
50
paires de bandes moletées |
|
50
bérets |
|
|
|
20
vestes AA |
|
|
|
|
15
mai 1940 |
200
couvertures |
|
|
|
50 cache-nez |
|
|
|
44 passe-montagnes |
|
|
|
6 peaux de moutons |
|
|
|
Effets
remis à la Compagnie de l’Air 23/102 |
|
|
|
|
Une double page du registre du suivi des mouvements des effets
d’habillements concernant le GC III/6
LE LUC en PROVENCE
31/05/1940 – 18/06/1940
Terrain du Luc en Provence – Photo aérienne de 1950
L’espoir de tous les pilotes
et mécaniciens de toucher enfin les fameux Dewoitine 520 est finalement exaucé
par le Général d’HARCOURT, conscient de l’état de fatigue du GC III/6.
On annonce alors au Groupe, à
son grand soulagement, après les très dures journées de Coulommiers, son
prochain transfert sur la base du Luc, dans le Var, à la fois pour faire face à
l’entrée en guerre de l’Italie qui semble inéluctable et aussi pour recevoir et
prendre en main ses nouveaux appareils : voir carte.
Le D.520 restera le seul chasseur français de 1940 capable de rivaliser avec
les meilleurs chasseurs allemands du moment ; s’il est un peu moins rapide
et moins bien armé, il peut prendre l’avantage grâce à une plus grande
maniabilité. Mais il est arrivé bien tard dans les escadrilles !
Le III/6 reçoit l’ordre de
son départ dans la soirée du 30 mai et le lendemain 31
mai les Morane décollent à 16h 00, via Lyon Bron pour un
ravitaillement. Mais avec la nuit tous n’arrivent pas ce jour-là au Luc ;
un reste à Lyon, pour être détruit le lendemain lors du bombardement de cet
aérodrome (MS 406 n° 933), d’autres se posent à Aix en Provence, Marignane
ou Hyères.
Le Morane MS 406 n°933 de la patrouille
polonaise du GC III/6 posé à Lyon Bron le 31 mai et détruit le 1er
juin 1940
Une partie des mécaniciens,
dont Joseph BIBERT, sont transférés par la voie des airs. L’échelon roulant
suit par voie ferrée ; le sergent mécanicien de la 5ème Jules
PIESVAUX a pris les trois photographies ci-dessous, images rares et inédites,
qui permettent de penser que son transfert aura duré 4 jours, du 2 au 5 juin,
mais il est vraiment étonnant de lire dans les archives officielles « L’échelon roulant, embarqué sur
chemin de fer, quitte Coulommiers au début de la matinée du 1er juin
pour arriver le lendemain soir en gare des Arcs où il est débarqué
aussitôt ». Qui croire ? Des imprécisions de ce genre de
retrouveront d’ailleurs dans des documents officiels postérieurs...
|
|
Jules
PIESVAUX a pris ces trois photographies du transfert de l’échelon roulant du
III/6 de Voisins-Coulommiers au Luc en Provence Embarquement le 2 juin1040 à 7h 00 à la
Ferté Gaucher (Seine et Marne) – Arrivée le 5 juin au Luc en Provence (Var)
via Marseille |
|
|
|
Les |
Photographies
Jules PIESVAUX – Droits réservés
Mémoires de Jean
MENNEGLIER – Le Luc en Provence ...nous fîmes mouvement
le 31 mai. Le terrain du Luc était situé à proximité de la route qui relie
cette ville à Saint-Raphaël, dans cette vallée qui contourne le massif des
Maures au nord. Le terrain était entouré de pins. Il y avait quelques
collines escarpées à l'ouest couvertes de la végétation typique de la
Provence. Le terrain était desservi par une Compagnie de l'Air de recrutement
local qui semblait être loin de la guerre. En cas d'alerte le personnel avait
la consigne de prendre son arme et de se disperser dans la nature, en quelque
sorte prendre le maquis. Stehlin
fut très surpris le jour où un secrétaire qui lui avait été fourni par la
compagnie, en attendant l'arrivée de l'échelon roulant, lui apporta un paquet
de messages de guet en lui disant qu'il n'avait pas voulu le déranger à
chaque arrivée et qu'il avait attendu qu'il y en ait assez pour les lui
apporter. Comme il lui demandait s'il fallait les enregistrer Stehlin, après lui avoir expliqué
calmement qu'il devait lui apporter ces messages au fur et à mesure qu'il les
recevait, eut la tentation de lui répondre par l'affirmative... A gauche,
le « Château Colbert » au Cannet des Maures en 1940 A droite,
la popote du GC III/6 : la fille des propriétaires, Le GUENNEC,
CHARDONNET, PIMONT, Mme CHARDONNET, LE GLOAN ...je fus hébergé,
ainsi que Satgé, chez le Marquis de Colbert qui possédait une
grande bâtisse, presque un château, au nord de la voie ferrée, à mi-chemin
entre le Luc et le terrain. Nous couchions dans la chambre des petites filles
de la Marquise. Le cdt Stehlin et
le cne Chainat étaient également
leurs hôtes. Eux, eurent sans doute des Sur le terrain du Luc il y avait un détachement anglais avec
un Spitfire de reconnaissance camouflé en permanence sous un hangar ; on
ne le sortait que pour aller effectuer des couvertures photo sur l'Italie qui
n'était pas encore en guerre. Il décollait presque tous les jours. Un
Lockheed Ventura venait d'Angleterre tous les jours emmener les magasins
photo impressionnés et les échanger contre des vierges. Le jour où les
Italiens entrèrent en guerre, le Spitfire rencontra un avion italien au-dessus
de la mer et se mit à faire des feintes de passes sur lui. Or ce Spitfire
n'était pas armé. L'Italien finit par se poser sur l'eau et le
« Spit » prit une photo de sa victime. Les Anglais fêtèrent leur
victoire dans les bars du Luc où certains de nos pilotes apprirent de leur
bouche ce qui s'était passé... |
Mémoires de Robert
UMBERT (*) – Le Luc en Provence ...sur le Morane 406,
le complément d’huile se faisait directement du bidon au réservoir placé sur
une paroi en pente et les pieds dans la boue. Le radiateur de l’appareil
était escamotable. Pour les vols de routine (couverture du terrain) le
mécanicien démarrait l’appareil avant de laisser la place au pilote dont les
bottes étaient plaines de gadoue. Le Morane avait un plan fixe horizontal fixé par une traverse
profilée qui n’était pas très discrète. Cela ne nous choquait pas et nous
trouvions cet avion très beau. Il n’avait pas de roulette de queue, ce qui
rendait beaucoup plus sportif ses déplacements et ses virages dans les
terrains meubles !… … au Luc, il y avait de l’herbe, même séché c’était bien mieux
que la boue de Champagne. Les Italiens nous ont déclaré la guerre, nous nous
étions rapprochés du théâtre des opérations. C’est ici que nous avons reçu
nos Dewoitine 520. Nous avions enfin une roulette de queue, des capotages
plus pratiques qui ne tenaient pas comme sur le Morane par des « cordes
à piano » s’enfilant dans des encoches. Cet avion avait une
particularité : son trou d’homme dans le fuselage qui était une sorte de
coffre à bagages. La roulette de queue jouait quelques tours de temps à
autre ; elle était maintenue dans l’axe par deux tendeurs de caoutchouc
qui pouvaient se rompre au décollage s’ils étaient trop malmenés. Elle se
mettait alors en travers à l’atterrissage ce qui provoquait un superbe
« cheval de bois » et souvent un avion sur le ventre en bout de
piste si le train lâchait... Le sgt Robert Umbert (mécanicien) qui a peint
au Luc le code « 29 » sur le D.520 n°138 du l’adj Jean DIAZ de la 6ème |
(*) Robert
Nicolas UMBERT, caporal-chef à Chartres en septembre, nommé sergent le 1
janvier 1940, mécanicien à la 6ème escadrille depuis le début de la
guerre
Liste des Morane 406 utilisés par le
Groupe GC III/6 de septembre 1939 à juin 1940
Merci à Lionel PERSYN et à
Près de 1 100 appareils de ce type ont été
construits : ils en ont identifié 94 qui ont été utilisés par les pilotes
du III/6 avant la restitution des survivants à Toulouse en juin 1940
Le terrain du Luc en
Provence, mesure 1 000 x 800 mètres ; il est situé en bordure d’un
petit bois idéalement placé pour camoufler les appareils.
Les officiers de l’État-
major et quelques autres logent au Cannet des Maures dans le château du Marquis
de Colbert, les autres officiers et les sous-officiers pilotes logent au Luc.
Ils ont établi leurs popotes dans deux restaurants différents ; certains
sous-officiers mécaniciens ont trouvé à se loger chez l’habitant.
Le III/6 remplace au Luc le
II/3 qui a été équipé en Dewoitine 520 du 10 au 18 mai. Comme ce dernier, iI
est affecté au Groupement de Chasse 24 alors commandé par le colonel DE TURENNE
qui est basé à Valence. Ce groupement est rattaché à la Z.O.A.A., Zone des
Opérations Aériennes des Alpes, commandé par le Général ODIC, également basé à
Valence.
A peine arrivé au Luc,
Marseille est bombardée les 1er et le 2 juin par des avions
allemands à long rayon d’action. Malgré l’absence de l’échelon roulant quelques
Morane du III/6 sont envoyés en couverture sur le secteur mais sans se trouver
confrontés à l’aviation adverse. Par contre le 1erjuin en matinée la patrouille triple de LE
GLOAN a reçu, heureusement sans dommage, le feu des artilleurs français peu
aguerris et qui tirent avec des canons désuets !
Quelques jours après son arrivée,
le capitaine Stehlin aura une nouvelle fois l’opportunité, comme à Coulommiers,
de « demander une sanction sévère » au commandant de la ZOAA, pour un
officier des transmissions, le lieutenant D. qui commande la section 78/708, et
qui n’aurait pas mis assez de bonne volonté à satisfaire les demandes du
« pacha » du III/6 ! Cette sévérité se manifestera encore
souvent, comme par exemple en 1943, alors qu’il n’est plus commandant du III/6
mais commandant de la section d’aviation côtière, lorsqu’il a été chargé par
les Américains d’un rapport sur les incidents constatés sur les fragiles
moteurs des Bell P-39 du III/6 « Roussillon ». Ceux-ci supportaient
mal le sable du bled algérien. C’est son propre ancien officier mécanicien de
1940, le capitaine Nicolas qui n’en pouvait mais, qui sera sa cible, et qui a
été muté sans délai au grand dam de ses chefs et de son personnel, sans que les
moteurs américains Allison V-1710… et les Américains par conséquence soient
ainsi trop mis en cause. Les « incidents » continuèrent...
Le 2 juin quelques pilotes sont envoyés sur le terrain de
Valence-Trésorerie pour être à disposition de l'armée des Alpes plus rapidement
si une éventuelle attaque italienne survenait ; rien ne se passe et le
matin du 5 juin les Morane sont de retour au Luc.
Pendant que le III/6 poursuit
son installation au Luc, le terrain d’aviation de Chartres a subi le 3 juin un nouveau bombardement. Une bombe est tombée dans
le jardin de la maison de la mère de Julienne BIBERT, au 65, de la rue
Saint-Chéron, sans exploser, mais elle a étêté le beau sapin bleu dont la
famille était si fière ! Par contre, une autre bombe a détruit la petite
maison du 13 de l’avenue Neigre, à quelques dizaines de mètres des hangars
d’aviation, où Joseph et Julienne avaient loué deux modestes pièces jamais
occupées puisque leur mariage avait eu lieu en octobre 1939, second mois de la
guerre ; ce qui démontre bien qu’en octobre 1939 on imaginait que la
guerre serait courte ! Voir
deux photographies par ce lien.
Bien que de
mauvaise qualité, celle photographie, faite sans doute à l’arrivée du III/6 au
Luc, doit être publiée ; c’est la seule connue sur laquelle, autour du
Commandant du Groupe, le capitaine STEHLIN,
figurent ses deux commandant d’Escadrille, les
cne JACOBI (5ème) et GUERRIER (6ème) ainsi que l’adj LE
GLOAN avec d’autres pilotes ayant au moins une victoire homologuée à leur
actif, ainsi qu’un mécanicien
Le 5 juin, le premier ministre REYNAUD remanie le gouvernement
et le Général DE GAULLE, fait général de brigade à titre temporaire, est nommé
sous-secrétaire d'état à la guerre dans l’indifférence générale. Le 10 juin , le gouvernement quitte Paris pour Tours. On
commence à parler d’armistice. Les Allemands s’approchent de Chartres et, le 12
juin, c’est le départ vers le sud pour Julienne BIBERT avec le Parc d’Aviation
; sa famille est partie en exode quelques jours plus tôt et se trouve
complètement dispersée, sans nouvelle entre les uns et les autres...
Au Luc, les pilotes, par
petits groupes, transfèrent peu à peu sur le parc de Toulouse leur vaillants
Morane. Bien que techniquement dépassés ces appareils avaient certaines
qualités et ils ont pu être efficaces et redoutés de leurs adversaires, grâce
surtout à la valeur et au courage de leurs pilotes. Ceux-ci reviennent au Luc
avec de magnifiques Dewoitine 520 flambant neufs qui vont être rapidement
engagés dans la bataille contre les forces aériennes italiennes, puisque
Mussolini, pour tenter s’arracher quelques dépouilles à la France en voie
d’être définitivement vaincue, s’apprête stupidement à entraîner son Pays dans
la guerre, par simple opportunisme.
L’adjudant DIAZ, pilote, le
s/c BIBERT et le sgt ROBERT, mécaniciens partent le 8 juin à l’usine
Dewoitine de Toulouse ainsi qu’une équipe de la 5ème,
lt MARTIN, adj COLIN et sgt DESFOSSEZ, pour recevoir une
formation sommaire à l’usage et à l’entretien de ce nouvel avion qu’ils ne
connaissent pas encore. DIAZ et MARTIN ramènent leur Dewoitine au Luc le 12
juin. Les deux mécaniciens ne rentrent que le 16 : il était juste
temps !
En leur absence, le 9 juin
une première prise d’armes à lieu en mémoire du commandant CASTANIER, considéré
jusqu’alors comme « disparu » mais dont la mort a été annoncé.
Le lendemain 10 juin, au
cours d’une seconde prises d’armes, le Général ODIC, commandant la Z.O.A.A.,
remet les décorations correspondantes à ceux qui depuis plusieurs semaines ont
été cités ; il laissera le soin au capitaine CHAINAT, as de 14/18 et
second du Groupe de remettre la croix de guerre à son Commandant, le capitaine
STEHLIN. Ce même jour l’Italie, comme prévu, entre en guerre pour la curée...
|
|
Le Luc - 10 juin 1940 – Le capitaine CHAINAT
et le capitaine STEHLIN |
Le capitaine CHAINAT félicite le capitaine
STEHLIN pour sa croix de guerre |
|
|
S/c CHARDONNET, adj LE GLOAN, cne JACOBI, cne
SULERZYCKI : 5ème Escadrille |
Le
lieutenant MIRAND commandant l’Unité Administrative remet au
capitaine STEHLIN sa citation lui ayant valu la croix de guerre en présence du capitaine CHAINAT |
Photographies
Jean MENNEGLIER – Droits réservés
|
Lieutenant Wieńczysław BARANSKI, né le 19 septembre 1908 à Solec. En 1932, il est diplômé
« Observateur » à l'école des cadets de l'aviation. En 1933,
diplômé d'un cours de pilotage à Dęblin et d'un cours de pilotage
supérieur à Grudziądz, il est affecté à la 113ème Escadrille
de Chasse dont il devient le Commandant en 1938. Le 6 septembre, il abat 2
avions ennemis en coopération (1 He 111 et 1 Ju87). Après la
fin des combats en Pologne, il passe en Roumanie, puis gagne la France et
rejoint le Dépôt d'Instruction de l'Aviation Polonaise (DIAP) à Lyon-Bron.
Pilote au Centre d’Instruction à la Chasse (CIC) créé le 1er mars 1940 (2
groupes, 4 escadrilles), il abat un He°111 le 1er juin 1940, en
coopération avec Jerzy Radomski. Il est affecté au GC III/6 10 jours
plus tard. Après l’armistice, il passe avec ses camarades polonais d’Algérie
en Grande-Bretagne via Gibraltar. Il fait un brillant parcours dans
différents « Fighter Squadron » de la RAF (607, 303, 316, 308, 302
et termine la guerre avec le grade de commandant. Décédé le 8 août 1970, et
inhumé au cimetière de Braywick. |
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Lieutenant Jan BOROWSKI, né 31 mai 1912. École des cadets de la réserve des communications à
Zegrze, diplôme de l’école des-officiers de la réserve de l'armée de l'air à
Dęblin en 1936. En août 1939, il rejoint la 113ème Escadrille
de Chasse, au sein de la Brigade de Poursuite qui va avoir la charge de
défendre la capitale Varsovie. Le 4 septembre, aux commandes de son PZL
P.11c, il abat en coopération un Ju-87. Le 18 septembre 1939, il franchit la
frontière polono-roumaine puis débarque à Marseille et rejoint le DIAP à
Lyon-Bron. Promu au grade de lieutenant avec ancienneté le 1er novembre 1939.
Le 8 juin 1940, il est muté au GC III/6 sur le front italien. Après l’armistice, il s'envole pour
l'Afrique, puis rejoint le Royaume-Uni le 6 juillet 1940. Il y suit une
formation au 55ème OTU. Le 17 octobre 1940, il est affecté au 302
« Fighter Squadron » (Poznanski). Le lendemain, son premier vol
sera aussi le dernier : deux avions qui décollent entrent en collision
près de l'hippodrome de Kampton : les deux pilotes sont tués. Jan
Borowski a été enterré au cimetière Northwood. |
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Sergent Michal CWYNAR, né le 14/11/1915 à Orzechówka. En 1933, à l'école des sous-officiers
de l'aviation de Bydgoszcz, où il obtient son diplôme de mécanicien avion.
Formation de vol à voile au printemps 1935, puis en mai 1937, formation de
chasse à l'École supérieure de pilotage de Grudziądz. Affecté au 114ème
Escadron de Chasse du 1er Régiment Aérien à Varsovie, puis au 113ème.
En mai 1938, il est incorporé dans l'escadron KOP, chargé de protéger la
Polésie des avions de reconnaissance soviétiques. Le 1er
septembre, il abat un Junkers Ju 87. Il rejoint la France via Beyrouth en
octobre 1939. Affecté à Lyon- Bron, il fait partie de la patrouille commandée
par Baranski et rejoint avec lui le III/6. Il le suit en Grande
Bretagne ; formation de deux semaines à la 15ème EFTS, puis
10ème Bomber and Gunner School (BBS), et enfin 55ème
OTU. En avril 1941,il est affecté au 315 « Fighter Squadron »
(Deblinski). Brillant parcours ensuite dans la RAF ; en juillet1945, il
est commandant du 316 « Fighter Squadron (Varsovie). Démobilisé en
décembre 1948, il reste à Dumfries (Écosse) où il y est décédé le 26 février
2008. |
Informations
et photographies fournies par Bartomiej Belcarz, auteur de « Montpellier
Fighter Squadron », que nous remercions pour son aide
Le 11 juin arrivent du C.I.C. de Montpellier, les lieutenants
polonais Wienzylaw BARANSKI et Jan BOROWSKI, affectés à la 5ème et
le sergent Michal CWYNAR la 6ème .Ce dernier deviendra
« As » dans la R.A.F. et livrera plus tard un témoignage de son court
passage au GC III/6 ; inconnu jusqu’à la rédaction de ces pages, il a
permis de comprendre un peu mieux le déroulement de la journée du 15 juin 1940
(voir plus bas).
Page spécifique consacrée à Michal CWYNAR
La journée du 12 juin est calme. Joseph BIBERT, sans nouvelles de son
épouse depuis longtemps, ne sait pas que celle-ci évacue Chartres à cette date
avec les militaires et les civils travaillant encore au Parc 122 de la Base
Aérienne. Ce n’est que deux mois plus tard qu’ils sauront chacun ce qu’a été le
sort de l’autre pendant la débâcle...
Le 13 juin, les adjudants LE GLOAN et GOUJON abattent
deux bimoteurs italiens BR 20 « Cigogna » le long de la côte, près
d’Agay. Totalisant ainsi 6 victoires, LE GLOAN fait donc déjà partie des
« As » de la campagne de France, mais deux jours plus tard il fera
mieux.
CITATION de l’adj GOUJON « Pilote hors de
pair, chasseur audacieux, a attaqué avec son chef de patrouille une formation
de quatre bombardiers italiens qui ont fait demi-tour sans avoir accompli
leur mission. A contribué, au cours de ce combat, à abattre deux Fiat
BR 20 tombés dans nos lignes. A ainsi remporté ses troisième et
quatrième victoires ». Croix de guerre avec palmes |
CITATION du lt MARTIN « Chasseur confirmé, plein de fougue. Malgré un enrayage de
ses armes a secondé son chef de patrouille pour dissocier un peloton de
quatre bombardiers ennemis et a contribué à la destruction dans nos lignes de
deux Fiat BR 20 » Croix de guerre avec étoile de
vermeil |
CITATION de l’adj GOUJON « Brillant sous-officier, magnifique pilote de chasse, modèle
de bravoure et d'habileté. A engagé à plusieurs reprises, la combat contre un
ennemi très supérieur en nombres. Est descendu deux fois en parachute. Compte
quatre victoires et quatre citations à l'ordre de l'armée » Médaille militaire - Croix de
guerre avec palmes |
Ce même jour le
sergent-chef MERTZISEN roule au sol avec le Morane 406 n°675 et il heurte au sol
le Dewoitine 620 n°350 qui est celui que Goujon a ramené de Toulouse 2 jours
plus tôt. Comme pour son accident du 11 mai 1940, un message « codé »
est envoyé. L’émetteur « Lenoir ? » et le destinataire « La Bruyère ? » changent. Pour le reste, « Miltande = Le Luc » mais on donne en clair le code postal « SP 814 »
comme le nom du Groupe « GC II/6 » ! Par contre un
MS 406 est toujours un « avion type 14 » et on apprend
qu’un D.520 est un « avion de type 84 ». Les deux
appareils sont déclarés « réparables
3ème degré ». En fait ce sont les deux hélices qui sont à
changer. Le Morane sera envoyé plus tard au dépôt de stockage (DS) d’Istres
avant d’être réformé en 1942 tandis que le Dewoitine 350 ne traversera pas la
méditerranée avec le III/6 faute de pouvoir être réparé à temps. Goujon devra
retourner à Toulouse le 15 juin « choisir » un autre Dewoitine, ce
sera le n°340 ; quant au n°350, il passera une fois réparé en A.F.N. et on
le retrouvera en 1941 en Tunisie, au GC II/7, avec le lt Marcel MERLE aux
commandes ! Il n’est pas impossible que les deux photographies ci-dessous,
prises par Jean MENNEGLIER, sans légende et sans date, correspondent à ce petit
accident...
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Peut-être au Luc en Provence le 13 juin 1940
après la « rencontre » au sol du MS 406 du s/c MERTZISEN avec le
D.520 de l’adj GOUJON... |
Photographies
Jean MENNEGLIER – Droits réservés
De la même manière, ces trois
photographies de Jean MENNEGLIER représentant des pilotes en alerte ont
peut-être été faites au Luc en Provence. En alerte, le pilote a son casque à
portée de main et porte sur sa poitrine le boîtier relié par un câble à l’avion
à l’aide d’une prise multiple : sur ce boîtier viennent se ficher les
prises des écouteurs et du laryngophone relié à l’inhalateur que l’on voit
pendre et il se fixe au casque par deux crochets. Sous sa combinaison de toile,
il revêt une combinaison de chauffage à laquelle se raccordent par des
|
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Capitaine Jean ASSOLLANT – E.M. |
Lieutenant Georges LEGRAND – 6ème |
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Photographies
Jean MENNEGLIER – Droits réservé
La FIN
des MORANE 406
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Depuis sa
formation en mai 1939, la « drôle de guerre » et la campagne de
France, au Groupe GC III/6, près de 90 MS.406 sont passés entre les mains de ses
pilotes et mécaniciens – Beaucoup ont été détruits en combat aérien, au sol
ou abandonnés lors des déplacements d’un terrain de campagne à l’autre. Cet
appareil, le n°724, est un des derniers survivants qui ont transité de
Coulommiers au Luc avant d’être convoyés à Toulouse pour être remplacés par
des D.520 Ces
avions à bout de souffle et techniquement dépassés auront une vie très courte
après les armistices, mais celui-ci a une histoire particulière ! Initialement
au GC III/2, il a été reversé au GC III/6 à Coulommiers où il a été affecté
au capitaine GUERRIER, chef de la 6ème Escadrille, celle les
« masques rieurs » Le code
« 1 », jaune dans un cercle noir, a donc été alors peint par les
mécaniciens sur la dérive (encore visible) selon la procédure alors en
vigueur . En juin
1940, nouvelle règle : les codes des appareils des secondes escadrilles
des Groupes doivent être différents de ceux des premières et commencer par 21 Le code
« 21 » a donc été peint en catastrophe sur le fuselage de
l’appareil du capitaine GUERRIER, juste avant son convoyage à Toulouse. Il est alors affecté à l’escadrille de marine
AC5 qui vient d’être créée précipitamment (ancre visible dans la cocarde) -
Cette photographie peut avoir été faite à Hyères. |
Remerciements
à Alain COSTE qui a fourni les renseignements ayant permis de légender cette
photographie et de pouvoir ainsi la placer dans cette page
Mémoires de Jean
MENNEGLIER – Le Luc en Provence (suite) ...notre Groupe
échangea ses Morane contre des Dewoitine 520. Un premier détachement de la 5ème
escadrille, dont Jacobi et Le Gloan, partit à Toulouse récupérer
leurs nouveaux (avec le
cne Stehlin). Dès qu'ils
furent rentrés nous partîmes à notre tour vers Toulouse. Nous nous posâmes le
15 juin à Francazal où nous abandonnâmes sans regret nos vieux Morane. On
nous conduisit en car à Blagnac où nous prîmes A la prise en main je fus surpris par la sensibilité du
gouvernail de direction et serpentai un peu au décollage mais je m'y fis très
vite. Après quelques minutes de prise en main je revins me poser à Francazal
que nous quittâmes en patrouille le lendemain (16 juin) pour
rejoindre le Luc. Nous apprîmes à l'atterrissage ce qui s'était passé la
veille pendant notre absence... |
Le 14 juin la Marine Nationale attaque dans la nuit les ports
de Gênes et de Vado. A 6h 15, une patrouille double du III/6, à laquelle
participe le capitaine STEHLIN, décolle du Luc pour prendre la suite des Bloch
151 de l’AC 3 qui couvrent depuis une heure le retour des bâtiments de guerre
français vers Toulon. Le vice-amiral DUPLAT félicite le soir même par écrit le
général ODIC, commandant la Z.O.A.A. pour son concours. C’est à la suite de
cette mission que le capitaine STHEHLIN recevra sa citation, datée du 17 juin,
qui lui vaut la croix de guerre. On comprend mal que celle-ci lui ait été
remise une semaine plus tôt... et d’ailleurs, en 1940, certains pilotes du
III/6 et d’autres Groupes ont mal supporté que citations et médailles aient pu
être distribuées facilement aux « Seigneurs
de la Guerre » qui ne volaient pas souvent en tête des patrouilles le
leur Groupe. Les témoignages à ce sujet ne manquent pas...
CITATION du capitaine STEHLIN « a remplacé en pleine bataille son chef tombé à l’ennemi. A
montré à la tête de son Groupe les plus belles qualités de Chef. Le 14 Juin a
assuré lui-même avec plein succès, par mauvais temps la réussite d'une
importante mission, la protection d'une escadre de la flotte
française. » Croix de guerre avec étoile de
vermeil |
Ce même jour, les troupes
allemandes entrent dans Paris.
Le 15 juin va devenir le jour de gloire de
L’analyse des combats du 15
juin entre les avions italiens et français, par les archives et des témoignages
dont certains inédits qui remettent en cause bien des choses, fait l’objet
d’une page spécifique en annexe accessible par ce lien :
15
juin 1940 – GC III/6 contre Regia Aeronautica
Dans un premier temps, trois avions
peuvent au moins se regrouper et former une patrouille improvisée. Elle est
constituée de l’adjudant Le GLOAN, des capitaines ASSOLLANT (n°302) et JACOBI
(n°229). Certains témoignages laissent à penser que les pilotes étaient en
l’air à ce moment pour « prendre en
mains » leur nouvelle monture, et comme le Dewoitine n°277 de
l’adjudant LE GLOAN n’était pas prêt, celui-ci vole en fait avec le n°301
codé « 2 » du lieutenant MARTIN, peut-être d’ailleurs sans son
parachute qui serait resté dans son avion attitré, le fameux n°277 codé
« 6 »...
Le Dewoitine 520 n°302 « La Pouille » (*) de Jean ASSOLLANT le 15 juin
1940
(*) voir
Note FXB un peu plus bas
L’avion du cne JACOBI cafouille
et il doit rentrer au terrain. Le GLOAN et ASSOLLANT rejoignent alors
rapidement la formation ennemie qu’ils surprennent et ils abattent sans
opposition deux premiers appareils italiens au-dessus de Saint-Tropez. Les
armes du D.520 d’ASSOLLANT s’enrayent malheureusement et il doit décrocher.
Restant seul, LE GLOAN poursuit l’attaque et s’en prend à un troisième
CR 42 ; il sera sans doute considéré à tort comme détruit, mais, plus
probablement, il aurait pu rejoindre l’Italie bien qu’endommagé. Revenant vers
l’aérodrome du Luc pour se poser, LE GLOAN peut abattre un dernier
CR 42 occupé à mitrailler les avions au sol. Immédiatement après, il
aperçoit un gros bimoteur BR 20 en approche, venu pour observer les
résultats de l’attaque du terrain. LE GLOAN, poursuivant son vol, attaque
l’Italien et peut l’abattre avec les quelques cartouches sont il dispose
encore. En moins de ¾ d’heure et en une seule sortie, Le GLOAN, avec l’aide
d’ASSOLLANT pour les deux premiers, a donc officiellement détruit cinq avions,
mais plus vraisemblablement quatre, après analyse. Pour l’Histoire, sa mission
du 15 juin 1940 restera cependant un « quintuple » !
Quoi qu’il en soit, son
exploit du 15 juin est bien réel et il mérite absolument d’être considéré comme
un des meilleurs « As » de 1939/40 et d’être entré ainsi
définitivement dans la grande légende de l’Aviation et dans l’Histoire tout
court. Immédiatement sont annoncés l’homologation de 5 victoires à son crédit
et sa promotion au grade de sous-lieutenant (à titre temporaire, décision
ministérielle du 17 juin 1940).
Illustration de Lucio Perinotto (2020) à gauche et image 3D d’un
jeu vidéo à droite (2012)
Page spécifique consacrée au lieutenant Le GLOAN
La France avait besoin de
héros en ces jours où la défaite ne faisait plus de doute pour personne ;
l’exploit de LE GLOAN tomba à pic pour l’État-major et le capitaine
STEHLIN, commandant du Groupe III/6, qui firent ce qu’il fallait pour le magnifier
et en tirer gloire.
La précipitation avec
laquelle fut annoncé à la France le « quintuple » de Le GLOAN est
totalement démontrée par le communiqué de guerre officiel du gouvernement n°574
repris par toute la presse dès le 17 juin : de plus il faut noter la petite
exagération, sans doute pas involontaire, puisqu’il est question de
« 3 chasseurs et 2 bombardiers » ; la population étant bien
entendu plus concernée par les bombardements que par les combats individuels
entre les « chevaliers du ciel »...
COMMUNIQUÉ n°574 du 16 juin au
soir Les attaques ennemies se sont répétées aujourd'hui sur tout le front de bataille. A l'ouest de Paris, dans la région de Laigle et de La Ferté-Vidame, ses efforts ont été contenus par nos troupes qui ont exécuté des contre-attaques locales. Au sud-est de Paris, l'ennemi a continué sa progression. Il a franchi la Seine dans les environs de Melun et de Fontainebleau, Il a, d'autre part, poussé au-delà d’Auxerre des éléments d'avant-garde dans la direction de Glamecy et d'Avallon. Au sud du plateau de Langres, ses colonnes blindées et motorisées ont atteint la région au nord de Dijon et la Saône en amont de Gray. Des éléments légers ont franchi la rivière. En Lorraine et en Alsace, les mouvements prescrits par le commandement français s'exécutent conformément aux ordres donnés. Pendant les deux derniers jours, de nombreux combats aériens ont été livrés; en particulier, dans la journée du 15, le sergent-chef Le Gloan a abattu à lui seul, au cours d’une même sortie, cinq avions italiens, dont trois chasseurs et deux bombardiers. |
Il était aussi crucial de
masquer le fait que la protection de l’aérodrome du Luc avait été plus ou moins
bien assurée ce jour-là, car les dégâts ont été plus importants que ce qui en a
été dit. En fait, plusieurs Dewoitine 520 tout neufs, juste arrivés de
Toulouse, ont été endommagés et les rapports du Groupe n’en parlent pas
vraiment. Joseph BIBERT n’a pas été un témoin direct de ces événements,
puisqu’il était encore à Toulouse chez Dewoitine : en classant ses
photographies de guerre, on lui montra un jour un cliché de LE GLOAN et
GOUJON qu’il avait prise sur une plage près d’Alger, sans doute pendant l’été
de l’année 1941, et on lui demanda d’évoquer ses souvenirs au sujet de
« l’As » : « ...ce n’est pas ce qui lui est arrivé qui l’a rendu plus facile
à vivre, et puis … quand il a abattu ses italiens au Luc, il s’est passé de
drôles de choses ce jour-là…!!! ». On n’en sut
jamais plus de sa part, mais d’autres ont également raconté leur 15 juin d’une
manière un peu différente de celle du Général STEHLIN dans ses mémoires écrites
en 1964... !
CITATION du cne BERNACHE ASSOLLANT « Excellent pilote de chasse, d’un sang-froid
et d’un courage admirables. A attaqué avec son chef de patrouille une
formation de 12 chasseurs ennemis. A contribué à la destruction de deux
d’entre eux tombés dans nos lignes » Croix de guerre avec palme |
(*) Note FXB : Il
m’a souvent été demandé pourquoi les avions de Jean ASSOLLANT avaient été
baptisés « La Pouille ». Je
n’en savais strictement rien, malgré quelques recherches ! J’en ai eu la
réponse le 3 avril 2020, tout à fait par hasard, quand j’ai reçu une
communication de Madame M. GUILBAUT m’interrogeant sur l’opération
« Ironclad », l’attaque anglaise contre Madagascar du 5 mai 1942, qui
avait vu son père, officier des « corps francs », être fait
prisonnier en octobre et envoyé pendant 18 mois comme prisonnier de guerre au
camp n°375 de Londiani au Kenya avec des Italiens, dans des conditions
difficiles ; une « poussière d’Histoire » mise comme d’autres de
cette époque sous le sous le tapis... Il se trouve que ses parents à Madagascar
avant la guerre étaient des amis proches de Jean et Suzanne ASSOLLANT, et
qu’elle, jeune enfant à l’époque, en avait des souvenirs précis 80 ans plus
tard. Et en m’en racontant quelques-uns, elle me fit cette confidence : « c’était drôle, Jean appelait sa femme
Poupouille... »... C’est seulement après qu’elle eut raccroché, que je
fis le rapprochement avec « La
Pouille » ! Une autre « poussière d’Histoire », mais
celle-ci est maintenant connue de tous... !
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Le Luc –
17 juin 1940 – Le Dewoitine 520 n°358 du s/lt MENNEGLIER |
Peinture
de la cocarde et du code « 26 » par un mécanicien de la 6ème |
A noter
que l’insigne « Masque Rieur » ne sera peint qu’en juillet à Alger |
Mémoires de Jean MENNEGLIER – 17 juin 1940 - La visite du
général... ! ...Nous
eûmes aussi la visite d'un général qui commandait une organisation
territoriale dont nous dépendions. Je suppose que les victoires de Le Gloan devaient y être pour quelque
chose. A un moment donné, évoquant sans doute l'attaque dont nous avions été
l'objet, il demanda à Stehlin s'il
faisait mettre les mitrailleurs dans les avions pour participer à la défense
du terrain comme cela avait été prescrit récemment par le Commandement de
manière à ajouter le feu des avions à celui des armes terrestres. Stehlin qui
était un peu pince sans rire lui dit qu'il n'avait pas trouvé de dispositif
permettant d'orienter les avions de chasse au sol. En effet le chasseur a un
armement fixe et il tire en orientant l'avion. Passant devant un Dewoitine le
général dit : « Alors ce sont vos nouveaux avions. Qu'ont-ils comme
armement ? » Stehlin lui montra l'emplacement des mitrailleuses et
du canon. « Tout ça c'est pour tirer vers l'avant mais qu'avez-vous vers
l'arrière ? » Il fut surpris d'apprendre qu'il n'y avait rien vers
l'arrière et que le chasseur se défendait en manœuvrant. Puis le général qui
pilotait un Simoun demanda quel était le sens de décollage. Stehlin lui dit
que c'était face à l'ouest. « Non ; dit-il, dans ce sens il y a la
montagne. » C'était une colline à environ 3 kilomètres du terrain. Il
décolla vent arrière en direction de Saint-Raphaël. Heureusement le vent
n'était pas très fort... » |
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Sous-lieutenant
CAPDEVIOLLE avec la mascotte de la 6ème |
Moment de repos au Luc – Sous-lieutenant CAPDEVIOLLE Le
chevreau a suivi la 6ème Escadrille depuis Chissey sur Loue... |
Le
sous-lieutenant STEUNOU de la 6ème Escadrille |
Photographies Jean
MENNEGLIER – Droits réservés
Le dimanche 16 juin 1940, à Bordeaux, le Président du Conseil Paul
Reynaud démissionne et le maréchal Philippe Pétain est chargé de former un
nouveau gouvernement. Au même moment l'armée allemande traverse la Loire. Le 17 juin le vieux Maréchal appelle la France à cesser le
combat et le général de Gaulle quitte Bordeaux pour l’Angleterre. Le lendemain 18 juin à 20 heures le général de Gaulle, dans un
communiqué fait à la BBC, appelle les français à la résistance depuis Londres.
Dans le chaos le plus total, l’armistice avec l’Allemagne est finalement signé
dans la soirée du 22 juin à Rethondes. L’armistice avec l’Italie suivra le 24 à
Rome. Les pilotes français se sont bien battus mais ils étaient inférieurs en
nombre et ils disposaient de matériels moins performants et d’une intendance
aléatoire. L’absence d’une politique réaliste d’armement avant 1939, les doctrines
obsolètes, la manière dont les ressources disponibles en hommes et en matériel
ont été utilisées et la nature de bien des missions décidées par l’État-major
font et feront encore aussi couler beaucoup d’encre chez les historiens. Quoi
qu’il en soit la France aurait perdu 150 pilotes, environ 500 chasseurs, 200
bombardiers et un minimum de 150 avions d’observation. On a longtemps cru au
mythe des « 1 000 avions ennemis abattus », mais les meilleurs
spécialistes ont maintenant démontré que la réalité était autre et que ce
chiffre tournait plutôt autour de 700.
Le Groupe de Chasse III/6, et
beaucoup d’autres, ainsi que de nombreux Groupes de Bombardement et de
Reconnaissance qui sont équipés avec des appareils dits « modernes »,
ayant la capacité de traverser la Méditerranée, reçoivent l’ordre donné par le
Général VUILLMEMIN, à qui il faut reconnaître le courage de celle belle
décision, de quitter l’hexagone au plus vite. Les Dewoitine du III/6 gagnent
Perpignan le 18 juin pour préparer leur grand saut vers l’A.F.N. et plus
précisément vers Alger...
Après la fin de la guerre,
des multitudes d’ouvrages et d’articles dans les revues spécialisées ont été
écrits pour tenter d’analyser les raisons de la défaite française de 1940. Dans
ceux-ci, l’action de l’Armée de l’Air a été maintes fois mise sur la sellette,
et à son sujet les auteurs finissent par écrire en résumé : « Les programmes de construction des
appareils d’avant-guerre, le niveau technique et les armements de ceux-ci en
1939, les stratégies et tactiques des États-majors, etc. etc. n’étaient pas à
la hauteur ou obsolètes, mais les Aviateurs ont fait de leur mieux avec les
moyens qu’ils avaient ». A chacun de travailler le sujet pour se faire
sa propre religion. !
Pour cela, il n’est pas
intéressant de lire l’une des premières analyses faites sur ce vaste sujet, dès
le printemps 1943, par Emile SÉVERAC, journaliste spécialiste de l’aviation
bien connu qui écrivait beaucoup à cette époque. Le texte qui a été publié en
trois partie dans la revue « L’Air » (mars, avril, mai 1943), soumise
bien entendu à la censure de l’époque, a été remis en forme au plus près de
l’original dans un document accessible par le lien ci-dessous :
Dans
le Ciel de France - Emile SÉVERAC
Rappel des liens permettant
d’atteindre les principales annexes à cette page
Album
des photographies n°V de Joseph Bibert – Novembre 1939 à mai 1940
Les
missions du Groupement 23 et du Groupe de Chasse GC III/6 en décembre 1939
Liste des Morane 406 utilisés par le
Groupe GC III/6 de septembre 1939 à juin 1940
La
Campagne de France du GC III/6 au jour le jour
Poursuivre l’histoire du GC
III/6 : III. l’A.F.N.
Revenir au tout début : I. de CHARTRES à BOUILLANCY
APPEL à TÉMOIGNAGES
Ce site a été créée en juin
2008, et le début de « l’Histoire des Hommes du Groupe
GC III/6 » a été mis en ligne en septembre. Depuis, ce sont les
nombreuses annexes à cette page (voir ci-dessous) dont les biographies de
certaines « Figures » de ce célèbre Groupe qui ont été rédigées et
mises en ligne. D’autres pourront encore être ajoutées. Toutes ces pages ne
sont pas figées et elles sont modifiées et complétées au fur et à mesure que
des informations nouvelles sont connues et que de nouveaux documents sont mis à
la disposition de l’Auteur... Merci aux nombreux contributeurs ! C’est
le point fort d’Internet que de pouvoir procéder ainsi pour les études
historiques...
SOMMAIRE
de cette « HISTOIRE DU GC III/6 » Au GC III/6 EN
FRANCE Première partie : Avant la guerre L’entrée en guerre : de CHARTRES à VILLACOUBLAY BETZ BOUILLANCY (3/09/1939 15/11/1939) Seconde partie : WEZ THUISY (15/11/1939 – 30/04/1940) CHISSEY SUR LOUE (30/04/1940 – 20/05/1940 COULOMMIERS (20/05/1940 – 31/05/1940) LE LUC (31/05/1940 – 18/06/1940) Vers et
en A.F.N. Troisième partie : PERGIGNAN LA SALANQUE (18/06/1940 – 20/06/1940) LE TRANSFERT EN ALGÉRIE ALGER MAISON BLANCHE (20/06/1940 - 24/06/1940) CONSTANTINE (24/06/1940 – 11/07/1940) ALGER MAISON BLANCHE (11/07/1940 – 21/01/1943) AÏN SEFRA (21/01/1943 – 19/06/1943) PORT-SAY – BERKRANE (19/06/1943 – 03/08/1943) LAPASSET (03/08/1943 – 25/04/1944)... Joseph BIBERT : à Alger dans le corps des interprètes... Avec la première Escadre de Chasse GC I/3
« Corse » - GC I/7 « Provence » - GC II/7
« Nice » LA
LIBÉRATION DE LA FRANCE LUXEUIL (21/10/1944 - 25/12/1944) HAGUENAU - BISCHWILLER (25/12/1944 - 01/01/1945) TOUL – OCHEY (01/01/45 - 14/01/45) ESSEY LES NANCY (14/01/1945 - ...) etc... |
Quelques articles de presse parlant de
l’aviation française au début de l’hiver 1939/1940
Le « Figaro » du
25 novembre 1939 : « Un Junkers tombe en flammes dans nos
ligne »
Voir
les meilleures pages consacrées au GC III/6 de ce domaine référencées par
Google
Le CD complet de la carrière militaire de
Joseph Bibert
(document
familial - diffusion restreinte)