Mise en ligne complète : 03/2020

 

Masque Tragédie ou Sérieux - GC III/6 - 5ème escadrille

Les HOMMES

du  GROUPE de CHASSE  GC III/6 (3/6)

La guerre de Joseph Adolphe BIBERT

1939-1944

Seconde partie 

II. de WEZ THUISY au LUC en PROVENCE

 

Masque Comédie GC III/6 - 6ème escadrille

 

Morane Saulnier 406

Lien : MORANE SAULNIER MS 406

 

Sergent Chef Joseph BIBERT

Dewoitine 520

Lien : DEWOITINE D.520

Retour vers la première partie :   I. de CHARTRES à BOUILLANCY

Lien vers la troisième partie :   III. L’A.F.N.    NOUVEAU (27/05/2020)

 

 

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SOMMAIRE  de la  SECONDE PARTIE

Cliquez sur les liens ci-dessous

Wez Thuisy

15/11/1939    30/04/1940

Chissey-sur-Loue

30/04/1940    20/05/1940

Coulommiers

20/05/1940  -  31/05/1940

Le Luc en Provence

31/05/1940  -  18/06/1940

La Campagne de France du GC III/6 au jour le jour : 10 mai au 18 juin 1940

Pour quitter cette page et aller directement à a troisième partie de « l’Histoire du GC III/6 » : Alger

Troisième partie : 07/1940 – 06/1944

 

 

L’histoire du GC III/6 rédigée ici, fruit de plusieurs années de travail, ne se lit pas comme un livre ! Si elle est présentée en trois parties, sur trois pages Internet principales constituant simplement le squelette de ce récit, de multiples pages complémentaires (une centaine) s’ouvrent en cascade à partir des liens soulignés (de couleur bleu-vif) : album de photographies, biographies, articles de presses, etc. etc. A chacun d’ouvrir ces pages comme un dictionnaire, dont on n’a jamais fait complètement le tour, d’où le besoin et l’envie d’y revenir pour compléter son information et, je j’espère, son plaisir...

 

Ces trois pages principales, pour ne pas les surcharger, ne contiennent qu’une partie des photographies mises en ligne. La plupart de celles prises par Joseph Bibert, plus personnelles, se trouvent dans les pages annexes « Album de Joseph Bibert » ou dans les pages de biographies de pilotes accessibles par différents liens posés chapitre par chapitre. De même, si le récit est chronologique, ce n’est pas un « journal » puisque l’historique du Groupe et les livres de marche de ses deux Escadrilles, documents officiels au jour le jour, ont été retranscrits et mis en ligne dans trois pages annexes accessibles par les liens suivants :

Historique  Officiel  du  Groupe GC III/6

Livre  de  Marche  de  la 5ème escadrille

Livre  de  Marche  de  la 6ème escadrille

 

 

Après l’A.F.N :   Première Escadre Aérienne

 

 

 

 

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WEZ THUISY

15/11/1939 – 30/04/1940

 

Terrain d'aviation de WEZ THUISY

Lien vers la page :

Les aérodromes du groupe de chasse GC III/6 de la campagne de France

 

« On ira pendre notre linge sur la ligne Siegfried », chanson de Ray Ventura, est le tube musical du moment en France. On peut penser que les « rampants » du GC III/6 s’en sont donnés à cœur joie dans leurs véhicules pendant le trajet les rapprochant de 100km de la frontière, fanfarons inconscients, convaincus par la propagande, comme tous les français à cette époque, que la guerre pourra être vite gagnée et que nos troupes seront bientôt en Allemagne à portée de l'équivalent de notre ligne Maginot !

 

Ligne Maginot et « Westwal », (« Le Mur de l'ouest ») pour les Allemands, baptisé « Ligne Siegfried » par la propagande alliée.

Dans leur délirante obsession de la sécurité, les milieux dirigeants politiques et militaires français imaginèrent à partir de 1930 qu'il leur suffisait de donner à l'armée française une aptitude exclusivement défensive pour maintenir la paix ; ce qui est fondamentalement faux car il n'est pas de meilleure défense que de pouvoir porter la guerre et ses ravages chez l'ennemi. La guerre de 1914-1918, ayant révélé l'efficacité de la défensive reposant sur des plans de feu bien disposés et continus, leur conclusion fût que l'idéal était de constituer un tel front en profitant de toutes les ressources de l'art de la fortification, marotte de nos militaires depuis les Gaulois, afin que les envahisseurs trouvent pour les arrêter non de simples tranchées creusées à la hâte mais un système complet de constructions bétonnées et souterraines. Ainsi naquit la Ligne Maginot, du nom d'un ministre des armées de l'époque, combattant de 14-18 où il avait été blessé dans les tranchées. Bien que la lecture des premiers devis ait obligé à en rabattre sur les projets initiaux, ce qui fût réalisé de 1932 à 1938 a été assurément la plus formidable fortification du XXème siècle, et même de tous les temps. La Muraille de Chine est plus longue, mais plus simple techniquement et sa construction demanda des dizaines d'années, et, sauf en de rares endroits, le « limes » romain n'était pas un mur continu mais une suite de fortins. Le Mur de l'Atlantique ne fût qu'un pointillé de surface.

La Ligne Maginot était composée de gros ouvrages reliés entre eux par de petits éléments, le tout très soigneusement disposé sur le terrain. En approchant, l'ennemi devait être gêné, et ses chars arrêtés, par des obstacles passifs divers, notamment des rails enterrés verticalement ; par contre il avait été décidé de ne pas miner le terrain. On pensait donc que les assaillants arriveraient immanquablement sur des zones de tir parfaitement dégagées, battues par des armes abritées sous béton à l'épreuve absolue des obus de 210 mm, le calibre lourd allemand de l'époque ; des tourelles éclipsables étaient également prévues pour résister à ce gros calibre.

Cependant, l'ennemi ne pouvait voir que peu de choses de l’ouvrage car l’essentiel se passait sous terre : des centaines de kilomètres de galeries et couloirs bétonnés, pourvus de voies ferrées, offraient des liaisons faciles et rapides aussi bien avec l'arrière qu'avec les ouvrages voisins ou avancés. Des lignes téléphoniques enterrées assuraient les transmissions. Sous terre encore, des casernements complets, des dépôts de munitions, de pièces de rechange et de vivres, des centrales électriques, des infirmeries.... Tout avait été prévu pour que les occupants puissent mener une guerre relativement confortable, et conforme à l'ordre social de cette époque, car, sans se poser de questions sur les coûts supplémentaires que cela allait entraîner, les concepteurs avaient prévu trois cuisines dans chaque bloc ; une pour les officiers, avec réserve de bons vins et de mets délicats, une pour les sous-officiers, plus simple, et une pour la troupe avec réserve de picrate et de haricots secs...

Le gros défaut de la Ligne Maginot était de n'être construite qu'à moitié et de s'arrêter à Montmédy. Le débat sur son efficacité, ouvert depuis le premier coup de pioche, ne trouva jamais de conclusion incontestable. « Ça n'a servi à rien, disent ses adversaires, puisqu'on a été envahis ! », « Justement, répondent ses défenseurs, on a été envahis là où elle n'existait pas ».

La « Ligne Siegfried » suivait des principes diamétralement opposés. Construite beaucoup plus vite entre 1937 et 1938, elle était composée de petites casemates (jusqu'à 50 au km2) non reliées entre elles mais échelonnées en profondeur (jusqu'à plusieurs km). Là, pas d'artillerie en tourelles escamotables, pas de dépôts souterrains, pas de garnisons permanentes. La Ligne Siegfried était destinée à abriter temporairement des troupes de campagne et à leur fournir des positions un peu plus protectrices que le trou individuel, sans plus. Mais contrairement à la Ligne Maginot, elle était protégée par de nombreux champs de mines.

Elle joua parfaitement son rôle en septembre 1939, lors de la timide offensive que la France mena en Sarre pour contenter son opinion publique et ses Alliés. A peine arrivés au contact des premières casemates, les généraux français estimèrent qu'ils n'avaient pas les moyens de les attaquer et réclamèrent un ordre pour ne pas avoir à poursuivre leur avance ; l'État-major s’empressa de le donner puisqu'on pouvait finalement revenir plus sûrement attendre derrière l’imprenable ligne Maginot !

 

 

Echelon roulant GC III/6 - Camion PANHARD

L’échelon roulant du GC III/6 au début de la guerre est encore équipé de véhicules disparates

Sur ce mauvais cliché, on croit reconnaitre cependant un tracteur LATIL TL6 de 1935 : voir ce lien

 

L’arrivée en octobre de 130.000 soldats anglais sur le sol français et de quelques-unes de leurs escadrilles, et le fait que le Congrès américain ait voté le 4 novembre la loi « Cash and Carry », qui autorise la vente sous conditions de matériel de guerre aux belligérants, y est peut-être pour quelque chose.

Mais les premières brutalités nazies surviennent à Prague le 17 novembre lors d'une intervention contre les célébrations de la fête nationale de la Tchécoslovaquie, qui se sont transformées en une manifestation de résistance nationale contre l'occupant. Celui-ci y répond par la fermeture des écoles supérieures. Neuf leaders estudiantins sont exécutés et 1200 étudiants sont déportés dans les camps de concentration.

La marche vers l’abîme est maintenant quasiment irréversible, mais personne n’en a encore conscience, personne sauf un certain colonel De Gaulle qui, mettant à profit l’exemple polonais, s’est permis d’écrire au C.Q.G. le 11 novembre : « Le moteur bouscule nos doctrines… Il faut créer des divisions cuirassées. Nous avons un matériel excellent ; il s’agit de l’organiser comme les Allemands et nous aurons la supériorité sur eux ». Le général Gamelin, Commandant suprême, fait répondre une nouvelle fois : « Si des chars parvenaient à traverser notre front, leur cavalcade de l’autre côté ne serait dangereuse que pour eux-mêmes ». La polémique commence, sans que le rôle qui s’avérera primordial d’une aviation moderne ne soit d’ailleurs pris en compte, ni par les anciens, ni par les modernes…

La presse pour sa part y va chaque jour de ses couplets patriotiques et, censure oblige, ne peut que broder sans grande précision autour des communiqués officiels. Quand on connaît la suite, cet article du « Figaro » du 25 novembre 1939 devient une véritable page d’anthologie : Messerschmitt, Heinkel 111 devenu n°3, un Junkers DO 17, les suspentes du parachute de l’aviateur allemand abattu qui brûlent, etc. Une belle envolée lyrique, propre à endormir toutes réflexions sur les vraies valeurs opérationnelles de notre Armée de l’Air... « la meilleure du monde », bien entendu !

Le 15 novembre le GC III/6 reçoit l’ordre inopiné de quitter Bouillancy et de s’installer à Wez Thuisy dans la marne, entre Reims et Mourmelon : voir carte. Le Groupe prend la place du GC I/4, présent à Wez Thuisy depuis le début de la guerre, qui part pour Norrent-Fontes dans le Pas de Calais, et se trouve administré maintenant par la compagnie de l’Air 73/112 et rattaché pour ses ravitaillements techniques au parc 3/112 de Reims.

Les abords de la plateforme de Wez Thuisy se prêtent relativement bien au camouflage des appareils et des installations, mais celles-ci sont relativement éloignées les unes des autres. Heureusement le réseau de communications fonctionne à peu près correctement. Par contre la plateforme elle-même, parfaitement nivelée, est parfaitement identifiable, puisqu’elle contraste terriblement avec les champs et les bois environnants encore bouleversés par les durs combats de la première guerre mondiale. Ceux du GC I/4, qui ont trouvé ici en arrivant en septembre la même misère qu’à Bouillancy, n’ont pas encore réalisé tous les aménagements nécessaires, dont le camouflage du terrain, et le spécialiste de l’intendance qu’est le capitaine DE PLACE va s’empresser de remédier à cet état de fait, en établissant un plan de travaux rigoureux.

Tout le personnel du Groupe est mis une nouvelle fois à la tâche avec celui de la compagnie de l’air, pour réaliser en priorité les installations, tranchées et alvéoles, propices à protéger les hommes et le matériel d’éventuels bombardements aériens. Ils seront malheureusement peu aidés par « Dame Nature » en ce rigoureux hiver 1939/1940, car la neige, le gel et de dégel, rendront le travail ingrat et ses résultats décevants.

Les officiers sont logés dans les villages de Wez Thuisy et de Prunay où cantonnent également les sous-officiers. Les pilotes disposent d’une maison à Wez, bientôt dénommé « La Case », décorée par les artistes du Groupe sous la conduite du sous-lieutenant SALAÜN où ils se retrouvent quand ils ne sont pas d’alerte au terrain et où ils prennent leur petit déjeuner. C’est là que les pilotes pourront bientôt fêter leur premier succès à l’aide d’un produit régional approprié, le champagne, mais aussi vivre les premiers drames.

 

 

« La Case » : maison mise à la disposition des pilotes à Wez où ils peuvent passer la journée quand ils ne sont pas d’alerte

 

Le sergent mécanicien Robert UMBERT, de la 6ème escadrille a témoigné :

 

Premier contact du sergent mécanicien UMBERT (*) avec le terrain de Wez Thuisy

« ... notre Groupe est depuis le 15 novembre sur le Terrain de Wez Thuisy, près de Reims et au pied du mont Cornillet, lequel était célèbre pour avoir été un champ de bataille pendant la « Grande Guerre ». Nous trouvions sur le terrain des obus non éclatés de 1917 qui étaient mis en tas par ci et par là et que les armuriers faisaient éclater de temps en temps quand une envie les prenait. Mais c’était toujours une opération clandestine. Nous trouvions aussi des restes de fils de fer barbelés et un peu partout des tranchées comblées et qui réapparaissaient lorsqu’un effondrement de produisait. Nous pouvions alors voir les restes de masques à gaz ou des « boites de singe » qui étaient le corned beef de 1914.

L’époque ne se prêtait pas aux pistes sophistiquées, le matériel « moderne » de 1940 n’était pas très délicat et supportait tant bien que mal la boue qui se trouvaient dans les cabines. Comment faire mieux avec des chaussures crottées ?

Sur Morane 406, le complément d’huile de faisaient directement du bidon au réservoir placé latéralement sur une paroi en pente et les pieds dans la boue. Le radiateur de l’appareil était escamotable. Pour les vols de routine dans le secteur, le mécanicien démarrait l’appareil avant de laisser la place au pilote dont les bottes étaient pleines de gadoue.

Le Morane avait un plan fixe horizontal fixé par une traverse profilée qui n’était pas très discrète. Cela ne nous choquait pas et nous trouvions cet avion beau. Il n’avait pas de roulette de queue, ce qui rendait beaucoup plus sportif ses déplacements et ses virages dans la gadoue.

Le 10 mai 1949, nous avions changé de terrain. Nous nous trouvions à Chissey. C’était le début de l’offensive nazie aux conséquences funestes !... »

(*) Robert UMBERT, caporal-chef à Chartres en septembre, nommé sergent le 1 janvier 1940, mécanicien à la 6ème escadrille depuis le début de la guerre

 

Série de photographies transmises par la famille BOYMOND que je remercie - Droits réservés

Page spécifique consacrée au sergent-chef BOYMOND

 

Le GC III/6 est rattaché maintenant au Groupement de Chasse 23, sous les ordres du Colonel CANTON basé à COURMELOIS à 1,5 km de Thuisy, avec le GC II/2 et le GC I/5. C’est suite à la chaude alerte des 9 et 10 octobre et à la nécessité de renforcer le dispositif Nord que le GC III/6 a été déplacé.

Pour comprendre ce qui est dit ici de l’activité du Groupe III/6 à Wez Thuisy pendant la « Drôle de Guerre », il est important de se référer à la note de l’État-major du 13 novembre 1939, extrêmement complète et détaillée, qui a fixé le cadre des missions du Groupe et la manière de les exécuter. De larges extraits de ce précieux document et surtout, une carte détaillée du théâtre de ses opérations, établie spécialement pour faire apparaître clairement l’emplacement de tous les terrains d’aviation (français et anglais) et les zones s’intervention respectives des trois Groupes constituant le Groupement 23, font l’objet d’une annexe à cette page ; elle est accessible par le lien suivant :

Les missions du Groupement 23 et du Groupe de Chasse GC III/6 en décembre 1939

 

C’est dans ce cadre que le contact avec l’ennemi est établi pour la première fois le 23 novembre, jour où le sergent-chef LE GLOAN (MS n°407 n°277) et le sous-lieutenant MARTIN (MS 406 n° 413 « La Sardine »), de la 5ème escadrille, abattent un Dornier 17P de la 5.(F)/122 dans la Meuse après une longue poursuite au ras des arbres, première victoire du GC III/6.

Page spécifique consacrée au lieutenant LE GLOAN

La presse de l’époque publie chaque jour des « informations patriotiques », censure oblige, belles envolées lyriques propres à endormir toutes réflexions sur les vraies valeurs opérationnelles de nos Armées, dont l’Armée de l’Air qui est bien entendu « la meilleure du monde » ! Elle ne peut que broder avec exagération et sans grande précision autour des communiqués officiels. Pourtant, cet article du « Figaro » du 25 novembre 1939, même s’il contient quelques coquilles, erreurs et exubérances habituelles (Messerschmitt, Heinkel 111 devenu n°3, un Junkers DO 17, suspentes du parachute de l’aviateur allemand abattu qui brûlent, etc.), donne pour une fois des informations se rapprochant de la réalité, et cite en particulier le Dornier abattu par la patrouille du III/6 (sans nommer le Groupe). Ce jeudi 23 novembre 1939 est devenu en effet le « Schwarzer Donnerstag », le « jeudi noir » de la reconnaissance allemande qui a perdu ce jour-là 13 appareils sous les coups des aviations anglaises, françaises et hollandaises ou par accidents. Monsieur Romain Lebourg, qui a étudié cette journée, a publié en novembre 2019 un texte avec le tableau suivant (en vert : l’avion du III/6, en jaune : information incertaine).

 

Modèle

Unité

Cause

Dornier Do 17 P-1

3.(F)/22

Abattu par deux Hurricane du No. 1 squadron

Dornier Do 17 P-1

3.(F)/122

Abattu par un Hurricane du No. 73 squadron

Dornier Do 17 P-1

4.(F)/122

Abattu par trois Hurricane du No. 1 squadron

Dornier Do 17 P-1

5.(F)/122

Abattu par deux MS 406 du GC III/6

Dornier Do 17 P-1

1.(F)/123

Abattu par un MS 406 du GC II/3

Dornier Do 17 Z-2

Stab/KG 2

Abattu par un Curtiss H-75 du GC I/5et deux Hurricane du No. 73 squadron

Focke-Wulf FW 200 V10

AufklGr ObdL

Accident

Heinkel He 111 H

1.(F)/122

Accident

Heinkel He 111 H

1.(F)/122

Endommagé par des chasseurs néerlandais

Heinkel He 111 H

1.(F)/122

Abattu par la DCA britannique

Heinkel He 111 H

1.(F)/122

Inconnue

Heinkel He 111 H-2

2.(F)/122

Abattu par trois Hurricane des No. 1 et 73 sqn et trois Curtiss H-75 du GC II/5

Heinkel He 111 H-1

Stab/KG 53

Abattu par un chasseur du No. 73 squadron

 

RAPPEL IMPORTANT : Comme il a été dit plus haut, cette page n’a pas pour but de raconter un à un les engagements, et une à une les victoires ou les défaites du Groupe GC III/6, avec la précision chirurgicale que certains en attendent ; ici, c’est d’abord la vie des aviateurs pendant le conflit qui est mise en avant. Des ouvrages spécialisés et des pages annexes sur ce site peuvent être consultés pour cela. Mais la première rencontre victorieuse avec l’ennemi pour « les hommes du GC III/6 » mérite d’être détaillée pour bien comprendre dans quelles conditions un peu misérables les Aviateurs français eurent à exécuter les missions assignées par les États-Majors.

Le départ de la patrouille légère de WEZ THUISY a eu lieu à 13h 10, sur une alerte venant du poste de guet de Mézières qui a détecté un avion ennemi à 6 000 mètres d’altitude. En prenant en considération les distances entre Mézières et Reims, le temps de réaction entre l’alerte et le décollage des chasseurs français, les vitesses respectives des appareils, la trajectoire de « l’hostile » qui peut avoir changée et le temps nécessaire aux Morane pour monter à l’altitude de leur adversaire, estimée initialement sans grande précision, il n’est pas nécessaire d’être polytechnicien pour comprendre que les chances d’interception sont finalement pratiquement nulles ; si elle peut avoir lieu, la chance n’y est pas étrangère. Ce jour-là la chance leur a souri !

La patrouille est donc à 6 000 mètres d’altitude, mais elle ne voit rien et s’apprête à rentrer. Elle reçoit l’ordre lui de surveiller le secteur nord-ouest, et arrivée au-dessus de la rivière La Retourne, elle aperçoit un point noir à dix kilomètres volant à environ 5 800 mètres sud/sud- est vers Reims. C’est un Dornier 17P, appareil rapide et racé, parfaitement adapté aux reconnaissances lointaines. Sa vitesse et la puissance de son armement défensif en fait un adversaire particulièrement difficile à rejoindre et à attaquer par l’arrière.

Et pourtant, les deux Morane, bien placés dans le soleil, peuvent le surprendre et l’attaquer en « tenaille ». Le Dornier vire plein est et pique vers le sol pour échapper aux courtes rafales des Morane qui ont si peu de réserve de munitions. Il passe Suippes en rase-mottes, ce qui ne permet plus à LE GLOAN et à MARTIN de l’attaquer par en dessous. Après la traversée de la Meuse, ils peuvent se rapprocher à moins de 100 mètres et tirer leurs dernières cartouches disponibles. Le bimoteur finit par prendre violemment contact avec le sol près de Bras‑sur‑Meuse, à cinq kilomètres au nord de Verdun ; les trois membres de l’équipage du 5(F)/122 alors basé à Köln-Wahn (Cologne), les lt K. Behnke, uffz. H. Schrutek et uffz. A. Herman, sont immédiatement fait prisonniers. Mais la « chasse » a duré près de ¼ d’heure !

Une balle allemande a atteint la rangée des 6 cylindres droits du moteur Hispano-Suiza 12Y‑31 du lieutenant MARTIN, une autre a traversé la carlingue sous le siège du pilote et la jambe gauche du train d’atterrissage du Morane de LE GLOAN a été endommagée, mais ils rentreront tous deux sans encombre.

 

Dornier 17P du 5(F)/122 abattu à Bras-sur-Meuse le 23 novembre 1939

Citations des deux pilotes

s/c LE GLOAN et lt MARTIN, premiers vainqueurs de la 5ème du GC III/6

 

Mémoires de l’adjudant René COLIN – Mécanicien à la 5ème Escadrille

... la première victoire de l'Escadrille — et je crois même du groupe — a été remportée par le sergent-chef Le GLOAN, qui avait comme équipier le lieutenant MARTIN, un jeune mais un fonceur. A chaque retour de mission, nous avions droit à une petite séance d’acrobatie : passage en rase-mottes avec chandelle, tonneaux en montant, ce qui ne devait pas toujours plaire au capitaine CHAINAT. Je le vois encore disant : « M. Le GLOAN, M. GOUJON, au lieu de vos acrobaties, vous feriez mieux de vous entraîner au tir. Vous avez vingt obus, c’est beaucoup trop. Sur mon Spad, j'en avais, bien moins : c'était la tête du pilote que je visais ! »...

 

Si cette victoire est bien entendu fêtée, elle fait naître cependant bon nombre d’interrogations et de doutes : l’absence de dispositif de réchauffage des armements a fait que le canon du Morane du s/c LE GLOAN a été enrayé après le 17ème obus et celui du lt MARTIN après le 26ème. Pire, si on a pu compter 7 impacts d’obus dans le Dornier, seuls 2 ont éclaté, un dans le fuselage, l’autre dans un aileron, ne faisant que des dégâts minimes, ce qui démontre la mauvaise qualité des fusées. Beaucoup de temps sera nécessaire pour remédier à minima à ces problèmes. On peut lire plus loin le témoignage du s/lt mécanicien BRAUDEAU et comprendre que la réactivité de l’Armée de l’Air, face aux insuffisances techniques criantes des matériels, restait soumise aux procédures administratives tatillonnes qui n’avaient pas évolué malgré le fait qu’on était maintenant en guerre !

Deux jours plus tard, le 25 novembre 1939, au retour de cinq patrouilles simples ayant décollé à 9h 45 pour le Secteur de la Meuse, le groupe perd bêtement deux pilotes confirmés dans un accident, les s/c LAMAZOU (MS 406 n°600) et adj. LE TALLEC (MS 406 n°474), qui, perdus dans le brouillard, percutent le sol près de Mourmelon.

Même si la responsabilité de ces deux pilotes ne peut pas être totalement dégagée dans leur accident, ils seront cités comme à l’habitude à l’ordre de la Brigade Aérienne avec attribution à titre posthume de la Médaille Militaire.

CITATIONS de l’adj LE TALLEC et du s/c LAMAZOU

« Adjudant LE TALLEC Léon, adjudant pilote de grande classe, plein de courage et d'abnégation. Blessé mortellement au retour d’une mission de guerre, le 23 novembre 1939. Totalisant plus de 1 400 heures de vol. »

« Sergent-chef LAMAZOU Pierre, sergent-chef pilote de tout premier ordre, particulièrement allant et courageux, donnant l’exemple à tous. Blessé mortellement au retour d’une mission de guerre 25 novembre 1939. Totalisant déjà près de 645 heures de vol. »

 

Joseph BIBERT n’est pas présent au Groupe en cette fin novembre. Il a enfin pu bénéficier d’une courte permission qu’il met à profit pour rendre visite à une partie de sa famille paternelle qui a été évacuée d’Alsace et se trouve à Granville où une de ses tantes travaille à l’Hôtel Restaurant « Les Gourmets » de la famille Girard ; il en ramené quelques photographies.

 

Album des photographies n°V de Joseph Bibert – Novembre 1939 à mai 1940 – Voyage à Granville

Cliquez sur le bandeau des miniatures ci-dessus pour ouvrir la page contenant ces photos

 

Le 7 décembre le capitaine DE PLACE, commandant du III/6 est remplacé par le Commandant CASTANIER, polytechnicien, qui occupait jusqu’alors un important poste d’Etat-major, mais qui voulait participer plus activement au combat. Une prise d’armes a lieu dans un froid glacial pour cette prise de commandement.

Page spécifique consacrée au commandant CASTANIER

 

Les adjoints du Commandant CASTANIER sont toujours le lieutenant JACOBI pour la 5ème escadrille et le lieutenant GUERRIER pour la 6ème, ce dernier également polytechnicien, mais aussi chasseur de lapins et pêcheur émérite ne sera jamais considéré comme un « foudre de guerre » par ses pilotes !

Comme son prédécesseur, le Commandant CASTANIER ne souhaite pas reprendre des anciennes traditions pour ses deux escadrilles, et c’est finalement lui qui choisira le 15 février 1940 les deux insignes du GC III/6, le masque « Tragédie ou Sévère » pour la 5ème et le masque « Comédie ou Rieur » pour la 6ème, dessinés sans doute par les lt GUERRIER et s/lt SALAÜN. De l’avis même du capitaine DE PLACE, « Tragédie » et « Comédie » correspondent bien à l’état d’esprit du Groupe et selon la formule littéraire, « Tragedia e Comedia, totta la caccia ! » (Tragédie et Comédie, c’est toute la Chasse !) :

Quelques personnages importants rendent visite au Groupe : Mr Laurent EYNAC (premier Ministre de l’Air en 1928, sénateur en 1939, il sera de nouveau Ministre de l’Air du 21 mars au 16 juin 1940) et le Général D’ASTIER, commandant la Zone Aérienne du Nord, le 12 décembre 1939, l’ Air Marschal A.S. BARRATT, Commandant en chef de la R.A.F. en France, le lendemain, la commission sénatoriale, le 28 décembre, M. Guy LACHAMBRE, Ministre de l’Air le 13 janvier 1940, accompagné du Général VUILLEMIN, Commandant en Chef des Forces Aériennes Françaises. Mais ces visites sont insuffisantes pour rompre réellement la monotonie des longues journées d’hiver faites surtout de longues attentes ; les Morane ne volent vraiment pas souvent, au grand désespoir des pilotes, qui, après des jours et des jours d’entraînement depuis plusieurs années ne s’attendaient pas, une fois entrés en guerre à vivre cette situation frustrante !

Il est cependant inquiétant, en lisant le livre de marche de la 6ème escadrille, de constater que depuis le début de la guerre, les premiers exercices de tir sur manche tractée semblent n’avoir été faits qu’au cours du mois de décembre. Les résultats ont été désastreux, mais cela ne semble pas avoir trop inquiété le rédacteur qui tourne cela plusieurs fois en plaisanterie...

 

Terrain de Wez Thuisy - 12 décembre 1939 : départ de M. Laurent EYNAC après sa visite au III/6

Le Général VUILLELIN et l’Air Marschal BARRATT

 

 

Lieutenant Jean ASSOLLANT - Etat-major GC III/6

Sous-lieutenant COLONGE - 5ème escadrille GC III/6

Capitaine JACOBI - 5ème escadrille III/6

Sous-lieutenant MARTIN - 5ème escadrille GC III/6

Sous-lieutenant SALAUN - 5ème escadrille GC III/6

Lieutenant ASSOLLANT

Sous-lieutenant COLONGE

Capitaine JACOBI

Sous-lieutenant MARTIN

Sous-lieutenant SALAÜN

Quelques pilotes du GC III/6 à Wez Thuisy

 

 

Noël du GC III/6 dans les caves POMMERY à SILLERY

 

Mistress JAMES, la marraine américaine du GC III/6 est nommée « sous-lieutenant honoraire » du Groupe

Lt GUERRIER, s/lt STEUNOU, cne GUERRIER et cdt CASTANIER

 

Mistress JAMES est la marraine de guerre du Groupe III/6, selon une coutume datant de la guerre 14/18, liée à l’implication de l’escadrille américaine « La Fayette » dans la grande guerre. C’est Jean ASSOLLANT, qui par ses relations outre-Atlantique, a pu obtenir le parrainage de cette riche Américaine liée à la Compagnie « Pan American Airways » et qui vit alors en France. Pour permettre aux Hommes du III/6 de passer le meilleur Noël possible, elle n’a pas hésité à affronter une météo exécrable et de verglas des petites routes de campagne française pour arriver à Wez le 24 décembre. Elle a organisé à Sillery dans la cave de la célèbre maison de Champagne Pommery, un arbre de noël où tous les personnels sont conviés et se sont vus offrir un cadeau identique ; friandises et vêtement chaud. Un film est également projeté. Le colonel ETIENNE a même trouvé le moyen de faire radiodiffuser cette petite fête en Amérique. Chacun donne de la voix pour entonner, entre autres, le « Minuit Chrétien »...

La soirée est chaleureuse ; Mistress JAMES est promue « sous-lieutenant honoraire » du Groupe et tout le monde s’en va à WEZ participer à la messe de minuit ; certaines libations préalables conduisent à ce que les chants fassent trembler cette nuit-là les voûtes de l’église d’une manière inhabituelle !

Les pilotes terminent la nuit à « La Case », décorée pour la circonstance, où un repas froid les attend.

 

Dans la cave Pommery à Sillery, la fête de Noël organisée par Mistress JAMES, la marraine de guerre américaine du GC III/6

En haut au haut second rang, le lt ASSOLLANT et le lt GUERRIER qui chantent avec toute l’assistance,

en bas le col ETIENNE, Mistress JAMES, le cdt CASTANIER et deux épouses d’officiers

Jean ASSOLLANT et Mistress JAMES

distribuent les cadeaux

 

Page spécifique consacrée au capitaine ASSOLLANT

 

Le 31 décembre 1939 ; Joseph BIBERT écrit à son épouse «... une bonne nouvelle pour nouvel an : je quitte le MGT et prend la 6ème Escadrille comme « chef de hangar ». Comme on change d’avions, le pars à Paris pour 15 jours du 8 au 21 janvier 1950 pour un stage chez Bloch... je me débrouillerai pour partir le 6, donc samedi prochain, et passerai 2 jours à Chartres ainsi que le dimanche 14.... prépare « trotinette » (la Peugeot 201). J’ai le cric, as-tu gardé l’eau de vidange où faut-il que je ramène le l’alcool ?... »

Il faut bien se débrouiller un peu !

On trouve effectivement dans les archives du Groupe l’information disant que Joseph BIBERT a permuté avec l’adjudant PÉRALES le premier janvier 1940 ; Joseph, passant des M.G.T de l’État-major du groupe au « second échelon » (c'est-à-dire la sixième escadrille du lieutenant GUERRIER, qui sera d’ailleurs nommé capitaine le 1er février) avec les fonctions de « Chef de Hangar », et vice-versa. Il se donnera beaucoup de mal pour faire honneur à ceux qui lui ont confié cette responsabilité, et quelques mois plus tard il pourra arborer avec fierté sur sa poitrine l’insigne métallique du « masque rieur », emblème de la 6ème dont il resta fier sa vie durant.

 

 

Quand au début du mois de janvier le lieutenant GUERRIER et le s/C BOYMOND sont envoyés à Toul pour renforcer le G.C. I/3 tout le monde pense les rejoindre bientôt et se rapprocher ainsi de la frontière allemande, mais trois jours après la patrouille est rentrée et c’est une grosse déception pour les aviateurs avides de combats.

Le sous-lieutenant STEUNOU (Pilote) ainsi que les sergents BIBERT, HOULES et ROBERT (mécaniciens) sont envoyés en mission à Villacoublay le 7 janvier en vue d’une « transformation » sur BLOCH 152, décision « accueillie très froidement » (SIC). Ils rentrent le 22 « encore plus désenchantés » (SIC). A priori il n’y aura pas de suite à cette formation. Heureusement pour le Groupe !

Le 17 février 1940 ; autre lettre «... aujourd’hui j’ai parlé longuement au capitaine (Guerrier) ce matin. Il est très content de moi. Depuis que le suis en escadrille je me trouve mieux et je suis vraiment dans mon élément. Avec un peu de courage et beaucoup de persévérance je crois que je tiendrai très bien ma place... je t’écris ce soir dans un baraquement de la 6ème escadrille qui sert de bar, P.C. etc. On n’y est bien chauffé. On dirait une cabane de chasseurs d’ours (trappeurs)... »

22 février ; « ... je suis naturellement dans ma cabane. J’ai mis de l’ordre et je suis bien à présent. Pour aujourd’hui, pas mal de travail en vue ; graphiques des heures de vol et des vidanges d’huile, tours de service des mécanos. Il y a déjà du mieux à l’escadrille, mais il reste pas mal de choses à mettre au point, et j’ai honneur à employer les grands moyens pour faire marcher les gens. Pour le moment de suis personnellement une discipline assez sévère ; à l’heure fixée, toujours au travail, enfin, un tas de choses où je suis le premier à donner l’exemple. C’est je crois une des seules méthodes qui prendra et qui donnera des résultats parce que personne n’aura rien à me reprocher. Je me trouve même un peu seul, car tout en étant bon copain avec Jean Emery, Japiot et Diaz, je ne fais plus partie de leur équipe... je me fais mettre en boîte, me traiter de lâcheur, mais je tiens bon... ».

Comme on le voit ici, comme on le sait, être distingué par ses chefs et devenir soit même chef n’est jamais chose facile ; le manque de tolérance, les critiques, les jalousies, les petites bassesses... sont souvent des freins au travail harmonieux d’une équipe !

L’hiver 1939/1940 sous la neige est très rude et reste donc très calme militairement parlant, mais la troupe souffre !

Extrait du journal de marche de l’unité administrative du groupe : « … nous abandonnons la grange de Wez pour une baraque isolée se trouvant dans un bosquet à 2 km du P.C., nous sommes en plein cœur des champs de bataille, notre baraque est située entre deux tranchées ; le sol est jonché de vieux vestiges (obus, casques, bidons, etc.). Le confort est absent dans notre nouveau logis, le froid, le vent et la pluie y pénètrent sans difficulté ; nous nous calfeutrons le plus possible et aménageons petit à petit notre triste intérieur ; nous remplaçons l’électricité par des bougies et l’eau courante par un tonneau de 200 l que nous allons remplir à 3km. Nous souffrons beaucoup du froid qui sévit particulièrement dans cette région désertique, tout est gelé et de ce fait nous restons quelques temps sans eau ; chose désagréable et peu hygiénique… »

L’hiver 1939/1940 sous la neige est très rude et reste donc très calme militairement parlant, mais les officiers, les sous-officiers et surtout la troupe souffre !

 

Terrain de Wez Thuisy – Février 1940 sous la neige,

deux Morane 406 de la 5ème Escadrille

Sgt Le MAT, adj COLIN et sgt PIESVAUX, mécaniciens 5ème Escadrille

Retour de mission

S/c LE GLOAN , cne JACOBI et s/c CHARDONNET

Série de photographies faites par Jules PIESVAUX, transmises par son fils Alain que je remercie - Droits réservés

 

Le commandant CASTANIER fait ce qu’il peut pour que la base dont il a le commandement puisse recevoir les aménagements strictement nécessaires à son bon fonctionnement, comme le prouvent les demandes répétées, voire les mises en garde, qu’il transmet régulièrement à sa hiérarchie, mais celles-ci restent la plupart du temps sans réponse...

 

Installation du Groupe III/6 sur le terrain de Wez Thuisy

 

Lettre du 10 mars 1940 du Commandant CASTANIER, commandant la base de Wez Thuisy, à Monsieur le Colonel commandant le Secteur de l’Air 52

 

Objet : Aménagements Base Aérienne de Wez Thuisy.

 

J’ai l’honneur de vous rendre compte de ce qui suit :

1) Tous les Hommes (Pionniers de Compagnie et compagnie du 86ème Régiment d’Infanterie) mis à la disposition pour les travaux de la base de Wez Thuisy, rappelés par leur Chef de Corps, ont quitté la base le 6 mars.

La compagnie de l’air 73/112 dont l’effectif est par trop insuffisant se trouve dans l’impossibilité de terminer les travaux en cours qui sont d’une importance capitale.

Il serait nécessaire que je dispose d’extrême urgence d’une compagnie de travailleurs ou plutôt d’une compagnie de génie avec tout son encadrement.

A l’heure actuelle, pas un seul merlon de ceux qui ont été prévus dans le dernier programme des travaux n’est encore terminé ; il en résulte que la majorité de mes appareils ne sont pas abrités aux coups malgré le desserrement effectué.

2) Le montage des 3 baraques du cantonnement des officiers par une entreprise civile va être achevé prochainement. Ces baraques ne pourront être habitées que lorsque leur aménagement intérieur sera exécuté. L’exemple du Foyer du Soldat prouve que le GC III/6 et la Compagnie de l’Air 73/112 ne peuvent assurer cet aménagement rapidement et correctement.

En conséquence, il y aurait lieu de donner le travail de peinture, de pose de vitres et des serrures, etc. à une entreprise civile dont le rendement serait bien supérieur.

3) L’électrification de la Base n’est pas encore commencée – alors que je m’attendais à ce qu’elle soit terminée pour mars.

4) Il serait indispensable de faire forer un puits dans le cantonnement des officiers et d’y installer une pompe avec un réservoir.

 

Signé : Castanier

 

Installation du Groupe III/6 sur le terrain de Wez Thuisy

 

Compte rendu du 12 mars 1940 sur le fonctionnement des postes de guet complémentaires, suite à demande 1205/3S du 22 février 1940.

 

1ère Armée Aérienne

Zone d’Opérations Nord

Secteur de l’Air 52

Groupe de Chasse III/6

 

Le poste de guet complémentaire est constitué par le poste de la section de Défense et de Sécurité situé à proximité immédiate du P.C. du Commandant de Base (Distance 25 m. voir croquis ci-dessous)

 

PERSONNEL : Le poste de défense qui fonctionne déjà comme poste vigie et comme poste d’alerte a été renforcé de deux hommes afin de pouvoir assurer dans de bonnes conditions sa nouvelle mission.

 

MATÉRIEL :

·         Abri du poste de défense

·         Une longue-vue

·         Une table d’orientation

·         Un carnet de silhouette

·         Un carnet de message de guet

 

LIAISON : Le renseignement est inscrit par le chef de poste sur une feuille de message de guet. Ce dernier est remis immédiatement à l’officier de service au P.C. qui en assure la transmission téléphonique au P.C. de Laon et éventuellement à la 14ème batterie et au 5ème Groupe d’Artillerie qui sont reliés par fil direct avec la base.

 

MISSION DU POSTE : Elle est précisée par écrit et affichée dans le poste de guet et dans le P.C., elle consiste à signaler tout avion ennemi ou douteux vu et entendu.

Pour les avions amis, des instructions seront données ultérieurement.

 

Signé : Castanier

 

Deux notes du commandant CASTANIER permettant d’apprécier la grande misère de l’aviation française de 1940...

A deux mois de l’invasion allemande, il est sidérant de constater la lourdeur administrative qui règne au niveau des structures de commandement de l’Armée de l’Air !!

 

 

P.C. de l’État-major du Groupe

Cantine des sous-officiers de la 5ème

Tente P.C.

Sgt PIESVAUX – 5ème

Vues générales du terrain de Wez Thuisy début 1940 sous la neige

La tanière des mécaniciens de la 5ème Escadrille

 

Souvenirs d’un soldat affecté à l’Unité Administrative du GC III/6

(pour rappeler ce qu’était en 1940 les conditions de vie de la plupart des militaires de carrière, rappelés ou appelés...)

« ...nous quittons Bouillancy le 11 novembre au matin à destination de Wez Thuisy (Marne) où nous arrivons dans l'après-midi. Notre cantonnement se trouve au village de Wez ; nous couchons dans une grange où nous restons une quinzaine de jours ; notre bureau se trouve sur le terrain à proximité du P.C. Nous abandonnons la grange de Wez pour une baraque isolée se trouvant dans un bosquet à 2 km du P.C. : nous sommes en plein cœur des anciens champs de bataille ; notre baraque est située entre deux ex-tranchées ; le sol est jonché de vieux vestiges (obus, casques, bidons etc.) Le confort est absent dans notre nouveau logis, le froid, le vent et la pluie y pénètrent sans difficulté ; nous nous calfeutrons le plus possible et aménageons petit à petit notre triste intérieur ; nous remplaçons l'électricité par les bougies et l'eau courante par un tonneau de 200 l. que nous allons remplir à 3 km.

Nous souffrons beaucoup du froid qui sévit particulièrement dans cette région désertique ; tout est gelé et de ce fait nous restons quelques temps sans eau ; chose désagréable et très peu hygiénique.

Nous vivons en troglodytes pendant des semaines dans notre petit bois ; nous nous croyons dans un refuge de montagne perdu dans une épaisse couche de neige.

Le Capitaine DE PLACE est muté sur Paris et remplacé par le commandant CASTANIER, et le sergent-chef NUGUE, venant de l’École de Versailles, est affecté dans notre Unité.

Les distractions sont très rares dans cette région déserte, le village le plus proche (Prosnes) est à 3 km ; nous y descendons assez souvent où nous y passons des soirées agréables ; le champagne est la boisson nationale. Nous pouvons nous rendre à Reims une fois par semaine.

A notre grand plaisir nous revoyons les premiers beaux jours ; la neige a disparu et a fait place aux violettes annonciatrices du printemps ; notre petit bosquet devient très agréable ; nous aménageons les abords de notre « villa » et constatons avec joie le fruit de nos efforts. Notre camarade LANGLINAY nous quitte, il est muté au Groupe I/16

C'est avec regret que nous quittons notre cottage (le 30 avril) à destination d'Arc-et-Senans, petit bourg aux confins du Doubs et du Jura. Notre cantonnement est situé dans une immense propriété appelée « Les Salines ». Nous avons l'heureuse surprise de coucher dans un lit, car depuis la mobilisation cela ne nous est encore jamais arrivé. Nous passons un heureux séjour dans cette splendide région. »

 

Le commandant CASTANIER a également la charge de reconnaître des sites où l’État-major envisage de créer un nouveau de campagne pour rapprocher le Groupe de la frontière. On a trouvé dans les archives du III/6 deux compte rendus signés de sa main concernant une zone entre Hirson et Rocroi, 50 km au nord de Reims, où des terrains envisagés à Silly-le-Petit (24 janvier) et au Grand-Douaire (7 mars 1940) ont été reconnus, mais les avis du cdt CASTANIER sont plus que réservés !

 

Projet de terrain de campagne (sans suite) à la frontière belge entre Hirson et Rocroi reconnus par le commandant CASTANIER

à SIGNY LE PETIT (zone non identifiée) ou dans la clairière de la ferme du Grand Drouaire (Ardennes)

 

Les mécaniciens des deux escadrilles, un peu désœuvrés, commencent à peindre les nouveaux emblèmes du groupe sur les Morane de leurs pilotes fin février, ce qui permet ainsi de dater certaines photographies. Quelques appareils devront attendre car le problème « de la peinture des ailes et empennages qui s’en va par plaques au cours des vols » (voir rapport du le 12 octobre à Bouillancy (lien) n’a encore pas été réglé correctement ; ce n’est que début avril que les derniers Morane concernés, convoyés à Reims pour cela, reviendront avec une nouvelle « robe », ce qui explique que leur camouflage ne corresponde plus à celui reçu en usine à Bouguenais.

 

Morane 406 de la 5ème Escadrille à Wez Thuisy

Le Morane 406 n°413 codé « 2 » du Lieutenant MARTIN, ici avec le sergent de GERVILLIER à droite

Cet appareil, touché en combat, sera perdu par l’adj GOUJON le 10 mai 1940, et parachuté sur la forêt de Cîteaux

 

Le samedi 24 février le premier rédacteur du livre de marche de la 6ème cède sa plume. Celui qui le remplace résume ainsi le début de la guerre et semble affirmer que le moral des troupes reste bon malgré la longue attente : « Samedi 24 février 1940 -Dans une semaine exactement il y aura six mois que nous sommes en guerre. Ces six longs mois ne furent troublés par aucun incident marquant en ce qui concerne le conflit actuel, sauf que la « guerre des nerfs » a battu son plein, dans tous les domaines. Celle-ci heureusement a trouvé des nerfs bien tendus et insensibles aux vibrations, ces messieurs les nazis auront fort à faire pour en attaquer la charpente »

Le s/lt mécanicien Pierre BRAUDEAU a témoigné :

 

Les détentes des armes des Morane ne fonctionnent pas correctement en altitude...

« ... c’était l’époque où le III/6 envoyaient chaque jour des patrouilles à 8 000 m. où elle se relayaient pour guetter les avions de reconnaissance allemands. Les pilotes revenaient au terrain furieux et désespérés de n’avoir pu descendre un Heinkel 111 qui prenait des photos alors qu’ils l’avaient à bonne portée dans leur collimateur mais leurs armes refusaient de fonctionner : en altitude, les détentes étaient gelées !... Ces avions n’avaient pas été faits pour voler aussi haut !

Tout est rentré dans l’ordre avec de nouvelles détentes, en essai à Cazaux depuis un an ; le Ministère de l’Air n’avaient pas eu le temps de les homologuer ! Le commandant du Groupe réussit à se les procurer à l’usine qui les fabriquait. Cette initiative contre nature fut connue en haut lieu et le commandant CASTANIER reçut la visite d’un officier supérieur du Ministère de l’Air qui lui reprocha son « indiscipline » et se ... fit mettre courtoisement à la porte ... Un mois plus tard tous les Groupes de Morane 406, y compris le III/6, reçurent l’ordre de monter en urgence cette nouvelle détente, enfin homologué et disponible sans tous les parcs de matériel de l’Armée de l’Air... »

 

C’est sans doute grâce à cette « indiscipline » du cdt CASTANIER dont parle le s/lt BRAUDEAU, que le tandem LE GLOAN, MARTIN de la 5ème escadrille, peut avoir raison le 2 mars 1940, plus facilement que lors de leur difficile première victoire du 23 novembre 1939, d’un second Dornier 17P de reconnaissance. Il ne leur faut cette fois que 7 à 8 minutes pour coincer l’appareil WNr 17360, codé 6M+AM, du 4.(F)/1 et endommager son empennage ; le pilote allemand est alors contraint à poser son avion sur le ventre au lieu-dit La Ferme Sainte-Marie, 2 km au sud-est de Bouzonville (Moselle). Le livre de marche de la 5ème précise avec humour que : « LE GLOAN a huit balles dans la queue. » (SIC). On bouchera les trous dans son appareil avec des petits morceaux de toile sur lesquels a été peinte une croix gammée !

Bien évidemment le lt MARTIN et le s/c LE GLOAN reçoivent une nouvelle citation pour leur seconde victoire.

 

   

Dornier 17P WNr 17360, codé 6M+AM, du 4.(F)/11, abattu à la ferme Sainte-Marie - Bouzonville - 2 mars 1940

par le lieutenant MARTIN et le sergent-chef LE GLOAN (seconde victoire des deux pilotes),

FF Fw Heinz BÄR et BO Oberlt Adolf LEUPOLT, BF Fw Karl LEJCZYK, blessés et capturés.

 

 

X, s/c BORREYE, Y, sgt PIESVAUX

Sgt Le MAT et sgt PIESVAUX,

deux amis inséparables

s/c Omer BORREYE, sgt PIESVAUX, X

Sgt Le MAT et sgt PIESVAUX

Entre autres...

sgt PIESVAUX et sgt De GERVILLIER

A droite,

adj GOUJON, sgt De GERVILLIER, s/c MERTZISEN

Au premier plan, adj GOUJON

A gauche,

adj GOUJON, sgt De GERVILLIER, s/c MERTZISEN

 

Terrain de Wez Thuisy – Réchauffage du moteur d’un MS 406 – Sgt PIESVAUX au centre

Terrain de Wez Thuisy – Quelques Morane 406 de la 5ème Escadrille

Série de photographies faites par Jules PIESVAUX, transmises par son fils Alain que je remercie - Droits réservés

 

Le 10 mars 1940, grande effervescence à la sixième escadrille, une équipe du Service Photographique de l’Armée de l’Air débarque sur le terrain avec caméras et appareil photographiques pour réaliser un reportage, aussi bien au sol qu’en l’air. Quelques minutes de ce genre de films étaient montées avec des invraisemblables commentaires de propagande dithyrambiques - « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts !» - pour être projetées en première partie dans les salles de cinéma du pays, non pour informer, mais pour soutenir le moral des français que cette « dôle de guerre » anesthésiait ! Heureusement de très beaux agrandissements ont été distribués plus tard à beaucoup de ceux qui étaient à Wez ce jour-là, et ils les ont heureusement conservés en souvenir ! Ceux de Joseph BIBERT sont présentés dans une page en annexe accessible en cliquant sur le bandeau des miniatures ci-dessous :

 

Exemple de film du Service Cinématographique des Armées au service de la propagande gouvernementale

Lien pour écouter la bande son de ce film de novembre 1339 – Qui pouvait être dupe ?

 

10 mars 1949 – Reportage photographique du Service Cinématographique de l’Armée de l’Air à Wez Thuisy : 6ème escadrille du GC III/6

26 images scannées d’une exceptionnelle qualité à partir des agrandissements 13 x 18 qui ont été conservés par Joseph Bibert

Cliquez sur le bandeau des miniatures ci-dessus pour ouvrir la page contenant ces photos

 

Le s/lt MENNEGLIER, affecté à la 6ème ,est  arrivé 4 jours plus tôt au III/6 avec son camarade le s/lt CAVAROZ, affecté à la 5ème en provenance du C.I.C. de Chartres, tous deux étant sortis de l’École de l’Air en 1939. Une fois en retraite il a écrit pour sa famille ses mémoires, et ce texte d’une grande précision est un précieux témoigne pour « l’Histoire du GC III/6 ». De nombreux extraits en sont reproduits dans les différentes pages de ce site ; remerciements chaleureux à son fils Philippe qui nous en fait bénéficier !

 

Les premiers souvenirs du s/lt MENNEGLIER après son arrivée au GC III/6 le 6 mars 1940.

Le commandant CASTANIER avait trois adjoints : le cne CHAINAT, le cne TRAVERS, et le cne ASSOLLANT... Le « Père Chainat » était une vieille connaissance... (voir ce qu’en dit Jean MENNEGLIER sur la page du cdt CASTANIER)

Le cne TRAVERS aimait bien lever le coude. Il avait commandé un groupe de l'escadre de chasse de Dijon. Je ne sais plus exactement quelle catastrophe s'était produite à l'occasion d'un déplacement de son groupe. Certains avions avaient été au tapis. On l'en avait rendu responsable et relevé de son commandement pour l'envoyer comme adjoint au III/6. Quand il avait quelques verres dans le nez il aimait bien évoquer ses malheurs. Je l'ai revu d'ailleurs bien après la guerre en AFN. Il était toujours capitaine et manifestement alcoolique. C'était triste à voir....

Le cne ASSOLLANT, que nous appelions « Monsieur Jean », était célèbre pour sa traversée de l'Atlantique nord à bord de « l'Oiseau Canari » avec Lefèvre et Loti et un passager clandestin qui s'était glissé dans l'avion juste avant le départ des USA. A l'époque, il devait être un des dirigeants d'Air Madagascar. Il y retourna après l'armistice et fut descendu par les anglais lors d'une de leurs attaques contre l'île en 1942.

Le Groupe avait deux escadrilles. La première à laquelle j'appartenais était commandée par le cne GUERRIER, un polytechnicien au poil roux qui ne devait pas honorer son nom comme nous pûmes le constater après le 10 mai...

... Parmi les officiers pilotes il y avait le lt STEUNOU, un de nos anciens de la promo « Astier de Vilatte », le lt LEGRAND, un vieux pilote passé par le rang, grand fumeur de pipe qu'on appelait familièrement le « Père Legrand ». Il devait être le plus âgé de tous les pilotes du Groupe. Le s/lt CAPDEVIOLLE (*), un E.O.A. de notre promotion, était un provençal très fier lui aussi de son crâne romain et plutôt original. Il s'était procuré un cor de chasse dont il essayait de jouer et promenait avec lui un cocker noir. Il fumait avec componction une pipe en écume de mer qu'il affectionnait particulièrement. Le s/lt VILLEMIN, un autre E.O.A. de ma promotion, complétait le groupe des officiers qui devait être rejoint plus tard par SATGÉ de ma promo, en retard sur nous dans son entraînement à Chartres pour des raisons inconnues. On me donna comme chef de patrouille l'adjudant JAPIOT qui ne se révéla pas, lui aussi, comme un foudre de guerre.

L'autre escadrille était commandée par le cne Jacobi, un officier de réserve en situation d'activité. CAVAROZ, aussi de ma promo, fut affecté à cette escadrille qui comptait le lt MARTIN, un de nos grands anciens qui nous avait encadré à Salon. Il y avait aussi SALAÜN et COLONGE, tous deux de nos anciens et DE ROUFFIGNAC, un autre E.O.A. de notre promotion...

 

        

MENNEGLIER – STEUNOU – SATGÉ – CAPDEVIOLLE et son cocker...

Les commandants de groupes de chasse avaient une grande autonomie. Nous étions placés en DAT (Défense Aérienne du Territoire) et reliés au centre de renseignement le plus proche qui nous transmettait tous les messages provenant des postes de guet aérien. On les reportait sur une carte de situation et le commandant décidait lui-même d'intervenir ou non sur les raids. Ce système avait l'inconvénient de voir des patrouilles de deux groupes différents attaquer le même avion et se disputer sa destruction. Il ne permettait ni l'économie des forces, ni la concentration des moyens sur des raids importants ce que le système anglais des salles d'opérations autorisera et qui sera décisif lors de la bataille d'Angleterre.

Quand j'arrivai à Wez-Thuisy La première escadrille s'était signalée par deux fois en descendant chaque fois un Dornier Do 17. C'était la patrouille adj LE GLOAN - lt MARTIN qui s'était illustrée dans les deux cas. Les Dornier interceptés à haute altitude avaient piqué jusqu'au sol pour essayer de regagner l'Allemagne en rase-mottes ce qui facilitait le travail du mitrailleur arrière qui n'avait plus à défendre le secteur sous le fuselage. MARTIN et LE GLOAN avaient eu leur avion touché à tour de rôle dans les deux engagements. On avait rebouché les trous de balles dans l'entoilage du fuselage à, l'aide de pastilles frappées de la croix gammée. Je partis à mon tour avec mon C.P. (Chef de Patrouille) exécuter ces missions. Comme le MS 406 n'avait pas la carlingue chauffée, on revêtait sous la combinaison des vêtements chauffants, pantalon et veste, ainsi que « cagoule » en soie sous le casque et gants chauffants sous les gants fourrés à crispins. Aux pieds on mettait les bottes fourrées passées sur les chaussures. On avait sur la poitrine un boîtier de raccordement relié à l'avion par un câble, sorte de cordon ombilical, boîtier sur lequel on branchait les prises du courant de chauffage, les écouteurs et le laryngophone pour la radio et le tube de caoutchouc de l'inhalateur. Ainsi équipés on montait aux environ de 8 000 mètres pour rejoindre notre secteur de surveillance. Très rapidement le froid nous saisissait. Le volant de commande du plan fixe se bloquait, la graisse durcissant avec le froid. Le débattement du manche prenait des « durs » comme s'il y avait des crans dans la commande. L'avion ne réagissait plus, quand on poussait le moteur, qu'avec un certain retard, ce qui obligeait à faire attention dans les manœuvres en patrouille. Ensuite, au retour, il fallait faire très attention à l'atterrissage car on n'appréciait plus très bien la hauteur au-dessus du sol et on avait tendance à arrondir un peu trop haut...

 

(*) André CAPDEVIOL, né à Grenoble le 3 avril 1916 (CAPDEVIOL, comme son père, sur son acte de baptême, mais nom qui devient plus tard CAPDEVIOLLE, comme tous ses ancêtres paternels : CAPDEVIOLLE sur beaucoup de documents du III/6, dans toutes les archives de la Légion d’Honneur, sur l’acte de naissance de sa fille, sur son acte de décès qui est pourtant rectifié plus tard ; « CAPDEVIOL » en marge, suite à une décision administrative). Élève mitrailleur en 1934 à Istres, breveté pilote militaire le 27/07/1935 sous le n°24569, sergent pilote à Istres en 1935 quand il obtient son brevet civil n°5 014 le 12/12/1935. Il sera admis à l’École de l’Air des sous-officiers en août 1938 et sera nommé sous-lieutenant en août 1939. Capitaine en 1945, décédé le 13 septembre 1945.

 

Page spécifique consacrée au lieutenant STEUNOU

 

Le 16 mars Joseph BIBERT, qui a enfin obtenu sa première permission P.L.D. (2 semaines), quitte momentanément le Groupe : avec sa voiture personnelle et beaucoup d’inconscience..., dans des conditions difficiles du fait de la « drôle de guerre », il se rend en Alsace quelques jours pour présenter son épouse à sa famille qu’il n’a pas vue depuis le printemps 1939. Sa mère, sa sœur et sa nièce ainsi que quelques proches de Marckolsheim, ville inaccessible puisque près du Rhin sur la ligne Maginot, ont pu se réfugier dans le charmant village de Ranspach, dans la vallée de Saint-Amarin, au pied du col de Bussang, où une tante Religieuse, Sœur YVO, est Directrice de l’école des filles. Le 30 mars, Joseph est de retour à Wez Thuisy. Des précieuses photographies de ce périple ont pu être préservées.

 

Album des photographies n°V de Joseph Bibert – Novembre 1939 à mai 1940 – Permission en Alsace

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Il ne retrouvera sa jeune épouse à Alger que le 19 août 1940 et il lui faudra attendre l’hiver 44/45, 5 ans ½ plus tard, pour pouvoir embrasser à nouveau sa mère et sa sœur, à Thann, en pleine bataille pour la libération de l’Alsace : une vraie aventure racontée dans la troisième partie de ce document.

Les conditions climatiques de ce début de l’année 1940 restent mauvaises : « Le printemps doit avoir peur de la guerre » écrit le rédacteur du livre de marche de la 6ème escadrille. De ce fait on ne vole toujours pas beaucoup !

Le 29 mars 1940 arrive au Groupe une patrouille de pilotes polonais composée du Capitaine SULERZYCKI, des Sous-lieutenants RYCHLICKI et KAWNICK. Ils sont affectés à la 5ème°Escadrille.

 

Capitaine Mieczyslaw SULERZYCKI (jusqu'en 1930, il utilisait le nom de Szufel), né le 1er juillet 1905. En 1926, il rejoint la 61ème escadrille (6ème Régiment de l’Air) à Lwow à l’École de L'armée de l'air polonaise, où il est breveté observateur. En 1932, il suit les cours de pilotage et est affecté à la 122ème escadrille de chasse, puis à la 123ème. À partir de 1936, il est commandant adjoint de la 122ème. En 1939 il est instructeur du CWL 1 à Deblin. En 1940, en France, il commande la section polonaise du GCIII/6. En Grande-Bretagne, il est contrôleur des salles d'opérations des 302ème et 308ème Escadrons, attaché à la RAF à Northolt et à la RAF à Tangmere, officier de liaison du Groupe HQ 11 Group. Crédité d'un avion allemand probablement abattu. Décédé le 6 décembre 1983 à Mabledon.

Sous-lieutenant Erwin KAWNIK, né le 30 avril 1913. En 1927, il est diplômé d'une école de pilotage et affecté à la 121ème escadrille (2ème Régiment de l’Air) à Cracovie. En 1939, il est commandant adjoint de la 123ème escadrille de chasse.

Le 2 septembre 1939, début de la campagne, il est commandant de la 123ème. En 1940, en France, il est pilote à la section polonaise du GCIII/6. En Grande-Bretagne il est pilote au 308ème Escadron, puis commandant de vol. Tué au combat au –dessus de la France le 2 juillet 1941. Trois victoires.

 

Sous-lieutenant Boleslaw RYCHLICKI, né le 19 janvier 1915. Officier de réserve, mobilisé en 1939 à la 31ème escadrille (3ème Régiment de l’Air, appelé « Poznan » Army »). En 1940, en France, il est pilote de la section polonaise du GC III/6. En Grande-Bretagne il est pilote au 316ème Escadron. A partir de 1942 pour des raisons médicales, il est transféré à des fonctions au sol. Après la guerre il a émigré au Canada. A travaillé à l'Association du Transport Aérien international (IATA). Décédé le 11 septembre 1994 à Montréal.

 

Extraits de : Extraits de « Montpellier Fighter Squadron » de Bartomiej Belcarz, que nous remercions pour son aide

 

Mémoires de Jean MENNEGLIER – Arrivée de la « Patrouille Polonaise »

...Nous vîmes arriver un jour trois Morane portant le damier rouge et blanc. C'étaient des Polonais ayant échappé aux Allemands en passant par la Roumanie lors de l'invasion de leur pays. Ils étaient venus en France où on les avait regroupés et entraînés. Ils portaient l'uniforme polonais, leur pays étant toujours en guerre et représenté par un gouvernement en exil. Il y avait le cne SULERZYCKI, grand, maigre et taciturne ; le s/lt KAWNICK, un petit blond, râblé avec une tête ronde de slave qui, parait-il, avait eu plusieurs victoires sur P.Z.L. et le s/lt RICHLICKI, un nom difficilement prononçable, qu'on appelait « Rikiki », blond, fin, qui jouait du Chopin quand il pouvait trouver un piano, ce qui fut le cas un soir où nous étions allés faire une virée dans la Montagne de Reims. Il leur arrivait d'avoir le bourdon, ce qui se comprend, car ils avaient laissé leurs familles au pays et n'en avaient guère de nouvelles. Le soir où le spleen les prenait on pouvait vérifier ce que voulait dire : « Saoul comme un polonais ! » Ils volèrent toujours ensemble jusqu’au 10 mai, date à laquelle la patrouille fut dispersée...

 

A Lyon-Bron, le 27 mars 1939, très bel alignement des Morane MS 406 préparés, à leurs couleurs, pour les

Pilotes polonais qui vont rejoindre les différents Groupes de Chasse français dans lesquels ils ont été affectés

 

Ces trois pilotes sont immédiatement rejoints par six compatriotes mécaniciens, dont cinq sont brevetés avions : les sergents KULIKOWSKI et DARBAK, les caporaux-chefs MAKOWSKI, DZIEKANSKI et JOSEFOWSKI. Le sixième, le sergent PACULA, est un mécanicien d’armement. Tous rivaliseront d’ardeur et de dévouement avec leurs collègues français.

 

 

Si le capitaine GUERRIER

est bien le chef de sixième Escadrille du GC III/6...

Le s/c BOYMOND devant son MS 406 n°684 « Homicide »

Le sgt GAUTHIER sur son MS n°684 « Mektoub ! »

... il est aussi un infatigable pêcheur à la ligne !

Ce jour-là, le sgt GAUTHIER vole avec l’appareil du sgt BOYMOND

Sur l’aile, son mécanicien, le sgt LEVÊQUE

Le sgt GAUTHIER devant son MS n°684 « Mektoub ! »

Photographie prise à Chissey sur Loue après sa victoire du 19 mai 1940

sur un Dornier 17 en collaboration avec le s/lt STEUNOU et le sgt BOYMOND

Série de photographies faites par Georges GAUTHIER, via Lionel PERSYN que je remercie - Droits réservés

 

Début avril, petit à petit les choses bougent, le GC III/6 sort de sa léthargie et l’activité devient plus soutenue ; il va être de nouveau confronté à l’ennemi. Les « tenus de secteur à priori » et les « décollages sur alerte » se multiplient. Des avions allemands isolés sont bien pris en chasse, mais à chaque fois la vitesse insuffisante des 406 en altitude leur permet de s’échapper. Cependant la 6ème escadrille connaît son vrai baptême du feu le 7 avril dans les Ardennes. Le s/lt LEGRAND revendique un Messerschmitt 110, mais cette victoire sera finalement attribuée seulement à un autre groupe équipé de Curtiss qui avait également participé à la chasse ; frustration générale au Groupe ! Mais ce n’est que partie remise...

Quatre jours plus tard, le 11 avril, l’escadrille des masques « rieurs » fête enfin ses deux premières victoires officielles ; un Dornier 17P (appareil de la 4.F/122) est abattu à quelques kilomètres du terrain par le lt STEUNOU et s/c BOYMOND, et un Heinkel 111 (appareil H17A+GL WNr 2305 de la 3.F/121) dans la région de Sissonne, au NO d’Amifontaine, par les s/lt VILLEMIN, sgt PIMONT et sgt MAIGRET. On peut imaginer qu’une activité somme toute réduite, deux victoires sans perte, l’exposition des trophées au bar de l’escadrille et une fête bien arrosée au champagne donnèrent à ceux du GC III/6 des sentiments de sérénité et de force peut être disproportionnés par rapport à la réalité des choses, comme la suite des évènements le démontrera malheureusement.

 

CITATION du s/lt STEUNOU

« Jeune officier pilote plein d’allant. Le 11 avril 1940, équipier d’une patrouille de chasse, a participé à l’interception d’un avion de reconnaissance ennemi, puis aux attaques portées contre cet appareil qui a été abattu dans nos lignes »

Croix de guerre avec étoile d’argent

 

CITATION du s/lt VILLEMIN

« Chef de patrouille calme et résolu. Le 11 avril 1940, a très brillamment mené en patrouille l’attaque d’un avion He 111 et l’a abattu dans nos lignes. »

Croix de guerre avec palme

 

CITATION du sgt PIMONT

« Pilote adroit et audacieux. Le 11 avril 1040 a participé à un combat aérien qui s’est terminé par la chute d’un He 111 dans nos lignes. »

Croix de guerre avec palme

 

Dans le livre de marche de la 6ème, encore à Wez Thuisy le 22 avril : « ... malgré un temps splendide aucune alerte ne trouble la douce quiétude dans laquelle nous sommes plongés… », et le 3 mai à Chissey sur Loue : « ... belle journée dans un cadre montagneux ; se croirait-on en guerre ?... ». Une semaine plus tard sera une autre histoire...

Il ne se passera plus rien de bien important pour le III/6 jusqu’à son départ de Wez Thuisy le 30 avril.

Notons que depuis qu’il est arrivé en champagne le 15 novembre 1939, 13 nouveaux pilotes ont rejoint le Groupe :

6 décembre 1939

sergent

THIROUXde GERVILLIER

5ème

7 décembre 1939

commandant

CASTANIER

E.M.

8 janvier 1940

capitaine

TRAVERS

E.M.

6 mas 1940

sous-lieutenant

CAVAROZ

5ème

 

sous-lieutenant

MENNEGLIER

6ème

 

sergent

HARDOUIN

6ème

 

sergent

MAIGRET

5ème

 

sergent

TRINEL

5ème

29 mars

lieutenant

SULERZYCKI.

5ème

 

sous-lieutenant

KAWNICK.

5ème

 

sous-lieutenant

RYCHLICKI

5ème

5 avril 1940

sergent

BOUIN

6ème

12 avril 1940

sergent

GABARD

6ème

 

 

Wez Thuisy – Les trophées exposés dans le bar de la 6ème Escadrille du GC III/6

Hélice et croix noire prélevés sur l’épave du Heinkel 111 (appareil H17A+GL WNr 2305 de la 3.F/121) abattu à Amifontaine le 11 avril 1940 par les s/lt VILLEMIN, sgt PIMONT et sgt MAIGRET

 

 

Wez Thuisy – Camouflage du MS 406du s/lt MENNEGLIER - 6ème escadrille

Wez Thuisy – Tente du P.C. du Groupe – s/lt CAVAROZ, STEUNOU et CAPDEVIOLLE

Auberge du Cheval Blanc aux Sept Saulx

s/lt CAPDEVIOLLE et STEUNOU, cne TRAVERS et JACOBI, lt LEGRAND (de dos), cne GUERRIER

Auberge du Cheval Blanc aux Sept Saulx

A gauche, sans doute des « invités » - A droite, lt LEGRAND, cne GUERRIER et s/lt STENOU

Série de photographies faites par Jean MENNEGLIER, transmises par son fils Philippe que je remercie - Droits réservés

 

Le sergent de GERVILLIER devant son Morane « masque sévère » de la 5ème et son mécanicien

Rare série de photographies d’un MS 406 sous tous les angles ayant permis

aux illustrateurs, artistes et maquettiste d’en réaliser des représentations parfaitement fidèles

A Wez Thuisy, le sergent Arnould Jean Sebran, comte de GERVILLIER à bord de son MS 406 « Le Dahut »

Cette photographie permet d’apercevoir à droite le tragique « Mont CORNILLET » de la guerre 14/18

Série de photographies transmises par la famille de GERVILLIER que je remercie - Droits réservés

Page spécifique consacrée au sergent De GERVILLIER

 

 

 

Profils, dessin d’artiste et maquette du Morane Saulnier MS 406 n°803 (L832) « Le Dahut » (*) du sergent De GERVILLIER

(*) Un dahu : sans « t », est un animal imaginaire. On propose à une personne crédule de « l’emmener à la chasse au dahu »

 

 

Déplacement du GC III/6 de Wez Thuisy (Marne) à Chissey-sur-Loue (Jura)

Le lien ci-dessus permet d’accéder à 5 des notes de l’Armée de l’Air (classées « SECRET ») qui concernent la décision et l’organisation du déplacement du Groupe GC III/6 de la Marne au Jura, entre le 27 et le 30 avril 1940, quelques jours avant l’attaque allemande du 10 mai 1940. Elles sont particulièrement intéressantes pour comprendre l’imbrication de tous les services et sous-services concernés par une telle opération, et d’en savoir un peu plus sur les conditions matérielles d’un mouvement de l’échelon roulant entre deux terrains de campagne.

 

 

 

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CHISSEY SUR LOUE

30/04/1940 – 20/05/1940

 

Terrain d'aviation de CHISSEY SUR LOUE

Lien vers la page :

Les aérodromes du groupe de chasse GC III/6 de la campagne de France

 

 

Localisation du terrain de Chissey-sur-Loue - Secret  

Document officiel décrivant les caractéristiques principales de la Base Aérienne de Chissey

Photographie aérienne du 1er avril 1940

 

 

PROJET DE CAMOUFLAGE DE LA BASE DE CHISSEY DU 17 AVRIL 1940

établi par la Compagnie de l’Air n°23/102

 

Suivant les ordres de la Note de Service n° 1901/S/ 4T du 4ème Bureau de l'État-major de la ZONE D'OPERATIONS AÉRIENNES SUD, un projet de camouflage a été établi pour la Base Aérienne de Chissey répondant aux questions posées :

A - Création de fausses-routes traversant la plateforme

En s'inspirant des chemins existants avant l'occupation de ce terrain d'une part, et également en prolongeant des routes ou chemins venant actuellement s'arrêter en bordure du terrain, le projet de fausses-routes a été donc conçu de la façon suivante :

1° En bordure ouest et sud du terrain sur un ancien emplacement de chemins de terre figurant sur la carte au 1/5 000 un faux-chemin a été prévu partant d'un sentier actuellement existant, orienté ouest-est venant de Chissey et s'arrêtant en bordure de la piste. Ce faux-chemin suivrait donc approximativement sur les côtés ouest et sud le sentier disparu pour aboutir à la route des alvéoles nouvellement créés.

2° Un faux-chemin coupant la piste dans le sens longitudinal ouest à est partant du sentier existant ouest-est venant de Chissey (déjà cité ci-dessus) et allant aboutir à 1a patte d'oie de la route des Alvéoles.

3° Une fausse-route coupant en biais la partie nord au terrain faisant suite à une route nord-sud venant de forêt de Chaux aboutissant en bordure du terrain sur la route de Chissey à Arc-et-Senans, cette fausse route irait également aboutir à la patte d'oie.

3° Prolongement en direction de l'est de la route des alvéoles par un faux chemin pour se perdre dans les broussailles de la rive nord de la rivière de la Loue.

B - Champs artificiels à réaliser

Une étude a été faite à ce sujet, sur le plan au 1/50 000 ci-joint. L’étroitesse des bandes de cultures des terrains environnants a été reproduite dans ce projet sur le terrain, ces bandes allant en général de 30 m., 40 m., 90 m, à 100 mètres maximum, et donnera donc l'aspect des cultures environnantes.

Quelques haies ou broussailles ont été également figurées le long des faux-chemins principalement dans le centre de la piste, des broussailles existant dans le paysage des alentours.

C - Déplacement éventuel des hangars et leur camouflage

La Base Aérienne da Chissey, ne possédant actuellement aucun hangar, la question de leur déplacement et camouflage na se pose donc pas.

Il est à signaler à ce sujet, que sur le plan de Base, il a été prévu la construction de deux hangars en lisière ouest du village de Chissey, et très près des maisons de ce pays de façon à en assurer un camouflage dans les conditions meilleures au possible.

.../...

 

 

 

En plus au sud-est du terrain des alvéoles ont été entreprises dont une est terminée et camouflée et cinq autres en cours de construction ou de camouflage. Ces alvéoles sont réparties en général entre 250 et 300 mètres de distance le long de la rive nord de la rivière de la loue et placées de façon à se confondre le plus possible avec les arbres et les broussailles existants le long de cette rive.

D - Emplacement des fausses plateformes

Il semble très difficile à première vue de tromper l'ennemi sur l’emplacement du terrain de Chissey par une fausse plate-forme, ce terrain étant entouré de points de repère, très précis, ceux-ci étant les villages de Chissey et d'Arc et Senans, la rivière de la Loue, la forêt de Chaux, la voie ferrée et la route d'Arc et Senans à Chissey.

Néanmoins, des recherches ont été effectuées pour la création d'une fausse plate-forme à l'Ouest du village de Chissey, où un terrain a été trouvé semblant pouvoir offrir les aspects d'une vraie plate-forme et dont les dimensions seraient approximativement de 800 x1 200 m. bordé sur le côté par la route de Châtelet à Çhamblay, au nord par un chemin de terre, et à proximité de la rivière de la Loue.

 

MOYENS NÉCESSAIRES POUR L’ÉXECUTION DU CAMOUFLAGE DE LA BASE DE CHISSEY

Les moyens, en personnel et en matériel, si l’on se rapporte aux données de l’Exposé sur le camouflage des Bases Aériennes d’Opérations, (stage des Officiers – Coulommiers – Février 1940) sont de 50 hommes et un certain matériel dont la compagnie ne dispose pas, en ce qui concerne :

A - Le personnel

La Compagnie de l'Air n°23/103, peut avoir dans son effectif propre une soixantaine de travailleurs y compris la section de Défense et de Sécurité dont trente environ pourraient être mis à l’établissement de ces fausses routes, le reste des travailleurs étant occupé à la construction de postes de tir, alvéoles, baraques HPF, baraques Hamont, peintures et poses de grilles etc. etc. et il serait également nécessaire que l'apport des matériaux soit assuré par des camions et du personnel de la compagnie de Transport de Munitions n°4/102 comme il a été fait du reste pour la création de la nouvelle route, des alvéoles.

B – Le matériel

La compagnie possède deux tracteurs à 3 roues FA5, des brouettes, des pelles, et également 2 camions-bennes prêtés par la Compagnie de l'Air n°32/l02.

A ce sujet, une de ces bennes est en transformation en tonne à eau par les soins des services des Ponts et Chaussées, en plaçant sur cette benne un réservoir de 3 000 l. muni d'une rampe d'écoulement.

Il faudra donc, que la Compagnie de l’Air n°32/102, par suite de cette transformation, soit dotée d’une nouvelle benne.

Un compresseur à moteur pour peinture et ses accessoires et 2 pompes à bitume à pression seraient également nécessaires à ces travaux.

 

Signé : capitaine MONTEILLET, commandant la Compagnie de l'Air n°23/102.

Deux notes concernant le camouflage de la Base Aérienne de Chissey datant du mois d’avril 1940, entre le départ du GC I/6 et l’arrivée du GC III/6, particulièrement savoureuses...

...sachant que la position du terrain, si elle ne figure pas sur les cartes de l’Armée, est parfaitement explicite à cette époque sur la carte Michelin détaillée de la région !

 

 

Réunion au 1er mai 1940 à Chissey, de la Commission prévue par la note de service 2353/S. et T de la Zone d'Opérations Aériennes Sud pour arrêter le plan de camouflage de la Base (sur propositions fournies par le Capitaine commandant la Cie. de l'Air, n°2 050 C.A. du 17/4/40)

 

I°- FAUSES ROUTES

Acceptées avec fausses haies.

II°- FAUSSES CULTURES

Réduire le nombre des parcelles, n’en colorer que 8 à 10 convenablement disséminées sur le terrain.

Pour le reste, procéder par fauchages intermittents, les bords des parcelles étant accusées par une application légère d’émulsion de bitume.

III°- HANGARS

Les hangars prévus ultérieurement seront disposés et camouflés selon les instructions données par la Z.O.A.S.

IV°- FAUSSE PLATEFORME

La plateforme proposée étant en culture ne sera complètement uniforme qu'à l’époque des moissons et fenaisons. Néanmoins il sera fait des aménagements de faux- hangars et fausses-constructions en bordure de la route.

V°- ALVÉOLES

Le procédé de camouflage des alvéoles existantes est à poursuivre dans les mêmes conditions pour les alvéoles à construire.

VI°- POSTES DE TIR

Camoufler une partie des postes de tir en « meules de paille » par l'application des filets paillés, genre Base Tavaux

Signé : Capitaine PEPIN, représentant le Général commandant la Z.O.A.S.

Capitaine MONTEILLET, commandant la Compagnie de l'Air n°23/102.

Lieutenant BORDEAU, représentant le commandant du Secteur de l’Air n°16

 

 

 

Pour faire face à la menace d’une attaque italienne, le GC III/6 quitte Wez le 30 avril 1940 et prend possession de l’aérodrome de Chissey sur Loue, base 42E4, à mi-chemin entre Besançon et Lons le Saulnier dans le Jura : voir carte. C’est là qu’il sera engagé dans la campagne de France en faisant face, mais d’un peu loin, à l’offensive allemande du 10 mai 1940. Les lettres de noblesse de l'aérodrome de Chissey seront donc écrites par le GC III/6.

Gérard RAMPIN et Jean Pierre GIRARDIER, deux habitants de la région, sans se prétendre historiens, ont écrit en 2002 un remarquable ouvrage « CHISSEY 1929-1945 – Histoire méconnue du camp d’aviation », auquel on peut utilement se reporter. Daniel GILBERTI d’autre part, qui fait de son côté un travail considérable de recherche sur l’aviation du département de la Côte d’Or, a créé le site Internet « histavia21.net » d’une richesse infinie et ce sont en partie leurs travaux qui ont permis d’écrire les quelques lignes qui suivent :

Dès 1924, un petit aérodrome civil existait à Chissey, à la sortie du village en direction d'Arc-et-Senans. En 1931, le Ministère de l'Air décide de l'agrandir pour créer un aérodrome de campagne et procède, à l'époque, à l'achat de deux cent trente-huit parcelles pour une superficie totale de soixante-neuf hectares permettant d’utiliser une piste de huit cents mètres sur quarante mètres, suffisante pour les avions de l'époque. Quelques hectares supplémentaires seront ajoutés en 1935 (déclaration d’utilité publique du terrain de Chissey).

L’aménagement et l’organisation de la Base aux débuts des hostilités avec l’Allemagne reposent sur la compagnie de l'air 23/102 qui arrive à Chissey le 28 août 1939, sous les ordres du capitaine Monteillet, avec 120 hommes. En septembre 1939 ce sont d’abord 11 antiques Bloch 200 du 2ème Groupe de la 32ème escadre de Châteauroux qui sont positionnés pendant quelques semaines sur ce terrain de campagne, avant d’aller ailleurs, en novembre, pour se faire heureusement réformer ! C’est le calme plat ensuite jusqu’au 8 mars 1940 avec l’arrivée du Groupe de chasse GC I/6 du capitaine TRICAUD et de ses Morane 406, en provenance de Marignane (1ère Escadrille, capitaine MAUVIER et 2ème Escadrille, capitaine BRUNEAU), qui marque le vrai point de départ de l’activité aérienne de guerre à Chissey.

Le dispositif de camouflage prévu peut sembler très sophistiqué d’après les deux notes ci-dessus, mais ce n’est qu’à l'arrivée du I/6, grâce à la détermination de son commandant et à l’implication de ses hommes, que les travaux d’équipement de la Base sont réellement entrepris. La construction d’un P.C. d’escadrille souterrain « dont le toit affleure au ras de terre » est longuement décrit avec humour dans le célèbre journal de marche de la seconde Escadrille du Groupe I/6, remarquablement illustré avec humour par le s/lt  DEMOULIN, d’ailleurs futur chef d’Escadrille du III/6 en A.F.N. en 1944.

 

      

Illustrations du livre de marche de la 2ème Escadrille par le s/lt DEMOULIN

La chasse aux grenouilles – Le PC de l’Escadrille avec ses couchettes superposées – La victoire du 7 avril 1940 de 10 MS 406 sur un malheureux Junkers 52

Page spécifique consacrée au capitaine DEMOULIN

Extrait du livre de marche de la 1ère Escadrille du GC I/6 : on peut voir que la construction des baraques HPF est rapidement menée !

« ...cabane en bois aux trois quarts enterrés et quasi invisible en l’air... on commence à s’installer... on pense déjà à semer des radis sur la toiture... »

«    au voisinage de la Loue, de grands espoirs aux pêcheurs, car elle est poissonneuse et la truite l’habite... »

 

Le poste de commandement du Groupe est placé le long de la route à la sortie de Chissey et les avions sont répartis dans des alvéoles le long du bois en bordure de la Loue. Trois soutes à essence enterrées de 180 hectolitres chacune (540 hectolitres au total) permettent leur ravitaillement. La piste d’envol est recouverte de grilles métalliques et un chemin goudronné serpente en bordure pour desservir ces alvéoles et les différentes installations montées ou construites, tentes, abris, magasins, armureries et une petite infirmerie en bordure d’un bois. On crée aussi quelques faux-chemins et la fausse plateforme d’Ounans, dispositions de camouflage toutefois bien limitées, car il semble difficile de tromper l'ennemi sur l'emplacement d’un terrain entouré de points de repère si précis ; villages de Chissey et d'Arc-et-Senans, rivière la Loue, forêt de Chaux, voie ferrée et route d'Arc-et-Senans à Chissey.

Deux dépôts de munitions ont été installés, un dans la plaine en face du camp, l’autre à proximité de la forêt de Chaux. Il existe aussi un petit « bunker » en béton dont on ne sait plus rien de sa construction et ne figurant pas sur les cartes ; il reste aujourd’hui, avec une petite zone bétonnée où se trouvait une des trois citernes, les seuls témoins de la présence en 1939/1940 de la « Base de Chissey ».

 

Chissey sur Loue en 1960

Chissey sur Loue en 2006

Salines Royales d’Arc et Senans en 2006

Plateforme bétonnée – Ancienne soute à essence

Photographies FXB

Visite des vestiges de la Base Aérienne de Chissey sur Loue le 6 février 2006

Le « Bunker », petit abri bétonné de protection des personnels contre les bombardements

 

 

Le GC I/6 ne restera qu’un mois à Chissey, sans qu’il se passe grand-chose sur le plan militaire, hormis la destruction d’un Junkers 52 le 7 avril près de Luxeuil par une meute de 10 Morane comme signalé plus haut ; il est déplacé à Berck-sur-Mer le 11 avril. A noter que le capitaine GUERRIER, commandant la seconde Escadrille du GC III/6 qui va prendre la suite du GC I/6, lieutenant en 1936, était alors le commandant en second de ce Groupe...

Les travaux menés se poursuivent cependant conformément aux projets, et, quand le III/6 s’installe à Chissey 3 semaines plus tard, le commandant CASTANIER félicite par écrit la Compagnie de l’Air 23/102 pour la qualité des aménagements et des travaux de camouflage. La défense du terrain en incluant les moyens propres de la Cie de l’Air et du Groupe comprend 16 mitrailleuses M.A.C., cinq jumelages de Lewis et quatre fusils-mitrailleurs. Des emplacements pour des canons de 25mm ont été préparés, mais ceux-ci n’arriveront que plus tard.  Le Groupe dispose enfin pour ses transmissions du détachement 6/702, type IV.

Les officiers de l’Etat-major du Groupe et un certain nombre de pilotes et de sous-officiers sont logés dans le cadre somptueux des Salines Royales d’Arc et Senans et la région est attrayante. Tout cela fait que Chissey a été le terrain de campagne le plus apprécié de la campagne par ceux du III/6, même s’ils n’y sont restés que 3 semaines.

 

Mémoires de Jean MENNEGLIER – Chissey sur Loue

 ...nous apprîmes que nous allions faire mouvement pour occuper le terrain de Chissey, situé à côté de ce village du Jura au bord de la Loue. Je fis mouvement le 30 avril avec mon avion

Le Groupe installa son PC à Chissey. Nos prédécesseurs, le 1/6, le groupe, avaient aménagé des abris sur le bord de la Loue. Nous prîmes leur suite. Nous logions à Arc et Senans, célèbre par les salines construites par Ledoux dans lesquelles cantonna la troupe. Nous installâmes notre popote dans le restaurant à côté de l'église. Je logeais chez la sage-femme à proximité de la gare et du passage à niveau. Elle était mariée à un suisse qui n'était évidemment pas mobilisé. Le lendemain matin on frappa à ma porte. Ma logeuse m'apportait sur un plateau une tasse de café noir et un bouquet de muguet, car nous étions le 1er mai. Je fus très touché de cette délicate attention.

Nous reprîmes l'alerte au terrain. Ceux qui étaient d'alerte le matin arrivaient avant le lever du jour, s'équipaient et essayaient de poursuivre le sommeil interrompu à l'intérieur du P.C. d'escadrille. Celui-ci était occupé en permanence par notre secrétaire, le 2ème classe Michel, un paysan breton de la région de Rennes. Il laissait son lit à l’un d'entre nous et essayait de dormir la tête sur les bras appuyé sur la table portant le téléphone de campagne nous reliant au P.C. du Groupe. C'était un garçon en or qui participait vraiment à la vie d'escadrille. Un jour le téléphone sonna. En général c'était pour nous donner l'ordre de décoller. C'était un sergent fourrier qui demandait qu'on lui envoie quelqu'un pour des questions d'habillement. Michel le rabroua vertement : « Sergent, ici on fait la guerre, il ne faut pas nous déranger pour rien ! »...

 ...un jour, deux patrouilles trouvèrent un Dornier, dont une emmenée par le chef d'escadrille, le cne GUERRIER. Il se tint à l'écart, prétextant que s'il était intervenu c'est à lui qu'on aurait donné la croix de guerre. Il est vrai qu'à l'époque l'État-major se montrait moins généreux qu'au début de la guerre pour attribuer les citations. On ne les donnait plus qu'aux C.P. Cela nous mit la puce à l'oreille mais nous ne devions avoir confirmation que plus tard du manque d'agressivité (pour employer une litote), de notre chef d'Escadrille ! Pour l'instant, on inscrivait à son actif que c'était un enragé pêcheur au lancer et qu'il nous avait pris une magnifique truite dans la Loue qu'on nous servit cuite au bleu à la popote !

Le mois de mai commençait à être chaud. Quand nous partions sur alerte, nous courions à nos avions, parachute sur le dos, engoncés dans nos combinaisons chauffantes. Nous prenions une bonne suée et nous nous retrouvions quelques minutes après à 7 ou 8 000 mètres avec une température de -20 ou -25 dans la carlingue. Je ne sais si c'est à cause de ces variations de température, mais j'attrapais un rhume de cerveau carabiné...

 

Si le déplacement principal de l’échelon roulant de Wez à Chissey s’est fait par voie ferrée comme indiqué dans les archives, il semble bien que certains se sont quand même déplacés par la route, car quelques photographies faites par Joseph Bibert, non datées et non légendées, ont été faites à priori dans la vallée du Doubs à cette occasion. Plus tard, il a pris également quelques clichés sur le terrain de Chissey.

 

Album des photographies de Joseph Bibert n°V  -  Novembre 1939 à mai 1940 - Chissey sur Loue

Cliquez sur le bandeau des miniatures ci-dessus pour ouvrir la page contenant ces photos

 

Le groupe de chasse III/6 à Chissey, territoire du Secteur de l’Air 16 (lieutenant-colonel RICHARD) est affecté au groupement de chasse 24 commandé par le lieutenant-colonel LAMON (poste de commandement à Dijon-Longvic), tout comme le groupe de chasse II/7 volant aussi sur MS 406 (commandant DURIEUX), stationné à Luxeuil depuis septembre 1939.

Le groupe II/7 qui est au service de la VIIIème Armée est chargé de couvrir la Haute Alsace, la trouée de Belfort et la partie de la région frontière suisse avoisinant la haute vallée de la Saône.

Le groupe III/6 reçoit la même mission principale que celle du I/6 ; assurer la défense aérienne du territoire de la région de Dijon dans une zone d'action limitée au sud par la frontière suisse, et, au nord, par la ligne Montbard, Langres, Gray, l’Isle sur le Doubs, Pont de Roide. Les missions secondaires étant :

·         le renfort du Groupe II/7 pour protéger les avions de reconnaissance de la VIIIème Armée,

·         la destruction d’intrus dans la zone de la VIIIème Armée,

·         le recueil des Potez 63 du groupe de reconnaissance 1/55 (Commandant BISSON) de la 6ème Division Aérienne.

Jusqu’au 7 mai, même si le commandement a été informé de l’imminence de l’attaque allemande, seules quelques couvertures sur alerte ont lieu. Le 6 mai, un Dornier venant du sud est aperçu par la patrouille légère JAPIOT, MENNEGLIER, mais ceux-ci ne peuvent pas l’attaquer utilement (voir lien ci-dessous). L’activité est grande le 8 mai, mais de la même façon, une attaque menée sans cohérence sur un Dornier par la patrouille simple JACOBI, SALAÜN, CAVAROZ reste infructueuse. Le 9 mai, le temps est mauvais mais c’est quand même le grand calme avant la tempête...

 

Lire :  « Comment rater un avion ennemi » par Jean MENNEGLIER

 

Depuis le début des hostilités le III/6 a accompli 250 missions de guerre en 540 sorties avec 4 victoires homologuées. Mais est-il réellement prêt ? Moralement et professionnellement, certainement, mais le matériel, l’organisation et les pratiques de l’Armée de l’Air ne sont certainement pas à la hauteur de la rude tâche qui s’annonce pour lui !

 

LA CAMPAGNE DE FRANCE

Pour alléger ce récit, l’activité aérienne détaillée du GC III/6 au jour le jour entre le 10 mai 1940, début de l’attaque allemande dans les Ardennes, jusqu’au 18 juin, date à laquelle l’armistice se profilant, le Groupe a été « exfiltré » vers l’Afrique du Nord, fait l’objet d’un document particulier mis en annexe. Il peut permettre à ceux qui sont surtout passionnés par la chronologie précise des combats, par les numéros des machines, par les décomptes des heures de vol, des victoires et des pertes de retrouver la trame traditionnelle des nombreux ouvrages publiés traitant de l’historique d’un Groupe d’aviation. Mais gardons à l’esprit qu’il n’est pas possible d’être exhaustif sur ce sujet car trop de pièces du puzzle, malgré les recherches et les archives, manquent encore... Pour chaque journée, un résumé des faits marquants de la guerre précède la narration de l’activité du Groupe III/6...

Pour les spécialistes : La Campagne de France du GC III/6 au jour le jour

 

 

Tableaux des caractéristiques des chasseurs de la campagne de France

Tableau des profils et des caractéristiques des chasseurs engagés dans la campagne de France – Document de la Luftwaffe

 

Les adversaires allemands des Chasses françaises et britanniques pendant la Campagne de France

 

Pour chaque journée de la « Campagne de France » un lien sur la date renvoie vers la page correspondante du document annexe plus complet « au jour le jour »

 

Le 10 mai c’est la grande offensive allemande à travers les Ardennes et vers le nord de la Belgique. Les Allemands vont bientôt franchir la Meuse. La ligne Maginot ne tombera pas, elle sera simplement contournée !

Les patrouilles du Groupe III/6 sont en l’air dès 4h40 et voleront toute la journée. Le Groupe effectue 33 sorties et enregistre deux victoires, une pour chaque Escadrille ! Il perd deux Morane, le n°793 du sgt HARDOUIN et le n°413 de l’adj GOUJON qui peuvent tous les deux sauter en parachute et rejoindre Chissey. Par contre des Heinkel 111 du 7/KG51 « Edelweiss » (*) venant de Landsberg et Wörishofen sont quand même passés et ont pu larguer leurs bombes explosives et incendiaires sur la Base de Dijon-Longvic ; on déplore officiellement 5 tués dont le colonel LAMON (commandant le Groupement 24), une dizaine de blessés, 2 hangars endommagés et plusieurs magasins en flammes. A Chissey, pour les pilotes, et pour tous ceux à terre, mécaniciens, armuriers, médecins, administratifs, simples soldats qui n’ont qu’un seul but , faire en sorte que les Morane du Groupe puissent voler dans de bonnes conditions, la journée a été dure et angoissante, mais finalement tous les pilotes sont rentrés, deux « boches » sont au tapis et peut être deux ou trois de plus si on prend en compte les différents récits des combats faits au retour des missions, et les informations sur ce qui s’est passé à Dijon ne sont pas encore connues, ou plus simplement évacuées... ; le taux d’adrénaline de chacun est redescendu, le moral reste haut et la confiance en la victoire est encore totale. Mais les mécaniciens dormiront peu ; il faudra qu’ils s’y habituent...

 

Mécanicien du GC III/6 au travail sur un Morane 406

 

(*) Une énorme erreur a été faite par ce Groupe ce jour-là : plus de la moitié de ses avions qui avaient été envoyés sur Dijon et Tavaux ont en fait bombardé la ville allemande de Freiburg-en Breslau, faisant des victimes et provoquant une colossale colère de Goering. On tentera outre–Rhin de parler de « bombardiers français », mais des rapports de la Luftwaffe font état de « ressemblances entre les terrains de Freiburg, de Dijon et de Tavaux », pourtant distant de 150 km. ! Il n’est pas impossible que l’action de la chasse française en ce premier jour de guerre totale ait quelque peu perturbé les jeunes aviateurs allemands...

 

 10 mai 1940 : la victoire du s/c BOYMOND et du sgt GAUTHIER (Port-Lesney - 7h 00) 

 

Fernand PROST, depuis son logement, au dernier étage d'un immeuble rue Pasteur à Dôle

a vu le combat qui se déroulait devant ses yeux le 10 mai 1940 à 7h00 : il raconte...

« Ce matin du 10 mai 1940, il était environ 7h 00, lorsque je fus surpris par le vrombissement de moteurs d'avions et dans le même temps par des rafales d'armes automatiques. Regardant par-dessus les toits juste en face, j'ai aperçu un bimoteur Dornier 17 pris en chasse et attaqué par un Morane Saulnier français. Il faisait un temps magnifique, le soleil brillait dans un ciel tout bleu. J'ai eu l'impression que le combat se déroulait au-dessus de la Bourse du Travail à une altitude comprise entre 2 000 et 3 000 mètres. Le chasseur montait, descendait, tournait autour et à chaque fois qu'il se trouvait en position de tir, envoyait une rafale. Dans le même temps lorsque le chasseur s'écartait, j'entendais des tirs de D.C.A et je voyais un panache blanc lorsque l'obus éclatait. A chaque tir, je m'attendais à voir ce bombardier en difficulté mais il continuait sa route comme si de rien n 'était à mon grand désappointement. Il remontait le canal Charles Quint en direction de la forêt de Chaux vers Chissey – Arc et Senans et là, je l'ai perdu de vue dans la brume matinale mais j'entendais toujours le crépitement des armes... »

 

Article de presse envoyé à sa famille par Georges GAUTHIER conservé dans l’album familial

Le Dornier 17 abattu le 10 mai 1940 à Port Lesney (Jura) par le s/c BOYMOND et le sgt GAUTHIER de la 6ème

relevé le lendemain par une équipe du Parc 11/101 de Dijon-Longvic à l’aide d’une remorque Boilot

 

CITATION du sgt GAUTHIER

« Jeune pilote habile et audacieux. Le 10 mai a combattu avec acharnement un bimoteur ennemi. L’a abattu en collaboration avec le sergent-chef Boymond. »

Croix de guerre avec palme

 

 10 mai 1940 : La victoire de l’adj GOUJON et du sgt HARDOUIN du 10 mai 1940 (Forêt d’Arbois - 15h 30) 

 

Mémoires de Charles GOUJON - 10 mai 1940

 ...à peine étions-nous installés près des bords du Doubs que le soleil se levait sur une date que personne n'oubliera : le 10 mai 1940 !

Si nous n'avions pas vu beaucoup d'ennemis dans le ciel jusqu'à ce jour, tous ceux qui s'étaient tenus loin de nos regards semblaient, cette fois, s'être donné rendez-vous. Ce furent d'abord, à l'aube, des avions de reconnaissance. Nous décollâmes, les uns après les autres, pour leur donner la chasse. Mais sans succès. Lorsque nous arrivions à une altitude convenable, les Allemands étaient repartis après avoir fait ample provision de photographies.

Puis ce furent les bombardiers. On en signalait du côté de Dijon. Je décollai une fois encore en même temps que deux autres chasseurs. Impatient de me battre, je faisais donner tous ses chevaux à mon Morane. C'est qu'il fallait faire vite. Après quelques minutes de vol, j'avais distancé mes équipiers. J'étais seul en l'air. Petite erreur de tactique. J'étais trop impétueux, trop pressé d'arriver. Enfin je les vis. Ils étaient 10, magnifiquement bien groupés. La sagesse eût voulu que j'attendisse mes amis. Mais allez donc parler de sagesse à un jeune fou qu'enflammé, avant la lettre, l'odeur de la poudre.

Je commençai une première attaque, une première passe. Vingt mitrailleuses crépitaient dans ma direction. Je fis une deuxième passe. Puis une troisième...

Alors je jouai le tout pour le tout. Il m'en fallait un. A tout prix. J'attaquai le dernier du peloton, juste dans l'axe, par l'arrière. Les balles traçantes qu'il m'envoyait dessinaient devant moi comme une toile d'araignée. Elles commençaient à tambouriner sur mon Morane quand le Heinkel se trouva à bout portant dans mon collimateur. Enfin !

Je déchargeai toutes mes armes. L'avion ennemi, aussitôt, décolla du peloton, laissant derrière lui les fumées caractéristiques de sa mort prochaine (dans la forêt d’Arbois). Au même moment, alors que je dégageais pour porter une dernière attaque dans les mêmes conditions, le feu se déclara à bord. Déjà la fumée me montait jusqu'au visage. J'étais touché, moi aussi. Sans doute par l'une des balles qui tambourinaient tout à l'heure. Je n'avais plus qu'une ressource : sauter. J'étais à 5 000 m. Je coupai le moteur, mis l'avion en chandelle et basculai sur le côté pour faciliter l'évacuation. Et hop. Dehors !

Bien entendu, j'ouvris aussitôt mon parachute. Je devais rester ainsi, lamentablement pendu entre ciel et terre, durant une douzaine de minutes. La rage au cœur, je vis les Allemands lâcher leurs bombes sur la base de Dijon. La lueur que j'aperçus dans le ciel, un peu à l'est, ne me consola pas. C'était pourtant le bombardier, touché quelques instants auparavant par mes mitrailleuses, qui explosait. Plus loin, une traînée noire : mon Morane plongeait vers la terre pour aller s'écraser dans un bois.

À cette époque, la hantise des parachutistes allemands tenait en haleine tous les hommes au sol. L'un de mes équipiers (le sgt HARDOUIN) qui s'était attaqué après moi (*) aux mêmes bombardiers, et avait été descendu lui aussi, en fit la dangereuse expérience. À peine arrivé au sol, le long d'une voie ferrée, il fut appréhendé par une bande d'énergumènes qui, malgré ses protestations, le rouèrent de coups, lui brisant les dents, lui fracturant la mâchoire.

Mon arrivée au sol fut heureusement moins dramatique. Je tombai dans des broussailles juste à l'orée d'un petit bois, et me débarrassai aussitôt de ma combinaison de vol. C'est donc en uniforme d'adjudant (tout récent) de l'Armée française que je me dirigeai vers les soldats que je venais de voir, au bout du champ, sauter d'une voiture pour se coucher à plat ventre. Je devinai que les canons de leurs fusils étaient braqués sur moi. Alors, les mains en porte-voix et de toute la force de mes poumons, je me mis à hurler :

- « Ohé ! les gars, je suis Français !

Leur attitude prouvait qu'ils ne me croyaient qu'à moitié. Cette proie qui leur échappait, c'était bien dommage. Tout de même, ils ne tirèrent pas et me firent signe d'avancer. Quand ils reconnurent leur erreur, ils m'entourèrent avec sympathie. Un groupe de plus en plus compact se formait autour de moi ; ces pauvres fantassins n'avaient pas tous les jours une attraction de ce genre, quand un gros officier, court sur pattes et rouge de trogne, fendit la foule en hurlant :

- « Où est-il ? Qu'on me le donne ! »

Quel ne fut pas son désappointement quand il vit que j'étais Français. Il était venu, en triomphateur, chercher "sa" victime.

Le soir même, j'avais rejoint mon escadrille. Le lendemain, je me battais de nouveau. Cette fois, nous étions 3 contre 5. Nous qui nous étions plaints de manquer de gibier, nous en avions trop maintenant...

Extrait de « Trident » - France Empire – 1956

(*) D’après les documents retrouvés dans les archives du III/6 et les souvenirs du sgt HARDOUIN, l’attaque de celui-ci aurait précédé celle de l’adj GOUJON...

 

CITATION de l’adj GOUJON

« Brillant chef de patrouille. Le 10 mai 1940, a attaqué sous un feu intense un peloton ennemi de bombardiers. A abattu un de ses ennemis avec la collaboration d'un autre chasseur. Puis son appareil en flammes, a sauté en parachute. »

Croix de guerre avec palmes

 

Mémoires de Jean MENNEGLIER – L’accueil des parachutistes au sol

 ...le 10 mai, HARDOUIN, dut sauter en parachute, avion en feu. Il atterrit sur ou à proximité d'un passage à niveau et fut rejoint par un comité d'accueil excité qui se mit en devoir de lui casser la figure, le prenant pour un parachutiste allemand tant était grande la psychose développée par la propagande. Finalement quelqu'un en l'entendant crier qu'il était français se décida à calmer les excités et à examiner calmement son cas. Il dut faire réparer un bridge descellé par un coup de poing. Encore heureux pour lui qu'ils n'aient pas eu de fusil. C'était arrivé à un rescapé d'un avion tombé en parachute dans une rivière qui fut fusillé à bout portant lorsqu'il arriva à la berge. Dans l'autre escadrille, COLONGE, eut le lendemain des problèmes pour s'éjecter sur le dos de son avion en flammes et fut, lui aussi, accueilli par un groupe armé de fourches près de Beaumont-sur-Vingeanne. Heureusement ils étaient moins excités et il n'eut pas de peine à justifier son identité et reçut un accueil plus normal...

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

PRÉFECTURE DE LA HAUTE-SAÔNE

Cabinet du Préfet

 

AVIS À LA POPULATION

 

Les incursions ennemies sur notre territoire menacent la vie et les biens de tous.

L'intérêt de chacun est donc d'aider les autorités à découvrir et capturer les militaires - aviateurs – parachutistes et agents ennemis se trouvant pour une raison quelconque sur notre sol.

CONDUITE À TENIR

1° - Un avion ennemi est contraint d'atterrir pour quelque motif que ce soit :

GARDER A VUE L’ÉQUIPAGE ET PRÉVENIR AUSSITÔT LE MAIRE ET LA GENDARMERIE

2° - Un parachutiste est aperçu descendant vers le sol : suivre sa descente jusqu'à ce qu'il mette pied à terre,

GARDER A VUE ET PREVENIR AUSSITÔT LE MAIRE ET LA GENDARMERIE

3° - Militaires ou civils à allure suspecte : des personnes portant un uniforme français peuvent demander des renseignements sur la route à suivre, ou tous autres renseignements, avec un accent étranger,

GARDER À VUE ET PRÉVENIR AUSSITÔT LE MAIRE ET LA GENDARMERIE

 

 

CITATION du sgt HARDOUIN

« Jeune chasseur plein de fougue. Le 10 mai 1940, a attaqué sous un feu intense un peloton serré de bombardiers. A abattu un des ennemis avec la collaboration d’un autre chasseur, puis, son appareil étant en flammes, s’est jeté en parachute. »

Croix de guerre avec palme

 

 11 mai 1940 : la victoire des lt LEGRAND, s/lt CAVAROZ, s/lt SALAÜN, adj LE GLOAN, s/c LE GUENNEC, sgt GABARD, sgt DE GERVILLIER du III/6 

 et du s/c DOUDIÈS du GC II/7 (Pirey – 10h 00)°

 

Pirey – 10h 00 – Le Heinkel 111 codé « 9K + GH », du 1./KG 51 posé sur le ventre. L’équipage de cinq hommes a tenté sans succès de l'incendier

Les aviateurs allemands Zahnle, Lenkeit, Heyer, Lachmann et Geske ont été capturés

 

CITATION du lt LEGRAND

« Chasseur audacieux et habile. Le 7 avril s’est engagé avec un seul équipier contre une formation de quinze multiplaces. Le 11 mai, a abattu dans nos lignes un bombardier ennemi ».

Croix de guerre avec palme

 

CITATION du s/lt SALAÜN

« Jeune chasseur plein d’allant. Le 11 mai 1940, a pris part à un combat acharné contre un peloton de seize bombardiers ennemis »

Croix de guerre avec étoile de vermeil

 

CITATION du sgt GABARD

« Jeune chasseur plein d’allant. Le 11 mai 1940, a pris part à un combat contre un peloton de seize bombardiers ennemis. »

Croix de guerre avec étoile de vermeil

 

Mémoires de Raymond GABARD (1919/2018)

 

11 mai 1940 : la victoire de l’adj GOUJON et des s/lt MARTIN et COLONGE (Étuz – 18h 30) 

 

Avion abattu :

Heinkel 111 codé « G1 + FR » 2800 » du 7./KG55

KEISENHOFFER, RIEGER, ROSSMANN, SCHENKENGERG, SCHNALL

Perte :

Morane Saulnier MS n°963 (*)

S/lt COLONGE

parachuté à Beau mont-sur-Vingeanne

Perte :

Morane Saulnier MS n°412 (*)

Lt MARTIN

parachuté à Autrey-les-Gray

Perte :

Morane Saulnier 406 n°665

Adj GOUJON

posé en campagne à Broyes les Pennes

 

CITATION du s/lt COLONGE

« Jeune chasseur calme et audacieux. Le 11 mai 1940, avec deux autres chasseurs, a livré à sept bombardiers un dur combat qui s’est terminé par la chute d’un des avions ennemis dans nos lignes. S’est jeté en parachute hors de son appareil en flammes. »

Croix de guerre avec palme

 

CITATION du lt MARTIN

« Magnifique officier au caractère droit et énergique animé des plus belles qualités morales. Au cours d’un très dur combat contre un peloton de sept bombardiers, a abattu son troisième avion ennemi. A dû se jeter en parachute, son appareil ayant été mis en flammes par le feu adverse. »

Croix de guerre avec palme - Chevalier de la Légion d’Honneur

 

(*) En 2020, une verrière de MS 406 a été retrouvé dans le grenier de la mairie du petit village de Saint-Seine-sur-Vingeanne, situé à 6 kilomètres au nord des deux localités où les deux pilotes du GC III/6 se sont parachutés. En effet, le s/lt Colonge et le lt Martin, poursuivant le Heinkel 111 dont les deux moteurs fumaient, ont dû en effet abandonner en vol leur appareil atteint par les tirs précis du mitrailleur arrière du bombardier allemand qui est allé finalement toucher le sol à Étuz (20 km au sud-est). A ce jour, les lieux de chute des deux Morane, dont les débris ont dû être rapidement évacués, ne sont plus connus et il semble difficile de savoir avec certitude à quel appareil appartenait cette relique cachée et oubliée pendant 80 ans ! La commune a cédé cette verrière à un collectionneur passionné qui depuis une quinzaine d’années travaille à reconstituer un MS 406 non volant !

 

Photo de la verrière d’un des deux MS 406 abattus le 11 juin 1940 près de Saint-Seine-sur-Vingeanne et carte de situation de l’affrontement

 

Quelques documents officiels du GC III/6 concernant cet affrontement de la journée du 11 juin 1940

 

 11 mai 1940 : le s/c MERTZISEN met le MS 406 n°143 en cheval de bois à Dijon – Appareil réformé 

 

Incertitude sur le pourquoi et le comment d’un décollage à Dijon du s/c MERTZISEN avec le MS n°143 le 11 mai 1940

Le message « codé » signalant l’incident indique « cheval de bois au départ » et ne prescrit aucune enquête ; l’appareil sera réformé

« Vautour ?» à « Racine ?» : Taquin (= GC III/6) – Avion 14 (=MS 406)

 

CITATION de l’adj GOUJON

« Bien qu'il ait été, la veille, contraint de se jeter hors de son avion en flammes au cours d'un combat victorieux contre dix bombardiers, a Iivré de nouveaux combats, avec deux autres chasseurs, à un peloton de sept ennemis et abattu l'un deux dans nos lignes »

Croix de guerre avec palmes

 

Après ces deux première journées de la Campagne de France, c’est le calme plat le 12 mai (à part l’arrivée du capitaine STEHLIN comme second du commandant CASTANIER et du s/lt SATGÉ à la 6ème), et le 13 mai dans le secteur de Chissey où les aviateurs ne semblent pas être au courant des nouvelles ; on lit dans le livre de marche de la 6ème Escadrille pour le 13 : « Journée calme, plusieurs décollages sur alerte ont bien lieu sans résultat. En fin de soirée le s/lt CAPDEVIOLLE fait un essai de résistance de son gouvernail de direction contre les grilles qui bordent le terrain ! Essai satisfaisant pour les grilles !!!... » et le 14 mai « Début de matinée calme… ». Rien à ces deux dates dans le livre de marche de la 5ème Escadrille…

Mais pour la sixième Escadrille du GC III/6, ce 14 mai sera quand même journée de deuil : le sergent-chef BOYMOND, dans la pagaille du désastreux second bombardement de l’aérodrome de Dijon-Longvic, se retrouve seul, sans protection, et attaque néanmoins avec courage un groupe de trois bombardiers allemands, tandis qu’au même moment l’adjudant LE GLOAN préfère conduire un groupe de quatre Morane à la poursuite d’un seul Heinkel 111, qui sera finalement et heureusement mis au tapis, mais cette poursuite en valait-elle le prix ? Le lieutenant-colonel DAUPHINET, dans son rapport (voir plus- bas), ne manquera pas de faire remarquer à demi-mot l’individualisme de certains pilotes.

 

 14 mai 1940 : la mort du s/c BOYMOND (Prenois – 12h 00) 

 

Photographie du sergent-chef d’Émile BOYMOND

Offert à l’auteur par Mme. Corinne CEYLERON que je remercie

 

Page spécifique consacrée au sergent-chef BOYMOND

 

Destructions sur la Base du Dijon-Longvic du 14 mai 1940 infligées par les bombardiers allemands que le s/c Émile BOYMOND a attaqués seul, courageusement

Collection François-Xavier BIBERT

 

 14 mai 1940 : la victoire du s/lt KAWNICK (Preigney – 12h 45)°

 

Le Junkers 88-A1 W.Nr.4008 9K+EL 3./KG 51- abattu le 14 mai 1940 à Preigney par le sous-lieutenant KAWNICK – Les militaires sont des éléments du VIème Groupe du 294ème R.A.L.P., témoins du combat

Archives Pierre BIARD via Daniel GILBERTI

 

CITATION du s/lt KAWNICK

« Chasseur audacieux et habile. A abattu, le 14 mai, un bimoteur ennemi ».

Croix de guerre avec palmes

 

 14 mai 1940 : la victoire de l’adj LE GLOAN, du s/lt STENOU et des sgt TRINEL et DE GERVILLIER (Fougerolles -12h 45)°

 

Heinkel 111 « 9Q + DD » du 3./KG51 abattu à Fougerolles le 14 mai 1940

équipage : Matt Herbert, Siegfried Barth, Gerhard Schildt et Heinz Kazmirowski.

 

 

Rapport du lieutenant-colonel DAUPHINET (*)

commandant le Sous-Groupement 41

« Dans cette affaire, les éléments du Groupe III/6 engagés contre un ennemi très supérieur en nombre, ont fait preuve d'un allant digne des plus grands éloges.

Il est vraisemblable que les résultats obtenus auraient été bien supérieurs si les patrouilles avaient agi avec plus de cohésion.

L'examen des comptes rendus montre, en effet, des départs successifs de patrouilles.

·         Patrouille polonaise    11h05

·         s/c BOYMOND         11h35

·         adj LE GLOAN        11h 40

·         s/lt VILLEMIN         11h45

Exception faite pour la patrouille polonaise décollant sur un renseignement déterminé, les trois autres patrouilles devaient constituer un tout et s'attaquer, toutes forces réunies, à l'expédition de bombardement de la base aérienne de Longvic.

Au contraire, les efforts ont été dispersés, le sergent-chef BOYMOND, le sous-lieutenant KAWNICK se trouvant isolés, attaquent chacun un peloton alors qu'une patrouille entière (patrouille de l'adjudant LE GLOAN) s'attaque à un seul Heinkel 111.

Il est parfaitement admissible d'excuser cette faute de manœuvre après quatre jours de combats intensifs.

Les résultats de l'engagement (deux avions abattus) ont heureusement couronné les efforts individuels ; toutefois, nous avons à déplorer la perte de sergent-chef BOYMOND, qui avec le plus grand courage, s'est porté seul à l'attaque de trois avions ennemis. »

 (*) Le lieutenant-colonel DAUPHINET a succédé au colonel LAMON (+ 10/05/1940) comme Commandant du Groupement de Chasse 24. A la date du 15 mai, ce Groupement devient le Sous-Groupement 41. C’est donc lui qui a la charge d’analyser les comptes-rendus d'engagement des pilotes, avant de les transmettre au Général commandant la zone des opérations aériennes.

Nota :  Un nouveau groupement 24 a été formé sous les ordres du colonel TURENNE ; il comprend toutes les formations de l’aviation de chasse de la zone d’opérations aérienne des Alpes.

 

 

CITATION du sgt TRINEL

« A abattu le 14 mai 1940, en collaboration avec trois autres pilotes un bombardier ennemi. »

Croix de guerre avec étoile de vermeil

 

Le 17 mai Joseph écrit à son épouse : « Le bruit court que Chartres a été bombardé… je crois néanmoins en notre force et tout doit bien se passer… ».

Dans ces carnets, Julienne écrira le Dimanche 19 mai : « bombardement de Chartes à 18 heures »

Le 18 mai, Joseph : «…calme plat – Bon moral… ».

Le 19 mai l’adjudant GOUJON retourne récupérer son Morane n°665 posé à Broyes les Pesmes après son combat victorieux du 11 mai. Les mécaniciens ont dû beaucoup suer pu changer sur place le moteur qui avait été atteint par les mitrailleuses du Heinkel... Au décollage, GOUJON heurte une pierre de bornage et détruit le train d’atterrissage et l’aile gauche de l’avion qui sera finalement abandonné... De la même manière qui le 11 mai pour l’accident de MERTZISEN à Dijon (voir plus haut) un message « codé » est envoyé au même destinataire « Racine » ? (avec toujours Taquin = GC III/6 et Avion 14=MS 406), par un autre émetteur « Sautoir » ?, mais cette fois le commandant du sous-Groupement demande une enquête, ce qui entraîne la rédaction d’une note au chef du « 3ème Bureau, Section, I, Inspection intéressée ». Alors que tous ceux qui sont sur le terrain, pilotes, mécaniciens, et soldats sont en pleine adversité, on reste confondu en constatant qu’à l’arrière « la procédure » mobilise tant de monde et tant d’énergie... comme si on était en toujours en temps de paix !

  

Notes concernant l’accident du MS 406 n°665 de l’adjudant GOUJON du 19 mai 1940

 

Ce même jour, le colonel DE GAULLE, que personne n’avait voulu écouter, mis à part les généraux allemands, fait parler de lui pour la première fois en contre attaquant avec ses chars à Montcornet, pour l’honneur.

Joseph, comme sans doute tout le monde au III/6, n’a certainement jamais entendu parler de ce Général, mais il a perçu la rumeur qui annonce un très prochain déplacement de son Groupe. Il écrit le 19 mai : « …je crois que je ne resterai pas longtemps ici. Dommage, c’était un beau pays et les gens étaient très sympathiques. Je n’ai pas eu un journal depuis 4 jours, je ne sais donc pas ce qui se passe… »

C’est sur des cartes lettres fournies par la poste aux armées que Joseph écrit dorénavant presque tous les jours à son épouse. Seules une dizaine de ces cartes lettres ont pu être sauvegardées à temps car le reste de la correspondance et beaucoup de documents familiaux, pourtant conservés par Julienne pendant plus de 60 ans, ont été malheureusement brûlés par elle après la mort de Joseph en 2002, au grand désappointement de ses deux enfants…

Joseph ne s’était pas trompé : son Groupe, finalement peu sollicité en cette première semaine de la Campagne de France, se trouve trop excentré par rapport aux zones de combats principales. La décision a été prise : il doit remonter le 20 mai plus au nord et ce sera à Coulommiers.

Pour l’échelon au sol, les mécaniciens et quelques pilotes, deux Bloch 220 d’Air France sont réquisitionnés pour leur transfert en fin de l’après-midi du 20 mai. Joseph BIBERT s’est fait photographier avec son appareil pendant ce vol dans la cabine d’un de ses appareils, rare image...

 

Chissey – 20 mai 1940 – Départ pour Coulommiers

Embarquement des personnels du GC III/6 dans deux Bloch 220 d’Air France

Joseph BIBERT, crâne rasé, et d’autres mécaniciens dans un Bloch 220

pendant le vol entre Chissey et Coulommiers

 

Notons que depuis qu’il est arrivé dans le Jura, seuls 2 nouveaux pilotes ont rejoint le Groupe :

12 mai 1940

capitaine

STEHLIN

E/M.

7 décembre 1939

sous-lieutenant

SATGÉ

6ème

 

Par contre le capitaine TRAVERS, nommé commandant du GC I/10 (note en date du 2 mai, avec ordre de départ donné le 20 mai par le général ODIC, commandant la Z.O.A.S) ne suit pas le III/6 à Coulommiers et part à Oran vers sa nouvelle affectation. Il n’est resté que 4 mois ½ au Groupe et n’a quasiment pas volé. Il commandait le GC III/3 à sa création, Groupe qui fut victime d’un drame épouvantable le 28 août 1939, lors de son déplacement de Salon de Provence à Dijon. C’est le capitaine TRAVERS qui le conduisait, mais il dut faire demi-tour à cause d’une panne de son appareil, et c’est donc son second qui en prit la tête. Malheureusement celui-ci n’avait pas participé à la préparation du vol et quand les Morane se sont retrouvés perdus dans une brume épaisse, la décision prise de voler à vue au ras du sol fut une erreur. Les appareils se dispersèrent et sept d’entre eux percutèrent dans une vaste zone de plus de 40 km en Saône et Loire. On déplora trois pilotes tués et 4 blessés graves. L’Armée de l’Air et le chef du Gouvernement décidèrent de tirer un voile pudique sur ce tragique évènement au moment de l’entrée en guerre du Pays, mais la carrière du capitaine TRAVERS, qui ne reprit jamais le dessus, en subit évidemment les conséquences...

 

Photographie aérienne de 1960 prise à la verticale de l’ancienne plateforme de Chissey, entièrement remise en culture dès 1943

 

 

 

 

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COULOMMIERS

20/05/1940 – 31/05/1940

 

Lien vers la page :

Les aérodromes du Groupe de chasse GC III/6 de la campagne de France

 

Ce furent à Coulommiers 10 jours terribles pour le Groupe GC III/6...

On peut croire que la réalité de la situation commence à apparaître pour ceux du GC III/6 et le moral semble devenir plus fluctuant. La censure ne permettant pas de parler géographie, Joseph écrit à son épouse en la contournant :

Le 21 mai : «…On a liquidé l’ancien quartier. On a été prévenu hier à 10 heures. A 15 heures on était en l’air, pilotes et mécanos. On est parti par un avion d’Air France. On est à 52 km de la capitale, sur l’horizontale à l’est. On ne sait quoi faire et je crois qu’on est de passage ici… ».

De fait près les vingt Morane 406 rescapés qui ont décollé le 20 mai en début d’après-midi de Chissey, suivi un peu plus tard des deux Bloch 220 d’Air France avec les mécaniciens et le petit chevreau devenu dans le Jura la mascotte de l’Escadrille sont bien arrivés la veille à Coulommiers.

S’ajoutant à l’inévitable sentiment de fatigue, une bien désagréable surprise attend à présent les pilotes du GC III/6 : Coulommiers est loin d’être dans la réalité des choses la base « modèle » qu’il leur avait été décrite.

Le terrain est situé sur le territoire du secteur de l’Air 51, commandé par colonel DOMINO. Son poste de commandement est à Paris. Il est rattaché pour ses ravitaillements techniques au Parc 12/118 d’Orly.

L’impréparation de la plateforme est totale alors qu’on vantait partout le camouflage de la Base réalisé par les meilleurs spécialistes ! Il est vrai que des bandes de formes et de couleurs diverses ont été mises en culture, mais l’herbe haute, jamais fauchée, dissimule des bornes en pierre dangereuses, mais surtout, il n’y a ni postes de commandement enterré, ni tranchées pour abriter le personnel. Rien n’existe à proximité pour le loger, à part quelques fermes éloignées. Les officiers et sous-officiers pilotes doivent s’installer à huit kilomètres dans le village de Faremoutiers, ce qui n’est pas idéal en cas d’alerte. En effet le colonel Domino a refusé de les loger en hôtel à Coulommiers. Les mécaniciens sont à Boussois et l’unité administrative dans une ferme isolée à Voisins !

La Compagnie de l’Air 75/118 du capitaine Pierre COSTANTINI est aux abonnés absents. En matière de transmissions, il n’y a pas de détachement attaché à la Base d’une part, et d’autre part, il n’y a même pas de liaison entre les postes de commandement du Groupe et de ce ceux des Escadrilles, les fils aboutissant en plein champ permettant à n’importe qui de se mettre à l’écoute !

Il faut enfin ajouter à ce triste tableau une organisation l’absence de dépôt de munitions et de stock de bouteilles d’oxygène.

La défense du terrain comprend :

·         Quinze mitrailleuses M.A.C.

·         Trois canons de 85 m/m montés,

·         Trois canons de 25 m/m mon encore montés.

Devant l’ampleur de ces multiples carences, le commandant CASTANIER du GC III/6 va s’empresser de faire toutes les demandes nécessaires pour tenter de remédier tant bien que mal à la situation. Il est d’ailleurs assez curieux de souligner ici que Coulommiers n’est pas à cette date une base aérienne inactive puisqu’elle abrite déjà une Escadrille de la RAF, le N°. 212 Squadron de reconnaissance photographique, équipée de Bristol Blenheim et d’un Spitfire.

 

Coulommiers - Bristol « Blenheim » MK 4 – Serial L9466 – Codé « PZB » du n°53 squadron R.A.F.

Coulommiers - Bristol « Bombay » MK 1 de la R.A.F (transport de troupes).

Curtiss H-75A-1 n°36 du cdt Georges GUYOT commandant le Sous-Groupement de Chasse 43

Photographies de Robert ROHR, mécanicien de la 5ème Escadrille

 

Mémoires de Jean MENNEGLIER – Coulommiers

  ...Comme il nous manquait des avions je fis le trajet à bord d'un Bloch 220 d'Air France réquisitionné pour les transports militaires. Coulommiers était le terrain d'essai du camouflage. Mais la proximité d'une fourche caractéristique de routes nationales ne devait pas rendre son repérage difficile ! On avait même tracé une fausse route entre un hangar et le Club House converti en P.C. du Groupe. Les bombardiers allemands qui nous rendirent visite (le 26 mai) durent s'aligner sur elle pour leur attaque... ...peut-être le camouflage des bâtiments aurait-il pu tromper des chasseurs, quoique je ne me souvienne pas d'avoir eu de difficulté pour retrouver le terrain en rentrant de vol...

Nous arrivâmes à Coulommiers au moment de la percée de Sedan. Je vis un jour une unité d'artillerie de 105 « Rimailho » tractée par des chevaux traverser la ville. Au moment où les chars allemands déferlaient sur le nord de la France cette vision me surprit un peu. Mais encore plein d'espoir sur les capacités de nos forces terrestres je ne me rendis pas exactement compte de ce que ce spectacle avait d'anachronique et si j'avais réfléchi davantage j'aurais sans doute été pris de crainte sur la suite des événements.

A Coulommiers, nous logions à l'hôtel de l'Ours qui avait été réquisitionné. Nous y prenions nos petits déjeuners et certains de nos repas. Le terrain était situé assez loin au nord de la ville. Notre Escadrille était logée sous deux tentes « Sarrade » noires qui devaient bien se voir au milieu du champ de blé en herbe dans lequel on les avait dressées. Nous étions placés en « chasse d'armée », c'est à dire que nous devions assurer la couverture des troupes...

 

Lettre du 21 mai 1940

de la mère de Jean MENNEGLIER,

promotion 1937 de l’École de l’Air

jeune sous-lieutenant à

La 6ème Escadrille du GC III/6

Mardi, 21 mai 1940

 

Mon Jean,

 

Nous vivons des instants graves. L’appel ce soir du Chef du Gouvernement a jeté dans nos cœurs, sinon le désespoir, du moins la minute du danger. Ayons foi en la miséricorde et attendons avec confiance. De plus en plus notre pensée est avec toi qui nous en sommes sûrs fais vaillamment ton devoir. Quel rôle difficile vous avez à remplir !

Ici, tranquillité relative, trop de lourdes pensées.

La vie continue pour papa el moi...

Notez la flamme postale sur l’enveloppe : « L’AVIATION EST LA PLUS BELLE DES CARRIÈRES » !

 

Dès le lendemain matin, le 21 mai, 18 Morane du GC III/6 sont engagés dans le Secteur de Cambrai-Bapaume où ils doivent rejoindre à 16h 00 des Dewoitine 520 du GC I/3 de Meaux-Esbly. Le résultat est catastrophique. Les avions du GC III/6 réussissent à éviter les tirs de barrage de la « Flak », mais la patrouille basse est prise à partie par 6 Messerschmitt Bf 109 ; un pilote est tué, le sgt THIROUX de GERVILLIER sur son MS n°803 « Le Dahut », (6ème) un autre est gravement blessé, le s/lt CAVAROZ (5ème), et un troisième, également blessé, est fait prisonnier, le s/lt SALAÜN (5ème). Le Groupe perd finalement 3 avions et 2 autres sont très sérieusement endommagés. Les Messerschmitt 109 se sont avérés une nouvelle fois plus rapide que les Morane 406.

Page spécifique consacrée au sergent De GERVILLIER

 

CITATION du s/lt CAVAROZ

« Jeune pilote plein d’allant. A contribué, le 11 mai 1940, à une victoire sur un avion ennemi. Assez grièvement blessé par des éclats d’obus, le 21 mai, a fait preuve d’un magnifique courage en ramenant en territoire français son avion très endommagé par des tirs de défense contre avions. »

Croix de guerre avec palme

 

CITATION de l’adj GOUJON

« Chef de patrouille de grande valeur, a été attaqué, la 21 mai 1940, par trois avions ennemis. Après avoir réussi à dégager son équipier, a eu son avion gravement endommagé par un obus de la Flak et a dû, faute d'essence, atterrir à quelques kilomètres des lignes ennemies. A pu rentrer à son terrain après s'être procuré du combustible, dans des conditions difficiles, Le 10 mai, a sauté en parachute, son avion en flammes. Le 11 mai, est revenu avec un avion criblé de balles »

Croix de guerre avec palmes

 

Joseph, le 22 mai : « …sur ma paillasse, une lampe de poche dans ma main gauche… dans le secteur, rien de nouveau, santé, moral bon, sans excès… ».

Un groupe de 9 MS 406 du GC III/6 décolle en début d’après-midi pour effectuer une nouvelle mission sur le secteur de Bapaume-Cambrai, mais ce jour-là tous les chasseurs rentrent sans problème.

CITATION du sgt BOUIN

« Jeune pilote courageux, équipier d’une patrouille légère, s’est trouvé engagé à sa première sortie contre quinze Me 110 ; a très bien soutenu son chef de patrouille qui a contribué à abattre un Me 110 dans nos lignes. Le 22 mai 1940, après avoir été pris à partie par un violent tir de Flak, se trouvant seul, a été attaqué par deux Me 110 ; a réussi à se dégager et ramener son avion sur un terrain français. »

Croix de guerre avec étoile de vermeil

 

CITATION du s/lt MENNEGLIER

« Jeune officier pilote de chasse qui a effectué de nombreuses missions de défense aérienne du territoire, le 22 mai 1940 a assuré une mission de chasse d’armée jusqu’au bout sous un tir violent de D.C.A. »

Croix de guerre avec étoile de bronze

 

Mémoires de Jean MENNEGLIER – Coulommiers – 22 mai 1940 – Première mission

 ...nous fîmes une première mission le 22 mai au-dessus de la Somme où les Allemands venaient de faire une percée pour tenter d'encercler les troupes anglaises et les nôtres engagées en Belgique au moment de leur attaque le 10 mai. Je me souviens encore de l'angoisse qui m'étreignait en attendant au sol l'heure du départ. Elle disparut heureusement quand je me trouvai en l'air. Nous fûmes accueillis par un feu nourri de D.C.A. Bien qu'évoluant et changeant d'altitude nous fûmes encadrés par de gros flocons noirs. Nous entendions le bruit des explosions et étions secoués par leur souffle. Nous parcourûmes ainsi tout le cours de la Somme jusqu'à la mer. A un moment un obus éclata juste devant moi. Je passai dans le nuage noir et rentrai instinctivement la tête dans les épaules craignant de recevoir des éclats alors que tout danger était passé. En évoluant on pouvait voir notre route jalonnée d'éclatements. Les bougres devaient avoir avec eux un sacré nombre de pièces de D.C.A. et des munitions en abondance. Certains prétendirent avoir aperçu des Me 110 mais, même quand nous sortîmes du champ d'action de la D.C.A à l'embouchure de la Somme, je ne vis rien. Nous allâmes nous poser sur le terrain de Rouen pour faire le plein avant de rentrer à Coulommiers. Il faut dire que c'était une sage précaution. En effet en patrouille de chasse il faut évoluer constamment pour surveiller les arrières du C.P. et pour cela adopter un régime moteur supérieur au sien, donc consommer davantage. Aussi ne devait-il pas se fier aux indications de son jaugeur et penser que ses équipiers auraient la panne sèche avant lui...

 

Joseph le 23 mai : «…demain je vais avoir une chambre chez l’habitant…RAS toujours, j’ai bon espoir… »

Toujours des opérations de soutien aérien aux troupes françaises qui tentent vainement de freiner l’avance de la Wehrmacht dans le Nord et en Picardie.

Le 24 mai les choses vont plus mal : « J’ai passé une bonne nuit, dans un bon lit, chez l’habitant dans un patelin voisin… Les Fritz passent tous les jours. Chez nous, trois disparus : deux sous/off et le commandant du Groupe, sans nouvelles depuis 48h... »

C’est en effet au cours d’un rude combat opposant 12 Messerschmitt 110C à 3 MS 406 du GC 3/3, 2 du GC III/6 et 3 Dewoitine 520 du GC II/3 que le Morane Saulnier 406 n° 134 du Commandant CASTANIER a été sévèrement touché près de Cambrai. Grièvement blessé et pris à partie de surcroît par la DCA française, il saute en parachute alors que son Morane s’écrase en flammes. Il mourra le lendemain dans un hôpital lillois. Le s/lt COLONGE, avec le MS 406 n°675, également blessé s’est parachuté et a été fait prisonnier.

Le Commandant CASTANIER pressentait la défaite à venir et il avait fait part à certains de ses hommes que de sa propre autorité il conduirait le Groupe en là où on pourrait encore poursuivre le combat, ceci trois semaines avant l’appel du Général de Gaulle. Il est remplacé « casus morti » par le capitaine STEHLIN (33 ans), qui vient d’arriver le 12 mai à l’État-major du Groupe, après avoir été attaché militaire à l’Ambassade de France à Berlin de 1935 à 1939 sans avoir beaucoup volé.

 

Page spécifique consacrée au commandant CASTANIER

 

CITATION de l’adj JAPIOT

« Excellent chef de patrouille, a attaqué le 24 mai 1940 une grosse formation de bombardiers, a atteint deux d’entre eux qui ont été vraisemblablement abattus. »

Croix de guerre avec étoile de vermeil

« Excellent sous-officier. Bon pilote de chasse plein d’allant et de courage. A participé à toutes les missions importantes du Groupe.

 

CITATION du cne BERNACHE ASSOLLANT

« Pilote de grande classe ayant conservé la plus grande modestie. Excellent chasseur animé du plus bel esprit de sacrifice et de la plus grande ardeur au combat. A donné la mesure de ses qualités de pilotes dans les combats aériens des 21 et 24 mai en protégeant ses camarades contre une chasse ennemie très supérieur en nombre. »

Croix de guerre avec étoile de vermeil

 

Mémoires de Jean MENNEGLIER – Coulommiers – Le 24 mai 1940

  ...il y eut une autre mission le 24 Mai vers le nord avec une formation très importante qui comportait une patrouille triple, c'est à dire 9 avions. J'étais équipier bas de la patrouille inférieure. Les patrouilles évoluaient les unes par rapport aux autres pour se protéger mutuellement. Je vis à un moment passer près de moi l'avion de Kawnick reconnaissable à son damier. Je ne sais ce qu'il faisait là car il était équipier haut de la patrouille supérieure. A un moment je vis en dessous de nous, essayant de se faufiler dans une couche de strato-cumulus, une formation d'Amiot 143 qui normalement pratiquait le bombardement de nuit. C'étaient des avions périmés et très lents. Je plaignis de tout mon cœur les gars qui faisaient cette mission de sacrifice. Je ne me souviens plus très bien du reste de la nôtre. Il me semble que ma patrouille se trouva séparée du reste de la formation. J'étais avec Japiot qui, à un moment, se mit à gigoter devant moi. Je regardai de tous mes yeux mais ne vis rien. Nous finîmes par nous retrouver avec la patrouille Guerrier-Assolant et rentrâmes au terrain. Ils prétendirent avoir vu des avions allemands. Ce fut ce jour-là que le cdt Castanier fut tué, Colonge et Salaün descendus et faits prisonniers...

 

Le 25 mai, les pilotes du III/6 attaquent vaillamment des groupes ennemis malgré leur grande infériorité numérique et c’est au cours de ces journées que la fougue des pilotes du GC III/6 s’exprimera le mieux et deviendra légendaire. Plusieurs appareils sont perdus et plusieurs autres gravement endommagés. Les Morane du vétéran, le capitaine CHAINAT, et de l’adj. DIAZ sont littéralement à l’état de passoire quand ils reviennent se poser à Coulommiers. Malheureusement le sergent MAIGRET a été tué près de Travecy à bord du Morane n°524 (6ème). Un BF 110 et un Dornier 17 ont été abattus. Les s/lt DE ROUFFIGNAC et VILLEMIN gravement touchés doivent se poser en catastrophe en Picardie. Le GC III/6 n’a plus que cinq appareils en état de vol.

Page spécifique consacrée au sergent MAIGRET

 

L’épave du MS 406 n° 525 du sergent Charles MAIGRET de la 6ème Escadrille

à Travecy, 16 km au sud de Saint-Quentin, sous la garde de soldats allemands

 

Le Morane Saulnier MS 406 n° 627 codé 7 « Pita » du s/lt DE ROUFFIGNAC de la 5ème posé en campagne, mal en point, près de Montdidier le 25 mai 1940

Photographies Jean MENNEGLIER – Droits réservés

 

Ambleny (Aisne) – Après le 25 mai 1940 – Dans les lignes allemandes

Le Morane 406 n°458 incendié du lieutenant VILLEMIN, grièvement brûlé ; il a pu cependant poser son appareil en feu après avoir été abattu

 

CITATION du s/lt de ROUFFIGNAC

« Jeune officier, brave autant que modeste, excellent pilote de chasse. Le 25 mai 1940, pris à partie par plusieurs Me 110, son avion ayant été criblé de balles et d’obus par l’ennemi, a réussi à ramener son avion dans nos lignes après s’être dégagé par d’habiles manœuvres. »

Croix de guerre avec étoile de vermeil

 

CITATION du s/lt CAPDEVIOLLE

« Jeune officier courageux et bon chasseur. Le 25 mai 1940, a très bien soutenu son chef de patrouille engagé contre une formation de Me 110, très supérieur en nombre. »

Croix de guerre avec étoile de bronze

 

Joseph le 26 mai : « Donc il parait que c’est aujourd’hui notre bombardement. Hier déjà 28 méchants ont survolé le terrain. Ils ont tout lâché à plusieurs kilomètres mis en fuite par autant de chasseurs. A part cela, tout va bien. La confiance règne et bientôt Hitler aura fini de régner…Chartres a donc eu le baptême du feu. Soit toujours très prudente et n’aie pas peur de te sauver si tu vois les nazis… »

Le 27 mai : « Comme prévu, on a bien eu notre baptême du feu. Sous le coup de 13h30 un des sous-offs voit apparaître une vague d’avions suspects. Juste le temps de courir dans un fossé. On a été bien arrosé de bombes et même mitraillé. 70 bombes sont tombées. 1 Morane 406, 2 Simoun (1), 1 hangar, 1 soldat ne répond plus à l’appel. On attend incessamment la suite. Ne craint rien. Je surveille l’horizon et me débinerai à temps… »

(1) Caudron Renault C.635 « Simoun » : appareil de tourisme à aile basse monomoteur de 1935, aussi utilisé par l’Armée de l’Air comme appareil de liaison et d’entraînement au pilotage

C’est le 26 mai, au moment où 6 Morane du Groupe rentraient d’une mission d’escorte d’un Dewoitine 338 d’Air France vers Londres avec le premier Ministre Paul RAYNAUD à son bord, que 30 bombardiers Heinkel 111 volant à 2 500 mètres avec des bombes de 50 et 100 kg, escortés par 4 Messerschmitt 110 ont attaqué Coulommiers. Les archives militaires situent cette attaque à 13h 15. Les dégâts et les pertes sont finalement minimes par rapports aux moyens employés et la piste reste praticable. Un soldat a été tué lorsque l’armurerie de la 5ème Escadrille a été touchée et un autre blessé. Le Morane 406 n°558 (ci-dessous) a totalement brûlé, et trois autres, les n° 234, 673 et 925 fortement endommagés seront évacués.

Le MS n°558 de la 5ème Escadrille incendié lors du bombardement du 25 mai

Photographie de Robert ROHR, mécanicien de la 5ème Escadrille

 

Le soldat tué s’appelle Émile MARCHAL. Il entre en effet à l’hôpital militaire de Coulommiers le 26 mai où il décède le même jour, mort au Champ d’Honneur. Il n’y a donc pas que les pilotes qui sont victimes du conflit. Dans la courte énumération des pertes que le s/c BIBERT fait à son épouse la perte de « son » Morane et de « son » hangar sont cités avant celle de ce modeste « troisième couteau » ! Celui-ci, comme bien d’autres, faisait pourtant la guerre avec autant de détermination et de courage que ceux qui ont été mis en lumière par l’Histoire. Ces obscurs passèrent cependant à travers les distributions d’honneurs, médailles et citations ; c’est pour ne pas les oublier, qu’ici en annexe, une page a été consacré ce valeureux jeune armurier...

Page spécifique consacrée au soldat MARCHAL

 

Joseph, comme tous les autres, eut « la trouille de sa vie » ce jour-là, ce qui le décida à prendre quelques photographies des hangars détruits. C’est ainsi qu’on dispose aujourd’hui d’une des rares images du MS 406 du capitaine Jean ASSOLLANT, le n°673 (L-702) de la SNCAO qu’il toucha à Nantes au début du mois de novembre 1939. Liberté des chefs charismatiques, ASSOLLANT a fait peindre sur la dérive l'insigne de la S.A.C.M. (Société de l’Aviation Civile de Madagascar) et a baptisé son appareil « La Pouille ».

 

Ces deux photographies ont été prises par le s/c BIBERT, chef de Hangar de la 6ème Escadrille après le bombardement du terrain de coulommiers le 25 mai 1940

Sur la photographie de droite, on voit le MS 406 n° 673 « La Pouille » du capitaine Jean ASSOLLANT (État-major du Groupe), reconnaissable à l’insigne de la S.A.C.M (Aviation Civile de Madagascar)

Le 25 mai 1940, l’avion était immobilisé dans ce hangar depuis deux jours car un bout de plan était à changer. Il sera abandonné au départ du Groupe le 31 mai.

C’est à partir de ce document exceptionnel que des illustrateurs ont pu immortaliser cet appareil mythique affecté en 1940 au premier Français à avoir traversé l’Atlantique nord en 1929 !

Photographies Joseph BIBERT – Droits réservés

 

 

Morane Saulnier MS 406 n° 673 « La Pouille » du capitaine Jean ASSOLLANT

 

Lire :  « ASSOLLANT, ses « Pouilles » et MADAGASCAR » (Avions HS n°34)

 

Mémoires de Jean MENNEGLIER – Coulommiers – 26 mai 1940 – Bombardement

 ...Un après-midi j’étais sur le terrain dans la tente de l'escadrille. Une formation de plusieurs avions venait de rentrer de mission et on était en train de faire le plein quand la sirène d'alerte retentit. Etant sorti, j'aperçus une formation de Heinkel 111 en deux sections qui se dirigeait droit sur le terrain. Aucun avion n'était en mesure de décoller à part un Potez 63-11 d'observation qui roulait en se dirigeant vers la soute et prit le parti de décoller. Comprenant que nos avions allaient être la cible, nous nous mîmes à courir à travers champs pour nous en éloigner le plus possible car il n'y avait aucune protection à proximité. Au moment où les bombes commencèrent à tomber en sifflant nous étions en terrain découvert. Nous entendîmes les premières explosions. Chacun se jeta dans un sillon. Au lieu de nous éloigner de la traînée, nous nous étions presque mis dessous car la section qui visait nos avions rata complètement son tir et envoya ses bombes dans les champs. La traînée passa à une cinquantaine de mètres de moi. J'étais secoué à chaque explosion et je sentais les ondes de choc me frôler le dos. A un moment je reçu un éclat de bombe qui vint me tomber sur la main, me brûlant légèrement. Nous nous en sortions bien. L'autre escadrille avait été un peu plus secouée. Quelques avions avaient été touchés et un soldat qui, les jambes coupées par la peur, avait un peu trop tardé à rejoindre la tranchée-abri, fut tué par un éclat. Nous n'avions pas eu de dégâts et nos avions étaient intacts. Nous nous mîmes à creuser des tranchées à proximité de la tente ce que nous avions complètement négligé de faire auparavant. Nous n'étions vraiment pas préparés à faire la guerre.

Il y avait à côté de nous une batterie de jumelage Hotchkiss de 12 mm servie par du personnel de la Compagnie de l'Air. Ils avaient tiré courageusement sur les avions qu'ils ne risquaient pas d'atteindre à l'altitude où ils étaient et quand nous les avons interrogés pour savoir comment ils faisaient leur visée ils répondirent qu'ils visaient les croix noires. Eux aussi étaient mal préparés.

 

Sur le front, ce n’est pas encore la débandade, mais ces trois dernières lettres terribles de Joseph témoignent bien de l’incompréhension totale des événements que ressent la majorité des combattants à ce moment de la guerre qui s’avère maintenant perdue.

Joseph le 28 mai : « Il est 5h10. Je suis au volant de la Matford. On attend d’un instant à l’autre l’ordre de départ. Les Fritz n’ont pas osé venir hier. Cela n’empêche que dès qu’on voit des avions suspects on se planque dans notre terrier. Moi en principe je me débine soit en vélo soit en Matford… ici on bouche les trous… tu pourrais peut-être tenter de venir ici avec la voiture mais c’est risqué… »

 

Une commande de camions Matford prête à être livrée à l’Armée de l’Air en 1939

 

Ceci est le dernier courrier de Joseph à Julienne connu et du fait des mouvements de l’un et de l’autre dans les semaines qui suivirent, il est fort possible qu’il n’y en ait pas eu d’autres. Ces courriers sont soumis à la censure militaire et restent donc très flous sur les pertes. Les victimes sont « disparus » ou « ne répondent pas à l’appel » : il faut préserver le moral de ceux de l’arrière…

La mention du vélo, dans le courrier daté du 28 est intéressante. Joseph et Julienne avaient chacun un vélo au début de la guerre. Joseph a toujours dit à son épouse : « Quoi qu’il arrive, ne t’encombre pas de la voiture (leur Peugeot 201 acheté la veille de leur mariage en octobre 1939) parce que tu ne trouveras peut-être pas d’essence, mais ne te sépare jamais de ton vélo... ». Il a réussi l’exploit de ne pas se séparer du sien pendant toute la bataille, le transportant dans un véhicule de l’échelon roulant et à l’embarquer dans le bateau qui évacuera le Groupe en Algérie (21 au 27 juin). La voiture de Joseph et Julienne servit pour l’exode de sa famille, elle survécut à la guerre, cachée dans une grange à Chartres. Joseph, Julienne et leurs deux enfants en profitèrent ensuite de 1945 à 1953. Julienne quitta Chartres dans un convoi militaire quand les personnels civils de la BA 122 où elle travaillait reçurent le 12 juin l’ordre d’évacuation immédiate vers Cazaux. Ils y arrivèrent le 13 au soir après une nuit passée à la caserne de Poitiers. Elle avait réussi à charger son vélo sur le toit d’un des autocars de ce convoi qu’elle put ainsi récupérer en Gironde !

La Mère de Julienne, sa belle-sœur et ses deux nièces, sa ½ sœur, une tante paternelle et ses deux petits-enfants, ayant quitté Chartres avec la 201 et une autre voiture dans lesquelles ils s’entassèrent avec quelques bagages, arrivèrent tant bien que mal jusqu’à Vodable, charmant petit village au-dessus d’Issoire dans le Puy de Dôme, où deux veuves charitables purent leur fournir de quoi se loger sommairement. Après l’armistice Il fut très difficile à Julienne de savoir où sa famille et son mari, mais quand elle eut le 6 juillet 1940 les informations nécessaires sur sa présence en Algérie, c’est à bicyclette et au prix d’incroyables aventures qu’elle effectuera les 500 kilomètres séparant Cazaux de Vodable où elle arrivera le 29 juillet 1940. Après avoir repris des forces, c’est avec la même ténacité, ayant décidé contre toute raison de quitter Vodable et de rejoindre Joseph au-delà de la Méditerranée, qu’elle gagnera un peu plus tard Marseille par le train... avec sa bicyclette en bagages accompagnés ! Elle s’embarquera avec culot et en toute illégalité sur un des derniers bateaux en partance pour l’Algérie, toujours avec sa bicyclette..., pour retrouver enfin son époux à Alger la blanche le 19 août 1940. A Fort de l’Eau, à quelques kilomètres d’Alger et au bord de la mer, là où Joseph et Julienne habitèrent dans une petite maison jusqu’à l’automne 1944 pour lui et jusqu’au printemps 1945 pour elle, les deux bicyclettes furent un luxe particulièrement apprécié. Mais ceci est une autre histoire...

 

  

Vodable (Puy de Dôme) en juillet 1940 et juste après la guerre

 

Fin mai, le Groupe III/6 est littéralement à bout de souffle et n’a quasiment plus d’avions en état de vol, mais le moral semble encore bon. Le 29 mai est calme. Le 30 mai, il reçoit pour survivre une dizaine de Morane Saulnier 406 en mauvais état, en provenance du GC III/2 ; le journal de marche de la 6ème Escadrille mentionne : « Nous sommes néanmoins très désappointés d’avoir encore des Morane à casser, quand verrons-nous les Dewoitine 520 ou Curtiss P-40 ». Les nouveaux pilotes envoyés en renfort n’ont pas encore l’entraînement nécessaire aux opérations de première ligne.

Le Groupe totalise à ce jour 96 missions de guerre et 324 sorties.

 

 

 

 

 

 Deux documents permettant d’apprécier les préoccupations administratives de l’Armée de l’Air en pleine guerre... 

 Dans le même temps on casse des Morane qui coûtent un peu plus qu’un kilo de sucre ou qu’un caleçon ! 

 

 

 

 

Nombre de jours

Effectifs max.

Effectifs min.

Journées

Pain

Pain par homme

Vin

Vin par homme

Viande

Viande conserve

Viande par homme

Haricots

Pâtes

Riz

Total par homme

Sucre

Sucre par homme

Café

Café par homme

Graisse

Sel

Sucre

Sucre par homme

Chocolat

du

au

 

 

 

 

kg

gr.

litre

litre

kg

kg

gr.

kg

kg

kg

gr.

kg

gr.

kg

gr.

kg

kg

kg

gr.

kg

24-mai

25-mai

2

115

112

227

110

484

110

0,5

88,0

 

388

 

 

11,0

48

10,0

 

 

 

 

 

10,0

 

 

26-mai

27-mai

2

110

110

220

110

500

110

0,5

88,8

 

404

11,1

11,1

 

101

 

 

 

 

10,0

 

 

 

 

28-mai

29-mai

2

109

139

248

110

443

110

0,4

88,0

 

355

11,0

 

11,0

89

20,0

 

22,0

 

10,0

13,2

20,0

 

 

30-mai

31-mai

2

139

139

278

140

503

140

0,5

112,0

 

403

 

14,0

14,0

101

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1-juin

2-juin

2

132

132

264

132

500

132

0,5

105,6

 

400

13,2

13,2

 

100

8,4

 

6,1

 

8,0

5,3

8,4

 

 

1-juin

Vivres de route

4

132

132

528

370

700

264

0,5

 

158,0

299

36,0

 

36,0

136

25,0

 

19,0

 

5,5

 

25,0

 

27,0

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TOTAL

 

 

 

1765

972

550

866

0,5

482,4

158,0

363

71,3

38,3

72,0

103

63,4

36

47,1

27

33,0

18,5

63,4

36

27,0

 

Bordereau récapitulatif des denrées délivrées à titre gratuit par la Compagnie de l’Air 75/118 au Groupe de Chasse III/6 pour la période du 24 mai au 6 juin 1940

Le fait que le 1 juin des vivres pour 4 jours de route ont été distribués semble bien prouver que le déplacement de l’échelon roulant de Coulommiers au Luc a été beaucoup plus long et chaotique que ce qui en a été dit dans les « archives officielles », ce qui est confirmé par les légendes portées au dos des photos du sergent Jules Piesvaux (voir  plus  bas dans cette page).

 

DATES

DETAIL DES EFFETS REÇUS

Inscrire les effets à la suite des uns des autres

exemple : 22 chemises, 15 caleçons...

DATES

DETAIL DES EFFETS TRAITÉS

Inscrire les effets à la suite des uns des autres

exemple : 22 chemises, 15 caleçons...

15 mai 1940

20 vestes de treillis

13 avril 1940

  4 capotes AA

 

20 pantalons de treillis

 

22 vestes drap

 

         Pour la Compagnie de l’Air 23/102

 

12 pantalons drap

 

 

 

27 pantalons de treillis

26 mai 1940

11 vareuses AA  + 16 ceinturons

 

  5 caleçons

 

  5 pantalons AA ° 15 bretelles de fusils

 

12 vestes de treillis

 

  4 vestes de treillis

 

38 paires de chaussettes

 

  1 pantalons de treillis

 

11 bérets

 

  3 chemises

 

12 sabots (paires)

 

  7 caleçons

 

20 chaussons (paires)

 

11 paires de chaussettes

 

25 chaussures (paires)

 

         Pour le Compagnie de l’Air 75/118

 

Effets à réformer à la base de Reims,

 

 

 

Service Habillement de l’A.R. 52

Le 8 juin 1940

65 pantalons AA

 

 

 

15 casques AA

20 avril 1940

  8 paires de brodequins

 

  5 chemises AA

 

50 paires de bandes moletées

 

50 bérets

 

 

 

20 vestes AA

 

 

 

 

15 mai 1940

200 couvertures

 

 

 

 50 cache-nez

 

 

 

 44 passe-montagnes

 

 

 

   6 peaux de moutons

 

 

 

Effets remis à la Compagnie de l’Air 23/102

 

 

 

 

 

Une double page du registre du suivi des mouvements des effets d’habillements concernant le GC III/6

 

 

 

 

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LE LUC en PROVENCE

31/05/1940 – 18/06/1940

 

Terrain du Luc en Provence – Photo aérienne de 1950

 

L’espoir de tous les pilotes et mécaniciens de toucher enfin les fameux Dewoitine 520 est finalement exaucé par le Général d’HARCOURT, conscient de l’état de fatigue du GC III/6.

On annonce alors au Groupe, à son grand soulagement, après les très dures journées de Coulommiers, son prochain transfert sur la base du Luc, dans le Var, à la fois pour faire face à l’entrée en guerre de l’Italie qui semble inéluctable et aussi pour recevoir et prendre en main ses nouveaux appareils : voir carte. Le D.520 restera le seul chasseur français de 1940 capable de rivaliser avec les meilleurs chasseurs allemands du moment ; s’il est un peu moins rapide et moins bien armé, il peut prendre l’avantage grâce à une plus grande maniabilité. Mais il est arrivé bien tard dans les escadrilles !

Le III/6 reçoit l’ordre de son départ dans la soirée du 30 mai et le lendemain 31 mai les Morane décollent à 16h 00, via Lyon Bron pour un ravitaillement. Mais avec la nuit tous n’arrivent pas ce jour-là au Luc ; un reste à Lyon, pour être détruit le lendemain lors du bombardement de cet aérodrome (MS 406 n° 933), d’autres se posent à Aix en Provence, Marignane ou Hyères.

MS 406 - Patrouille polonaise

 

Le Morane MS 406 n°933 de la patrouille polonaise du GC III/6 posé à Lyon Bron le 31 mai et détruit le 1er juin 1940

 

Une partie des mécaniciens, dont Joseph BIBERT, sont transférés par la voie des airs. L’échelon roulant suit par voie ferrée ; le sergent mécanicien de la 5ème Jules PIESVAUX a pris les trois photographies ci-dessous, images rares et inédites, qui permettent de penser que son transfert aura duré 4 jours, du 2 au 5 juin, mais il est vraiment étonnant de lire dans les archives officielles « L’échelon roulant, embarqué sur chemin de fer, quitte Coulommiers au début de la matinée du 1er juin pour arriver le lendemain soir en gare des Arcs où il est débarqué aussitôt ». Qui croire ? Des imprécisions de ce genre de retrouveront d’ailleurs dans des documents officiels postérieurs...

 

Jules PIESVAUX a pris ces trois photographies du transfert de l’échelon roulant du III/6 de Voisins-Coulommiers au Luc en Provence

Embarquement le 2 juin1040 à 7h 00 à la Ferté Gaucher (Seine et Marne) – Arrivée le 5 juin au Luc en Provence (Var) via Marseille

Les Sergent Yves LE MAT et Jules PIESVAUX qui voyagent sur une plateforme avec les véhicules !

Photographies Jules PIESVAUX – Droits réservés

 

Mémoires de Jean MENNEGLIER – Le Luc en Provence

 ...nous fîmes mouvement le 31 mai. Le terrain du Luc était situé à proximité de la route qui relie cette ville à Saint-Raphaël, dans cette vallée qui contourne le massif des Maures au nord. Le terrain était entouré de pins. Il y avait quelques collines escarpées à l'ouest couvertes de la végétation typique de la Provence. Le terrain était desservi par une Compagnie de l'Air de recrutement local qui semblait être loin de la guerre. En cas d'alerte le personnel avait la consigne de prendre son arme et de se disperser dans la nature, en quelque sorte prendre le maquis. Stehlin fut très surpris le jour où un secrétaire qui lui avait été fourni par la compagnie, en attendant l'arrivée de l'échelon roulant, lui apporta un paquet de messages de guet en lui disant qu'il n'avait pas voulu le déranger à chaque arrivée et qu'il avait attendu qu'il y en ait assez pour les lui apporter. Comme il lui demandait s'il fallait les enregistrer Stehlin, après lui avoir expliqué calmement qu'il devait lui apporter ces messages au fur et à mesure qu'il les recevait, eut la tentation de lui répondre par l'affirmative...

  

A gauche, le « Château Colbert » au Cannet des Maures en 1940

A droite, la popote du GC III/6 : la fille des propriétaires, Le GUENNEC, CHARDONNET, PIMONT, Mme CHARDONNET, LE GLOAN

 ...je fus hébergé, ainsi que Satgé, chez le Marquis de Colbert qui possédait une grande bâtisse, presque un château, au nord de la voie ferrée, à mi-chemin entre le Luc et le terrain. Nous couchions dans la chambre des petites filles de la Marquise. Le cdt Stehlin et le cne Chainat étaient également leurs hôtes. Eux, eurent sans doute des contacts avec les propriétaires. Nous, petits sous-lieutenants, on se contenta de nous loger. Nous avions établi notre popote dans un restaurant du Luc où je me souviens qu'il y avait une vaste terrasse ombragée par un platane. Nous y prenions l'apéritif et peut-être nos repas. Il me semble que nous aperçûmes un jour parmi les hôtes Martha Eggerth que j'avais beaucoup admirée dans la « Symphonie inachevée » (film de Willi Forst de 1933).

Sur le terrain du Luc il y avait un détachement anglais avec un Spitfire de reconnaissance camouflé en permanence sous un hangar ; on ne le sortait que pour aller effectuer des couvertures photo sur l'Italie qui n'était pas encore en guerre. Il décollait presque tous les jours. Un Lockheed Ventura venait d'Angleterre tous les jours emmener les magasins photo impressionnés et les échanger contre des vierges. Le jour où les Italiens entrèrent en guerre, le Spitfire rencontra un avion italien au-dessus de la mer et se mit à faire des feintes de passes sur lui. Or ce Spitfire n'était pas armé. L'Italien finit par se poser sur l'eau et le « Spit » prit une photo de sa victime. Les Anglais fêtèrent leur victoire dans les bars du Luc où certains de nos pilotes apprirent de leur bouche ce qui s'était passé...

 

Mémoires de Robert UMBERT (*) – Le Luc en Provence

 ...sur le Morane 406, le complément d’huile se faisait directement du bidon au réservoir placé sur une paroi en pente et les pieds dans la boue. Le radiateur de l’appareil était escamotable. Pour les vols de routine (couverture du terrain) le mécanicien démarrait l’appareil avant de laisser la place au pilote dont les bottes étaient plaines de gadoue.

Le Morane avait un plan fixe horizontal fixé par une traverse profilée qui n’était pas très discrète. Cela ne nous choquait pas et nous trouvions cet avion très beau. Il n’avait pas de roulette de queue, ce qui rendait beaucoup plus sportif ses déplacements et ses virages dans les terrains meubles !…

… au Luc, il y avait de l’herbe, même séché c’était bien mieux que la boue de Champagne. Les Italiens nous ont déclaré la guerre, nous nous étions rapprochés du théâtre des opérations. C’est ici que nous avons reçu nos Dewoitine 520. Nous avions enfin une roulette de queue, des capotages plus pratiques qui ne tenaient pas comme sur le Morane par des « cordes à piano » s’enfilant dans des encoches. Cet avion avait une particularité : son trou d’homme dans le fuselage qui était une sorte de coffre à bagages. La roulette de queue jouait quelques tours de temps à autre ; elle était maintenue dans l’axe par deux tendeurs de caoutchouc qui pouvaient se rompre au décollage s’ils étaient trop malmenés. Elle se mettait alors en travers à l’atterrissage ce qui provoquait un superbe « cheval de bois » et souvent un avion sur le ventre en bout de piste si le train lâchait...
 

     

Le sgt Robert Umbert (mécanicien) qui a peint au Luc le code « 29 » sur le D.520 n°138 du l’adj Jean DIAZ de la 6ème

(*) Robert Nicolas UMBERT, caporal-chef à Chartres en septembre, nommé sergent le 1 janvier 1940, mécanicien à la 6ème escadrille depuis le début de la guerre

 

Liste des Morane 406 utilisés par le Groupe GC III/6 de septembre 1939 à juin 1940

Merci à Lionel PERSYN et à Alain COSTE de m’avoir autorisé à publier une partie des résultats de leurs longues et patientes recherches sur la destinée des Morane 406

Près de 1 100 appareils de ce type ont été construits : ils en ont identifié 94 qui ont été utilisés par les pilotes du III/6 avant la restitution des survivants à Toulouse en juin 1940

 

Le terrain du Luc en Provence, mesure 1 000 x 800 mètres ; il est situé en bordure d’un petit bois idéalement placé pour camoufler les appareils.

Les officiers de l’État- major et quelques autres logent au Cannet des Maures dans le château du Marquis de Colbert, les autres officiers et les sous-officiers pilotes logent au Luc. Ils ont établi leurs popotes dans deux restaurants différents ; certains sous-officiers mécaniciens ont trouvé à se loger chez l’habitant.

Le III/6 remplace au Luc le II/3 qui a été équipé en Dewoitine 520 du 10 au 18 mai. Comme ce dernier, iI est affecté au Groupement de Chasse 24 alors commandé par le colonel DE TURENNE qui est basé à Valence. Ce groupement est rattaché à la Z.O.A.A., Zone des Opérations Aériennes des Alpes, commandé par le Général ODIC, également basé à Valence.

A peine arrivé au Luc, Marseille est bombardée les 1er et le 2 juin par des avions allemands à long rayon d’action. Malgré l’absence de l’échelon roulant quelques Morane du III/6 sont envoyés en couverture sur le secteur mais sans se trouver confrontés à l’aviation adverse. Par contre le 1erjuin en matinée la patrouille triple de LE GLOAN a reçu, heureusement sans dommage, le feu des artilleurs français peu aguerris et qui tirent avec des canons désuets !

Quelques jours après son arrivée, le capitaine Stehlin aura une nouvelle fois l’opportunité, comme à Coulommiers, de « demander une sanction sévère » au commandant de la ZOAA, pour un officier des transmissions, le lieutenant D. qui commande la section 78/708, et qui n’aurait pas mis assez de bonne volonté à satisfaire les demandes du « pacha » du III/6 ! Cette sévérité se manifestera encore souvent, comme par exemple en 1943, alors qu’il n’est plus commandant du III/6 mais commandant de la section d’aviation côtière, lorsqu’il a été chargé par les Américains d’un rapport sur les incidents constatés sur les fragiles moteurs des Bell P-39 du III/6 « Roussillon ». Ceux-ci supportaient mal le sable du bled algérien. C’est son propre ancien officier mécanicien de 1940, le capitaine Nicolas qui n’en pouvait mais, qui sera sa cible, et qui a été muté sans délai au grand dam de ses chefs et de son personnel, sans que les moteurs américains Allison V-1710… et les Américains par conséquence soient ainsi trop mis en cause. Les « incidents » continuèrent...

Le 2 juin quelques pilotes sont envoyés sur le terrain de Valence-Trésorerie pour être à disposition de l'armée des Alpes plus rapidement si une éventuelle attaque italienne survenait ; rien ne se passe et le matin du 5 juin les Morane sont de retour au Luc.

Pendant que le III/6 poursuit son installation au Luc, le terrain d’aviation de Chartres a subi le 3 juin un nouveau bombardement. Une bombe est tombée dans le jardin de la maison de la mère de Julienne BIBERT, au 65, de la rue Saint-Chéron, sans exploser, mais elle a étêté le beau sapin bleu dont la famille était si fière ! Par contre, une autre bombe a détruit la petite maison du 13 de l’avenue Neigre, à quelques dizaines de mètres des hangars d’aviation, où Joseph et Julienne avaient loué deux modestes pièces jamais occupées puisque leur mariage avait eu lieu en octobre 1939, second mois de la guerre ; ce qui démontre bien qu’en octobre 1939 on imaginait que la guerre serait courte ! Voir deux photographies par ce lien.

 

Bien que de mauvaise qualité, celle photographie, faite sans doute à l’arrivée du III/6 au Luc, doit être publiée ; c’est la seule connue sur laquelle, autour du Commandant du Groupe, le capitaine STEHLIN,

figurent ses deux commandant d’Escadrille, les cne JACOBI (5ème) et GUERRIER (6ème) ainsi que l’adj LE GLOAN avec d’autres pilotes ayant au moins une victoire homologuée à leur actif, ainsi qu’un mécanicien

 

Le 5 juin, le premier ministre REYNAUD remanie le gouvernement et le Général DE GAULLE, fait général de brigade à titre temporaire, est nommé sous-secrétaire d'état à la guerre dans l’indifférence générale. Le 10 juin , le gouvernement quitte Paris pour Tours. On commence à parler d’armistice. Les Allemands s’approchent de Chartres et, le 12 juin, c’est le départ vers le sud pour Julienne BIBERT avec le Parc d’Aviation ; sa famille est partie en exode quelques jours plus tôt et se trouve complètement dispersée, sans nouvelle entre les uns et les autres...

Au Luc, les pilotes, par petits groupes, transfèrent peu à peu sur le parc de Toulouse leur vaillants Morane. Bien que techniquement dépassés ces appareils avaient certaines qualités et ils ont pu être efficaces et redoutés de leurs adversaires, grâce surtout à la valeur et au courage de leurs pilotes. Ceux-ci reviennent au Luc avec de magnifiques Dewoitine 520 flambant neufs qui vont être rapidement engagés dans la bataille contre les forces aériennes italiennes, puisque Mussolini, pour tenter s’arracher quelques dépouilles à la France en voie d’être définitivement vaincue, s’apprête stupidement à entraîner son Pays dans la guerre, par simple opportunisme.

L’adjudant DIAZ, pilote, le s/c BIBERT et le sgt ROBERT, mécaniciens partent le 8 juin à l’usine Dewoitine de Toulouse ainsi qu’une équipe de la 5ème, lt MARTIN, adj COLIN et sgt DESFOSSEZ, pour recevoir une formation sommaire à l’usage et à l’entretien de ce nouvel avion qu’ils ne connaissent pas encore. DIAZ et MARTIN ramènent leur Dewoitine au Luc le 12 juin. Les deux mécaniciens ne rentrent que le 16 : il était juste temps !

En leur absence, le 9 juin une première prise d’armes à lieu en mémoire du commandant CASTANIER, considéré jusqu’alors comme « disparu » mais dont la mort a été annoncé.

Le lendemain 10 juin, au cours d’une seconde prises d’armes, le Général ODIC, commandant la Z.O.A.A., remet les décorations correspondantes à ceux qui depuis plusieurs semaines ont été cités ; il laissera le soin au capitaine CHAINAT, as de 14/18 et second du Groupe de remettre la croix de guerre à son Commandant, le capitaine STEHLIN. Ce même jour l’Italie, comme prévu, entre en guerre pour la curée...

 

Le Luc - 10 juin 1940 – Le capitaine CHAINAT et le capitaine STEHLIN

Le capitaine CHAINAT félicite le capitaine STEHLIN pour sa croix de guerre

S/c CHARDONNET, adj LE GLOAN, cne JACOBI, cne SULERZYCKI : 5ème Escadrille

Le lieutenant MIRAND commandant l’Unité Administrative

remet au capitaine STEHLIN sa citation lui ayant valu la croix de guerre

en présence du capitaine CHAINAT

Photographies Jean MENNEGLIER – Droits réservés

 

Lieutenant Wieńczysław BARANSKI, né le 19 septembre 1908 à Solec. En 1932, il est diplômé « Observateur » à l'école des cadets de l'aviation. En 1933, diplômé d'un cours de pilotage à Dęblin et d'un cours de pilotage supérieur à Grudziądz, il est affecté à la 113ème Escadrille de Chasse dont il devient le Commandant en 1938. Le 6 septembre, il abat 2 avions ennemis en coopération (1 He 111 et 1 Ju87). Après la fin des combats en Pologne, il passe en Roumanie, puis gagne la France et rejoint le Dépôt d'Instruction de l'Aviation Polonaise (DIAP) à Lyon-Bron. Pilote au Centre d’Instruction à la Chasse (CIC) créé le 1er mars 1940 (2 groupes, 4 escadrilles), il abat un He°111 le 1er juin 1940, en coopération avec Jerzy Radomski. Il est affecté au GC III/6 10 jours plus tard. Après l’armistice, il passe avec ses camarades polonais d’Algérie en Grande-Bretagne via Gibraltar. Il fait un brillant parcours dans différents « Fighter Squadron » de la RAF (607, 303, 316, 308, 302 et termine la guerre avec le grade de commandant. Décédé le 8 août 1970, et inhumé au cimetière de Braywick.

Lieutenant Jan BOROWSKI, né 31 mai 1912. École des cadets de la réserve des communications à Zegrze, diplôme de l’école des-officiers de la réserve de l'armée de l'air à Dęblin en 1936. En août 1939, il rejoint la 113ème Escadrille de Chasse, au sein de la Brigade de Poursuite qui va avoir la charge de défendre la capitale Varsovie. Le 4 septembre, aux commandes de son PZL P.11c, il abat en coopération un Ju-87. Le 18 septembre 1939, il franchit la frontière polono-roumaine puis débarque à Marseille et rejoint le DIAP à Lyon-Bron. Promu au grade de lieutenant avec ancienneté le 1er novembre 1939. Le 8 juin 1940, il est muté au GC III/6 sur le front italien.   Après l’armistice, il s'envole pour l'Afrique, puis rejoint le Royaume-Uni le 6 juillet 1940. Il y suit une formation au 55ème OTU. Le 17 octobre 1940, il est affecté au 302 « Fighter Squadron » (Poznanski). Le lendemain, son premier vol sera aussi le dernier : deux avions qui décollent entrent en collision près de l'hippodrome de Kampton : les deux pilotes sont tués. Jan Borowski a été enterré au cimetière Northwood.

Sergent Michal CWYNAR, né le 14/11/1915 à Orzechówka. En 1933, à l'école des sous-officiers de l'aviation de Bydgoszcz, où il obtient son diplôme de mécanicien avion. Formation de vol à voile au printemps 1935, puis en mai 1937, formation de chasse à l'École supérieure de pilotage de Grudziądz. Affecté au 114ème Escadron de Chasse du 1er Régiment Aérien à Varsovie, puis au 113ème. En mai 1938, il est incorporé dans l'escadron KOP, chargé de protéger la Polésie des avions de reconnaissance soviétiques. Le 1er septembre, il abat un Junkers Ju 87. Il rejoint la France via Beyrouth en octobre 1939. Affecté à Lyon- Bron, il fait partie de la patrouille commandée par Baranski et rejoint avec lui le III/6. Il le suit en Grande Bretagne ; formation de deux semaines à la 15ème EFTS, puis 10ème Bomber and Gunner School (BBS), et enfin 55ème OTU. En avril 1941,il est affecté au 315 « Fighter Squadron » (Deblinski). Brillant parcours ensuite dans la RAF ; en juillet1945, il est commandant du 316 « Fighter Squadron (Varsovie). Démobilisé en décembre 1948, il reste à Dumfries (Écosse) où il y est décédé le 26 février 2008.

Informations et photographies fournies par Bartomiej Belcarz, auteur de « Montpellier Fighter Squadron », que nous remercions pour son aide

 

Le 11 juin arrivent du C.I.C. de Montpellier, les lieutenants polonais Wienzylaw BARANSKI et Jan BOROWSKI, affectés à la 5ème et le sergent Michal CWYNAR la 6ème .Ce dernier deviendra « As » dans la R.A.F. et livrera plus tard un témoignage de son court passage au GC III/6 ; inconnu jusqu’à la rédaction de ces pages, il a permis de comprendre un peu mieux le déroulement de la journée du 15 juin 1940 (voir plus bas).

Page spécifique consacrée à Michal CWYNAR

 

La journée du 12 juin est calme. Joseph BIBERT, sans nouvelles de son épouse depuis longtemps, ne sait pas que celle-ci évacue Chartres à cette date avec les militaires et les civils travaillant encore au Parc 122 de la Base Aérienne. Ce n’est que deux mois plus tard qu’ils sauront chacun ce qu’a été le sort de l’autre pendant la débâcle...

Le 13 juin, les adjudants LE GLOAN et GOUJON abattent deux bimoteurs italiens BR 20 « Cigogna » le long de la côte, près d’Agay. Totalisant ainsi 6 victoires, LE GLOAN fait donc déjà partie des « As » de la campagne de France, mais deux jours plus tard il fera mieux.

 

CITATION de l’adj GOUJON

 « Pilote hors de pair, chasseur audacieux, a attaqué avec son chef de patrouille une formation de quatre bombardiers italiens qui ont fait demi-tour sans avoir accompli leur mission. A contribué, au cours de ce combat, à abattre deux Fiat BR  20 tombés dans nos lignes. A ainsi remporté ses troisième et quatrième victoires ».

Croix de guerre avec palmes

 

CITATION du lt MARTIN

« Chasseur confirmé, plein de fougue. Malgré un enrayage de ses armes a secondé son chef de patrouille pour dissocier un peloton de quatre bombardiers ennemis et a contribué à la destruction dans nos lignes de deux Fiat BR 20 »

Croix de guerre avec étoile de vermeil

 

CITATION de l’adj GOUJON

« Brillant sous-officier, magnifique pilote de chasse, modèle de bravoure et d'habileté. A engagé à plusieurs reprises, la combat contre un ennemi très supérieur en nombres. Est descendu deux fois en parachute. Compte quatre victoires et quatre citations à l'ordre de l'armée »

Médaille militaire - Croix de guerre avec palmes

 

Ce même jour le sergent-chef MERTZISEN roule au sol avec le Morane 406 n°675 et il heurte au sol le Dewoitine 620 n°350 qui est celui que Goujon a ramené de Toulouse 2 jours plus tôt. Comme pour son accident du 11 mai 1940, un message « codé » est envoyé. L’émetteur « Lenoir ? » et le destinataire « La Bruyère ? » changent. Pour le reste, « Miltande = Le Luc » mais on donne en clair le code postal « SP 814 » comme le nom du Groupe « GC II/6 » ! Par contre un MS 406 est toujours un « avion type 14 » et on apprend qu’un D.520 est un « avion de type 84 ». Les deux appareils sont déclarés « réparables 3ème degré ». En fait ce sont les deux hélices qui sont à changer. Le Morane sera envoyé plus tard au dépôt de stockage (DS) d’Istres avant d’être réformé en 1942 tandis que le Dewoitine 350 ne traversera pas la méditerranée avec le III/6 faute de pouvoir être réparé à temps. Goujon devra retourner à Toulouse le 15 juin « choisir » un autre Dewoitine, ce sera le n°340 ; quant au n°350, il passera une fois réparé en A.F.N. et on le retrouvera en 1941 en Tunisie, au GC II/7, avec le lt Marcel MERLE aux commandes ! Il n’est pas impossible que les deux photographies ci-dessous, prises par Jean MENNEGLIER, sans légende et sans date, correspondent à ce petit accident...

 

 

Peut-être au Luc en Provence le 13 juin 1940 après la « rencontre » au sol du MS 406 du s/c MERTZISEN avec le D.520 de l’adj GOUJON...

Photographies Jean MENNEGLIER – Droits réservés

 

De la même manière, ces trois photographies de Jean MENNEGLIER représentant des pilotes en alerte ont peut-être été faites au Luc en Provence. En alerte, le pilote a son casque à portée de main et porte sur sa poitrine le boîtier relié par un câble à l’avion à l’aide d’une prise multiple : sur ce boîtier viennent se ficher les prises des écouteurs et du laryngophone relié à l’inhalateur que l’on voit pendre et il se fixe au casque par deux crochets. Sous sa combinaison de toile, il revêt une combinaison de chauffage à laquelle se raccordent par des contacts à pression les gants chauffants et la cagoule chauffante.

 

Capitaine Jean ASSOLLANT – E.M.

Lieutenant Georges LEGRAND – 6ème

Sergent Jacques BOUIN – 6ème

Photographies Jean MENNEGLIER – Droits réservé

 

La FIN des MORANE 406

 

Morane Saulnier MS 406 n°724 - GC III/2 - GC III/6 - AC5 entre mai et juillet 1940.

Depuis sa formation en mai 1939, la « drôle de guerre » et la campagne de France, au Groupe GC III/6, près de 90 MS.406 sont passés entre les mains

de ses pilotes et mécaniciens – Beaucoup ont été détruits en combat aérien, au sol ou abandonnés lors des déplacements d’un terrain de campagne à l’autre.

Cet appareil, le n°724, est un des derniers survivants qui ont transité de Coulommiers au Luc avant d’être convoyés à Toulouse pour être remplacés par des D.520

Ces avions à bout de souffle et techniquement dépassés auront une vie très courte après les armistices, mais celui-ci a une histoire particulière !

Initialement au GC III/2, il a été reversé au GC III/6 à Coulommiers où il a été affecté au capitaine GUERRIER, chef de la 6ème Escadrille, celle les « masques rieurs »

Le code « 1 », jaune dans un cercle noir, a donc été alors peint par les mécaniciens sur la dérive (encore visible) selon la procédure alors en vigueur .

En juin 1940, nouvelle règle : les codes des appareils des secondes escadrilles des Groupes doivent être différents de ceux des premières et commencer par 21

Le code « 21 » a donc été peint en catastrophe sur le fuselage de l’appareil du capitaine GUERRIER, juste avant son convoyage à Toulouse.

Il est alors affecté à l’escadrille de marine AC5 qui vient d’être créée précipitamment (ancre visible dans la cocarde) - Cette photographie peut avoir été faite à Hyères.

Remerciements à Alain COSTE qui a fourni les renseignements ayant permis de légender cette photographie et de pouvoir ainsi la placer dans cette page

 

Mémoires de Jean MENNEGLIER – Le Luc en Provence (suite)

 ...notre Groupe échangea ses Morane contre des Dewoitine 520. Un premier détachement de la 5ème escadrille, dont Jacobi et Le Gloan, partit à Toulouse récupérer leurs nouveaux (avec le cne Stehlin). Dès qu'ils furent rentrés nous partîmes à notre tour vers Toulouse. Nous nous posâmes le 15 juin à Francazal où nous abandonnâmes sans regret nos vieux Morane. On nous conduisit en car à Blagnac où nous prîmes contact avec le Dewoitine 520. Celui qu'on me donna portait le n° 358. C'était un avion magnifique. Il était bien armé avec 4 mitrailleuses dans les ailes, alimentées par bandes ce qui lui donnait une durée de tir supérieure à celle du Morane (700 contre 350 cartouches par arme). Et les armes étaient réchauffées. II y avait aussi le canon de 20 mm tirant dans l'axe de l'hélice avec 80 cartouches au lieu de 60. Le train d'atterrissage était verrouillé mécaniquement en position rentrée donc pas de problème en cas de balle dans le circuit hydraulique. Enfin c'était un avion rapide qui faisait partie égale avec le Me 109. Et puis il était très fin à piloter, virait bien et avait des réactions très saines. Que ce serait-il passé si nous l'avions eu plus tôt ?

A la prise en main je fus surpris par la sensibilité du gouvernail de direction et serpentai un peu au décollage mais je m'y fis très vite. Après quelques minutes de prise en main je revins me poser à Francazal que nous quittâmes en patrouille le lendemain (16 juin) pour rejoindre le Luc. Nous apprîmes à l'atterrissage ce qui s'était passé la veille pendant notre absence...

 

Le 14 juin la Marine Nationale attaque dans la nuit les ports de Gênes et de Vado. A 6h 15, une patrouille double du III/6, à laquelle participe le capitaine STEHLIN, décolle du Luc pour prendre la suite des Bloch 151 de l’AC 3 qui couvrent depuis une heure le retour des bâtiments de guerre français vers Toulon. Le vice-amiral DUPLAT félicite le soir même par écrit le général ODIC, commandant la Z.O.A.A. pour son concours. C’est à la suite de cette mission que le capitaine STHEHLIN recevra sa citation, datée du 17 juin, qui lui vaut la croix de guerre. On comprend mal que celle-ci lui ait été remise une semaine plus tôt... et d’ailleurs, en 1940, certains pilotes du III/6 et d’autres Groupes ont mal supporté que citations et médailles aient pu être distribuées facilement aux « Seigneurs de la Guerre » qui ne volaient pas souvent en tête des patrouilles le leur Groupe. Les témoignages à ce sujet ne manquent pas...

 

CITATION du capitaine STEHLIN

« a remplacé en pleine bataille son chef tombé à l’ennemi. A montré à la tête de son Groupe les plus belles qualités de Chef. Le 14 Juin a assuré lui-même avec plein succès, par mauvais temps la réussite d'une importante mission, la protection d'une escadre de la flotte française. »

Croix de guerre avec étoile de vermeil

 

Ce même jour, les troupes allemandes entrent dans Paris.

Le 15 juin va devenir le jour de gloire de Pierre Le GLOAN, récemment nommé adjudant, et du GC III/6 tout entier. L’histoire a été racontée partout à de multiples reprises. A la mi-journée, plusieurs grosses formations italiennes de Fiat CR 42 « Falco » ont été lancées pour procéder au mitraillage des terrains de Cuers, près de Toulon, et du Luc. Le GC III/6, tardivement prévenu, n’est pas sur ses gardes et c’est un peu la pagaille ; il n’a jamais été possible de reconstituer avec exactitude l’enchaînement de la riposte, les documents officiels étant contradictoires.

L’analyse des combats du 15 juin entre les avions italiens et français, par les archives et des témoignages dont certains inédits qui remettent en cause bien des choses, fait l’objet d’une page spécifique en annexe accessible par ce lien :

15 juin 1940 – GC III/6 contre Regia Aeronautica

Dans un premier temps, trois avions peuvent au moins se regrouper et former une patrouille improvisée. Elle est constituée de l’adjudant Le GLOAN, des capitaines ASSOLLANT (n°302) et JACOBI (n°229). Certains témoignages laissent à penser que les pilotes étaient en l’air à ce moment pour « prendre en mains » leur nouvelle monture, et comme le Dewoitine n°277 de l’adjudant LE GLOAN n’était pas prêt, celui-ci vole en fait avec le n°301 codé « 2 » du lieutenant MARTIN, peut-être d’ailleurs sans son parachute qui serait resté dans son avion attitré, le fameux n°277 codé « 6 »...

Le Dewoitine 520 n°302 « La Pouille » (*) de Jean ASSOLLANT le 15 juin 1940

(*) voir Note FXB un peu plus bas

L’avion du cne JACOBI cafouille et il doit rentrer au terrain. Le GLOAN et ASSOLLANT rejoignent alors rapidement la formation ennemie qu’ils surprennent et ils abattent sans opposition deux premiers appareils italiens au-dessus de Saint-Tropez. Les armes du D.520 d’ASSOLLANT s’enrayent malheureusement et il doit décrocher. Restant seul, LE GLOAN poursuit l’attaque et s’en prend à un troisième CR 42 ; il sera sans doute considéré à tort comme détruit, mais, plus probablement, il aurait pu rejoindre l’Italie bien qu’endommagé. Revenant vers l’aérodrome du Luc pour se poser, LE GLOAN peut abattre un dernier CR 42 occupé à mitrailler les avions au sol. Immédiatement après, il aperçoit un gros bimoteur BR 20 en approche, venu pour observer les résultats de l’attaque du terrain. LE GLOAN, poursuivant son vol, attaque l’Italien et peut l’abattre avec les quelques cartouches sont il dispose encore. En moins de ¾ d’heure et en une seule sortie, Le GLOAN, avec l’aide d’ASSOLLANT pour les deux premiers, a donc officiellement détruit cinq avions, mais plus vraisemblablement quatre, après analyse. Pour l’Histoire, sa mission du 15 juin 1940 restera cependant un « quintuple » !

Quoi qu’il en soit, son exploit du 15 juin est bien réel et il mérite absolument d’être considéré comme un des meilleurs « As » de 1939/40 et d’être entré ainsi définitivement dans la grande légende de l’Aviation et dans l’Histoire tout court. Immédiatement sont annoncés l’homologation de 5 victoires à son crédit et sa promotion au grade de sous-lieutenant (à titre temporaire, décision ministérielle du 17 juin 1940).

 

  

Illustration de Lucio Perinotto (2020) à gauche et image 3D d’un jeu vidéo à droite (2012)

Page spécifique consacrée au lieutenant Le GLOAN

La France avait besoin de héros en ces jours où la défaite ne faisait plus de doute pour personne ; l’exploit de LE GLOAN tomba à pic pour l’État-major et le capitaine STEHLIN, commandant du Groupe III/6, qui firent ce qu’il fallait pour le magnifier et en tirer gloire.

La précipitation avec laquelle fut annoncé à la France le « quintuple » de Le GLOAN est totalement démontrée par le communiqué de guerre officiel du gouvernement n°574 repris par toute la presse dès le 17 juin : de plus il faut noter la petite exagération, sans doute pas involontaire, puisqu’il est question de « 3 chasseurs et 2 bombardiers » ; la population étant bien entendu plus concernée par les bombardements que par les combats individuels entre les « chevaliers du ciel »...

 

 

COMMUNIQUÉ n°574 du 16 juin au soir

Les attaques ennemies se sont répétées aujourd'hui sur tout le front de bataille.

A l'ouest de Paris, dans la région de Laigle et de La Ferté-Vidame, ses efforts ont été contenus par nos troupes qui ont exécuté des contre-attaques locales.

Au sud-est de Paris, l'ennemi a continué sa progression. Il a franchi la Seine dans les environs de Melun et de Fontainebleau, Il a, d'autre part, poussé au-delà d’Auxerre des éléments d'avant-garde dans la direction de Glamecy et d'Avallon.

Au sud du plateau de Langres, ses colonnes blindées et motorisées ont atteint la région au nord de Dijon et la Saône en amont de Gray. Des éléments légers ont franchi la rivière.

En Lorraine et en Alsace, les mouvements prescrits par le commandement français s'exécutent conformément aux ordres donnés.

Pendant les deux derniers jours, de nombreux combats aériens ont été livrés; en particulier, dans la journée du 15, le sergent-chef Le Gloan a abattu à lui seul, au cours d’une même sortie, cinq avions italiens, dont trois chasseurs et deux bombardiers.

 

Il était aussi crucial de masquer le fait que la protection de l’aérodrome du Luc avait été plus ou moins bien assurée ce jour-là, car les dégâts ont été plus importants que ce qui en a été dit. En fait, plusieurs Dewoitine 520 tout neufs, juste arrivés de Toulouse, ont été endommagés et les rapports du Groupe n’en parlent pas vraiment. Joseph BIBERT n’a pas été un témoin direct de ces événements, puisqu’il était encore à Toulouse chez Dewoitine : en classant ses photographies de guerre, on lui montra un jour un cliché de LE GLOAN et GOUJON qu’il avait prise sur une plage près d’Alger, sans doute pendant l’été de l’année 1941, et on lui demanda d’évoquer ses souvenirs au sujet de « l’As » : « ...ce n’est pas ce qui lui est arrivé qui l’a rendu plus facile à vivre, et puis … quand il a abattu ses italiens au Luc, il s’est passé de drôles de choses ce jour-là…!!! ». On n’en sut jamais plus de sa part, mais d’autres ont également raconté leur 15 juin d’une manière un peu différente de celle du Général STEHLIN dans ses mémoires écrites en 1964... !

Le GC III/6 n’a plus que deux jours à passer au Luc où il ne se passe pas grand-chose, hormis l’arrivée des derniers Dewoitine 520 venant Toulouse ; le Groupe est enfin totalement équipé avec avion performant... au moment où la bataille est perdue. Consternant !

 

CITATION du cne BERNACHE ASSOLLANT

« Excellent pilote de chasse, d’un sang-froid et d’un courage admirables. A attaqué avec son chef de patrouille une formation de 12 chasseurs ennemis. A contribué à la destruction de deux d’entre eux tombés dans nos lignes »

Croix de guerre avec palme

 

(*) Note FXB : Il m’a souvent été demandé pourquoi les avions de Jean ASSOLLANT avaient été baptisés « La Pouille ». Je n’en savais strictement rien, malgré quelques recherches ! J’en ai eu la réponse le 3 avril 2020, tout à fait par hasard, quand j’ai reçu une communication de Madame M. GUILBAUT m’interrogeant sur l’opération « Ironclad », l’attaque anglaise contre Madagascar du 5 mai 1942, qui avait vu son père, officier des « corps francs », être fait prisonnier en octobre et envoyé pendant 18 mois comme prisonnier de guerre au camp n°375 de Londiani au Kenya avec des Italiens, dans des conditions difficiles ; une « poussière d’Histoire » mise comme d’autres de cette époque sous le sous le tapis... Il se trouve que ses parents à Madagascar avant la guerre étaient des amis proches de Jean et Suzanne ASSOLLANT, et qu’elle, jeune enfant à l’époque, en avait des souvenirs précis 80 ans plus tard. Et en m’en racontant quelques-uns, elle me fit cette confidence : « c’était drôle, Jean appelait sa femme Poupouille... »... C’est seulement après qu’elle eut raccroché, que je fis le rapprochement avec « La Pouille » ! Une autre « poussière d’Histoire », mais celle-ci est maintenant connue de tous... !

 

Le Luc – 17 juin 1940 – Le Dewoitine 520 n°358 du s/lt MENNEGLIER

Peinture de la cocarde et du code « 26 » par un mécanicien de la 6ème

A noter que l’insigne « Masque Rieur » ne sera peint qu’en juillet à Alger

 

Mémoires de Jean MENNEGLIER – 17 juin 1940 - La visite du général... !

 ...Nous eûmes aussi la visite d'un général qui commandait une organisation territoriale dont nous dépendions. Je suppose que les victoires de Le Gloan devaient y être pour quelque chose. A un moment donné, évoquant sans doute l'attaque dont nous avions été l'objet, il demanda à Stehlin s'il faisait mettre les mitrailleurs dans les avions pour participer à la défense du terrain comme cela avait été prescrit récemment par le Commandement de manière à ajouter le feu des avions à celui des armes terrestres. Stehlin qui était un peu pince sans rire lui dit qu'il n'avait pas trouvé de dispositif permettant d'orienter les avions de chasse au sol. En effet le chasseur a un armement fixe et il tire en orientant l'avion. Passant devant un Dewoitine le général dit : « Alors ce sont vos nouveaux avions. Qu'ont-ils comme armement ? » Stehlin lui montra l'emplacement des mitrailleuses et du canon. « Tout ça c'est pour tirer vers l'avant mais qu'avez-vous vers l'arrière ? » Il fut surpris d'apprendre qu'il n'y avait rien vers l'arrière et que le chasseur se défendait en manœuvrant. Puis le général qui pilotait un Simoun demanda quel était le sens de décollage. Stehlin lui dit que c'était face à l'ouest. « Non ; dit-il, dans ce sens il y a la montagne. » C'était une colline à environ 3 kilomètres du terrain. Il décolla vent arrière en direction de Saint-Raphaël. Heureusement le vent n'était pas très fort... »

 

Sous-lieutenant CAPDEVIOLLE avec la mascotte de la 6ème

Moment de repos au Luc – Sous-lieutenant CAPDEVIOLLE

Le chevreau a suivi la 6ème Escadrille depuis Chissey sur Loue...

Le sous-lieutenant STEUNOU de la 6ème Escadrille

Photographies Jean MENNEGLIER – Droits réservés

 

Le dimanche 16 juin 1940, à Bordeaux, le Président du Conseil Paul Reynaud démissionne et le maréchal Philippe Pétain est chargé de former un nouveau gouvernement. Au même moment l'armée allemande traverse la Loire. Le 17 juin le vieux Maréchal appelle la France à cesser le combat et le général de Gaulle quitte Bordeaux pour l’Angleterre. Le lendemain 18 juin à 20 heures le général de Gaulle, dans un communiqué fait à la BBC, appelle les français à la résistance depuis Londres. Dans le chaos le plus total, l’armistice avec l’Allemagne est finalement signé dans la soirée du 22 juin à Rethondes. L’armistice avec l’Italie suivra le 24 à Rome. Les pilotes français se sont bien battus mais ils étaient inférieurs en nombre et ils disposaient de matériels moins performants et d’une intendance aléatoire. L’absence d’une politique réaliste d’armement avant 1939, les doctrines obsolètes, la manière dont les ressources disponibles en hommes et en matériel ont été utilisées et la nature de bien des missions décidées par l’État-major font et feront encore aussi couler beaucoup d’encre chez les historiens. Quoi qu’il en soit la France aurait perdu 150 pilotes, environ 500 chasseurs, 200 bombardiers et un minimum de 150 avions d’observation. On a longtemps cru au mythe des « 1 000 avions ennemis abattus », mais les meilleurs spécialistes ont maintenant démontré que la réalité était autre et que ce chiffre tournait plutôt autour de 700.

Le Groupe de Chasse III/6, et beaucoup d’autres, ainsi que de nombreux Groupes de Bombardement et de Reconnaissance qui sont équipés avec des appareils dits « modernes », ayant la capacité de traverser la Méditerranée, reçoivent l’ordre donné par le Général VUILLMEMIN, à qui il faut reconnaître le courage de celle belle décision, de quitter l’hexagone au plus vite. Les Dewoitine du III/6 gagnent Perpignan le 18 juin pour préparer leur grand saut vers l’A.F.N. et plus précisément vers Alger...

 

   

 

Après la fin de la guerre, des multitudes d’ouvrages et d’articles dans les revues spécialisées ont été écrits pour tenter d’analyser les raisons de la défaite française de 1940. Dans ceux-ci, l’action de l’Armée de l’Air a été maintes fois mise sur la sellette, et à son sujet les auteurs finissent par écrire en résumé : « Les programmes de construction des appareils d’avant-guerre, le niveau technique et les armements de ceux-ci en 1939, les stratégies et tactiques des États-majors, etc. etc. n’étaient pas à la hauteur ou obsolètes, mais les Aviateurs ont fait de leur mieux avec les moyens qu’ils avaient ». A chacun de travailler le sujet pour se faire sa propre religion. !

Pour cela, il n’est pas intéressant de lire l’une des premières analyses faites sur ce vaste sujet, dès le printemps 1943, par Emile SÉVERAC, journaliste spécialiste de l’aviation bien connu qui écrivait beaucoup à cette époque. Le texte qui a été publié en trois partie dans la revue « L’Air » (mars, avril, mai 1943), soumise bien entendu à la censure de l’époque, a été remis en forme au plus près de l’original dans un document accessible par le lien ci-dessous :

 

Dans le Ciel de France - Emile SÉVERAC

 

Rappel des liens permettant d’atteindre les principales annexes à cette page

Album des photographies n°V de Joseph Bibert – Novembre 1939 à mai 1940

Les missions du Groupement 23 et du Groupe de Chasse GC III/6 en décembre 1939

10 mars 1949 – Reportage photographique du Service Cinématographique de l’Armée de l’Air à Wez Thuisy

Liste des Morane 406 utilisés par le Groupe GC III/6 de septembre 1939 à juin 1940

La Campagne de France du GC III/6 au jour le jour

 

Poursuivre l’histoire du GC III/6 : III. l’A.F.N.

Vers la troisième partie

 

Revenir au tout début : I. de CHARTRES à BOUILLANCY

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Ce site a été créée en juin 2008, et le début de « l’Histoire des Hommes du Groupe GC III/6 » a été mis en ligne en septembre. Depuis, ce sont les nombreuses annexes à cette page (voir ci-dessous) dont les biographies de certaines « Figures » de ce célèbre Groupe qui ont été rédigées et mises en ligne. D’autres pourront encore être ajoutées. Toutes ces pages ne sont pas figées et elles sont modifiées et complétées au fur et à mesure que des informations nouvelles sont connues et que de nouveaux documents sont mis à la disposition de l’Auteur... Merci aux nombreux contributeurs ! C’est le point fort d’Internet que de pouvoir procéder ainsi pour les études historiques...

 

 

SOMMAIRE de cette « HISTOIRE DU GC III/6 »

Au GC III/6

EN FRANCE

Première partie :

Avant la guerre

L’entrée en guerre : de CHARTRES à VILLACOUBLAY

BETZ BOUILLANCY (3/09/1939 15/11/1939)

Seconde partie :

WEZ THUISY (15/11/1939 – 30/04/1940)

CHISSEY SUR LOUE (30/04/1940 – 20/05/1940

COULOMMIERS (20/05/1940 – 31/05/1940)

LE LUC (31/05/1940 – 18/06/1940)

 

Vers et en A.F.N.

Troisième partie :

PERGIGNAN LA SALANQUE (18/06/1940 – 20/06/1940)

LE TRANSFERT EN ALGÉRIE

ALGER MAISON BLANCHE (20/06/1940 - 24/06/1940)

CONSTANTINE (24/06/1940 – 11/07/1940)

ALGER MAISON BLANCHE (11/07/1940 – 21/01/1943)

AÏN SEFRA (21/01/1943 – 19/06/1943)

PORT-SAY – BERKRANE (19/06/1943 – 03/08/1943)

LAPASSET (03/08/1943 – 25/04/1944)...

Joseph BIBERT : à Alger dans le corps des interprètes...

 

Avec la première Escadre de Chasse

GC I/3 « Corse » - GC I/7 « Provence » - GC II/7 « Nice »

LA LIBÉRATION DE LA FRANCE

LUXEUIL (21/10/1944 - 25/12/1944)

HAGUENAU - BISCHWILLER (25/12/1944 - 01/01/1945)

TOUL – OCHEY (01/01/45 - 14/01/45)

ESSEY LES NANCY (14/01/1945 - ...)

etc...

 

 

 

Quelques articles de presse parlant de l’aviation française au début de l’hiver 1939/1940

 

Le « Figaro » du 25 novembre 1939 : « Un Junkers tombe en flammes dans nos ligne »

Voir les meilleures pages consacrées au GC III/6 de ce domaine référencées par Google

 

 

Le CDcomplet de la carrière de Joseph Adolphe BIBERT

Le CD complet de la carrière militaire de Joseph Bibert

(document familial - diffusion restreinte)

 

 

 

 

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